412 Mais pourquoi Dieu n’a-t-il pas empêché
le premier homme de pécher ? S. Léon le Grand répond :
" La grâce ineffable du Christ nous a donné des biens
meilleurs que ceux que l’envie du démon nous avait ôtés "
(serm. 73, 4 : PL 54, 396). Et S. Thomas d’Aquin : " Rien
ne s’oppose à ce que la nature humaine ait été destinée à une fin
plus haute après le péché. Dieu permet, en effet, que les maux se
fassent pour en tirer un plus grand bien. D’où le mot de S. Paul :
‘Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé’ (Rm 5, 20).
Et le chant de l’‘Exultet’ : ‘O heureuse faute qui a mérité
un tel et un si grand Rédempteur’ " (S. Thomas d’A., s.
th. 3, 1, 3, ad 3 ; l’Exsultet chante ces paroles de saint
Thomas).
En bref
413 " Dieu n’a pas fait la mort, il ne
se réjouit pas de la perte des vivants (...). C’est par l’envie
du diable que la mort est entrée dans le monde " (Sg 1, 13 ;
2, 24).
414 Satan ou le diable et les autres démons sont
des anges déchus pour avoir librement refusé de servir Dieu et son
dessein. Leur choix contre Dieu est définitif. Ils tentent
d’associer l’homme à leur révolte contre Dieu.
415 " Établi par Dieu dans un état de
sainteté, l’homme séduit par le Malin, dès le début de
l’histoire, a abusé de sa liberté, en se dressant contre Dieu et
en désirant parvenir à sa fin hors de Dieu " (GS 13, §
1).
416 Par son péché, Adam, en tant que premier
homme, a perdu la sainteté et la justice originelles qu’il avait reçues
de Dieu non seulement pour lui, mais pour tous les humains.
417 A leur descendance, Adam et Eve ont transmis la
nature humaine blessée par leur premier péché, donc privée de la
sainteté et la justice originelles. Cette privation est appelée
" péché originel ".
418 En conséquence du péché originel, la nature
humaine est affaiblie dans ses forces, soumise à l’ignorance, à la
souffrance et à la domination de la mort, et inclinée au péché
(inclination appelée " concupiscence ").
419 " Nous tenons donc, avec le Concile
de Trente, que le péché originel est transmis avec la nature
humaine, ‘non par imitation, mais par propagation’, et qu’il est
ainsi ‘propre à chacun’ " (SPF 16).
420 La victoire sur le péché remportée par le
Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que le péché nous
avait ôtés : " La où le péché a abondé, la grâce
a surabondé " (Rm 5, 20).
421 " Pour la foi des chrétiens, ce
monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du créateur ;
il est tombé, certes, sous l’esclavage du péché, mais le Christ,
par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et
l’a libéré... " (GS 2, § 2).
CHAPITRE DEUXIÈME
JE CROIS EN JÉSUS-CHRIST, LE FILS UNIQUE DE DIEU
La Bonne Nouvelle : Dieu a envoyé son Fils
422 " Mais quand vint la plénitude du
temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la loi,
afin de racheter les sujets de la loi, afin de nous conférer l’adoption
filiale " (Ga 4, 4-5). Voici " la Bonne Nouvelle
touchant Jésus-Christ, Fils de Dieu " (Mc 1, 1) : Dieu a
visité son peuple (cf. Lc 1, 68), il a accompli les promesses faites à
Abraham et à sa descendance (cf. Lc 1, 55) ; il l’a fait
au-delà de toute attente : Il a envoyé son " Fils
bien-aimé " (Mc 1, 11).
423 Nous croyons et confessons que Jésus de
Nazareth, né juif d’une fille d’Israël, à Bethléem, au temps du
roi Hérode le Grand et de l’empereur César Auguste ; de son
métier charpentier, mort crucifié à Jérusalem, sous le procureur
Ponce Pilate, pendant le règne de l’empereur Tibère, est le Fils
éternel de Dieu fait homme, qu’il est " sorti de
Dieu " (Jn 13, 3), " descendu du ciel "
(Jn 3, 13 ; 6, 33), " venu dans la chair " (1
Jn 4, 2), car " le Verbe s’est fait chair et il a habité
parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son
Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité (...). Oui, de
sa plénitude nous avons tous reçu et grâce pour grâce "
(Jn 1, 14. 16).
424 Mûs par la grâce de l’Esprit Saint et
attirés par le Père nous croyons et nous confessons au sujet de
Jésus : " Tu es le Christ, le Fils du Dieu
Vivant " (Mt 16, 16). C’est sur le roc de cette foi,
confessée par S. Pierre, que le Christ a bâti son Église (cf. Mt 16,
18 ; S. Léon le Grand, serm. 4, 3 : PL 54, 151 ; 51,
1 : PL 54, 309B ; 62, 2 : PL 350C-351A ; 83,
3 : PL 54, 432A).
" Annoncer l’insondable richesse du
Christ " (Ep 3, 8)
425 La transmission de la foi chrétienne, c’est
d’abord l’annonce de Jésus-Christ, pour conduire à la foi en Lui.
Dès le commencement, les premiers disciples ont brûlé du désir d’annoncer
le Christ : " Nous ne pouvons pas, quant à nous, ne pas
publier ce que nous avons vu et entendu " (Ac 4, 20). Et ils
invitent les hommes de tous les temps à entrer dans la joie de leur
communion avec le Christ :
Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu
de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont
touché du Verbe de vie ; – car la vie s’est
manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage
et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était auprès du
Père et qui nous est apparue ; – ce que nous avons vu et
entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi vous soyez en
communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le
Père et avec son Fils Jésus-Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons
pour que notre joie soit complète (1 Jn 1, 1-4).
Au cœur de la catéchèse : le Christ
426 " Au cœur de la catéchèse nous
trouvons essentiellement une Personne, celle de Jésus de Nazareth, Fils
unique du Père (...), qui a souffert et qui est mort pour nous et qui
maintenant, ressuscité, vit avec nous pour toujours (...). Catéchiser
(...), c’est dévoiler dans la Personne du Christ tout le dessein
éternel de Dieu. C’est chercher à comprendre la signification des
gestes et des paroles du Christ, des signes réalisés par
lui " (CT 5). Le but de la catéchèse :
" Mettre en communion avec Jésus-Christ : lui seul peut
conduire à l’amour du Père dans l’Esprit et nous faire participer
à la vie de la Trinité Sainte " (ibid.).
427 " Dans la catéchèse, c’est le
Christ, Verbe incarné et Fils de Dieu, qui est enseigné – tout le
reste l’est en référence à lui ; et seul le Christ enseigne,
tout autre le fait dans la mesure où il est son porte-parole,
permettant au Christ d’enseigner par sa bouche (...). Tout catéchiste
devrait pouvoir s’appliquer à lui-même la mystérieuse parole de
Jésus : ‘Ma doctrine n’est pas de moi, mais de celui qui m’a
envoyé’ (Jn 7, 16) " (ibid., 6).
428 Celui qui est appelé à
" enseigner le Christ ", doit donc d’abord
chercher " ce gain suréminent qu’est la connaissance du
Christ " ; il faut " accepter de tout perdre
(...) afin de gagner le Christ et d’être trouvé en lui ",
et de " le connaître, lui, avec la puissance de sa
résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme
dans la mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les
morts " (Ph 3, 8-11).
429 C’est de cette connaissance amoureuse du
Christ que jaillit le désir de L’annoncer, d’" évangéliser ",
et de conduire d’autres au " oui " de la foi en
Jésus-Christ. Mais en même temps se fait sentir le besoin de toujours
mieux connaître cette foi. A cette fin, en suivant l’ordre du Symbole
de la foi, seront d’abord présentés les principaux titres de
Jésus : le Christ, le Fils de Dieu, le Seigneur (article 2).
Le Symbole confesse ensuite les principaux mystères de la vie du
Christ : ceux de son Incarnation (article 3), ceux de sa
Pâque (articles
4 et 5), enfin ceux de sa glorification (articles 6 et 7).
ARTICLE 2
" ET EN JÉSUS-CHRIST, SON FILS UNIQUE,
NOTRE SEIGNEUR "
I. Jésus
430 Jésus veut dire en hébreu :
" Dieu sauve ". Lors de l’Annonciation, l’ange
Gabriel lui donne comme nom propre le nom de Jésus qui exprime à la
fois son identité et sa mission (cf. Lc 1, 31). Puisque
" Dieu seul peut remettre les péchés " (Mc 2, 7),
c’est lui qui, en Jésus, son Fils éternel fait homme
" sauvera son peuple de ses péchés " (Mt 1, 21).
En Jésus, Dieu récapitule ainsi toute son histoire de salut en faveur
des hommes.
431 Dans l’histoire du salut, Dieu ne s’est
pas contenté de délivrer Israël de " la maison de
servitude " (Dt 5, 6) en le faisant sortir d’Égypte. Il le
sauve encore de son péché. Parce que le péché est toujours une
offense faite à Dieu (cf. Ps 51, 6), c’est Lui seul qui peut l’absoudre
(cf. Ps 51, 12). C’est pourquoi Israël, en prenant de plus en plus
conscience de l’universalité du péché, ne pourra plus chercher le
salut que dans l’invocation du nom du Dieu Rédempteur (cf. Ps 79, 9).
432 Le nom de Jésus signifie que le nom même de
Dieu est présent en la personne de son Fils (cf. Ac 5, 41 ; 3 Jn
7) fait homme pour la rédemption universelle et définitive des
péchés. Il est le nom divin qui seul apporte le salut (cf. Jn 3,
5 ; Ac 2, 21) et il peut désormais être invoqué de tous car il s’est
uni à tous les hommes par l’Incarnation (cf. Rm 10, 6-13) de telle
sorte qu’" il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné
aux hommes par lequel nous puissions être sauvés " (Ac 4,
12 ; cf. Ac 9, 14 ; Jc 2, 7).
433 Le nom du Dieu Sauveur était invoqué une
seule fois par an par le grand prêtre pour l’expiation des péchés d’Israël,
quand il avait aspergé le propitiatoire du Saint des Saints avec le
sang du sacrifice (cf. Lv 16, 15-16 ; Si 50, 20 ; He 9, 7). Le
propitiatoire était le lieu de la présence de Dieu (cf. Ex 25,
22 ; Lv 16, 2 ; Nb 7, 89 ; He 9, 5). Quand S. Paul dit de
Jésus que " Dieu l’a destiné à être propitiatoire par
son propre sang " (Rm 3, 25), il signifie que dans l’humanité
de celui-ci, " c’était Dieu qui dans le Christ se
réconciliait le monde " (2 Co 5, 19).
434 La Résurrection de Jésus glorifie le nom du
Dieu Sauveur (cf. Jn 12, 28) car désormais, c’est le nom de Jésus
qui manifeste en plénitude la puissance suprême du " nom
au-dessus de tout nom " (Ph 2, 9-10). Les esprits mauvais
craignent son nom (cf. Ac 16, 16-18 ; 19, 13-16) et c’est en son
nom que les disciples de Jésus font des miracles (cf. Mc 16, 17), car
tout ce qu’ils demandent au Père en son nom, celui-ci le leur accorde
(Jn 15, 16).
435 Le nom de Jésus est au cœur de la prière
chrétienne. Toutes les oraisons liturgiques se concluent par la formule
" par notre Seigneur Jésus-Christ ". Le
" Je vous salue, Marie " culmine dans " et
Jésus, le fruit de tes entrailles, est béni ". La prière du
cœur orientale appelée " prière à Jésus "
dit : " Jésus-Christ, Fils de Dieu, Seigneur prend
pitié de moi pécheur ". De nombreux chrétiens meurent en
ayant, comme Ste Jeanne d’Arc, le seul mot de
" Jésus " aux lèvres (cf. P. Doncoeur et Y.
Lanhers, La réhabilitation de Jeanne la Pucelle, p. 39. 45. 56).
II. Christ
436 Christ vient de la traduction grecque du
terme hébreu " Messie " qui veut dire
" oint ". Il ne devient le nom propre de Jésus que
parce que celui-ci accomplit parfaitement la mission divine qu’il
signifie. En effet en Israël étaient oints au nom de Dieu ceux qui lui
étaient consacrés pour une mission venant de lui. C’était le cas
des rois (cf. 1 S 9, 16 ; 10, 1 ; 16, 1. 12-13 ; 1 R 1,
39), des prêtres (cf. Ex 29, 7 ; Lv 8, 12) et, en de rares cas,
des prophètes (cf. 1 R 19, 16). Ce devait être par excellence le cas
du Messie que Dieu enverrait pour instaurer définitivement son Royaume
(cf. Ps 2, 2 ; Ac 4, 26-27). Le Messie devait être oint par l’Esprit
du Seigneur (cf. Is 11, 2) à la fois comme roi et prêtre (cf. Za 4,
14 ; 6, 13) mais aussi comme prophète (cf. Is 61, 1 ; Lc 4,
16-21). Jésus a accompli l’espérance messianique d’Israël dans sa
triple fonction de prêtre, de prophète et de roi .
437 L’ange a annoncé aux bergers la naissance
de Jésus comme celle du Messie promis à Israël :
" Aujourd’hui, dans la ville de David vous est né un
Sauveur qui est le Christ Seigneur " (Lc 2, 11). Dès l’origine
il est " celui que le Père a consacré et envoyé dans le
monde " (Jn 10, 36), conçu comme
" saint " (Lc 1, 35) dans le sein virginal de Marie.
Joseph a été appelé par Dieu à " prendre chez lui Marie
son épouse " enceinte de " ce qui a été engendré
en elle par l’Esprit Saint " (Mt 1, 21) afin que Jésus
" que l’on appelle Christ " naisse de l’épouse
de Joseph dans la descendance messianique de David (Mt 1, 16 ; cf.
Rm 1, 3 ; 2 Tm 2, 8 ; Ap 22, 16).
438 La consécration messianique de Jésus
manifeste sa mission divine. " C’est d’ailleurs ce qu’indique
son nom lui-même, car dans le nom de Christ est sous-entendu Celui qui
a oint, Celui qui a été oint et l’Onction même dont il a été
oint : Celui qui a oint, c’est le Père, Celui qui a été oint,
c’est le Fils, et il l’a été dans l’Esprit qui est l’Onction "
(S. Irénée, hær. 3, 18, 3). Sa consécration messianique éternelle s’est
révélée dans le temps de sa vie terrestre lors de son baptême par
Jean quand " Dieu l’a oint de l’Esprit Saint et de
puissance " (Ac 10, 38) " pour qu’il fût
manifesté à Israël " (Jn 1, 31) comme son Messie. Ses
œuvres et ses paroles le feront connaître comme " le saint
de Dieu " (Mc 1, 24 ; Jn 6, 69 ; Ac 3, 14).
439 De nombreux juifs et même certains païens
qui partageaient leur espérance ont reconnu en Jésus les traits
fondamentaux du " fils de David " messianique promis
par Dieu à Israël (cf. Mt 2, 2 ; 9, 27 ; 12, 23 ; 15,
22 ; 20, 30 ; 21, 9. 15). Jésus a accepté le titre de Messie
auquel il avait droit (cf. Jn 4, 25-26 ; 11, 27), mais non sans
réserve parce que celui-ci était compris par une partie de ses
contemporains selon une conception trop humaine (cf. Mt 22, 41-46),
essentiellement politique (cf. Jn 6, 15 ; Lc 24, 21).
440 Jésus a accueilli la profession de foi de
Pierre qui le reconnaissait comme le Messie en annonçant la passion
prochaine du Fils de l’Homme (cf. Mt 16, 16-23). Il a dévoilé le
contenu authentique de sa royauté messianique à la fois dans l’identité
transcendante du Fils de l’Homme " qui est descendu du
ciel " (Jn 3, 13 ; cf. Jn 6, 62 ; Dn 7, 13) et dans
sa mission rédemptrice comme Serviteur souffrant : " Le
Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et
donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28 ;
cf. Is 53, 10-12). C’est pourquoi le vrai sens de sa royauté n’est
manifesté que du haut de la Croix (cf. Jn 19, 19-22 ; Lc 23,
39-43). C’est seulement après sa Résurrection que sa royauté
messianique pourra être proclamée par Pierre devant le Peuple de
Dieu : " Que toute la maison d’Israël le sache avec
certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous,
vous avez crucifié " (Ac 2, 36).
III. Fils unique de Dieu
441 Fils de Dieu, dans l’Ancien Testament, est
un titre donné aux anges (cf. Dt 32, 8 ; Jb 1, 6), au peuple de l’Élection
(cf. Ex 4, 22 ; Os 11, 1 ; Jr 3, 19 ; Si 36, 11 ; Sg
18, 13), aux enfants d’Israël (cf. Dt 14, 1 ; Os 2, 1) et à
leurs rois (cf. 2 S 7, 14 ; Ps 82, 6). Il signifie alors une
filiation adoptive qui établit entre Dieu et sa créature des relations
d’une intimité particulière. Quand le Roi-Messie promis est dit
" fils de Dieu " (cf. 1 Ch 17, 13 ; Ps 2, 7),
cela n’implique pas nécessairement, selon le sens littéral de ces
textes, qu’il soit plus qu’humain. Ceux qui ont désigné ainsi
Jésus en tant que Messie d’Israël (cf. Mt 27, 54) n’ont peut-être
pas voulu dire davantage (cf. Lc 23, 47).
442 Il n’en va pas de même pour Pierre quand
il confesse Jésus comme " le Christ, le Fils du Dieu
vivant " (Mt 16, 16) car celui-ci lui répond avec
solennité : " Cette
révélation ne t’est pas venue de la chair et du sang mais de
mon Père qui est dans les cieux " (Mt 16, 17).
Parallèlement Paul dira à propos de sa conversion sur le chemin de
Damas : " Quand Celui qui dès le sein maternel m’a mis
à part et appelé par sa grâce daigna révéler en moi son Fils pour
que je l’annonce parmi les païens... " (Ga 1, 15-16).
" Aussitôt il se mit à prêcher Jésus dans les synagogues,
proclamant qu’il est le Fils de Dieu " (Ac 9, 20). Ce sera
dès le début (cf. 1 Th 1, 10) le centre de la foi apostolique (cf. Jn
20, 31) professée d’abord par Pierre comme fondement de l’Église
(cf. Mt 16, 18).
443 Si Pierre a pu reconnaître le caractère
transcendant de la filiation divine de Jésus Messie, c’est que
celui-ci l’a nettement laissé entendre. Devant le Sanhédrin, à la
demande de ses accusateurs : " Tu es donc le Fils de
Dieu ", Jésus a répondu : " Vous le dites
bien, je le suis " (Lc 22, 70 ; cf. Mt 26, 64 ; Mc
14, 61). Bien avant déjà, Il s’est désigné comme " le
Fils " qui connaît le Père (cf. Mt 11, 27 ; 21, 37-38),
qui est distinct des " serviteurs " que Dieu a
auparavant envoyés à son peuple (cf. Mt 21, 34-36), supérieur aux
anges eux-mêmes (cf. Mt 24, 36). Il a distingué sa filiation de celle
de ses disciples en ne disant jamais " notre Père "
(cf. Mt 5, 48 ; 6, 8 ; 7, 21 ; Lc 11, 13) sauf pour leur
ordonner " vous donc priez ainsi : Notre
Père " (Mt 6, 9) ; et il a souligné cette
distinction : " Mon Père et votre Père " (Jn
20, 17).
444 Les Évangiles rapportent en deux moments
solennels, le Baptême et la transfiguration du Christ, la voix du Père
qui Le désigne comme son " Fils bien-aimé " (cf.
Mt 3, 17 ; 17, 5). Jésus se désigne Lui-même comme
" le Fils Unique de Dieu " (Jn 3, 16) et affirme par
ce titre sa préexistence éternelle (cf. Jn 10, 36). Il demande la foi
" au nom du Fils unique de Dieu " (Jn 3, 18). Cette
confession chrétienne apparaît déjà dans l’exclamation du
centurion face à Jésus en croix : " Vraiment cet homme
était Fils de Dieu " (Mc 15, 39). Dans le mystère pascal
seulement le croyant peut donner sa portée ultime au titre de
" Fils de Dieu ".
445 C’est après sa Résurrection que sa
filiation divine apparaît dans la puissance de son humanité
glorifiée : " Selon l’Esprit qui sanctifie, par sa
Résurrection d’entre les morts, il a été établi comme Fils de Dieu
dans sa puissance " (Rm 1, 4 ; cf. Ac 13, 33). Les
apôtres pourront confesser : " Nous avons vu sa gloire,
gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et
de vérité " (Jn 1, 14).
IV. Seigneur
446 Dans la traduction grecque des livres de l’Ancien
Testament, le nom ineffable sous lequel Dieu s’est révélé à Moïse
(cf. Ex 3, 14), YHWH, est rendu par Kyrios
(" Seigneur ").
Seigneur devient dès lors le nom le plus habituel pour
désigner la divinité même du Dieu d’Israël. C’est dans ce sens
fort que le Nouveau Testament utilise le titre de
" Seigneur " à la fois pour le Père, mais aussi,
et c’est là la nouveauté, pour Jésus reconnu ainsi comme Dieu
lui-même (cf. 1 Co 2, 8).
447 Jésus lui-même s’attribue de façon
voilée ce titre lorsqu’il discute avec les Pharisiens sur le sens du
Psaume 109 (cf. Mt 22, 41-46 ; cf. aussi Ac 2, 34-36 ; He 1,
13), mais aussi de manière explicite en s’adressant à ses apôtres
(cf. Jn 13, 13). Tout au long de sa vie publique ses gestes de
domination sur la nature, sur les maladies, sur les démons, sur la mort
et le péché, démontraient sa souveraineté divine.
448 Très souvent, dans les Évangiles, des
personnes s’adressent à Jésus en l’appelant
" Seigneur ". Ce titre exprime le respect et la
confiance de ceux qui s’approchent de Jésus et qui attendent de lui
secours et guérison (cf. Mt 8, 2 ; 14, 30 ; 15, 22 ;
e.a.). Sous la motion de l’Esprit Saint, il exprime la reconnaissance
du mystère divin de Jésus (cf. Lc 1, 43 ; 2, 11). Dans la
rencontre avec Jésus ressuscité, il devient adoration :
" Mon Seigneur et mon Dieu ! " (Jn 20, 28). Il
prend alors une connotation d’amour et d’affection qui va rester le
propre de la tradition chrétienne : " C’est le
Seigneur ! " (Jn 21, 7).
449 En attribuant à Jésus le titre divin de
Seigneur, les premières confessions de foi de l’Église affirment,
dès l’origine (cf. Ac 2, 34-36), que le pouvoir, l’honneur et la
gloire dus à Dieu le Père conviennent aussi à Jésus (cf. Rm 9,
5 ; Tt 2, 13 ; Ap 5, 13) parce qu’il est de
" condition divine " (Ph 2, 6) et que le Père a
manifesté cette souveraineté de Jésus en le ressuscitant des morts et
en l’exaltant dans sa gloire (cf. Rm 10, 9 ; 1 Co 12, 3 ; Ph
2, 11).
450 Dès le commencement de l’histoire
chrétienne, l’affirmation de la seigneurie de Jésus sur le monde et
sur l’histoire (cf. Ap 11, 15) signifie aussi la reconnaissance que l’homme
ne doit soumettre sa liberté personnelle, de façon absolue, à aucun
pouvoir terrestre, mais seulement à Dieu le Père et au Seigneur
Jésus-Christ : César n’est pas " le
Seigneur " (cf. Mc 12, 17 ; Ac 5, 29). " L’Église
croit (...) que la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine
se trouve en son Seigneur et Maître " (GS 10, § 2 ; cf.
45, § 2).
451 La prière chrétienne est marquée par le
titre " Seigneur ", que ce soit l’invitation à la
prière " le Seigneur soit avec vous ", ou la
conclusion de la prière " par Jésus-Christ notre
Seigneur " ou encore le cri plein de confiance et d’espérance :
" Maran
atha " (" le Seigneur vient ! ")
ou " Marana tha " (" Viens,
Seigneur ! ") (1 Co 16, 22) : " Amen,
viens, Seigneur Jésus ! " (Ap 22, 20).
En bref
452 Le nom de Jésus signifie " Dieu
qui sauve ". L’enfant né de la Vierge Marie est appelé
" Jésus " " car c’est Lui qui
sauvera son peuple de ses péchés " (Mt 1, 21) :
" Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux
hommes par lequel il nous faille être sauvés " (Ac 4,
12).
453 Le nom de Christ signifie
" oint ", " Messie ". Jésus
est le Christ car " Dieu L’a oint de l’Esprit Saint et
de puissance " (Ac 10, 38). Il était " celui
qui doit venir " (Lc 7, 19), l’objet de " l’espérance
d’Israël " (Ac 28, 20).
454 Le nom de Fils de Dieu signifie la relation
unique et éternelle de Jésus-Christ à Dieu son Père : Il
est le Fils unique du Père (cf. Jn 1, 14. 18 ; 3, 16. 18) et
Dieu lui-même (cf. Jn 1, 1). Croire que Jésus-Christ est le Fils
de Dieu est nécessaire pour être chrétien (cf. Ac 8, 37 ; 1
Jn 2, 23).
455 Le nom de Seigneur signifie la souveraineté
divine. Confesser ou invoquer Jésus comme Seigneur, c’est croire
en sa divinité. " Nul ne peut dire ‘Jésus est Seigneur’
s’il n’est avec l’Esprit Saint " (1 Co 12, 3).
ARTICLE 3
" JÉSUS-CHRIST A ÉTÉ CONÇU DU SAINT-ESPRIT, IL EST NÉ DE
LA VIERGE MARIE "
Paragraphe 1. Le Fils de Dieu s’est fait homme
I. Pourquoi le Verbe s’est-il fait chair
456 Avec le Credo de Nicée-Constantinople, nous
répondons en confessant : " Pour nous les hommes et
pour notre salut Il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint,
Il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme ".
457 Le Verbe s’est fait chair pour nous
sauver en nous réconciliant avec Dieu : " C’est
Dieu qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de
propitiation pour nos péchés " (1 Jn 4, 10). " Le
Père a envoyé son Fils, le sauveur du monde " (1 Jn 4, 14).
" Celui-là a paru pour ôter les péchés " (1 Jn
3, 5) :
Malade, notre nature demandait à être
guérie ; déchue, à être relevée ; morte, à être
ressuscitée. Nous avions perdu la possession du bien, il fallait
nous la rendre. Enfermés dans les ténèbres, il fallait nous
porter la lumière ; captifs, nous attendions un sauveur ;
prisonniers, un secours ; esclaves, un libérateur. Ces
raisons-là étaient-elles sans importance ? Ne
méritaient-elles pas d’émouvoir Dieu au point de le faire
descendre jusqu’à notre nature humaine pour la visiter, puisque l’humanité
se trouvait dans un état si misérable et si malheureux ? (S.
Grégoire de Nysse, or. catech. 15 : PG 45, 48B).
458 Le Verbe s’est fait chair pour que nous
connaissions ainsi l’amour de Dieu : " En ceci s’est
manifesté l’amour de Dieu pour nous : Dieu a envoyé son Fils
unique dans le monde afin que nous vivions par lui " (1 Jn 4,
9). " Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils
unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie
éternelle " (Jn 3, 16).
459 Le Verbe s’est fait chair pour être
notre modèle de sainteté : " Prenez sur vous mon
joug et apprenez de moi... " (Mt 11, 29). " Je suis
la voie, la vérité et la vie ; nul ne vient au Père sans passer
par moi " (Jn 14, 6). Et le Père, sur la montagne de la
Transfiguration, ordonne : " Écoutez-le " (Mc
9, 7 ; cf. Dt 6, 4-5). Il est en effet le modèle des Béatitudes
et la norme de la Loi nouvelle : " Aimez-vous les uns les
autres comme je vous ai aimés " (Jn 15, 12). Cet amour
implique l’offrande effective de soi-même à sa suite (cf. Mc 8, 34).
460 Le Verbe s’est fait chair pour nous
rendre " participants de la nature divine " (2 P
1, 4) : " Car telle est la raison pour laquelle le Verbe
s’est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : c’est
pour que l’homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant
ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu " (S.
Irénée, hær. 3, 19, 1). " Car le Fils de Dieu s’est fait
homme pour nous faire Dieu " (S. Athanase, inc. 54, 3 :
PG 25, 192B). " Le Fils unique de Dieu, voulant que nous
participions à sa divinité, assuma notre nature, afin que Lui, fait
homme, fit les hommes Dieu " (S. Thomas d’A., opusc. 57 in
festo Corp. Chr. 1).
II. L’Incarnation
461 Reprenant l’expression de S. Jean
(" Le Verbe s’est fait chair " : Jn 1, 14), l’Église
appelle " Incarnation " le fait que le Fils de Dieu
ait assumé une nature humaine pour accomplir en elle notre salut. Dans
une hymne attestée par S. Paul, l’Église chante le mystère de l’Incarnation :
" Ayez entre vous les mêmes sentiments
qui furent dans le Christ Jésus : Lui, de condition divine, ne
retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit
lui-même prenant condition d’esclave et devenant semblable aux
hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus
encore, obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la
Croix ! " (Ph 2, 5-8 ; cf. LH, cantique des
Vêpres du samedi).
462 L’épître aux Hébreux parle du même
mystère :
C’est pourquoi, en entrant dans le monde, le
Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ;
mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocauste
ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit : Voici, je
viens (...) pour faire ta volonté (He 10, 5-7, citant Ps 40, 7-9
LXX).
463 La foi en l’Incarnation véritable du Fils
de Dieu est le signe distinctif de la foi chrétienne :
" A ceci reconnaissez l’esprit de Dieu : Tout esprit
qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair est de Dieu " (1
Jn 4, 2). C’est là la joyeuse conviction de l’Église dès son
commencement, lorsqu’elle chante " le grand mystère de la
piété " : " Il a été manifesté dans la
chair " (1 Tm 3, 16).
III. Vrai Dieu et vrai homme
464 L’événement unique et tout à fait
singulier de l’Incarnation du Fils de Dieu ne signifie pas que
Jésus-Christ soit en partie Dieu et en partie homme, ni qu’il soit le
résultat du mélange confus entre le divin et l’humain. Il s’est
fait vraiment homme en restant vraiment Dieu. Jésus-Christ est vrai
Dieu et vrai homme. Cette vérité de foi, l’Église a dû la
défendre et la clarifier au cours des premiers siècles face à des
hérésies qui la falsifiaient.
465 Les premières hérésies ont moins nié la
divinité du Christ que son humanité vraie (docétisme gnostique). Dès
les temps apostolique la foi chrétienne a insisté sur la vraie
incarnation du Fils de Dieu, " venu dans la chair "
(cf. 1 Jn 4, 2-3 ; 2 Jn 7). Mais dès le troisième siècle, l’Église
a dû affirmer contre Paul de Samosate, dans un Concile réuni à
Antioche, que Jésus-Christ est Fils de Dieu par nature et non par
adoption. Le premier Concile œcuménique de Nicée, en 325, confessa
dans son Credo que le Fils de Dieu est " engendré, non pas
créé, de la même substance (homousios – DS 125) que le
Père " et condamna Arius qui affirmait que " le
Fils de Dieu est sorti du néant " (DS 130) et qu’il serait
" d’une autre substance que le Père " (DS 126).
466 L’hérésie nestorienne voyait dans le
Christ une personne humaine conjointe à la personne divine du Fils de
Dieu. Face à elle S. Cyrille d’Alexandrie et le troisième Concile
œcuménique réuni à Ephèse en 431 ont confessé que " le
Verbe, en s’unissant dans sa personne une chair animée par une âme
rationnelle, est devenu homme " (DS 250). L’humanité du
Christ n’a d’autre sujet que la personne divine du Fils de Dieu qui
l’a assumée et faite sienne dès sa conception. Pour cela le Concile
d’Ephèse a proclamé en 431 que Marie est devenue en toute vérité
Mère de Dieu par la conception humaine du Fils de Dieu dans son
sein : " Mère de Dieu, non parce que le Verbe de Dieu a
tiré d’elle sa nature divine, mais parce que c’est d’elle qu’il
tient le corps sacré doté d’une âme rationnelle, uni auquel en sa
personne le Verbe est dit naître selon la chair " (DS 251).
467 Les monophysites affirmaient que la nature
humaine avait cessé d’exister comme telle dans le Christ en étant
assumée par sa personne divine de Fils de Dieu. Confronté à cette
hérésie, le quatrième Concile œcuménique, à Chalcédoine, a
confessé en 451 :
A la suite des saints Pères, nous enseignons
unanimement à confesser un seul et même Fils, notre Seigneur
Jésus-Christ, le même parfait en divinité et parfait en
humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme, composé d’une
âme rationnelle et d’un corps, consubstantiel au Père selon la
divinité, consubstantiel à nous selon l’humanité,
" semblable à nous en tout, à l’exception du
péché " (He 4, 15) ; engendré du Père avant tout
les siècles selon la divinité, et en ces derniers jours, pour nous
et pour notre salut, né de la Vierge Marie, Mère de Dieu, selon l’humanité.
Un seul et même Christ, Seigneur, Fils unique,
que nous devons reconnaître en deux natures, sans confusion, sans
changement, sans division, sans séparation. La différence des
natures n’est nullement supprimée par leur union, mais plutôt
les propriétés de chacune sont sauvegardées et réunies en une
seule personne et une seule hypostase (DS 301-302).
468 Après le Concile de Chalcédoine, certains
firent de la nature humaine du Christ une sorte de sujet personnel.
Contre eux, le cinquième Concile œcuménique, à Constantinople en
553, a confessé à propos du Christ : " Il n’y a qu’une
seule hypostase [ou personne], qui est notre Seigneur Jésus-Christ,
un de la Trinité " (DS 424). Tout dans l’humanité
du Christ doit donc être attribué à sa personne divine comme à son
sujet propre (cf. déjà Cc. Ephèse : DS 255), non seulement les
miracles mais aussi les souffrances (cf. DS 424) et même la mort :
" Celui qui a été crucifié dans la chair, notre Seigneur
Jésus-Christ, est vrai Dieu, Seigneur de la gloire et Un de la sainte
Trinité " (DS 432).
469 L’Église confesse ainsi que Jésus est
inséparablement vrai Dieu et vrai homme. Il est vraiment le Fils de
Dieu qui s’est fait homme, notre frère, et cela sans cesser d’être
Dieu, notre Seigneur :
" Il resta ce qu’Il était, Il assuma
ce qu’il n’était pas ", chante la liturgie romaine
(LH, In Solemnitate Sanctae Dei Genetricis Mariae, antiphona ad
" Benedictus "; cf. S. Léon le Grand, serm. 21,
2 : PL 54, 192A). Et la liturgie de S. Jean Chrysostome
proclame et chante : " O Fils unique et Verbe de
Dieu, étant immortel, tu as daigné pour notre salut t’incarner
de la sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie, qui sans
changement es devenu homme, et qui as été crucifié, O Christ
Dieu, qui, par ta mort as écrasé la mort, qui es Un de la Sainte
Trinité, glorifié avec le Père et le Saint-Esprit,
sauve-nous ! " (Tropaire " O
monoghenis ").
IV. Comment le Fils de Dieu est-il homme ?
470 Parce que dans l’union mystérieuse de l’Incarnation
" la nature humaine a été assumée, non
absorbée " (GS 22, § 2), l’Église a été amenée au
cours des siècles à confesser la pleine réalité de l’âme humaine,
avec ses opérations d’intelligence et de volonté, et du corps humain
du Christ. Mais parallèlement, elle a eu à rappeler à chaque fois que
la nature humaine du Christ appartient en propre à la personne divine
du Fils de Dieu qui l’a assumée. Tout ce qu’il est et ce qu’il
fait en elle relève " d’Un de la Trinité ". Le
Fils de Dieu communique donc à son humanité son propre mode d’exister
personnel dans la Trinité. Ainsi, dans son âme comme dans son corps,
le Christ exprime humainement les mœurs divines de la Trinité (cf. Jn
14, 9-10) :
Le Fils de Dieu a travaillé avec des mains d’homme,
il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une
volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la
Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout
semblable à nous, hormis le péché (GS 22, § 2).
L’âme et la connaissance humaine du Christ
471 Apollinaire de Laodicée affirmait que dans
le Christ le Verbe avait remplacé l’âme ou l’esprit. Contre cette
erreur l’Église a confessé que le Fils éternel a assumé aussi une
âme raisonnable humaine (cf. DS 149).
472 Cette âme humaine que le Fils de Dieu a
assumée est douée d’une vraie connaissance humaine. En tant que
telle celle-ci ne pouvait pas être de soi illimitée : elle était
exercée dans les conditions historiques de son existence dans l’espace
et le temps. C’est pourquoi le Fils de Dieu a pu vouloir en se faisant
homme " croître en sagesse, en taille et en
grâce " (Lc 2, 52) et de même avoir à s’enquérir sur ce
que dans la condition humaine on doit apprendre de manière
expérimentale (cf. Mc 6, 38 ; Mc 8, 27 ; Jn 11, 34 ;
etc.). Cela correspondait à la réalité de son abaissement volontaire
dans " la condition d’esclave " (Ph 2,7).
473 Mais en même temps, cette connaissance
vraiment humaine du Fils de Dieu exprimait la vie divine de sa personne
(cf. S. Grégoire le Grand, ep. 10, 39 : DS 475 : PL 77,
1097B). " La nature humaine du Fils de Dieu, non par elle-même
mais par son union au Verbe, connaissait et manifestait en elle tout
ce qui convient à Dieu " (S. Maxime le Confesseur, qu. dub.
66 : PG 90, 840A). C’est en premier le cas de la connaissance
intime et immédiate que le Fils de Dieu fait homme a de son Père (cf.
Mc 14, 36 ; Mt 11, 27 ; Jn 1, 18 ; 8, 55 ; etc.). Le
Fils montrait aussi dans sa connaissance humaine la pénétration divine
qu’il avait des pensées secrètes du cœur des hommes (cf. Mc 2, 8 ;
Jn 2, 25 ; 6, 61 ; etc.).
474 De par son union à la Sagesse divine en la
personne du Verbe incarné, la connaissance humaine du Christ jouissait
en plénitude de la science des desseins éternels qu’il était venu
révéler (cf. Mc 8, 31 ; 9, 31 ; 10, 33-34 ; 14, 18-20.
26-30). Ce qu’il reconnaît ignorer dans ce domaine (cf. Mc 13, 32),
il déclare ailleurs n’avoir pas mission de le révéler (cf. Ac 1,
7).
La volonté humaine du Christ
475 De manière parallèle, l’Église a
confessé au sixième Concile œcuménique (Cc. Constantinople III en
681) que le Christ possède deux volontés et deux opérations
naturelles, divines et humaines, non pas opposées, mais coopérantes,
de sorte que le Verbe fait chair a voulu humainement dans l’obéissance
à son Père tout ce qu’il a décidé divinement avec le Père et le
Saint-Esprit pour notre salut (cf. DS 556-559). La volonté humaine du
Christ " suit sa volonté divine, sans être en résistance ni
en opposition vis-à-vis d’elle, mais bien plutôt en étant
subordonnée à cette volonté toute-puissante " (DS 556).
Le vrai corps du Christ
476 Puisque le Verbe s’est fait chair en
assumant une vraie humanité, le corps du Christ était délimité (cf.
Cc. Latran en 649 : DS 504). A cause de cela, le visage humain de
Jésus peut être " dépeint " (Ga 3, 2). Au
sixième Concile œcuménique (Cc. Nicée II en 787 : DS 600-603) l’Église
a reconnu comme légitime qu’il soit représenté sur des images
saintes.
477 En même temps l’Église a toujours reconnu
que, dans le corps de Jésus, " Dieu qui est par nature
invisible est devenu visible à nos yeux " (MR, Préface de
Noël). En effet, les particularités individuelles du corps du Christ
expriment la personne divine du Fils de Dieu. Celui-ci a fait siens les
traits de son corps humain au point que, dépeints sur une image sainte,
ils peuvent être vénérés car le croyant qui vénère son image,
" vénère en elle la personne qui y est dépeinte "
(Cc. Nicée II : DS 601).
Le Cœur du Verbe incarné
478 Jésus nous a tous et chacun connus et aimés
durant sa vie, son agonie et sa passion et il s’est livré pour chacun
de nous : " Le Fils de Dieu m’a aimé et s’est livré
pour moi " (Ga 2, 20). Il nous a tous aimés d’un cœur
humain. Pour cette raison, le Cœur sacré de Jésus, transpercé par
nos péchés et pour notre salut (cf. Jn 19, 34), " est
considéré comme le signe et le symbole éminents... de cet amour que
le divin Rédempteur porte sans cesse au père éternel et à tous les
hommes sans exception " (Pie XII, Enc. " Haurietis
aquas " : DS 3924 ; cf. DS 3812).
En bref
479 Au temps établi par Dieu, le Fils unique du
Père, la Parole éternelle, c’est-à-dire le Verbe et l’Image
substantielle du Père, s’est incarné : sans perdre la nature
divine il a assumé la nature humaine.
480 Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, dans
l’unité de sa Personne divine ; pour cette raison il est l’unique
Médiateur entre Dieu et les hommes.
481 Jésus-Christ possède deux natures, la divine
et l’humaine, non confondues, mais unies dans l’unique Personne du
Fils de Dieu.
482 Le Christ, étant vrai Dieu et vrai homme, a
une intelligence et une volonté humaines, parfaitement accordées et
soumises à son intelligence et sa volonté divines, qu’il a en
commun avec le Père et le Saint-Esprit.
483 L’Incarnation est donc le mystère de l’admirable
union de la nature divine et de la nature humaine dans l’unique
Personne du Verbe.
Paragraphe 2. " ... Conçu du
Saint-Esprit, né de la Vierge Marie "
I. Conçu du Saint-Esprit...
484 L’Annonciation à Marie inaugure la
" plénitude des temps " (Ga 4, 4), c’est-à-dire
l’accomplissement des promesses et des préparations. Marie est
invitée à concevoir Celui en qui habitera " corporellement
la plénitude de la divinité " (Col 2, 9). La réponse divine
à son " comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais
point d’homme ? " (Lc 1, 34) est donnée par la
puissance de l’Esprit : " L’Esprit Saint viendra sur
toi " (Lc 1, 35).
485 La mission de l’Esprit Saint est toujours
conjointe et ordonnée à celle du Fils (cf. Jn 16, 14-15). L’Esprit
Saint est envoyé pour sanctifier le sein de la Vierge Marie et la
féconder divinement, lui qui est " le Seigneur qui donne la
Vie ", en faisant qu’elle conçoive le Fils éternel du
Père dans une humanité tirée de la sienne.
486 Le Fils unique du Père en étant conçu
comme homme dans le sein de la Vierge Marie est
" Christ ", c’est-à-dire oint par l’Esprit
Saint (cf. Mt 1, 20 ; Lc 1, 35), dès le début de son existence
humaine, même si sa manifestation n’a lieu que progressivement :
aux bergers (cf. Lc 2, 8-20), aux mages (cf. Mt 2, 1-12), à
Jean-Baptiste (cf. Jn 1, 31-34), aux disciples (cf. Jn 2, 11). Toute la
vie de Jésus-Christ manifestera donc " comment Dieu l’a
oint d’Esprit et de puissance " (Ac 10, 38).
II. ... Né de la Vierge Marie
487 Ce que la foi catholique croit au sujet de
Marie se fonde sur ce qu’elle croit au sujet du Christ, mais ce qu’elle
enseigne sur Marie éclaire à son tour sa foi au Christ.
La prédestination de Marie
488 " Dieu a envoyé son
Fils " (Ga 4, 4), mais pour lui " façonner un
corps " (cf. He 10, 5) il a voulu la libre coopération d’une
créature. Pour cela, de toute éternité, Dieu a choisi, pour être la
Mère de Son Fils, une fille d’Israël, une jeune juive de Nazareth en
Galilée, " une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph,
de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie "
(Lc 1, 26-27) :
Le Père des miséricordes a voulu que l’Incarnation
fût précédée par une acceptation de la part de cette Mère
prédestinée, en sorte que, une femme ayant contribué à l’œuvre de
mort, de même une femme contribuât aussi à la vie (LG 56 ; cf.
61).
489 Tout au long de l’Ancienne Alliance, la
mission de Marie a été préparée par celle de saintes femmes.
Tout au commencement, il y a Eve : malgré sa désobéissance, elle
reçoit la promesse d’une descendance qui sera victorieuse du Malin
(cf. Gn 3, 15) et celle d’être la mère de tous les vivants (cf. Gn
3, 20). En vertu de cette promesse, Sara conçoit un fils malgré son
grand âge (cf. Gn 18, 10-14 ; 21, 1-2). Contre toute attente
humaine, Dieu choisit ce qui était tenu pour impuissant et faible (cf.
1 Co 1, 27) pour montrer sa fidélité à sa promesse : Anne, la
mère de Samuel (cf. 1 S 1), Débora, Ruth, Judith et Esther, et
beaucoup d’autres femmes. Marie " occupe la première place
parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur qui espèrent et reçoivent
le salut de lui avec confiance. Avec elle, la fille de Sion par
excellence, après la longue attente de la promesse, s’accomplissent
les temps et s’instaure l’économie nouvelle " (LG 55).
L’Immaculée Conception
490 Pour être la Mère du Sauveur, Marie
" fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d’une si grande
tâche " (LG 56). L’ange Gabriel, au moment de l’Annonciation
la salue comme " pleine de grâce " (Lc 1, 28). En
effet, pour pouvoir donner l’assentiment libre de sa foi à l’annonce
de sa vocation, il fallait qu’elle soit toute portée par la grâce de
Dieu.
491 Au long des siècles l’Église a pris
conscience que Marie, " comblée de grâce " par
Dieu (Lc 1, 28), avait été rachetée dès sa conception. C’est ce
que confesse le dogme de l’Immaculée Conception, proclamé en 1854
par le pape Pie IX :
La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier
instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière
du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur
du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché
originel (DS 2803).
492 Cette " sainteté éclatante
absolument unique " dont elle est " enrichie dès le
premier instant de sa conception " (LG 56) lui vient tout
entière du Christ : elle est " rachetée de façon
éminente en considération des mérites de son Fils " (LG
53). Plus que toute autre personne créée, le Père l’a
" bénie par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux
cieux, dans le Christ " (Ep 1, 3). Il l’a " élue
en Lui, dès avant la fondation du monde, pour être sainte et
immaculée en sa présence, dans l’amour " (cf. Ep 1, 4).
493 Les Pères de la tradition orientale
appellent la Mère de Dieu " la Toute Sainte " (Panaghia),
ils la célèbrent comme " indemne de toute tache de péché,
ayant été pétrie par l’Esprit Saint, et formée comme une nouvelle
créature " (LG 56). Par la grâce de Dieu, Marie est restée
pure de tout péché personnel tout au long de sa vie.
" Qu’il me soit fait selon ta
parole... "
494 A l’annonce qu’elle enfantera
" le Fils du Très Haut " sans connaître d’homme,
par la vertu de l’Esprit Saint (cf. Lc 1, 28-37), Marie a répondu par
" l’obéissance de la foi " (Rm 1, 5), certaine
que " rien n’est impossible à Dieu " :
" Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne
selon ta parole " (Lc 1, 37-38). Ainsi, donnant à la parole
de Dieu son consentement, Marie devint Mère de Jésus et, épousant à
plein cœur, sans que nul péché la retienne, la volonté divine de
salut, se livra elle-même intégralement à la personne et à l’œuvre
de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce
de Dieu, au mystère de la Rédemption (cf. LG 56) :
Comme dit S. Irénée, " par son
obéissance elle est devenue, pour elle-même et pour tout le genre
humain, cause de salut " (Hær. 3, 22, 4). Aussi, avec
lui, bon nombre d’anciens Pères disent : " Le nœud
dû à la désobéissance d’Eve, s’est dénoué par l’obéissance
de Marie ; ce que la vierge Eve avait noué par son
incrédulité, la Vierge Marie l’a dénoué par sa foi "
(cf. ibid.) ; comparant Marie avec Eve, ils appellent
Marie " la Mère des vivants " et déclarent
souvent : " par Eve la mort, par Marie la
vie " (LG 56).
La maternité divine de Marie
495 Appelée dans les Évangiles " la
mère de Jésus " (Jn 2, 1 ; 19, 25 ; cf. Mt 13,
55), Marie est acclamée, sous l’impulsion de l’Esprit, dès avant
la naissance de son fils, comme " la mère de mon
Seigneur " (Lc 1, 43). En effet, Celui qu’elle a conçu
comme homme du Saint-Esprit et qui est devenu vraiment son Fils selon la
chair, n’est autre que le Fils éternel du Père, la deuxième
Personne de la Sainte Trinité. L’Église confesse que Marie est
vraiment Mère de Dieu
(Theotokos) (cf. DS 251).
La virginité de Marie
496 Dès les premières formulations de la foi
(cf. DS 10-64), l’Église a confessé que Jésus a été conçu par la
seule puissance du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie,
affirmant aussi l’aspect corporel de cet événement : Jésus a
été conçu " de l’Esprit Saint sans semence
virile " (Cc. Latran en 649 : DS 503). Les Pères voient
dans la conception virginale le signe que c’est vraiment le Fils de
Dieu qui est venu dans une humanité comme la nôtre :
Ainsi, S. Ignace d’Antioche (début IIe
siècle) : " Vous êtes fermement convaincus au sujet
de notre Seigneur qui est véritablement de la race de David selon
la chair (cf. Rm 1, 3), Fils de Dieu selon la volonté et la
puissance de Dieu (cf. Jn 1, 13), véritablement né d’une vierge,
(...) il a été véritablement cloué pour nous dans sa chair sous
Ponce Pilate (...) il a véritablement souffert, comme il est aussi
véritablement ressuscité " (Smyrn. 1-2).
497 Les récits évangéliques (cf. Mt 1,
18-25 ; Lc 1, 26-38) comprennent la conception virginale comme une
œuvre divine qui dépasse toute compréhension et toute possibilité
humaines (cf. Lc 1, 34) : " Ce qui a été engendré en
elle vient de l’Esprit Saint ", dit l’ange à Joseph au
sujet de Marie, sa fiancée (Mt 1, 20). L’Église y voit l’accomplissement
de la promesse divine donnée par le prophète Isaïe :
" Voici que la vierge concevra et enfantera un
fils " (Is 7, 14, d’après la traduction grecque de Mt 1,
23).
498 On a été parfois troublé par le silence de
l’Évangile de S. Marc et des Épîtres du Nouveau Testament sur la
conception virginale de Marie. On a aussi pu se demander s’il ne s’agissait
pas ici de légendes ou de constructions théologiques sans prétentions
historiques. A quoi il faut répondre : La foi en la conception
virginale de Jésus a rencontré vive opposition, moqueries ou
incompréhension de la part des non-croyants, juifs et païens (cf. S.
Justin, dial. 66, 67 ; Origène, Cels. 1, 32. 69 ;
e.a.) : elle n’était pas motivée par la mythologie païenne ou
par quelque adaptation aux idées du temps. Le sens de cet événement n’est
accessible qu’à la foi qui le voit dans ce " lien qui relie
les mystères entre eux " (DS 3016), dans l’ensemble des
mystères du Christ, de son Incarnation à sa Pâque. S. Ignace d’Antioche
témoigne déjà de ce lien : " Le prince de ce monde a
ignoré la virginité de Marie et son enfantement, de même que la mort
du Seigneur : trois mystères retentissants qui furent accomplis
dans le silence de Dieu " (Eph. 19, 1 ; cf. 1 Co 2, 8).
Marie – " toujours Vierge "
499 L’approfondissement de sa foi en la
maternité virginale a conduit l’Église à confesser la virginité
réelle et perpétuelle de Marie (cf. DS 427) même dans l’enfantement
du Fils de Dieu fait homme (cf. DS 291 ; 294 ; 442 ;
503 ; 571 ; 1880). En effet la naissance du Christ
" n’a pas diminué, mais consacré l’intégrité
virginale " de sa mère (LG 57). La liturgie de l’Église
célèbre Marie comme la Aeiparthenos, " toujours
vierge " (cf. LG 52).
500 A cela on objecte parfois que l’Écriture
mentionne des frères et sœurs de Jésus (cf. Mc 3, 31-35 ; 6,
3 ; 1 Co 9, 5 ; Ga 1, 19). L’Église a toujours compris ces
passages comme ne désignant pas d’autres enfants de la Vierge
Marie : en effet Jacques et Joseph, " frères de
Jésus " (Mt 13, 55), sont les fils d’une Marie disciple du
Christ (cf. Mt 27, 56) qui est désignée de manière significative
comme " l’autre Marie " (Mt 28, 1). Il s’agit de
proches parents de Jésus, selon une expression connue de l’Ancien
Testament (cf. Gn 13, 8 ; 14, 16 ; 29, 15 ; etc.).
501 Jésus est le Fils unique de Marie. Mais la
maternité spirituelle de Marie (cf. Jn 19, 26-27 ; Ap 12, 17) s’étend
à tous les hommes qu’il est venu sauver : " Elle
engendra son Fils, dont Dieu a fait ‘l’aîné d’une multitude de
frères’ (Rm 8, 29), c’est-à-dire de croyants, à la naissance et
à l’éducation desquels elle apporte la coopération de son amour
maternel " (LG 63).
La maternité virginale de Marie dans le dessein de
Dieu
502 Le regard de la foi peut découvrir, en lien
avec l’ensemble de la Révélation, les raisons mystérieuses pour
lesquelles Dieu, dans son dessein salvifique, a voulu que son Fils
naisse d’une vierge. Ces raisons touchent aussi bien la personne et la
mission rédemptrice du Christ que l’accueil de cette mission par
Marie pour tous les hommes :
503 La virginité de Marie manifeste l’initiative
absolue de Dieu dans l’Incarnation. Jésus n’a que Dieu comme Père
(cf. Lc 2, 48-49). " La nature humaine qu’il a prise ne l’a
jamais éloigné du Père (...) ; naturellement Fils de son Père
par sa divinité, naturellement fils de sa mère par son humanité, mais
proprement Fils de Dieu dans ses deux natures " (Cc. Frioul en
796 : DS 619).
504 Jésus est conçu du Saint-Esprit dans le
sein de la Vierge Marie parce qu’il est le Nouvel Adam (cf. 1
Co 15, 45) qui inaugure la création nouvelle : " Le
premier homme, issu du sol, est terrestre ; le second homme, lui,
vient du ciel " (1 Co 15, 47). L’humanité du Christ est,
dès sa conception, remplie de l’Esprit Saint car Dieu " lui
donne l’Esprit sans mesure " (Jn 3, 34). C’est de
" sa plénitude " à lui, tête de l’humanité
rachetée (cf. Col 1, 18), que " nous avons reçu grâce sur
grâce " (Jn 1, 16).
505 Jésus, le Nouvel Adam, inaugure par sa
conception virginale la nouvelle naissance des enfants d’adoption
dans l’Esprit Saint par la foi. " Comment cela se
fera-t-il ? " (Lc 1, 34 ; cf. Jn 3, 9). La
participation à la vie divine ne vient pas " du sang, ni du
vouloir de chair, ni du vouloir d’homme, mais de Dieu " (Jn
1, 13). L’accueil de cette vie est virginal car celle-ci est
entièrement donnée par l’Esprit à l’homme. Le sens sponsal de la
vocation humaine par rapport à Dieu (cf. 2 Co 11, 2) est accompli
parfaitement dans la maternité virginale de Marie.
506 Marie est vierge parce que sa virginité est le
signe de sa foi " que nul doute n’altère "
(LG 63) et de sa donation sans partage à la volonté de Dieu (cf. 1 Co
7, 34-35). C’est sa foi qui lui donne de devenir la mère du
Sauveur : " Bienheureuse Marie, plus encore parce qu’elle
a reçu la foi du Christ que parce qu’Elle a conçu la chair du
Christ " (S. Augustin, virg. 3 : PL 40, 398).
507 Marie est à la fois vierge et mère car elle
est la figure et la plus parfaite réalisation de l’Église (cf. LG
63) : " L’Église devient à son tour une Mère, grâce
à la parole de Dieu qu’elle reçoit dans la foi : par la
prédication en effet, et par le Baptême elle engendre, à une vie
nouvelle et immortelle, des fils conçus du Saint-Esprit et nés de
Dieu. Elle est aussi vierge, ayant donné à son Époux sa foi, qu’elle
garde intègre et pure " (LG 64).
En bref
508 Dans la descendance d’Eve, Dieu a choisi la
Vierge Marie pour être la Mère de son Fils. " Pleine de
grâce ", elle est " le fruit le plus excellent de
la Rédemption " (SC 103) : dès le premier instant de
sa conception, elle est totalement préservée de la tache du péché
originel et elle est restée pure de tout péché personnel tout au
long de sa vie.
509 Marie est vraiment " Mère de
Dieu " puisqu’elle est la mère du Fils éternel de Dieu
fait homme, qui est Dieu lui-même.
510 Marie " est restée Vierge en
concevant son Fils, Vierge en l’enfantant, Vierge en le portant,
Vierge en le nourrissant de son sein, Vierge toujours " (S.
Augustin, serm. 186, 1 : PL 38, 999) : de tout son être
elle est " la servante du Seigneur " (Lc 1, 38).
511 La Vierge Marie a " coopéré au
salut des hommes avec sa foi et son obéissance libres " (LG
56). Elle a prononcé son oui " au nom de toute la nature
humaine " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 30, 1) : Par son
obéissance, elle est devenue la nouvelle Eve, mère des vivants.
Paragraphe 3. Les mystères de la Vie du Christ
512 Le Symbole de la foi ne parle, concernant la
vie du Christ, que des mystères de l’Incarnation (conception et
naissance) et de la Pâque (passion, crucifixion, mort, sépulture,
descente aux enfers, résurrection, ascension). Il ne dit rien,
explicitement, des mystères de la vie cachée et publique de Jésus,
mais les articles de la foi concernant l’Incarnation et la Pâque de
Jésus éclairent toute la vie terrestre du Christ.
" Tout ce que Jésus a fait et enseigné, depuis le
commencement jusqu’au jour où (...) Il fut enlevé au
ciel " (Ac 1, 1-2) est à voir à la lumière des mystères de
Noël et de Pâques.
513 La Catéchèse, selon les circonstances,
déploiera toute la richesse des mystères de Jésus. Ici il suffit d’indiquer
quelques éléments communs à tous les mystères de la vie du Christ
(I), pour esquisser ensuite les principaux mystères de la vie cachée
(II) et publique (III) de Jésus.
I. Toute la vie du Christ est mystère
514 Beaucoup de choses qui intéressent la
curiosité humaine au sujet de Jésus ne figurent pas dans les
Évangiles. Presque rien n’est dit sur sa vie à Nazareth, et même
une grande part de sa vie publique n’est pas relatée (cf. Jn 20, 30).
Ce qui a été écrit dans les Évangiles, l’a été " pour
que vous croyez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en
croyant vous ayez la vie en son nom " (Jn 20, 31).
515 Les Évangiles sont écrits par des hommes
qui ont été parmi les premiers à avoir la foi (cf. Mc 1, 1 ; Jn
21, 24) et qui veulent la faire partager à d’autres. Ayant connu dans
la foi qui est Jésus, ils ont pu voir et faire voir les traces
de son mystère dans toute sa vie terrestre. Des langes de sa
nativité (cf. Lc 2, 7) jusqu’au vinaigre de sa passion (cf. Mt 27,
48) et au suaire de sa Résurrection (cf. Jn 20, 7), tout dans la vie de
Jésus est signe de son mystère. A travers ses gestes, ses miracles,
ses paroles, il a été révélé qu’" en Lui habite
corporellement toute la plénitude de la divinité " (Col 2,
9). Son humanité apparaît ainsi comme le
" sacrement ", c’est-à-dire le signe et l’instrument
de sa divinité et du salut qu’il apporte : ce qu’il y avait de
visible dans sa vie terrestre conduisit au mystère invisible de sa
filiation divine et de sa mission rédemptrice.
Les traits communs des mystères de Jésus
516 Toute la vie du Christ est Révélation
du Père : ses paroles et ses actes, ses silences et ses
souffrances, sa manière d’être et de parler. Jésus peut dire :
" Qui me voit, voit le Père " (Jn 14, 9), et le
Père : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé ;
écoutez-le " (Lc 9, 35). Notre Seigneur s’étant fait homme
pour accomplir la volonté du Père (cf. He 10, 5-7), les moindres
traits de ses mystères nous manifestent " l’amour de Dieu
pour nous " (1 Jn 4, 9).
517 Toute la vie du Christ est mystère de Rédemption.
La Rédemption nous vient avant tout par le sang de la Croix (cf. Ep 1,
7 ; Col 1, 13-14 ; 1 P 1, 18-19), mais ce mystère est à l’œuvre
dans toute la vie du Christ : dans son Incarnation déjà, par
laquelle, en se faisant pauvre, il nous enrichit par sa pauvreté (cf. 2
Co 8, 9) ; dans sa vie cachée qui, par sa soumission (cf. Lc 2,
51), répare notre insoumission ; dans sa parole qui purifie ses
auditeurs (cf. Jn 15, 3) ; dans ses guérisons et ses exorcismes,
par lesquels " il a pris nos infirmités et s’est chargé de
nos maladies " (Mt 8, 17 ; cf. Is 53, 4) ; dans sa
Résurrection, par laquelle il nous justifie (cf. Rm 4, 25).
518 Toute la vie du Christ est mystère de Récapitulation.
Tout ce que Jésus a fait, dit et souffert, avait pour but de rétablir
l’homme déchu dans sa vocation première :
Lorsqu’il s’est incarné et s’est fait
homme, il a récapitulé en lui-même la longue histoire des hommes
et nous a procuré le salut en raccourci, de sorte que ce que nous
avions perdu en Adam, c’est-à-dire d’être à l’image et à
la ressemblance de Dieu, nous le recouvrions dans le Christ Jésus
(S. Irénée, hær. 3, 18, 1). C’est d’ailleurs pourquoi le
Christ est passé par tous les âges de la vie, rendant par là à
tous les hommes la communion avec Dieu (ibid. 3, 18, 7 ; cf. 2,
22, 4).
Notre communion aux mystères de Jésus
519 Toute la richesse du Christ " est
destinée à tout homme et constitue le bien de chacun " (RH
11). Le Christ n’a pas vécu sa vie pour lui-même, mais pour nous,
de son Incarnation " pour nous les hommes et pour notre
salut " jusqu’à sa mort " pour nos
péchés " (1 Co 15, 3) et à sa Résurrection
" pour notre justification " (Rm 4, 25). Maintenant
encore, il est " notre avocat auprès du Père " (1
Jn 2, 1), " étant toujours vivant pour intercéder en notre
faveur " (He 7, 25). Avec tout ce qu’il a vécu et souffert
pour nous une fois pour toutes, il reste présent pour toujours
" devant la face de Dieu en notre faveur " (He 9,
24).
520 En toute sa vie, Jésus se montre comme notre
modèle (cf. Rm 15, 5 ; Ph 2, 5) : il est " l’homme
parfait " (GS 38) qui nous invite à devenir ses disciples et
à le suivre : par son abaissement, il nous a donné un exemple à
imiter (cf. Jn 13, 15), par sa prière, il attire à la prière (cf. Lc
11, 1), par sa pauvreté, il appelle à accepter librement le dénuement
et les persécutions (cf. Mt 5, 11-12).
521 Tout ce que le Christ a vécu, il fait que
nous puissions le vivre en Lui et qu’il le vive en nous.
" Par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque
sorte uni lui-même à tout homme " (GS 22, § 2). Nous sommes
appelés à ne faire plus qu’un avec lui ; ce qu’il a vécu
dans sa chair pour nous et comme notre modèle, il nous y fait communier
comme les membres de son Corps :
Nous devons continuer et accomplir en nous les
états et mystères de Jésus, et le prier souvent qu’il les
consomme et accomplisse en nous et en toute son Église (...). Car
le Fils de Dieu a dessein de mettre une participation, et de faire
comme une extension et continuation de ses mystères en nous et en
toute son Église, par les grâces qu’il veut nous communiquer, et
par les effets qu’il veut opérer en nous par ces mystères. Et
par ce moyen il veut les accomplir en nous (S. Jean Eudes, Le royaume de
Jésus, 3, 4 : Oeuvres complètes, v. 1 [Vannes
1905] p. 310-311).
II. Les mystères de l’enfance et de la vie
cachée de Jésus
Les préparations
522 La venue du Fils de Dieu sur la terre est un
événement si immense que Dieu a voulu le préparer pendant des
siècles. Rites et sacrifices, figures et symboles de la Première
alliance (cf. He 9, 15), Il fait tout converger vers le Christ ; Il
l’annonce par la bouche des prophètes qui se succèdent en Israël.
Il éveille par ailleurs dans le cœur des païens l’obscure attente
de cette venue.
523 Saint Jean le Baptiste est le précurseur
(cf. Ac 13, 24) immédiat du Seigneur, envoyé pour Lui préparer le
chemin (cf. Mt 3, 3). " Prophète du Très-Haut "
(Lc 1, 76), il dépasse tous les prophètes (cf. Lc 7, 26), il en est le
dernier (cf. Mt 11,13), il inaugure l’Évangile (cf. Ac 1, 22 ;
Lc 16, 16) ; il salue la venue du Christ dès le sein de sa mère
(cf. Lc 1, 41) et il trouve sa joie à être " l’ami de l’époux "
(Jn 3, 29) qu’il désigne comme " l’Agneau de Dieu qui
ôte le péché du monde " (Jn 1, 29). Précédant Jésus
" avec l’esprit et la puissance d’Elie " (Lc 1,
17), il lui rend témoignage par sa prédication, son baptême de
conversion et finalement son martyre (cf. Mc 6, 17-29).
524 En célébrant chaque année la liturgie
de l’Avent, l’Église actualise cette attente du Messie :
en communiant à la longue préparation de la première venue du
Sauveur, les fidèles renouvellent l’ardent désir de son second
Avènement (cf. Ap 22, 17). Par la célébration de la nativité et du
martyre du Précurseur, l’Église s’unit à son désir :
" Il faut que Lui grandisse et que moi je
décroisse " (Jn 3, 30).
Le mystère de Noël
525 Jésus est né dans l’humilité d’une
étable, dans une famille pauvre (cf. Lc 2, 6-7) ; de simples
bergers sont les premiers témoins de l’événement. C’est dans
cette pauvreté que se manifeste la gloire du ciel (cf. Lc 2, 8-20). L’Église
ne se lasse pas de chanter la gloire de cette nuit :
La Vierge aujourd’hui met au monde l’Éternel
Et la terre offre une grotte à l’Inaccessible.
Les anges et les pasteurs le louent
Et les mages avec l’étoile s’avancent,
Car Tu es né pour nous,
Petit Enfant, Dieu éternel !
(Kontakion de Romanos le Mélode)
526 " Devenir enfant " par
rapport à Dieu est la condition pour entrer dans le Royaume (cf. Mt 18,
3-4) ; pour cela il faut s’abaisser (cf. Mt 23, 12), devenir
petit ; plus encore : il faut " naître d’en
haut " (Jn 3, 7), " naître de Dieu " (Jn
1, 13) pour " devenir enfants de Dieu " (Jn 1, 12).
Le mystère de Noël s’accomplit en nous lorsque le Christ
" prend forme " en nous (Ga 4, 19). Noël est le
mystère de cet " admirable échange " :
O admirable échange ! Le créateur du genre
humain, assumant un corps et une âme, a daigné naître d’une
vierge et, devenu homme sans l’intervention de l’homme, Il nous
a fait don de sa divinité (LH, antienne de l’octave de Noël).
Les mystères de l’enfance de Jésus
527 La circoncision de Jésus, le
huitième jour après sa naissance (cf. Lc 2, 21), est signe de son
insertion dans la descendance d’Abraham, dans le peuple de l’alliance,
de sa soumission à la loi (cf. Ga 4, 4), et de sa députation au culte
d’Israël auquel Il participera pendant toute sa vie. Ce signe
préfigure " la circoncision du Christ " qu’est le
Baptême (cf. Col 2, 11-13).
528 L’Épiphanie est la manifestation de
Jésus comme Messie d’Israël, Fils de Dieu et Sauveur du monde. Avec
le Baptême de Jésus au Jourdain et les noces de Cana (cf. LH, antienne
du Magnificat des secondes vêpres de l’Épiphanie), elle célèbre l’adoration
de Jésus par des " mages " venus d’Orient (Mt 2,
1). Dans ces " mages ", représentants des religions
païennes environnantes, l’Évangile voit les prémices des nations
qui accueillent la Bonne Nouvelle du salut par l’Incarnation. La venue
des mages à Jérusalem pour " rendre hommage au roi des
Juifs " (Mt 2, 2) montre qu’ils cherchent en Israël, à la
lumière messianique de l’étoile de David (cf. Nb 24, 17 ; Ap
22, 16), celui qui sera le roi des nations (cf. Nb 24, 17-19). Leur
venue signifie que les païens ne peuvent découvrir Jésus et l’adorer
comme Fils de Dieu et Sauveur du monde qu’en se tournant vers les
juifs (cf. Jn 4, 22) et en recevant d’eux leur promesse messianique
telle qu’elle est contenue dans l’Ancien Testament (cf. Mt 2, 4-6).
L’Épiphanie manifeste que " la plénitude des païens entre
dans la famille des patriarches " (S. Léon le Grand, serm.
33, 3 : PL 54, 242) et acquiert la Israelitica
dignitas (MR, Vigile Pascale 26 : prière après la troisième
lecture).
529 La présentation de Jésus au Temple (cf.
Lc 2, 22-39) Le montre comme le Premier-Né appartenant au Seigneur (cf.
Ex 13, 12-13). Avec Siméon et Anne c’est toute l’attente d’Israël
qui vient à la rencontre de son Sauveur (la tradition byzantine
appelle ainsi cet événement). Jésus est reconnu comme le Messie tant
attendu, " lumière des nations " et
" gloire d’Israël ", mais aussi " signe
de contradiction ". Le glaive de douleur prédit à Marie
annonce cette autre oblation, parfaite et unique, de la Croix qui
donnera le salut que Dieu a " préparé à la face de tous les
peuples ".
530 La fuite en Égypte et le massacre
des innocents (cf. Mt 2, 13-18) manifestent l’opposition des
ténèbres à la lumière : " Il est venu chez lui et les
siens ne l’ont pas reçu " (Jn 1, 11). Toute la vie du
Christ sera sous le signe de la persécution. Les siens la partagent
avec lui (cf. Jn 15, 20). Sa montée d’Égypte (cf. Mt 2, 15) rappelle
l’Exode (cf. Os 11, 1) et présente Jésus comme le libérateur
définitif.
Les mystères de la vie cachée de Jésus
531 Pendant la plus grande partie de sa vie,
Jésus a partagé la condition de l’immense majorité des
hommes : une vie quotidienne sans apparente grandeur, vie de
travail manuel, vie religieuse juive soumise à la Loi de Dieu (cf. Ga
4, 4), vie dans la communauté. De toute cette période il nous est
révélé que Jésus était " soumis " à ses
parents et qu’" il croissait en sagesse, en taille et en
grâce devant Dieu et devant les hommes " (Lc 2, 51-52).
532 La soumission de Jésus à sa mère et son
père légal accomplit parfaitement le quatrième commandement. Elle est
l’image temporelle de son obéissance filiale à son Père céleste.
La soumission de tous les jours de Jésus à Joseph et à Marie
annonçait et anticipait la soumission du Jeudi Saint :
" Non pas ma volonté... " (Lc 22, 42). L’obéissance
du Christ dans le quotidien de la vie cachée inaugurait déjà l’œuvre
de rétablissement de ce que la désobéissance d’Adam avait détruit
(cf. Rm 5, 19).
533 La vie cachée de Nazareth permet à tout
homme de communier à Jésus par les voies les plus quotidiennes de
la vie :
Nazareth est l’école où l’on commence à
comprendre la vie de Jésus : l’école de l’Évangile
(...). Une leçon de silence d’abord. Que naisse en nous l’estime
du silence, cette admirable et indispensable condition de l’esprit
(...). Une leçon de vie familiale. Que Nazareth nous
enseigne ce qu’est la famille, sa communion d’amour, son
austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable
(...). Une leçon de travail. Nazareth, ô maison du
" Fils du Charpentier ", c’est ici que nous
voudrions comprendre et célébrer la loi sévère et rédemptrice
du labeur humain (...) ; comme nous voudrions enfin saluer ici
tous les travailleurs du monde entier et leur montrer leur grand
modèle, leur frère divin (Paul VI, discours 5 janvier 1964 à
Nazareth).
534 Le recouvrement de Jésus au Temple (cf.
Lc 2, 41-52) est le seul événement qui rompt le silence des Évangiles
sur les années cachées de Jésus. Jésus y laisse entrevoir le
mystère de sa consécration totale à une mission découlant de sa
filiation divine : " Ne saviez-vous pas que je me dois
aux affaires de mon Père ? " Marie et Joseph
" ne comprirent pas " cette parole, mais ils l’accueillirent
dans la foi, et Marie " gardait fidèlement tous ces souvenirs
en son cœur ", tout au long des années où Jésus restait
enfoui dans le silence d’une vie ordinaire.
III. Les mystères de la vie publique de Jésus
Le Baptême de Jésus
535 Le commencement (cf. Lc 3, 23) de la vie
publique de Jésus est son Baptême par Jean dans le Jourdain (cf. Ac 1,
22). Jean proclamait " un baptême de repentir pour la
rémission des péchés " (Lc 3, 3). Une foule de pécheurs,
publicains et soldats (cf. Lc 3, 10-14), Pharisiens et Sadducéens (cf.
Mt 3, 7) et prostituées (cf. Mt 21, 32) vient se faire baptiser par
lui. " Alors paraît Jésus ". Le Baptiste hésite,
Jésus insiste : il reçoit le Baptême. Alors l’Esprit Saint,
sous forme de colombe, vient sur Jésus, et la voix du ciel
proclame : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé "
(Mt 3, 13-17). C’est la manifestation
(" Épiphanie ") de Jésus comme Messie d’Israël
et Fils de Dieu.
536 Le Baptême de Jésus, c’est, de sa part, l’acceptation
et l’inauguration de sa mission de Serviteur souffrant. Il se laisse
compter parmi les pécheurs (cf. Is 53, 12) ; il est déjà
" l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde "
(Jn 1, 29) ; déjà, il anticipe le
" baptême " de sa mort sanglante (cf. Mc 10,
38 ; Lc 12, 50). Il vient déjà " accomplir toute
justice " (Mt 3, 15), c’est-à-dire qu’il se soumet tout
entier à la volonté de son Père : il accepte par amour le
baptême de mort pour la rémission de nos péchés (cf. Mt 26, 39). A
cette acceptation répond la voix du Père qui met toute sa complaisance
en son Fils (cf. Lc 3, 22 ; Is 42, 1). L’Esprit que Jésus
possède en plénitude dès sa conception, vient
" reposer " sur lui (Jn 1, 32-33 ; cf. Is 11,
2). Il en sera la source pour toute l’humanité. A son Baptême,
" les cieux s’ouvrirent " (Mt 3, 16) que le
péché d’Adam avait fermés ; et les eaux sont sanctifiées par
la descente de Jésus et de l’Esprit, prélude de la création
nouvelle.
537 Par le Baptême, le chrétien est
sacramentellement assimilé à Jésus qui anticipe en son baptême sa
mort et sa résurrection ; il doit entrer dans ce mystère d’abaissement
humble et de repentance, descendre dans l’eau avec Jésus, pour
remonter avec lui, renaître de l’eau et de l’Esprit pour devenir,
dans le Fils, fils bien-aimé du Père et " vivre dans une vie
nouvelle " (Rm 6, 4) :
Ensevelissons-nous avec le Christ par le Baptême,
pour ressusciter avec lui ; descendons avec lui, pour être élevés
avec lui ; remontons avec lui, pour être glorifiés en lui (S.
Grégoire de Naz., or. 40, 9 : PG 36, 369B).
Tout ce qui s’est passé dans le Christ nous
fait connaître qu’après le bain d’eau, l’Esprit Saint vole
sur nous du haut du ciel et qu’adoptés par la Voix du Père, nous
devenons fils de Dieu (S. Hilaire, Mat. 2 : PL 9, 927).
La Tentation de Jésus
538 Les Évangiles parlent d’un temps de
solitude de Jésus au désert immédiatement après son baptême par
Jean : " Poussé par l’Esprit " au désert,
Jésus y demeure quarante jours sans manger ; il vit avec les
bêtes sauvages et les anges le servent (cf. Mc 1, 12-13). A la fin de
ce temps, Satan le tente par trois fois cherchant à mettre en cause son
attitude filiale envers Dieu. Jésus repousse ces attaques qui
récapitulent les tentations d’Adam au Paradis et d’Israël au
désert, et le diable s’éloigne de lui " pour revenir au
temps marqué " (Lc 4, 13).
539 Les Évangélistes indiquent le sens
salvifique de cet événement mystérieux. Jésus est le nouvel Adam,
resté fidèle là où le premier a succombé à la tentation. Jésus
accomplit parfaitement la vocation d’Israël : contrairement à
ceux qui provoquèrent jadis Dieu pendant quarante ans au désert (cf.
Ps 95, 10), le Christ se révèle comme le Serviteur de Dieu totalement
obéissant à la volonté divine. En cela, Jésus est vainqueur du
diable : il a " ligoté l’homme fort " pour
lui reprendre son butin (Mc 3, 27). La victoire de Jésus sur le
tentateur au désert anticipe la victoire de la passion, obéissance
suprême de son amour filial du Père.
540 La tentation de Jésus manifeste la manière
qu’a le Fils de Dieu d’être Messie, à l’opposé de celle que lui
propose Satan et que les hommes (cf. Mt 16, 21-23) désirent lui
attribuer. C’est pourquoi le Christ a vaincu le Tentateur pour nous :
" Car nous n’avons pas un grand prêtre impuissant à
compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, d’une
manière semblable, à l’exception du péché " (He 4, 15).
L’Église s’unit chaque année par les quarante jours du Grand
Carême au mystère de Jésus au désert.
" Le Royaume de Dieu est tout proche "
541 " Après que Jean eut été livré,
Jésus se rendit en Galilée. Il y proclamait en ces termes la Bonne
Nouvelle venue de Dieu : ‘Les temps sont accomplis et le Royaume
de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à la Bonne
Nouvelle’ " (Mc 1, 15). " Pour accomplir la
volonté du Père, le Christ inaugura le Royaume des cieux sur la
terre " (LG 3). Or, la volonté du Père, c’est d’" élever
les hommes à la communion de la vie divine " (LG 2). Il le
fait en rassemblant les hommes autour de son Fils, Jésus-Christ. Ce
rassemblement est l’Église, qui est sur terre " le germe et
le commencement du Royaume de Dieu " (LG 5).
542 Le Christ est au cœur de ce rassemblement
des hommes dans la " famille de Dieu ". Il les
convoque autour de lui par sa parole, par ses signes qui manifestent le
règne de Dieu, par l’envoi de ses disciples. Il réalisera la venue
de son Royaume surtout par le grand mystère de sa Pâque : sa mort
sur la Croix et sa Résurrection. " Et moi, élevé de terre,
j’attirerai tous les hommes à moi " (Jn 12, 32). A cette
union avec le Christ tous les hommes sont appelés (cf. LG 3).
L’annonce du Royaume de Dieu
543 Tous les hommes sont appelés à entrer dans
le Royaume. Annoncé d’abord aux enfants d’Israël (cf. Mt 10, 5-7),
ce Royaume messianique est destiné à accueillir les hommes de toutes
les nations (cf. Mt 8, 11 ; 28, 19). Pour y accéder, il faut
accueillir la parole de Jésus :
La parole du Seigneur est en effet comparée à
une semence qu’on sème dans un champ : ceux qui l’écoutent
avec foi et sont agrégés au petit troupeau du Christ ont accueilli
son royaume lui-même ; puis, par sa propre vertu, la semence
croît jusqu’au temps de la moisson (LG 5).
544 Le Royaume appartient aux pauvres et aux
petits, c’est-à-dire à ceux qui l’ont accueilli avec un cœur
humble. Jésus est envoyé pour " porter la bonne nouvelle aux
pauvres " (Lc 4, 18 ; cf. 7, 22). Il les déclare
bienheureux car " le Royaume des cieux est à eux "
(Mt 5, 3) ; c’est aux " petits " que le Père
a daigné révéler ce qui reste caché aux sages et aux habiles (cf. Mt
11, 25). Jésus partage la vie des pauvres, de la crèche à la
croix ; il connaît la faim (cf. Mc 2, 23-26 ; Mt 21, 18), la
soif (cf. Jn 4, 6-7 ; 19, 28) et le dénuement (cf. Lc 9, 58). Plus
encore : il s’identifie aux pauvres de toutes sortes et fait de l’amour
actif envers eux la condition de l’entrée dans son Royaume (cf. Mt
25, 31-46).
545 Jésus invite les pécheurs à la
table du Royaume : " Je ne suis pas venu appeler les
justes, mais les pécheurs " (Mc 2, 17 ; cf. 1 Tm 1, 15).
Il les invite à la conversion sans laquelle on ne peut entrer dans le
Royaume, mais il leur montre en parole et en acte la miséricorde sans
bornes de son Père pour eux (cf. Lc 15, 11-32) et l’immense
" joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se
repent " (Lc 15, 7). La preuve suprême de cet amour sera le
sacrifice de sa propre vie " en rémission des
péchés " (Mt 26, 28).
546 Jésus appelle à entrer dans le Royaume à
travers les paraboles, trait typique de son enseignement (cf. Mc
4, 33-34). Par elles, il invite au festin du Royaume (cf. Mt 22, 1-14),
mais il demande aussi un choix radical : pour acquérir le Royaume,
il faut tout donner (cf. Mt 13, 44-45) ; les paroles ne suffisent
pas, il faut des actes (cf. Mt 21, 28-32). Les paraboles sont comme des
miroirs pour l’homme : accueille-t-il la parole comme un sol dur
ou comme une bonne terre (cf. Mt 13, 3-9) ? Que fait-il des talents
reçus (cf. Mt 25, 14-30) ? Jésus et la présence du Royaume en ce
monde sont secrètement au cœur des paraboles. Il faut entrer dans le
Royaume, c’est-à-dire devenir disciple du Christ pour
" connaître les mystères du Royaume des cieux "
(Mt 13, 11). Pour ceux qui restent " dehors " (Mc 4,
11), tout demeure énigmatique (cf. Mt 13, 10-15).
Les signes du Royaume de Dieu
547 Jésus accompagne ses paroles par de nombreux
" miracles, prodiges et signes " (Ac 2, 22) qui
manifestent que le Royaume est présent en Lui. Ils attestent que
Jésus est le Messie annoncé (cf. Lc 7, 18-23).
548 Les signes accomplis par Jésus témoignent
que le Père l’a envoyé (cf. Jn 5, 36 ; 10, 25). Ils invitent à
croire en lui (cf. Jn 10, 38). A ceux qui s’adressent à lui avec foi,
il accorde ce qu’ils demandent (cf. Mc 5, 25-34 ; 10, 52 ;
etc.). Alors les miracles fortifient la foi en Celui qui fait les
œuvres de son Père : ils témoignent qu’il est le Fils de Dieu
(cf. Jn 10, 31-38). Mais ils peuvent aussi être " occasion de
chute " (Mt 11, 6). Ils ne veulent pas satisfaire la
curiosité et les désirs magiques. Malgré ses miracles si évidents,
Jésus est rejeté par certains (cf. Jn 11, 47-48) ; on l’accuse
même d’agir par les démons (cf. Mc 3, 22).
549 En libérant certains hommes des maux
terrestres de la faim (cf. Jn 6, 5-15), de l’injustice (cf. Lc 19, 8),
de la maladie et de la mort (cf. Mt 11, 5), Jésus a posé des signes
messianiques ; il n’est cependant pas venu pour abolir tous les
maux ici-bas (cf. Lc 12, 13. 14 ; Jn 18, 36), mais pour libérer
les hommes de l’esclavage le plus grave, celui du péché (cf. Jn 8,
34-36), qui les entrave dans leur vocation de fils de Dieu et cause tous
leurs asservissements humains.
550 La venue du Royaume de Dieu est la défaite
du royaume de Satan (cf. Mt 12, 26) : " Si c’est par l’Esprit
de Dieu que j’expulse les démons, c’est qu’alors le Royaume de
Dieu est arrivé pour vous " (Mt 12, 28). Les exorcismes
de Jésus libèrent des hommes de l’emprise des démons (cf. Lc 8,
26-39). Ils anticipent la grande victoire de Jésus sur " le
prince de ce monde " (Jn 12, 31). C’est par la Croix du
Christ que le Royaume de Dieu sera définitivement établi :
" Dieu a régné du haut du bois " (Hymne
" Vexilla Regis ").
" Les clefs du Royaume "
551 Dès le début de sa vie publique, Jésus
choisit des hommes au nombre de douze pour être avec Lui et pour
participer à sa mission (cf. Mc 3, 13-19) ; il leur donne part à
son autorité " et il les envoya proclamer le Royaume de Dieu
et guérir " (Lc 9, 2). Ils restent pour toujours associés au
Royaume du Christ car celui-ci dirige par eux l’Église :
Je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père
en a disposé pour moi ; vous mangerez et boirez à la table en
mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes, pour juger les douze
tribus d’Israël (Lc 22, 29-30).
552 Dans le collège des Douze Simon Pierre tient
la première place (cf. Mc 3, 16 ; 9, 2 ; Lc 24, 34 ; 1
Co 15, 5). Jésus lui a confié une mission unique. Grâce à une
révélation venant du Père, Pierre avait confessé :
" Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ". Notre
Seigneur lui avait alors déclaré : " Tu es Pierre, et
sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne
tiendront pas contre elle " (Mt 16, 18). Le Christ,
" Pierre vivante " (1 P 2, 4), assure à son Église
bâtie sur Pierre la victoire sur les puissances de mort. Pierre, en
raison de la foi confessée par lui, demeurera le roc inébranlable de l’Église.
Il aura mission de garder cette foi de toute défaillance et d’y
affermir ses frères (cf. Lc 22, 32).
553 Jésus a confié à Pierre une autorité
spécifique : " Je te donnerai les clefs du Royaume des
Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux
pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les
cieux pour délié " (Mt 16, 19). Le " pouvoir des
clefs " désigne l’autorité pour gouverner la maison de
Dieu, qui est l’Église. Jésus, " le Bon
Pasteur " (Jn 10, 11) a confirmé cette charge après sa
Résurrection : " Pais mes brebis " (Jn 21,
15-17). Le pouvoir de " lier et délier " signifie l’autorité
pour absoudre les péchés, prononcer des jugements doctrinaux et
prendre des décisions disciplinaires dans l’Église. Jésus a confié
cette autorité à l’Église par le ministère des apôtres (cf. Mt
18, 18) et particulièrement de Pierre, le seul à qui il a confié
explicitement les clefs du Royaume.
Un avant-goût du Royaume : La Transfiguration
554 A partir du jour où Pierre a confessé que
Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, le Maître
" commença de montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en
aller à Jérusalem, y souffrir (...) être mis à mort et, le
troisième jour, ressusciter " (Mt 16, 21) : Pierre
refuse cette annonce (cf. Mt 16, 22-23), les autres ne la comprennent
pas davantage (cf. Mt 17, 23 ; Lc 9, 45). C’est dans ce contexte
que se situe l’épisode mystérieux de la Transfiguration de Jésus
(cf. Mt 17, 1-8 par. ; 2 P 1, 16-18), sur une haute montagne,
devant trois témoins choisis par lui : Pierre, Jacques et Jean. Le
visage et les vêtements de Jésus deviennent fulgurants de lumière,
Moïse et Elie apparaissent, lui " parlant de son départ qu’il
allait accomplir à Jérusalem " (Lc 9, 31). Une nuée les
couvre et une voix du ciel dit : " Celui-ci est mon Fils,
mon Élu ; écoutez-le " (Lc 9, 35).
555 Pour un instant, Jésus montre sa gloire
divine, confirmant ainsi la confession de Pierre. Il montre aussi que,
pour " entrer dans sa gloire " (Lc 24, 26), il doit
passer par la Croix à Jérusalem. Moïse et Elie avaient vu la gloire
de Dieu sur la Montagne ; la Loi et les prophètes avaient annoncé
les souffrances du Messie (cf. Lc 24, 27). La passion de Jésus est bien
la volonté du Père : le Fils agit en Serviteur de Dieu (cf. Is
42, 1). La nuée indique la présence de l’Esprit Saint :
" Toute la Trinité apparut : le Père dans la voix, le
Fils dans l’homme, l’Esprit dans la nuée lumineuse " (S.
Thomas d’A., s. th. 3, 45, 4, ad 2) :
Tu t’es transfiguré sur la montagne, et,
autant qu’ils en étaient capables, tes disciples ont contemplé
ta Gloire, Christ Dieu afin que lorsqu’ils Te verraient crucifié,
ils comprennent que ta passion était volontaire et qu’ils
annoncent au monde que Tu es vraiment le rayonnement du Père
(Liturgie byzantine, Kontakion de la fête de la Transfiguration).
556 Au seuil de la vie publique : le
Baptême ; au seuil de la Pâque : la Transfiguration. Par le
Baptême de Jésus " fut manifesté le mystère de notre
première régénération " : notre Baptême ; la
Transfiguration " est le sacrement de la seconde
régénération " : notre propre résurrection (S. Thomas
d’A., s. th. 3, 45, 4, ad 2). Dès maintenant nous participons à la
Résurrection du Seigneur par l’Esprit Saint qui agit dans les
sacrements du Corps du Christ. La Transfiguration nous donne un
avant-goût de la glorieuse venue du Christ " qui
transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de
gloire " (Ph 3, 21). Mais elle nous rappelle aussi qu’" il
nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le Royaume
de Dieu " (Ac 14, 22) :
Cela Pierre ne l’avait pas encore compris quand
il désirait vivre avec le Christ sur la montagne (cf. Lc 9, 33). Il
t’a réservé cela, Pierre, pour après la mort. Mais maintenant
il dit lui-même : Descend pour peiner sur la terre, pour
servir sur la terre, pour être méprisé, crucifié sur la terre.
La Vie descend pour se faire tuer ; le Pain descend pour avoir
faim ; la Voie descend, pour se fatiguer en chemin ; la
Source descend, pour avoir soif ; et tu refuses de
peiner ? (S. Augustin, serm. 78, 6 : PL 38, 492-493).
La montée de Jésus à Jérusalem
557 " Or, comme approchait le temps où
il devait être emporté de ce monde, Jésus prit résolument le chemin
de Jérusalem " (Lc 9, 51 ; cf. Jn 13, 1). Par cette
décision, il signifiait qu’il montait à Jérusalem prêt à mourir.
A trois reprises il avait annoncé sa passion et sa Résurrection (cf.
Mc 8, 31-33 ; 9, 31-32 ; 10, 32-34). En se dirigeant vers
Jérusalem, il dit : " Il ne convient pas qu’un
prophète périsse hors de Jérusalem " (Lc 13, 33).
558 Jésus rappelle le martyre des prophètes qui
avaient été mis à mort à Jérusalem (cf. Mt 23, 37a). Néanmoins, il
persiste à appeler Jérusalem à se rassembler autour de lui :
" Combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants à la
manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes (...) et
vous n’avez pas voulu ! " (Mt 23, 37b). Quand
Jérusalem est en vue, il pleure sur elle et exprime encore une fois le
désir de son cœur : " Ah ! Si en ce jour tu avais
compris, toi aussi, le message de paix ! Mais, hélas, il est
demeuré caché à tes yeux " (Lc 19, 41-42).
L’entrée messianique de Jésus à Jérusalem
559 Comment Jérusalem va-t-elle accueillir son
Messie ? Alors qu’il s’était toujours dérobé aux tentatives
populaires de le faire roi (cf. Jn 6, 15), Jésus choisit le temps et
prépare les détails de son entrée messianique dans la ville de
" David, son père " (Lc 1, 32 ; cf. Mt 21,
1-11) Il est acclamé comme le fils de David, celui qui apporte le salut
( "Hosanna " veut dire " sauve
donc ! ", " donne le salut ! ").
Or " Roi de Gloire " (Ps 24, 7-10) entre dans sa Ville
" monté sur un ânon " (Za 9, 9) : il ne
conquiert pas la Fille de Sion, figure de son Église, par la ruse ni
par la violence, mais par l’humilité qui témoigne de la Vérité
(cf. Jn 18, 37). C’est pourquoi les sujets de son Royaume, ce
jour-là, sont les enfants (cf. Mt 21, 15-16 ; Ps 8, 3) et les
" pauvres de Dieu ", qui l’acclament comme les
anges l’annonçaient aux bergers (cf. Lc 19, 38 ; 2, 14). Leur
acclamation, " Béni soit celui qui vient au nom du
Seigneur " (Ps 118, 26), est reprise par l’Église dans le
" Sanctus " de la liturgie eucharistique pour ouvrir
le mémorial de la Pâque du Seigneur.
560 L’entrée de Jésus à Jérusalem manifeste
la Venue du Royaume que le Roi-Messie va accomplir par la Pâque de sa
Mort et de sa Résurrection. C’est par sa célébration, le dimanche
des Rameaux, que la liturgie de l’Église ouvre la grande Semaine
Sainte.
En bref
561 " Toute la vie du Christ fut un
continuel enseignement : ses silences, ses miracles, ses gestes,
sa prière, son amour de l’homme, sa prédilection pour les petits
et les pauvres, l’acceptation du sacrifice total sur la Croix pour
la rédemption du monde, sa Résurrection sont l’actuation de sa
parole et l’accomplissement de la Révélation " (CT 9).
562 Les disciples du Christ doivent se conformer à
Lui jusqu’à ce qu’il soit formé en eux (cf. Ga 4, 19).
" C’est pourquoi nous sommes assumés dans les mystères
de sa vie, configurés à lui, associés à sa mort et à sa
Résurrection, en attendant de l’être à son Règne " (LG
7).
563 Berger ou Mage, on ne peut atteindre Dieu
ici-bas qu’en s’agenouillant devant la crèche de Bethléem et en
l’adorant caché dans la faiblesse d’un enfant.
564 Par sa soumission à Marie et Joseph, ainsi que
par son humble travail pendant de longues années à Nazareth, Jésus
nous donne l’exemple de la sainteté dans la vie quotidienne de la
famille et du travail.
565 Dès le début de sa vie publique, à son
baptême, Jésus est le " Serviteur ",
entièrement consacré à l’œuvre rédemptrice qui s’accomplira
par le " baptême " de sa passion.
566 La tentation au désert montre Jésus, Messie
humble qui triomphe de Satan par sa totale adhésion au dessein de
salut voulu par le Père.
567 Le Royaume des cieux a été inauguré sur la
terre par le Christ. " Il brille aux yeux des hommes dans la
parole, les œuvres et la présence du Christ " (LG 5). L’Église
est le germe et le commencement de ce Royaume. Ses clefs sont
confiées à Pierre.
568 La Transfiguration du Christ a pour but de
fortifier la foi des apôtres en vue de la passion : la montée
sur la " haute montagne " prépare la montée au
Calvaire. Le Christ, Tête de l’Église, manifeste ce que son Corps
contient et rayonne dans les sacrements : " l’espérance
de la Gloire " (Col 1, 27) (cf. S. Léon le Grand, serm. 51,
3 : PL 54, 310C).
569 Jésus est monté volontairement à Jérusalem
tout en sachant qu’il y mourrait de mort violente à cause de la
contradiction de la part des pécheurs (cf. He 12, 3)..
570 L’entrée de Jésus à Jérusalem manifeste
la venue du Royaume que le Roi-Messie, accueilli dans sa ville par les
enfants et les humbles de cœur, va accomplir par la Pâque de sa Mort
et de sa Résurrection.
ARTICLE 4
" JÉSUS-CHRIST A SOUFFERT SOUS PONCE PILATE,
IL A ÉTÉ CRUCIFIÉ, IL EST MORT,
IL A ÉTÉ ENSEVELI "
571 Le mystère pascal de la Croix et de la
Résurrection du Christ est au centre de la Bonne Nouvelle que les
apôtres, et l’Église à leur suite, doivent annoncer au monde. Le
dessein sauveur de Dieu s’est accompli " une fois pour
toutes " (He 9, 26) par la mort rédemptrice de son Fils
Jésus-Christ.
572 L’Église reste fidèle à " l’interprétation
de toutes les Écritures " donnée par Jésus lui-même avant
comme après sa Pâque : " Ne fallait-il pas que le
Messie endurât ces souffrances pour entrer dans sa
gloire ? " (Lc 24, 26-27. 44-45). Les souffrances de
Jésus ont pris leur forme historique concrète du fait qu’il a été
" rejeté par les anciens, les grands prêtres et les
scribes " (Mc 8, 31) qui l’ont " livré aux
païens pour être bafoué, flagellé et mis en croix " (Mt
20, 19).
573 La foi peut donc essayer de scruter les
circonstances de la mort de Jésus, transmises fidèlement par les Évangiles
(cf. DV 19) et éclairées par d’autres sources historiques, pour
mieux comprendre le sens de la Rédemption.
Paragraphe 1. Jésus et Israël
574 Dès les débuts du ministère public de Jésus,
des Pharisiens et des partisans d’Hérode, avec des prêtres et des
scribes, se sont mis d’accord pour le perdre (cf. Mc 3, 6). Par
certains de ses actes (expulsions de démons, cf. Mt 12, 24 ;
pardon des péchés, cf. Mc 2, 7 ; guérisons le jour du sabbat,
cf. Mc 3, 1-6 ; interprétation originale des préceptes de pureté
de la Loi, cf. Mc 7, 14-23 ; familiarité avec les publicains et
les pécheurs publics, cf. Mc 2, 14-17) Jésus a semblé à certains,
mal intentionnés, suspect de possession (cf. Mc 3, 22 ; Jn 8, 48 ;
10, 20). On l’accuse de blasphème (cf. Mc 2, 7 ; Jn 5, 18 ;
10, 33) et de faux prophétisme (cf. Jn 7, 12 ; 7, 52), crimes
religieux que la Loi châtiait par la peine de mort sous forme de
lapidation (cf. Jn 8, 59 ; 10, 31).
575 Bien des actes et des paroles de Jésus ont
donc été un " signe de contradiction " (Lc 2, 34)
pour les autorités religieuses de Jérusalem, celles que l’Évangile
de S. Jean appelle souvent " les Juifs " (cf. Jn 1,
19 ; 2, 18 ; 5, 10 ; 7, 13 ; 9, 22 ; 18, 12 ;
19, 38 ; 20, 19), plus encore que pour le commun du Peuple de Dieu
(cf. Jn 7, 48-49). Certes, ses rapports avec les Pharisiens ne furent
pas uniquement polémiques. Ce sont des Pharisiens qui le préviennent
du danger qu’il court (cf. Lc 13, 31). Jésus loue certains d’entre
eux comme le scribe de Mc 12, 34 et il mange à plusieurs reprises chez
des Pharisiens (cf. Lc 7, 36 ; 14, 1). Jésus confirme des
doctrines partagées par cette élite religieuse du Peuple de Dieu :
la résurrection des morts (cf. Mt 22, 23-34 ; Lc 20, 39), les
formes de piété (aumône, jeûne et prière, cf. Mt 6, 18) et
l’habitude de s’adresser à Dieu comme Père, le caractère central
du commandement de l’amour de Dieu et du prochain (cf. Mc 12, 28-34).
576 Aux yeux de beaucoup en Israël, Jésus
semble agir contre les institutions essentielles du Peuple élu :
– La soumission à la Loi dans l’intégralité de
ses préceptes écrits et, pour les Pharisiens, dans l’interprétation
de la tradition orale.
– La centralité du Temple de Jérusalem comme lieu
saint où Dieu habite d’une manière privilégiée.
– La foi dans le Dieu unique dont aucun homme ne
peut partager la gloire.
I. Jésus et la Loi
577 Jésus a fait une mise en garde solennelle au
début du Sermon sur la Montagne où Il a présenté la Loi donnée par
Dieu au Sinaï lors de la Première alliance à la lumière de la grâce
de la Nouvelle Alliance :
N’allez pas croire que je sois venu abolir la
Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais
accomplir. Car je vous le dis en vérité, avant que ne passent le
ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i ne
passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. Celui donc qui
violera l’un de ces moindres préceptes, sera tenu pour moindre
dans le Royaume des cieux ; au contraire, celui qui les exécutera
et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume de
cieux " (Mt 5, 17-19).
578 Jésus, le Messie d’Israël, le plus grand
donc dans le Royaume des cieux, se devait d’accomplir la Loi en l’exécutant
dans son intégralité jusque dans ses moindres préceptes selon ses
propres paroles. Il est même le seul à avoir pu le faire parfaitement
(cf. Jn 8, 46). Les Juifs, de leur propre aveu, n’ont jamais pu
accomplir la Loi dans son intégralité sans en violer le moindre précepte
(cf. Jn 7, 19 ; Ac 13, 38-41 ; 15, 10). C’est pourquoi à
chaque fête annuelle de l’Expiation, les enfants d’Israël
demandent à Dieu pardon pour leurs transgressions de la Loi. En effet,
la Loi constitue un tout et, comme le rappelle S. Jacques, " aurait-on
observé la Loi tout entière, si l’on commet un écart sur un seul
point, c’est du tout que l’on devient justiciable " (Jc 2,
10 ; cf. Ga 3, 10 ; 5, 3).
579 Ce principe de l’intégralité de
l’observance de la Loi, non seulement dans sa lettre mais dans son
esprit, était cher aux Pharisiens. En le dégageant pour Israël, ils
ont conduit beaucoup de Juifs du temps de Jésus à un zèle religieux
extrême (cf. Rm 10, 2). Celui-ci, s’il ne voulait pas se résoudre en
une casuistique " hypocrite " (cf. Mt 15, 3-7 ;
Lc 11, 39-54), ne pouvait que préparer le Peuple à cette intervention
de Dieu inouïe que sera l’exécution parfaite de la Loi par le seul
Juste à la place de tous les pécheurs (cf. Is 53, 11 ; He 9, 15).
580 L’accomplissement parfait de la Loi ne
pouvait être l’œuvre que du divin Législateur né sujet de la Loi
en la personne du Fils (cf. Ga 4, 4). En Jésus, la Loi n’apparaît
plus gravée sur des tables de pierre mais " au fond du cœur "
(Jr 31, 33) du Serviteur qui, parce qu’il " apporte fidèlement
le droit " (Is 42, 3) est devenu " l’alliance du
peuple " (Is 42, 6). Jésus accomplit la Loi jusqu’à
prendre sur Lui " la malédiction de la Loi " (Ga 3,
13) encourue par ceux qui ne " pratiquent pas tous les préceptes
de la Loi " (Ga 3, 10) car " la mort du Christ a eu
lieu pour racheter les transgressions de la Première alliance "
(He 9, 15).
581 Jésus est apparu aux yeux des Juifs et de
leurs chefs spirituels comme un " rabbi " (cf. Jn
11, 38 ; 3, 2 ; Mt 22, 23-24. 34-36). Il a souvent argumenté
dans le cadre de l’interprétation rabbinique de la Loi (cf. Mt 12, 5 ;
9, 12 ; Mc 2, 23– 27 ; Lc 6, 6-9 ; Jn 7, 22-23). Mais
en même temps, Jésus ne pouvait que heurter les docteurs de la Loi car
il ne se contentait pas de proposer son interprétation parmi les leurs,
" il enseignait comme quelqu’un qui a autorité et non pas
comme les scribes " (Mt 7, 28-29). En lui, c’est la même
Parole de Dieu qui avait retenti au Sinaï pour donner à Moïse la Loi
écrite qui se fait entendre de nouveau sur la Montagne des Béatitudes
(cf. Mt 5, 1). Elle n’abolit pas la Loi mais l’accomplit en
fournissant de manière divine son interprétation ultime : " Vous
avez appris qu’il a été dit aux ancêtres (...) moi je vous dis "
(Mt 5, 33-34). Avec cette même autorité divine, il désavoue certaines
" traditions humaines " (Mc 7, 8) des Pharisiens qui
" annulent la Parole de Dieu " (Mc 7, 13).
582 Allant plus loin, Jésus accomplit la Loi sur
la pureté des aliments, si importante dans la vie quotidienne juive, en
dévoilant son sens " pédagogique " (cf. Ga 3, 24)
par une interprétation divine : " Rien de ce qui pénètre
du dehors dans l’homme ne peut le souiller (...) – ainsi il déclarait
purs tous les aliments. Ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille
l’homme. Car c’est du dedans, du cœur des hommes que sortent les
desseins pervers " (Mc 7, 18-21). En délivrant avec autorité
divine l’interprétation définitive de la Loi, Jésus s’est trouvé
affronté à certains docteurs de la Loi qui ne recevaient pas son
interprétation de la Loi garantie pourtant par les signes divins qui
l’accompagnaient (cf. Jn 5, 36 ; 10, 25. 37-38 ; 12, 37).
Ceci vaut particulièrement pour la question du sabbat : Jésus
rappelle, souvent avec des arguments rabbiniques (cf. Mc 2, 25-27 ;
Jn 7, 22-24), que le repos du sabbat n’est pas troublé par le service
de Dieu (cf. Mt 12, 5 ; Nb 28, 9) ou du prochain (cf. Lc 13, 15-16 ;
14, 3-4) qu’accomplissent ses guérisons.
II. Jésus et le Temple
583 Jésus, comme les prophètes avant lui, a
professé pour le Temple de Jérusalem le plus profond respect. Il y a
été présenté par Joseph et Marie quarante jours après sa naissance
(cf. Lc 2, 22-39). A l’âge de douze ans, il décide de rester dans le
Temple pour rappeler à ses parents qu’il se doit aux affaires de son
Père (cf. Lc 2, 46-49). Il y est monté chaque année au moins pour la
Pâque pendant sa vie cachée (cf. Lc 2, 41) ; son ministère
public lui-même a été rythmé par ses pèlerinages à Jérusalem pour
les grandes fêtes juives (cf. Jn 2, 13-14 ; 5, 1. 14 ; 7, 1.
10. 14 ; 8, 2 ; 10, 22-23).
584 Jésus est monté au Temple comme au lieu
privilégié de la rencontre de Dieu. Le Temple est pour lui la demeure
de son Père, une maison de prière, et il s’indigne de ce que son
parvis extérieur soit devenu un lieu de trafic (cf. Mt 21, 13). S’il
chasse les marchands du Temple, c’est par amour jaloux pour son Père :
" Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de
commerce. Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : ‘Le
zèle pour ta maison me dévorera’ (Ps 69, 10) " (Jn 2,
16-17). Après sa Résurrection, les apôtres ont gardé un respect
religieux pour le Temple (cf. Ac 2, 46 ; 3, 1 ; 5, 20. 21 ;
etc.).
585 Au seuil de sa passion, Jésus a cependant
annoncé la ruine de ce splendide édifice dont il ne restera plus
pierre sur pierre (cf. Mt 24, 1-2). Il y a ici annonce d’un signe des
derniers temps qui vont s’ouvrir avec sa propre Pâque (cf. Mt 24, 3 ;
Lc 13, 35). Mais cette prophétie a pu être rapportée de manière déformée
par de faux témoins lors de son interrogatoire chez le grand prêtre
(cf. Mc 14, 57-58) et lui être renvoyée comme injure lorsqu’il était
cloué sur la croix (cf. Mt 27, 39-40).
586 Loin d’avoir été hostile au Temple (cf.
Mt 8, 4 ; 23, 21 ; Lc 17, 14 ; Jn 4, 22) où il a donné
l’essentiel de son enseignement (cf. Jn 18, 20), Jésus a voulu payer
l’impôt du Temple en s’associant Pierre (cf. Mt 17, 24-27) qu’il
venait de poser comme fondement pour son Église à venir (cf. Mt 16,
18). Plus encore, il s’est identifié au Temple en se présentant
comme la demeure définitive de Dieu parmi les hommes (cf. Jn 2, 21 ;
Mt 12, 6). C’est pourquoi sa mise à mort corporelle (cf. Jn 2, 18-22)
annonce la destruction du Temple qui manifestera l’entrée dans un
nouvel âge de l’histoire du salut : " L’heure vient
où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez
le Père " (Jn 4, 21 ; cf. Jn 4, 23-24 ; Mt 27, 51 ;
He 9, 11 ; Ap 21, 22).
III. Jésus et la foi d’Israël au Dieu Unique
et Sauveur
587 Si la Loi et le Temple de Jérusalem ont pu
être occasion de " contradiction " (cf. Lc 2, 34)
de la part de Jésus pour les autorités religieuses d’Israël,
c’est son rôle dans la rédemption des péchés, œuvre divine par
excellence, qui a été pour elles la véritable pierre d’achoppement
(cf. Lc 20, 17-18 ; Ps 118, 22).
588 Jésus a scandalisé les Pharisiens en
mangeant avec les publicains et les pécheurs (cf. Lc 5, 30) aussi
familièrement qu’avec eux-mêmes (cf. Lc 7, 36 ; 11, 37 ;
14, 1). Contre ceux d’entre eux " qui se flattaient d’être
des justes et n’avaient que mépris pour les autres " (Lc
18, 9 ; cf. Jn 7, 49 ; 9, 34), Jésus a affirmé : " Je
ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs au repentir "
(Lc 5, 32). Il est allé plus loin en proclamant face aux Pharisiens
que, le péché étant universel (cf. Jn 8, 33-36), ceux qui prétendent
ne pas avoir besoin de salut s’aveuglent sur eux-mêmes (cf. Jn 9,
40-41).
589 Jésus a surtout scandalisé parce qu’Il a
identifié sa conduite miséricordieuse envers les pécheurs avec
l’attitude de Dieu Lui-même à leur égard (cf. Mt 9, 13 ; Os 6,
6). Il est allé jusqu’à laisser entendre qu’en partageant la table
des pécheurs (cf. Lc 15, 1-2), Il les admettait au banquet messianique
(cf. Lc 15, 23-32). Mais c’est tout particulièrement en pardonnant
les péchés que Jésus a mis les autorités religieuses d’Israël
devant un dilemme. Ne diraient-elles pas avec justesse dans leur effroi :
" Dieu seul peut pardonner les péchés " (Mc 2, 7) ?
En pardonnant les péchés, ou bien Jésus blasphème car c’est un
homme qui se fait l’égal de Dieu (cf. Jn 5, 18 ; 10, 33), ou
bien Il dit vrai et sa personne rend présent et révèle le nom de Dieu
(cf. Jn 17, 6. 26).
590 Seule l’identité divine de la personne de
Jésus peut justifier une exigence aussi absolue que celle-ci :
" Celui qui n’est pas avec moi est contre moi "
(Mt 12, 30) ; de même quand Il dit qu’il y a en Lui " plus
que Jonas, (...) plus que Salomon " (Mt 12, 41-42), " plus
que le Temple " (Mt 12, 6) ; quand Il rappelle à son
sujet que David a appelé le Messie son Seigneur (cf. Mt 12, 36. 37),
quand Il affirme : " Avant qu’Abraham fut, Je Suis "
(Jn 8, 58) ; et même : " Le Père et moi nous
sommes un " (Jn 10, 30).
591 Jésus a demandé aux autorités religieuses
de Jérusalem de croire en Lui à cause des œuvres de son Père qu’Il
accomplit (cf. Jn 10, 36-38). Mais un tel acte de foi devait passer par
une mystérieuse mort à soi-même pour une nouvelle " naissance
d’en haut " (Jn 3, 7) dans l’attirance de la grâce divine
(cf. Jn 6, 44). Une telle exigence de conversion face à un
accomplissement si surprenant des promesses (cf. Is 53, 1) permet de
comprendre la tragique méprise du Sanhédrin estimant que Jésus méritait
la mort comme blasphémateur (cf. Mc 3, 6 ; Mt 26, 64-66). Ses
membres agissaient ainsi à la fois par ignorance (cf. Lc 23, 34 ;
Ac 3, 17-18) et par l’endurcissement (cf. Mc 3, 5 ; Rm 11, 25) de
l’incrédulité (cf. Rm 11, 20).
En bref
592 Jésus n’a pas aboli la Loi du Sinaï, mais
Il l’a accomplie (cf. Mt 5, 17-19) avec une telle perfection (cf. Jn
8, 46) qu’Il en révèle le sens ultime (cf. Mt 5, 33) et qu’Il
rachète les transgressions contre elle (cf. He 9, 15).
593 Jésus a vénéré le Temple en y montant aux fêtes
juives de pèlerinage et Il a aimé d’un amour jaloux cette demeure
de Dieu parmi les hommes. Le Temple préfigure son mystère. S’Il
annonce sa destruction, c’est comme manifestation de sa propre mise
à mort et de l’entrée dans un nouvel âge de l’histoire du
salut, où son Corps sera le Temple définitif.
594 Jésus a posé des actes, tel le pardon des péchés,
qui L’ont manifesté comme étant le Dieu Sauveur lui-même (cf. Jn
5, 16-18). Certains Juifs, qui, ne reconnaissant pas le Dieu fait
homme (cf. Jn 1, 14), voyaient en Lui un homme qui se fait Dieu (cf.
Jn 10, 33), L’ont jugé comme un blasphémateur.
Paragraphe 2. Jésus est mort crucifié
I. Le procès de Jésus
Divisions des autorités juives à l’égard de Jésus
595 Parmi les autorités religieuses de Jérusalem,
non seulement il s’est trouvé le pharisien Nicodème (cf. Jn 7, 52)
ou le notable Joseph d’Arimathie pour être en secret disciples de Jésus
(cf. Jn 19, 38-39), mais il s’est produit pendant longtemps des
dissensions au sujet de Celui-ci (cf. Jn 9, 16-17 ; 10, 19-21) au
point qu’à la veille même de sa passion, S. Jean peut dire d’eux
qu’" un bon nombre crut en lui ", quoique d’une
manière très imparfaite (Jn 12, 42). Cela n’a rien d’étonnant si
l’on tient compte qu’au lendemain de la Pentecôte " une
multitude de prêtres obéissait à la foi " (Ac 6, 7) et que
" certains du parti des Pharisiens étaient devenus croyants "
(Ac 15, 5) au point que S. Jacques peut dire à S. Paul que " plusieurs
milliers de Juifs ont embrassé la foi et ce sont tous d’ardents
partisans de la Loi " (Ac 21, 20).
596 Les autorités religieuses de Jérusalem
n’ont pas été unanimes dans la conduite à tenir vis-à-vis de Jésus
(cf. Jn 9, 16 ; 10, 19). Les pharisiens ont menacé
d’excommunication ceux qui le suivraient (cf. Jn 9, 22). A ceux qui
craignaient que " tous croient en Jésus et que les Romains
viennent détruire notre Lieu Saint et notre nation " (Jn 11,
48), le grand prêtre Caïphe proposa en prophétisant : " Il
est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple et que la
nation ne périsse pas tout entière " (Jn 11, 49-50). Le Sanhédrin,
ayant déclaré Jésus " passible de mort " (Mt 26,
66) en tant que blasphémateur, mais ayant perdu le droit de mise à
mort (cf. Jn 18, 31), livre Jésus aux Romains en l’accusant de révolte
politique (cf. Lc 23, 2) ce qui mettra celui-ci en parallèle avec
Barrabas accusé de " sédition " (Lc 23, 19). Ce
sont aussi des menaces politiques que les grands prêtres exercent sur
Pilate pour qu’il condamne Jésus à mort (cf. Jn 19, 12. 15. 21).
Les Juifs ne sont pas collectivement responsables de
la mort de Jésus
597 En tenant compte de la complexité historique
du procès de Jésus manifestée dans les récits évangéliques, et
quel que puisse être le péché personnel des acteurs du procès
(Judas, le Sanhédrin, Pilate) que seul Dieu connaît, on ne peut en
attribuer la responsabilité à l’ensemble des Juifs de Jérusalem,
malgré les cris d’une foule manipulée (cf. Mc 15, 11) et les
reproches globaux contenus dans les appels à la conversion après la
Pentecôte (cf. Ac 2, 23. 36 ; 3, 13-14 ; 4, 10 ; 5, 30 ;
7, 52 ; 10, 39 ; 13, 27-28 ; 1 Th 2, 14-15). Jésus lui-même
en pardonnant sur la croix (cf. Lc 23, 34) et Pierre à sa suite ont
fait droit à " l’ignorance " (Ac 3, 17) des Juifs
de Jérusalem et même de leurs chefs. Encore moins peut-on, à partir
du cri du peuple : " Que son sang soit sur nous et sur
nos enfants " (Mt 27, 25) qui signifie une formule de
ratification (cf. Ac 5, 28 ; 18, 6), étendre la responsabilité
aux autres Juifs dans l’espace et dans le temps :
Aussi bien l’Église a-t-elle déclaré au
Concile Vatican II : " Ce qui a été commis durant
la passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les
Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. (...) Les Juifs ne
doivent pas être présentés comme réprouvés par Dieu, ni maudits
comme si cela découlait de la Sainte Écriture " (NA 4).
Tous les pécheurs furent les auteurs de la passion
du Christ
598 L’Église, dans le Magistère de sa foi et
dans le témoignage de ses saints, n’a jamais oublié que " les
pécheurs eux-mêmes furent les auteurs et comme les instruments de
toutes les peines qu’endura le divin Rédempteur " (Catech.
R. 1, 5, 11 ; cf. He 12, 3). Tenant compte du fait que nos péchés
atteignent le Christ Lui-même (cf. Mt 25, 45 ; Ac 9, 4-5), l’Église
n’hésite pas à imputer aux chrétiens la responsabilité la plus
grave dans le supplice de Jésus, responsabilité dont ils ont trop
souvent accablé uniquement les Juifs :
Nous devons regarder comme coupables de cette
horrible faute, ceux qui continuent à retomber dans leurs péchés.
Puisque ce sont nos crimes qui ont fait subir à Notre-Seigneur Jésus-Christ
le supplice de la croix, à coup sûr ceux qui se plongent dans les
désordres et dans le mal " crucifient de nouveau dans
leur cœur, autant qu’il est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés
et le couvrent de confusion " (He 6, 6). Et il faut le
reconnaître, notre crime à nous dans ce cas est plus grand que
celui des Juifs. Car eux, au témoignage de l’apôtre, " s’ils
avaient connu le Roi de gloire, ils ne l’auraient jamais crucifié "
(1 Co 2, 8). Nous, au contraire, nous faisons profession de Le connaître.
Et lorsque nous Le renions par nos actes, nous portons en quelque
sorte sur Lui nos mains meurtrières (Catech. R. 1, 5, 11).
Et les démons, ce ne sont pas eux qui L’ont
crucifié ; c’est toi qui avec eux L’as crucifié et Le
crucifies encore, en te délectant dans les vices et les péchés
(S. François d’Assise, admon. 5, 3).
II. La mort rédemptrice du Christ dans le dessein
divin de salut
" Jésus livré selon le dessein bien arrêté
de Dieu "
599 La mort violente de Jésus n’a pas été le
fruit du hasard dans un concours malheureux de circonstances. Elle
appartient au mystère du dessein de Dieu, comme S. Pierre l’explique
aux Juifs de Jérusalem dès son premier discours de Pentecôte :
" Il avait été livré selon le dessein bien arrêté et la
prescience de Dieu " (Ac 2, 23). Ce langage biblique ne
signifie pas que ceux qui ont " livré Jésus " (Ac
3, 13) n’ont été que les exécutants passifs d’un scénario écrit
d’avance par Dieu.
600 A Dieu tous les moments du temps sont présents
dans leur actualité. Il établit donc son dessein éternel de " prédestination "
en y incluant la réponse libre de chaque homme à sa grâce :
" Oui, vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville
contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce
Pilate avec les nations païennes et les peuples d’Israël (cf. Ps 2,
1-2), de telle sorte qu’ils ont accompli tout ce que, dans ta
puissance et ta sagesse, tu avais prédestiné " (Ac 4,
27-28). Dieu a permis les actes issus de leur aveuglement (cf. Mt 26, 54 ;
Jn 18, 36 ; 19, 11) en vue d’accomplir son dessein de salut (cf.
Ac 3, 17-18).
" Mort pour nos péchés selon les Écritures "
601 Ce dessein divin de salut par la mise à mort
du " Serviteur, le Juste " (Is 53, 11 ; cf. Ac
3, 14) avait été annoncé par avance dans l’Écriture comme un mystère
de rédemption universelle, c’est-à-dire de rachat qui libère les
hommes de l’esclavage du péché (cf. Is 53, 11-12 ; Jn 8,
34-36). S. Paul professe, dans une confession de foi qu’il dit avoir
" reçue " (1 Co 15, 3) que " le Christ
est mort pour nos péchés selon les Écritures "
(ibidem ; cf. aussi Ac 3, 18 ; 7, 52 ; 13, 29 ; 26,
22-23). La mort rédemptrice de Jésus accomplit en particulier la prophétie
du Serviteur souffrant (cf. Is 53, 7-8 et Ac 8, 32-35). Jésus lui-même
a présenté le sens de sa vie et de sa mort à la lumière du Serviteur
souffrant (cf. Mt 20, 28). Après sa Résurrection, il a donné cette
interprétation des Écritures aux disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24,
25-27), puis aux apôtres eux-mêmes (cf. Lc 24, 44-45).
" Dieu l’a fait péché pour nous "
602 S. Pierre peut en conséquence formuler ainsi
la foi apostolique dans le dessein divin de salut : " Vous
avez été affranchis de la vaine conduite héritée de vos pères par
un sang précieux, comme d’un agneau sans reproche et sans tache, le
Christ, discerné avant la fondation du monde et manifesté dans les
derniers temps à cause de vous " (1 P 1, 18-20). Les péchés
des hommes, consécutifs au péché originel, sont sanctionnés par la
mort (cf. Rm 5, 12 ; 1 Co 15, 56). En envoyant son propre Fils dans
la condition d’esclave (cf. Ph 2, 7), celle d’une humanité déchue
et vouée à la mort à cause du péché (cf. Rm 8, 3), " Dieu
l’a fait péché pour nous, lui qui n’avait pas connu le péché,
afin qu’en lui nous devenions justice pour Dieu " (2 Co 5,
21).
603 Jésus n’a pas connu la réprobation comme
s’il avait lui-même péché (cf. Jn 8, 46). Mais dans l’amour rédempteur
qui l’unissait toujours au Père (cf. Jn 8, 29), il nous a assumé
dans l’égarement de notre péché par rapport à Dieu au point de
pouvoir dire en notre nom sur la croix : " Mon Dieu, mon
Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné " (Mc 15, 34 ; Ps 22,
1). L’ayant rendu ainsi solidaire de nous pécheurs, " Dieu
n’a pas épargné son propre Fils mais l’a livré pour nous tous "
(Rm 8, 32) pour que nous soyons " réconciliés avec Lui par
la mort de son Fils " (Rm 5, 10).
Dieu a l’initiative de l’amour rédempteur
universel
604 En livrant son Fils pour nos péchés, Dieu
manifeste que son dessein sur nous est un dessein d’amour bienveillant
qui précède tout mérite de notre part : " En ceci
consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais
c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de
propitiation pour nos péchés " (1 Jn 4, 10 ; cf. 4,
19). " La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ,
alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous "
(Rm 5, 8).
605 Cet amour est sans exclusion Jésus l’a
rappelé en conclusion de la parabole de la brebis perdue : " Ainsi
on ne veut pas, chez votre Père qui est aux cieux, qu’un seul de ses
petits ne se perde " (Mt 18, 14). Il affirme " donner
sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28) ;
ce dernier terme n’est pas restrictif : il oppose l’ensemble de
l’humanité à l’unique personne du Rédempteur qui se livre pour la
sauver (cf. Rm 5, 18-19). L’Église, à la suite des apôtres (cf. 2
Co 5, 15 ; 1 Jn 2, 2), enseigne que le Christ est mort pour tous
les hommes sans exception : " Il n’y a, il n’y a eu
et il n’y aura aucun homme pour qui le Christ n’ait pas souffert "
(Cc. Quiercy en 853 : DS 624).
III. Le Christ s’est offert lui-même à son Père
pour nos péchés
Toute la vie du Christ est offrande au Père
606 Le Fils de Dieu, " descendu du ciel
non pour faire sa volonté mais celle de son Père qui l’a envoyé "
(Jn 6, 38), " dit en entrant dans le monde : (...) Voici
je viens (...) pour faire ô Dieu ta volonté. (...) C’est en vertu de
cette volonté que nous sommes sanctifiés par l’oblation du corps de
Jésus-Christ, une fois pour toutes " (He 10, 5-10). Dès le
premier instant de son Incarnation, le Fils épouse le dessein de salut
divin dans sa mission rédemptrice : " Ma nourriture est
de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre
à bonne fin " (Jn 4, 34). Le sacrifice de Jésus " pour
les péchés du monde entier " (1 Jn 2, 2) est l’expression
de sa communion d’amour au Père : " Le Père m’aime
parce que je donne ma vie " (Jn 10, 17). " Il faut
que le monde sache que j’aime le Père et que je fais comme le Père
m’a commandé " (Jn 14, 31).
607 Ce désir d’épouser le dessein d’amour rédempteur
de son Père anime toute la vie de Jésus (cf. Lc 12, 50 ; 22, 15 ;
Mt 16, 21-23) car sa passion rédemptrice est la raison d’être de son
Incarnation : " Père, sauve-moi de cette heure !
Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure " (Jn
12, 27). " La coupe que m’a donnée le Père ne la boirai-je
pas ? " (Jn 18, 11). Et encore sur la croix avant que
" tout soit accompli " (Jn 19, 30), il dit :
" J’ai soif " (Jn 19, 28).
" L’Agneau qui enlève le péché du
monde "
608 Après avoir accepté de Lui donner le Baptême
à la suite des pécheurs (cf. Lc 3, 21 ; Mt 3, 14-15),
Jean-Baptiste a vu et montré en Jésus l’Agneau de Dieu, qui enlève
les péchés du monde (cf. Jn 1, 29. 36). Il manifeste ainsi que Jésus
est à la fois le Serviteur souffrant qui, silencieux, se laisse mener
à l’abattoir (cf. Is 53, 7 ; Jr 11, 19) et porte le péché des
multitudes (cf. Is 53, 12), et l’agneau Pascal symbole de la rédemption
d’Israël lors de la première Pâque (cf. Ex 12, 3-14 ; Jn 19,
36 ; 1 Co 5, 7). Toute la vie du Christ exprime sa mission :
servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (cf. Mc 10, 45).
Jésus épouse librement l’amour rédempteur du Père
609 En épousant dans son cœur humain l’amour
du Père pour les hommes, Jésus " les a aimés jusqu’à la
fin " (Jn 13, 1) " car il n’y a pas de plus grand
amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime " (Jn 15,
13). Ainsi dans la souffrance et dans la mort, son humanité est devenue
l’instrument libre et parfait de son amour divin qui veut le salut des
hommes (cf. He 2, 10. 17-18 ; 4, 15 ; 5, 7-9). En effet, il a
librement accepté sa passion et sa mort par amour de son Père et des
hommes que Celui-ci veut sauver : " Personne ne m’enlève
la vie, mais je la donne de moi-même " (Jn 10, 18). D’où
la souveraine liberté du Fils de Dieu quand il va lui-même vers la
mort (cf. Jn 18, 4-6 ; Mt 26, 53).
A la Cène Jésus a anticipé l’offrande libre de
sa vie
610 Jésus a exprimé suprêmement l’offrande
libre de Lui-même dans le repas pris avec les douze apôtres (cf. Mt
26, 20), dans " la nuit où Il fut livré " (1 Co
11, 23). La veille de sa passion, alors qu’Il était encore libre, Jésus
a fait de cette dernière Cène avec ses apôtres le mémorial de son
offrande volontaire au Père (cf. 1 Co 5, 7) pour le salut des hommes :
" Ceci est mon corps donné pour vous " (Lc
22, 19). " Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui va
être répandu pour une multitude en rémission des péchés "
(Mt 26, 28).
611 L’Eucharistie qu’il institue à ce moment
sera le " mémorial " (1 Co 11, 25) de son
sacrifice. Jésus inclut les apôtres dans sa propre offrande et leur
demande de la perpétuer (cf. Lc 22, 19). Par là, Jésus institue ses
apôtres prêtres de l’Alliance Nouvelle : " Pour eux
Je me consacre afin qu’ils soient eux aussi consacrés dans la vérité "
(Jn 17, 19 ; cf. Cc. Trente : DS 1752 ; 1764).
L’agonie à Gethsémani
612 La coupe de la Nouvelle Alliance, que Jésus
a anticipée à la Cène en s’offrant lui-même (cf. Lc 22, 20), il
l’accepte ensuite des mains du Père dans son agonie à Gethsémani
(cf. Mt 26, 42) en se faisant " obéissant jusqu’à la mort "
(Ph 2, 8 ; cf. He 5, 7-8). Jésus prie : " Mon Père,
s’il est possible que cette coupe passe loin de moi... " (Mt
26, 39). Il exprime ainsi l’horreur que représente la mort pour sa
nature humaine. En effet celle-ci, comme la nôtre, est destinée à la
vie éternelle ; en plus, à la différence de la nôtre, elle est
parfaitement exempte du péché (cf. He 4, 15) qui cause la mort (cf. Rm
5, 12) ; mais surtout elle est assumée par la personne divine du
" Prince de la Vie " (Ac 3, 15), du " Vivant "
(Ap 1, 17 ; cf. Jn 1, 4 ; 5, 26). En acceptant dans sa volonté
humaine que la volonté du Père soit faite (cf. Mt 26, 42), il accepte
sa mort en tant que rédemptrice pour " porter lui-même nos
fautes dans son corps sur le bois " (1 P 2, 24).
La mort du Christ est le sacrifice unique et définitif
613 La mort du Christ est à la fois le sacrifice
Pascal qui accomplit la rédemption définitive des hommes (cf. 1 Co
5, 7 ; Jn 8, 34-36) par l’Agneau qui porte le péché du monde
(cf. Jn 1, 29 ; 1 P 1, 19) et le sacrifice de la Nouvelle
Alliance (cf. 1 Co 11, 25) qui remet l’homme en communion avec
Dieu (cf. Ex 24, 8) en le réconciliant avec Lui par le sang répandu
pour la multitude en rémission des péchés (cf. Mt 26, 28 ; Lv
16, 15-16).
614 Ce sacrifice du Christ est unique, il achève
et dépasse tous les sacrifices (cf. He 10, 10). Il est d’abord un don
de Dieu le Père lui-même : c’est le Père qui livre son Fils
pour nous réconcilier avec lui (cf. 1 Jn 4, 10). Il est en même temps
offrande du Fils de Dieu fait homme qui, librement et par amour (cf. Jn
15, 13), offre sa vie (cf. Jn 10, 17-18) à son Père par l’Esprit
Saint (cf. He 9, 14), pour réparer notre désobéissance.
Jésus substitue son obéissance à notre désobéissance
615 " Comme par la désobéissance
d’un seul la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par
l’obéissance d’un seul la multitude sera constituée juste "
(Rm 5, 19). Par son obéissance jusqu’à la mort, Jésus a accompli la
substitution du Serviteur souffrant qui " offre sa vie en sacrifice
expiatoire ", " alors qu’il portait le péché
des multitudes " " qu’il justifie en s’accablant
lui-même de leurs fautes " (Is 53, 10-12). Jésus a réparé
pour nos fautes et satisfait au Père pour nos péchés (cf. Cc. Trente :
DS 1529).
Sur la croix, Jésus consomme son sacrifice
616 C’est " l’amour jusqu’à la
fin " (Jn 13, 1) qui confère sa valeur de rédemption et de réparation,
d’expiation et de satisfaction au sacrifice du Christ. Il nous a tous
connus et aimés dans l’offrande de sa vie (cf. Ga 2, 20 ; Ep 5,
2. 25). " L’amour du Christ nous presse, à la pensée que,
si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts " (2 Co
5, 14). Aucun homme, fût-il le plus saint, n’était en mesure de
prendre sur lui les péchés de tous les hommes et de s’offrir en
sacrifice pour tous. L’existence dans le Christ de la Personne divine
du Fils, qui dépasse et, en même temps, embrasse toutes les personnes
humaines, et qui le constitue Tête de toute l’humanité, rend
possible son sacrifice rédempteur pour tous.
617 " Par sa sainte passion, sur le
bois de la Croix, Il nous a mérité la justification "
enseigne le Concile de Trente (DS 1529) : soulignant le caractère
unique du sacrifice du Christ comme " principe de salut éternel "
(He 5, 9). Et l’Église vénère la Croix en chantant : " Salut,
O Croix, notre unique espérance " (Hymne " Vexilla
Regis ").
Notre participation au sacrifice du Christ
618 La Croix est l’unique sacrifice du Christ
" seul médiateur entre Dieu et les hommes " (1 Tm
2, 5). Mais, parce que, dans sa Personne divine incarnée, " il
s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme " (GS 22,
§ 2), il " offre à tous les hommes, d’une façon que Dieu
connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal "
(GS 22, § 5). Il appelle ses disciples à " prendre leur
croix et à le suivre " (Mt 16, 24) car " il a
souffert pour nous, il nous a tracé le chemin afin que nous suivions
ses pas " (1 P 2, 21). Il veut en effet associer à son
sacrifice rédempteur ceux-là même qui en sont les premiers bénéficiaires
(cf. Mc 10, 39 ; Jn 21, 18-19 ; Col 1, 24). Cela s’accomplit
suprêmement pour sa Mère, associée plus intimement que tout autre au
mystère de sa souffrance rédemptrice (cf. Lc 2, 35) :
En dehors de la Croix il n’y a pas d’autre échelle
par où monter au ciel (Ste. Rose de Lima, vita).
En bref
619 " Le Christ est mort pour nos péchés
selon les Écritures " (1 Co 15, 3).
620 Notre salut découle de l’initiative
d’amour de Dieu envers nous car " c’est lui qui nous a
aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos
péchés " (1 Jn 4, 10). " C’est Dieu qui dans
le Christ se réconciliait le monde " (2 Co 5, 19).
621 Jésus s’est offert librement pour notre
salut. Ce don, il le signifie et le réalise à l’avance pendant
la dernière cène : " Ceci est mon corps, qui va être
donné pour vous " (Lc 22, 19).
622 En ceci consiste la rédemption du Christ :
il " est venu donner sa vie en rançon pour la multitude "
(Mt 20, 28), c’est-à-dire " aimer les siens jusqu’à
la fin " (Jn 13, 1) pour qu’ils soient " affranchis
de la vaine conduite héritée de leurs pères " (1 P 1,
18).
623 Par son obéissance aimante au Père, " jusqu’à
la mort de la croix " (Ph 2, 8), Jésus accomplit la
mission expiatrice (cf. Is 53, 10) du Serviteur souffrant qui " justifie
les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes "
(Is 53, 11 ; cf. Rm 5, 19).
Paragraphe 3. Jésus-Christ a été enseveli
624 " Par la grâce de Dieu, au bénéfice
de tout homme, il a goûté la mort " (He 2, 9). Dans son
dessein de salut, Dieu a disposé que son Fils non seulement " mourrait
pour nos péchés " (1 Co 15, 3) mais aussi qu’il " goûterait
la mort ", c’est-à-dire connaîtrait l’état de mort,
l’état de séparation entre son âme et son corps, durant le temps
compris entre le moment où il a expiré sur la croix et le moment où
il est ressuscité. Cet état du Christ mort est le mystère du sépulcre
et de la descente aux enfers. C’est le mystère du Samedi Saint où le
Christ déposé au tombeau (cf. Jn 19, 42) manifeste le grand repos
sabbatique de Dieu (cf. He 4, 7-9) après l’accomplissement (cf. Jn
19, 30) du salut des hommes qui met en paix l’univers entier (cf. Col
1, 18-20).
Le Christ au sépulcre dans son corps
625 Le séjour du Christ au tombeau constitue le
lien réel entre l’état passible du Christ avant Pâque et son actuel
état glorieux de Ressuscité. C’est la même personne du " Vivant "
qui peut dire : " J’ai été mort et me voici vivant
pour les siècles des siècles " (Ap 1, 18) :
Dieu [le Fils] n’a pas empêché la mort de séparer
l’âme du corps, selon l’ordre nécessaire à la nature, mais il
les a de nouveau réunis l’un à l’autre par la Résurrection,
afin d’être lui-même dans sa personne le point de rencontre
de la mort et de la vie en arrêtant en lui la décomposition de
la nature produite par la mort et en devenant lui-même principe de
réunion pour les parties séparées (S. Grégoire de Nysse, or.
catech. 16 : PG 45, 52B).
626 Puisque le " Prince de la vie "
qu’on a mis à mort (Ac 3, 15) est bien le même que " le
Vivant qui est ressuscité " (Lc 24, 5-6), il faut que la
personne divine du Fils de Dieu ait continué à assumer son âme et son
corps séparés entre eux par la mort :
Du fait qu’à la mort du Christ l’âme a été
séparée de la chair, la personne unique ne s’est pas trouvée
divisée en deux personnes ; car le corps et l’âme du Christ
ont existé au même titre dès le début dans la personne du Verbe ;
et dans la mort, quoique séparés l’un de l’autre, ils sont
restés chacun avec la même et unique personne du Verbe (S. Jean
Damascène, f. o. 3, 27 : PG 94, 1098A).
" Tu ne laisseras pas ton saint voir la
corruption "
627 La mort du Christ a été une vraie mort en
tant qu’elle a mis fin à son existence humaine terrestre. Mais à
cause de l’union que la Personne du Fils a gardé avec son Corps, il
n’est pas devenu une dépouille mortelle comme les autres car " il
n’était pas possible qu’il fût retenu en son pouvoir (de la mort) "
(Ac 2, 24). C’est pourquoi " la vertu divine a préservé le
corps du Christ de la corruption " (S. Thomas d’A., s. th.
3, 51, 3). Du Christ on peut dire à la fois : " Il a été
retranché de la terre des vivants " (Is 53, 8) ; et :
" Ma chair reposera dans l’espérance que tu
n’abandonneras pas mon âme aux enfers et ne laisseras pas ton saint
voir la corruption " (Ac 2, 26-27 ; cf. Ps 16, 9-10). La
Résurrection de Jésus " le troisième jour " (1 Co
15, 4 ; Lc 24, 46 ; cf. Mt 12, 40 ; Jon 2, 1 ; Os 6,
2) en était la preuve car la corruption était censée se manifester à
partir du quatrième jour (cf. Jn 11, 39).
" Ensevelis avec le Christ... "
628 Le Baptême, dont le signe originel et plénier
est l’immersion, signifie efficacement la descente au tombeau du chrétien
qui meurt au péché avec le Christ en vue d’une vie nouvelle :
" Nous avons été ensevelis avec le Christ par le Baptême
dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la
gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle "
(Rm 6, 4 ; cf. Col 2, 12 ; Ep 5, 26).
En bref
629 Au bénéfice de tout homme Jésus a goûté la
mort (cf. He 2, 9). C’est vraiment le Fils de Dieu fait homme qui
est mort et qui a été enseveli.
630 Pendant le séjour du Christ au tombeau sa
Personne divine a continué à assumer tant son âme que son corps séparés
pourtant entre eux par la mort. C’est pourquoi le corps du Christ
mort " n’a pas vu la corruption " (Ac 12, 37).
ARTICLE 5
" JÉSUS-CHRIST EST DESCENDU AUX ENFERS,
EST RESSUSCITÉ DES MORTS LE TROISIÈME JOUR "
631 " Jésus est descendu dans les régions
inférieures de la terre. Celui qui est descendu est le même que celui
qui est aussi monté " (Ep 4, 9-10). Le Symbole des apôtres
confesse en un même article de foi la descente du Christ aux enfers et
sa Résurrection des morts le troisième jour, parce que dans sa Pâque
c’est du fond de la mort qu’il a fait jaillir la vie :
Le Christ, ton Fils
qui, remonté des Enfers,
répandit sur le genre humain sa sereine clarté,
et vit et règne pour les siècles des siècles.
Amen
(MR, Vigile Pascale 18 : Exsultet)
Paragraphe 1. Le Christ est descendu aux enfers
632 Les fréquentes affirmations du Nouveau
Testament selon lesquelles Jésus " est ressuscité d’entre
les morts " (Ac 3, 15 ; Rm 8, 11 ; 1 Co 15, 20) présupposent,
préalablement à la résurrection, que celui-ci soit demeuré dans le séjour
des morts (cf. He 13, 20). C’est le sens premier que la prédication
apostolique a donné à la descente de Jésus aux enfers : Jésus a
connu la mort comme tous les hommes et les a rejoints par son âme au séjour
des morts. Mais il y est descendu en Sauveur, proclamant la bonne
nouvelle aux esprits qui y étaient détenus (cf. 1 P 3, 18-19).
633 Le séjour des morts où le Christ mort est
descendu, l’Écriture l’appelle les enfers, le Shéol ou l’Hadès
(cf. Ph 2, 10 ; Ac 2, 24 ; Ap 1, 18 ; Ep 4, 9) parce que
ceux qui s’y trouvent sont privés de la vision de Dieu (cf. Ps 6, 6 ;
88, 11-13). Tel est en effet, en attendant le Rédempteur, le cas de
tous les morts, méchants ou justes (cf. Ps 89, 49 ; 1 S 28, 19 ;
Ez 32, 17-32) ce qui ne veut pas dire que leur sort soit identique comme
le montre Jésus dans la parabole du pauvre Lazare reçu dans " le
sein d’Abraham " (cf. Lc 16, 22-26). " Ce sont précisément
ces âmes saintes, qui attendaient leur Libérateur dans le sein
d’Abraham, que Jésus-Christ délivra lorsqu’il descendit aux enfers "
(Catech. R. 1, 6, 3). Jésus n’est pas descendu aux enfers pour y délivrer
les damnés (cf. Cc. Rome de 745 : DS 587) ni pour détruire
l’enfer de la damnation (cf. DS 1011 ; 1077) mais pour libérer
les justes qui l’avaient précédé (cf. Cc. Tolède IV en 625 :
DS 485 ; Mt 27, 52-53).
634 " La Bonne Nouvelle a été également
annoncée aux morts... " (1 P 4, 6). La descente aux enfers
est l’accomplissement, jusqu’à la plénitude, de l’annonce évangélique
du salut. Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus,
phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa
signification réelle d’extension de l’œuvre rédemptrice à tous
les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui
sont sauvés ont été rendus participants de la Rédemption.
635 Le Christ est donc descendu dans la
profondeur de la mort (cf. Mt 12, 24 ; Rm 10, 7 ; Ep 4, 9)
afin que " les morts entendent la voix du Fils de Dieu et que
ceux qui l’auront entendue vivent " (Jn 5, 25). Jésus,
" le Prince de la vie " (Ac 3, 15), a " réduit
à l’impuissance, par sa mort, celui qui a la puissance de la mort,
c’est-à-dire le diable, et a affranchi tous ceux qui, leur vie entière,
étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort " (He 2,
14-15). Désormais le Christ ressuscité " détient la clef de
la mort et de l’Hadès " (Ap 1, 18) et " au nom de
Jésus tout genou fléchit au ciel, sur terre et aux enfers "
(Ph 2, 10).
Un grand silence règne aujourd’hui sur la
terre, un grand silence et une grande solitude. Un grand silence
parce que le Roi dort. La terre a tremblé et s’est calmée parce
que Dieu s’est endormi dans la chair et qu’il est allé réveiller
ceux qui dormaient depuis des siècles (...). Il va chercher Adam,
notre premier Père, la brebis perdue. Il veut aller visiter tous
ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort.
Il va pour délivrer de leurs douleurs Adam dans les liens et Eve,
captive avec lui, lui qui est en même temps leur Dieu et leur Fils
(...) ‘Je suis ton Dieu, et à cause de toi je suis devenu ton
Fils. Lève-toi, toi qui dormais, car je ne t’ai pas créé pour
que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Relève-toi
d’entre les morts, je suis la Vie des morts’ (Ancienne homélie
pour le Samedi Saint : PG 43, 440A. 452C. 461).
En bref
636 Dans l’expression " Jésus est
descendu aux enfers ", le symbole confesse que Jésus est
mort réellement, et que, par sa mort pour nous, il a vaincu la mort
et le diable " qui a la puissance de la mort "
(He 2, 14).
637 Le Christ mort, dans son âme unie à sa
personne divine, est descendu au séjour des morts. Il a ouvert aux
justes qui l’avaient précédé les portes du ciel.
Paragraphe 2. Le troisième jour il est ressuscité
des morts
638 " Nous vous annonçons la Bonne
Nouvelle : la promesse faite à nos pères, Dieu l’a accomplie en
notre faveur à nous, leurs enfants : Il a ressuscité Jésus "
(Ac 13, 32-33). La Résurrection de Jésus est la vérité culminante de
notre foi dans le Christ, crue et vécue comme vérité centrale par la
première communauté chrétienne, transmise comme fondamentale par la
Tradition, établie par les documents du Nouveau Testament, prêchée
comme partie essentielle du mystère pascal en même temps que la Croix :
Le Christ est ressuscité des morts.
Par sa mort Il a vaincu la mort,
Aux morts Il a donné la vie.
(Liturgie byzantine, Tropaire de Pâques)
I. L’événement historique et transcendant
639 Le mystère de la résurrection du Christ est
un événement réel qui a eu des manifestations historiquement constatées
comme l’atteste le Nouveau Testament. Déjà S. Paul peut écrire aux
Corinthiens vers l’an 56 : " Je vous ai donc transmis
ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour
nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau,
qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, qu’il
est apparu à Céphas, puis aux Douze " (1 Co 15, 3-4). L’apôtre
parle ici de la vivante tradition de la Résurrection qu’il
avait apprise après sa conversion aux portes de Damas (cf. Ac 9, 3-18).
Le tombeau vide
640 " Pourquoi chercher le Vivant parmi
les morts ? Il n’est pas ici, mais il est ressuscité "
(Lc 24, 5-6). Dans le cadre des événements de Pâques, le premier élément
que l’on rencontre est le sépulcre vide. Il n’est pas en soi une
preuve directe. L’absence du corps du Christ dans le tombeau pourrait
s’expliquer autrement (cf. Jn 20, 13 ; Mt 28, 11-15). Malgré
cela, le sépulcre vide a constitué pour tous un signe essentiel. Sa découverte
par les disciples a été le premier pas vers la reconnaissance du fait
de la Résurrection. C’est le cas des saintes femmes d’abord (cf. Lc
24, 3. 22-23), puis de Pierre (cf. Lc 24, 12). " Le disciple
que Jésus aimait " (Jn 20, 2) affirme qu’en entrant dans le
tombeau vide et en découvrant " les linges gisant "
(Jn 20, 6) " il vit et il crut " (Jn 20, 8). Cela
suppose qu’il ait constaté dans l’état du sépulcre vide (cf. Jn
20, 5-7) que l’absence du corps de Jésus n’a pas pu être une œuvre
humaine et que Jésus n’était pas simplement revenu à une vie
terrestre comme cela avait été le cas de Lazare (cf. Jn 11, 44).
Les apparitions du Ressuscité
641 Marie de Magdala et les saintes femmes, qui
venaient achever d’embaumer le corps de Jésus (cf. Mc 16, 1 ; Lc
24, 1) enseveli à la hâte à cause de l’arrivée du Sabbat le soir
du Vendredi Saint (cf. Jn 19, 31. 42), ont été les premières à
rencontrer le Ressuscité (cf. Mt 28, 9-10 ; Jn 20, 11-18). Ainsi
les femmes furent les premières messagères de la Résurrection du
Christ pour les apôtres eux-mêmes (cf. Lc 24, 9-10). C’est à eux
que Jésus apparaît ensuite, d’abord à Pierre, puis aux Douze (cf. 1
Co 15, 5). Pierre, appelé à confirmer la foi de ses frères (cf. Lc
22, 31-32), voit donc le Ressuscité avant eux et c’est sur son témoignage
que la communauté s’écrie : " C’est bien vrai !
Le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon " (Lc
24, 34. 36).
642 Tout ce qui est arrivé dans ces journées
Pascales engage chacun des apôtres – et Pierre tout particulièrement
– dans la construction de l’ère nouvelle qui a débuté au matin de
Pâques. Comme témoins du Ressuscité ils demeurent les pierres de
fondation de son Église. La foi de la première communauté des
croyants est fondée sur le témoignage d’hommes concrets, connus des
chrétiens et, pour la plupart, vivant encore parmi eux. Ces " témoins
de la Résurrection du Christ " (cf. Ac 1, 22) sont avant tout
Pierre et les Douze, mais pas seulement eux : Paul parle clairement
de plus de cinq cents personnes auxquelles Jésus est apparu en une
seule fois, en plus de Jacques et de tous les apôtres (cf. 1 Co 15,
4-8).
643 Devant ces témoignages il est impossible
d’interpréter la Résurrection du Christ en-dehors de l’ordre
physique, et de ne pas la reconnaître comme un fait historique. Il résulte
des faits que la foi des disciples a été soumise à l’épreuve
radicale de la passion et de la mort en croix de leur maître annoncée
par celui-ci à l’avance (cf. Lc 22, 31-32). La secousse provoquée
par la passion fut si grande que les disciples (tout au moins certains
d’entre eux) ne crurent pas aussitôt à la nouvelle de la résurrection.
Loin de nous montrer une communauté saisie par une exaltation mystique,
les Évangiles nous présentent les disciples abattus ( "le
visage sombre " : Lc 24, 17) et effrayés (cf. Jn 20,
19). C’est pourquoi ils n’ont pas cru les saintes femmes de retour
du tombeau et " leurs propos leur ont semblé du radotage "
(Lc 24, 11 ; cf. Mc 16, 11. 13). Quand Jésus se manifeste aux onze
au soir de Pâques, " il leur reproche leur incrédulité et
leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui l’avaient vu
ressuscité " (Mc 16, 14).
644 Même mis devant la réalité de Jésus
ressuscité, les disciples doutent encore (cf. Lc 24, 38), tellement la
chose leur paraît impossible : ils croient voir un esprit (cf. Lc
24, 39). " Dans leur joie ils ne croient pas encore et
demeurent saisis d’étonnement " (Lc 24, 41). Thomas connaîtra
la même épreuve du doute (cf. Jn 20, 24-27) et, lors de la dernière
apparition en Galilée rapportée par Matthieu, " certains
cependant doutèrent " (Mt 28, 17). C’est pourquoi
l’hypothèse selon laquelle la résurrection aurait été un " produit "
de la foi (ou de la crédulité) des apôtres est sans consistance. Bien
au contraire, leur foi dans la Résurrection est née – sous
l’action de la grâce divine – de l’expérience directe de la réalité
de Jésus ressuscité.
L’état de l’humanité ressuscitée du Christ
645 Jésus ressuscité établit avec ses
disciples des rapports directs, à travers le toucher (cf. Lc 24, 39 ;
Jn 20, 27) et le partage du repas (cf. Lc 24, 30. 41-43 ; Jn 21, 9.
13-15). Il les invite par là à reconnaître qu’il n’est pas un
esprit (cf. Lc 24, 39) mais surtout à constater que le corps ressuscité
avec lequel il se présente à eux est le même qui a été martyrisé
et crucifié puisqu’il porte encore les traces de sa passion (cf. Lc
24, 40 ; Jn 20, 20. 27). Ce corps authentique et réel possède
pourtant en même temps les propriétés nouvelles d’un corps glorieux :
il n’est plus situé dans l’espace et le temps, mais peut se rendre
présent à sa guise où et quand il veut (cf. Mt 28, 9. 16-17 ; Lc
24, 15. 36 ; Jn 20, 14. 19. 26 ; 21, 4) car son humanité ne
peut plus être retenue sur terre et n’appartient plus qu’au domaine
divin du Père (cf. Jn 20, 17). Pour cette raison aussi Jésus ressuscité
est souverainement libre d’apparaître comme il veut : sous
l’apparence d’un jardinier (cf. Jn 20, 14-15) ou " sous
d’autres traits " (Mc 16, 12) que ceux qui étaient
familiers aux disciples, et cela pour susciter leur foi (cf. Jn 20, 14.
16 ; 21, 4. 7).
646 La Résurrection du Christ ne fut pas un
retour à la vie terrestre, comme ce fut le cas pour les résurrections
qu’il avait accomplies avant Pâques : la fille de Jaïre, le
jeune de Naïm, Lazare. Ces faits étaient des événements miraculeux,
mais les personnes miraculées retrouvaient, par le pouvoir de Jésus,
une vie terrestre " ordinaire ". A un certain
moment, ils mourront de nouveau. La Résurrection du Christ est
essentiellement différente. Dans son corps ressuscité, il passe de
l’état de mort à une autre vie au-delà du temps et de l’espace.
Le corps de Jésus est, dans la Résurrection, rempli de la puissance du
Saint-Esprit ; il participe à la vie divine dans l’état de sa
gloire, si bien que S. Paul peut dire du Christ qu’il est " l’homme
céleste " (cf. 1 Co 15, 35-50).
La Résurrection comme événement transcendant
647 " O nuit, chante l’‘Exsultet’
de Pâques, toi seule as pu connaître le moment où le Christ est sorti
vivant du séjour des morts " (MR, Vigile Pascale). En effet,
personne n’a été le témoin oculaire de l’événement même de la
Résurrection et aucun évangéliste ne le décrit. Personne n’a pu
dire comment elle s’était faite physiquement. Moins encore son
essence la plus intime, le passage à une autre vie, fut perceptible aux
sens. Événement historique constatable par le signe du tombeau vide et
par la réalité des rencontres des apôtres avec le Christ ressuscité,
la Résurrection n’en demeure pas moins, en ce qu’elle transcende et
dépasse l’histoire, au cœur du mystère de la foi. C’est pourquoi
le Christ ressuscité ne se manifeste pas au monde (cf. Jn 14, 22) mais
à ses disciples, " à ceux qui étaient montés avec lui de
Galilée à Jérusalem, ceux-là mêmes qui sont maintenant ses témoins
auprès du peuple " (Ac 13, 31).
II. La Résurrection – œuvre de la Sainte
Trinité
648 La Résurrection du Christ est objet de foi
en tant qu’elle est une intervention transcendante de Dieu lui-même
dans la création et dans l’histoire. En elle, les trois Personnes
divines à la fois agissent ensemble et manifestent leur originalité
propre. Elle s’est fait par la puissance du Père qui " a
ressuscité " (cf. Ac 2, 24) le Christ, son Fils, et a de
cette façon introduit de manière parfaite son humanité – avec son
corps – dans la Trinité. Jésus est définitivement révélé " Fils
de Dieu avec puissance selon l’Esprit, par sa Résurrection d’entre
les morts " (Rm 1, 3-4). S. Paul insiste sur la manifestation
de la puissance de Dieu (cf. Rm 6, 4 ; 2 Co 13, 4 ; Ph 3, 10 ;
Ep 1, 19-22 ; He 7, 16) par l’œuvre de l’Esprit qui a vivifié
l’humanité morte de Jésus et l’a appelée à l’état glorieux de
Seigneur.
649 Quant au Fils, il opère sa propre Résurrection
en vertu de sa puissance divine. Jésus annonce que le Fils de l’homme
devra beaucoup souffrir, mourir, et ensuite ressusciter (sens actif du
mot) (cf. Mc 8, 31 ; 9, 9-31 ; 10, 34). Ailleurs, il affirme
explicitement : " Je donne ma vie pour la reprendre.
(...) J’ai pouvoir de la donner et pouvoir de la reprendre "
(Jn 10, 17-18). " Nous croyons (...) que Jésus est mort, puis
est ressuscité " (1 Th 4, 14).
650 Les Pères contemplent la Résurrection à
partir de la personne divine du Christ qui est restée unie à son âme
et à son corps séparés entre eux par la mort : " Par
l’unité de la nature divine qui demeure présente dans chacune des
deux parties de l’homme, celles-ci s’unissent à nouveau. Ainsi la
mort se produit par la séparation du composé humain, et la Résurrection
par l’union des deux parties séparées " (S. Grégoire de
Nysse, res. 1 : PG 46, 617B) ; cf. aussi DS 325 ; 359 ;
369 ; 539).
III. Sens et portée salvifique de la Résurrection
651 " Si le Christ n’est pas
ressuscité, alors notre prédication est vaine et vaine aussi notre foi "
(1 Co 15, 14). La Résurrection constitue avant tout la confirmation de
tout ce que le Christ lui-même a fait et enseigné. Toutes les vérités,
même les plus inaccessibles à l’esprit humain, trouvent leur
justification si en ressuscitant le Christ a donné la preuve définitive
qu’il avait promise, de son autorité divine.
652 La Résurrection du Christ est accomplissement
des promesses de l’Ancien Testament (cf. Lc 24, 26-27. 44-48) et
de Jésus lui-même durant sa vie terrestre (cf. Mt 28, 6 ; Mc 16,
7 ; Lc 24, 6-7). L’expression " selon les Écritures "
(cf. 1 Co 15, 3-4 et le Symbole de Nicée-Constantinople) indique que la
Résurrection du Christ accomplit ces prédictions.
653 La vérité de la divinité de Jésus
est confirmée par sa Résurrection. Il avait dit : " Quand
vous aurez élevé le Fils de l’Homme, alors vous saurez que Je Suis "
(Jn 8, 28). La Résurrection du Crucifié démontra qu’il était
vraiment " Je Suis ", le Fils de Dieu et Dieu Lui-même.
S. Paul a pu déclarer aux Juifs : " La promesse faite à
nos pères, Dieu l’a accomplie en notre faveur (...) ; il a
ressuscité Jésus, ainsi qu’il était écrit au Psaume premier :
Tu es mon Fils, moi-même aujourd’hui je t’ai engendré "
(Ac 13, 32. 34 ; cf. Ps 2, 7). La Résurrection du Christ est étroitement
liée au mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu. Elle en est
l’accomplissement selon le dessein éternel de Dieu.
654 Il y a un double aspect dans le mystère
Pascal : par sa mort il nous libère du péché, par sa Résurrection
il nous ouvre l’accès à une nouvelle vie. Celle-ci est d’abord la
justification qui nous remet dans la grâce de Dieu (cf. Rm 4, 25)
" afin que, comme le Christ est ressuscité des morts, nous
vivions nous aussi dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4). Elle
consiste en la victoire sur la mort du péché et dans la nouvelle
participation à la grâce (cf. Ep 2, 4-5 ; 1 P 1, 3). Elle
accomplit l’adoption filiale car les hommes deviennent frères
du Christ, comme Jésus lui-même appelle ses disciples après sa Résurrection :
" Allez annoncer à mes frères " (Mt 28, 10 ;
Jn 20, 17). Frères non par nature, mais par don de la grâce, parce que
cette filiation adoptive procure une participation réelle à la vie du
Fils unique, qui s’est pleinement révélée dans sa Résurrection.
655 Enfin, la Résurrection du Christ – et le
Christ ressuscité lui-même – est principe et source de notre résurrection
future : " Le Christ est ressuscité des morts, prémices
de ceux qui se sont endormis (...), de même que tous meurent en Adam,
tous aussi revivront dans le Christ " (1 Co 15, 20-22). Dans
l’attente de cet accomplissement, le Christ ressuscité vit dans le cœur
de ses fidèles. En Lui les chrétiens " goûtent aux forces
du monde à venir " (He 6, 5) et leur vie est entraînée par
le Christ au sein de la vie divine (cf. Col 3, 1-3) " afin
qu’ils ne vivent plus pour eux-mêmes mais pour Celui qui est mort et
ressuscité pour eux " (2 Co 5, 15).
En bref
656 La foi en la Résurrection a pour objet un événement
à la fois historiquement attesté par les disciples qui ont réellement
rencontré le Ressuscité, et mystérieusement transcendant en tant
qu’entrée de l’humanité du Christ dans la gloire de Dieu.
657 Le tombeau vide et les linges gisants
signifient par eux-mêmes que le corps du Christ a échappé
aux liens de la mort et de la corruption par la puissance de Dieu. Ils
préparent les disciples à la rencontre du Ressuscité.
658 Le Christ, " premier né d’entre
les morts " (Col 1, 18), est le principe de notre propre résurrection,
dès maintenant par la justification de notre âme (cf. Rm 6, 4), plus
tard par la vivification de notre corps (cf. Rm 8, 11).
ARTICLE 6
" JÉSUS EST MONTÉ AUX CIEUX,
IL SIÈGE À LA DROITE DE DIEU, LE PÈRE TOUT-PUISSANT "
659 " Or le Seigneur Jésus, après
leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il s’assit à la droite de
Dieu " (Mc 16, 19). Le Corps du Christ a été glorifiée dès
l’instant de sa Résurrection comme le prouvent les propriétés
nouvelles et surnaturelles dont jouit désormais son corps en permanence
(cf. Lc 24, 31 ; Jn 20, 19. 26). Mais pendant les quarante jours où
il va manger et boire familièrement avec ses disciples (cf. Ac 10, 41)
et les instruire sur le Royaume (cf. Ac 1, 3), sa gloire reste encore
voilée sous les traits d’une humanité ordinaire (cf. Mc 16, 12 ;
Lc 24, 15 ; Jn 20, 14-15 ; 21, 4). La dernière apparition de
Jésus se termine par l’entrée irréversible de son humanité dans la
gloire divine symbolisée par la nuée (cf. Ac 1, 9 ; cf. aussi Lc
9, 34-35 ; Ex 13, 22) et par le ciel (cf. Lc 24, 51) où il siège
désormais à la droite de Dieu (cf. Mc 16, 19 ; Ac 2, 33 ; 7,
56 ; cf. aussi Ps 110, 1). Ce n’est que de manière tout à fait
exceptionnelle et unique qu’il se montrera à Paul " comme
à l’avorton " (1 Co 15, 8) en une dernière apparition qui
le constitue apôtre (cf. 1 Co 9, 1 ; Ga 1, 16).
660 Le caractère voilé de la gloire du
Ressuscité pendant ce temps transparaît dans sa parole mystérieuse à
Marie-Madeleine : " Je ne suis pas encore monté vers le
Père. Mais va vers mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père
et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu " (Jn 20, 17).
Ceci indique une différence de manifestation entre la gloire du Christ
ressuscité et celle du Christ exalté à la droite du Père. L’événement
à la fois historique et transcendant de l’Ascension marque la
transition de l’une à l’autre.
661 Cette dernière étape demeure étroitement
unie à la première, c’est-à-dire à la descente du ciel réalisée
dans l’Incarnation. Seul celui qui est " sorti du Père "
peut " retourner au Père " : le Christ (cf. Jn
16, 28). " Personne n’est jamais monté aux cieux sinon le
Fils de l’Homme qui est descendu des cieux " (Jn 3, 13 ;
cf. Ep 4, 8-10). Laissée à ses forces naturelles, l’humanité n’a
pas accès à la " Maison du Père " (Jn 14, 2), à
la vie et à la félicité de Dieu. Le Christ seul a pu ouvrir cet accès
à l’homme, " de sorte que nous, ses membres, nous ayons
l’espérance de le rejoindre là où Lui, notre Tête et notre
Principe, nous a précédés " (MR, Préface de l’Ascension)
662 " Moi, une fois élevé de terre,
j’attirerai tous les hommes à moi " (Jn 12, 32). L’élévation
sur la Croix signifie et annonce l’élévation de l’Ascension au
ciel. Elle en est le début. Jésus-Christ, l’unique Prêtre de
l’Alliance nouvelle et éternelle, n’est pas " entré dans
un sanctuaire fait de mains d’hommes (...) mais dans le ciel, afin de
paraître maintenant à la face de Dieu en notre faveur " (He
7, 24). Au ciel le Christ exerce en permanence son sacerdoce, " étant
toujours vivant pour intercéder en faveur de ceux qui par lui
s’avancent vers Dieu " (He 9, 25). Comme " grand
prêtre des biens à venir " (He 9, 11), il est le centre et
l’acteur principal de la liturgie qui honore le Père dans les cieux
(cf. Ap 4, 6-11).
663 Le Christ, désormais, siège à la droite
du Père : : " Par droite du Père nous
entendons la gloire et l’honneur de la divinité, où celui qui
existait comme Fils de Dieu avant tous les siècles comme Dieu et
consubstantiel au Père, s’est assis corporellement après qu’il
s’est incarné et que sa chair a été glorifiée " (S. Jean
Damascène, f. o. 4, 2 : PG 94, 1104C).
664 La session à la droite du Père signifie
l’inauguration du règne du Messie, accomplissement de la vision du
prophète Daniel concernant le Fils de l’homme : " A
lui fut conféré empire, honneur et royaume, et tous les peuples,
nations et langues le servirent. Son empire est un empire à jamais, qui
ne passera point et son royaume ne sera point détruit " (Dn
7, 14). A partir de ce moment, les apôtres sont devenus les témoins du
" Règne qui n’aura pas de fin " (Symbole de Nicée-Constantinople).
En bref
665 L’ascension du Christ marque l’entrée définitive
de l’humanité de Jésus dans le domaine céleste de Dieu d’où il
reviendra (cf. Ac 1, 11), mais qui entre-temps le cache aux yeux des
hommes (cf. Col 3, 3).
666 Jésus-Christ, tête de l’Église, nous précède
dans le Royaume glorieux du Père pour que nous, membres de son corps,
vivions dans l’espérance d’être un jour éternellement avec lui.
667 Jésus-Christ, étant entré une fois pour
toutes dans le sanctuaire du ciel, intercède sans cesse pour nous
comme le médiateur qui nous assure en permanence l’effusion de
l’Esprit Saint .
ARTICLE 7
" D’OÙ IL VIENDRA JUGER LES VIVANTS ET LES MORTS "
I. Il reviendra dans la gloire
Le Christ règne déjà par l’Église...
668 " Le Christ est mort et revenu à
la vie pour être le Seigneur des morts et des vivants " (Rm
14, 9). L’Ascension du Christ au Ciel signifie sa participation, dans
son humanité, à la puissance et à l’autorité de Dieu lui-même. Jésus-Christ
est Seigneur : il possède tout pouvoir dans les cieux et sur la
terre. Il est " au-dessus de toute autorité, pouvoir,
puissance et souveraineté ", car le Père " a tout
mis sous ses pieds " (Ep 1, 20-22). Le Christ est le Seigneur
du cosmos (cf. Ep 4, 10 ; 1 Co 15, 24. 27-28) et de l’histoire.
En lui, l’histoire de l’homme et même toute la création trouvent
leur " récapitulation " (Ep 1, 10), leur achèvement
transcendant.
669 Comme Seigneur, le Christ est aussi la tête
de l’Église qui est son Corps (cf. Ep 1, 22). Élevé au ciel et
glorifié, ayant ainsi accompli pleinement sa mission, il demeure sur la
terre dans son Église. La Rédemption est la source de l’autorité
que le Christ, en vertu de l’Esprit Saint, exerce sur l’Église (cf.
Ep 4, 11-13). " Le règne du Christ est déjà mystérieusement
présent dans l’Église ", " germe et commencement
de ce Royaume sur la terre " (LG 3 ; 5).
670 Depuis l’Ascension, le dessein de Dieu est
entré dans son accomplissement. Nous sommes déjà à " la
dernière heure " (1 Jn 2, 18 ; cf. 1 P 4, 7). " Ainsi
donc déjà les derniers temps sont arrivés pour nous. Le
renouvellement du monde est irrévocablement acquis et, en toute réalité,
anticipé dès maintenant : en effet, déjà sur la terre l’Église
est parée d’une sainteté imparfaite mais véritable " (LG
48). Le Royaume du Christ manifeste déjà sa présence par les signes
miraculeux (cf. Mc 16, 17-18) qui accompagnent son annonce par l’Église
(cf. Mc 16, 20).
... en attendant que tout Lui soit soumis
671 Déjà présent dans son Église, le Règne
du Christ n’est cependant pas encore achevé " avec
puissance et grande gloire " (Lc 21, 27 ; cf. Mt 25, 31)
par l’avènement du Roi sur la terre. Ce Règne est encore attaqué
par les puissances mauvaises (cf. 2 Th 2, 7) même si elles ont été déjà
vaincues à la base par la Pâque du Christ. Jusqu’à ce que tout lui
ai été soumis (cf. 1 Co 15, 28), " jusqu’à l’heure où
seront réalisés les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice
habite, l’Église en pèlerinage porte dans ses sacrements et ses
institutions, qui relèvent de ce temps, la figure du siècle qui passe ;
elle vit elle-même parmi les créatures qui gémissent présentement
encore dans les douleurs de l’enfantement et attendent la
manifestation des fils de Dieu " (LG 48). Pour cette raison
les chrétiens prient, surtout dans l’Eucharistie (cf. 1 Co 11, 26),
pour hâter le retour du Christ (cf. 2 P 3, 11-12) en lui disant :
" Viens, Seigneur " (1 Co 16, 22 ; Ap 22, 17.
20).
672 Le Christ a affirmé avant son Ascension que
ce n’était pas encore l’heure de l’établissement glorieux du
Royaume messianique attendu par Israël (cf. Ac 1, 6-7) qui devait
apporter à tous les hommes, selon les prophètes (cf. Is 11, 1-9),
l’ordre définitif de la justice, de l’amour et de la paix. Le temps
présent est, selon le Seigneur, le temps de l’Esprit et du témoignage
(cf. Ac 1, 8), mais c’est aussi un temps encore marqué par la " détresse "
(1 Co 7, 26) et l’épreuve du mal (cf. Ep 5, 16) qui n’épargne pas
l’Église (cf. 1 P 4, 17) et inaugure les combats des derniers jours
(cf. 1 Jn 2, 18 ; 4, 3 ; 1 Tm 4, 1). C’est un temps
d’attente et de veille (cf. Mt 25, 1. 13 ; Mc 13, 33-37).
L’avènement glorieux du Christ, espérance
d’Israël
673 Depuis l’Ascension, l’avènement du
Christ dans la gloire est imminent (cf. Ap 22, 20) même s’il ne nous
" appartient pas de connaître les temps et les moments que le
Père a fixés de sa seule autorité " (Ac 1, 7 ; cf. Mc
13, 32). Cet avènement eschatologique peut s’accomplir à tout moment
(cf. Mt 24, 44 ; 1 Th 5, 2) même s’il est " retenu ",
lui et l’épreuve finale qui le précédera (cf. 2 Th 2, 3-12).
674 La venue du Messie glorieux est suspendue à
tout moment de l’histoire (cf. Rm 11, 31) à sa reconnaissance par
" tout Israël " (Rm 11, 26 ; Mt 23, 39) dont
" une partie s’est endurcie " (Rm 11, 25) dans
" l’incrédulité " (Rm 11, 20) envers Jésus. S.
Pierre le dit aux juifs de Jérusalem après la Pentecôte : " Repentez-vous
et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés et
qu’ainsi le Seigneur fasse venir le temps de répit. Il enverra alors
le Christ qui vous est destiné, Jésus, celui que le Ciel doit garder
jusqu’au temps de la restauration universelle dont Dieu a parlé dans
la bouche de ses saints prophètes " (Ac 3, 19-21). Et S. Paul
lui fait écho : " Si leur mise à l’écart fut une réconciliation
pour le monde, que sera leur assomption, sinon la vie sortant des morts ? "
(Rm 11, 15). L’entrée de " la plénitude des juifs "
(Rm 11, 12) dans le salut messianique, à la suite de " la plénitude
des païens " (Rm 11, 25 ; cf. Lc 21, 24), donnera au
Peuple de Dieu de " réaliser la plénitude du Christ "
(Ep 4, 13) dans laquelle " Dieu sera tout en tous "
(1 Co 15, 28).
L’Épreuve ultime de l’Église
675 Avant l’avènement du Christ, l’Église
doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux
croyants (cf. Lc 18, 8 ; Mt 24, 12). La persécution qui accompagne
son pèlerinage sur la terre (cf. Lc 21, 12 ; Jn 15, 19-20) dévoilera
le " mystère d’iniquité " sous la forme d’une
imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à
leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. L’imposture
religieuse suprême est celle de l’Anti-Christ, c’est-à-dire celle
d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la
place de Dieu et de son Messie venu dans la chair (cf. 2 Th 2, 4-12 ;
1 Th 5, 2-3 ; 2 Jn 7 ; 1 Jn 2, 18. 22).
676 Cette imposture antichristique se dessine déjà
dans le monde chaque fois que l’on prétend accomplir dans
l’histoire l’espérance messianique qui ne peut s’achever
qu’au-delà d’elle à travers le jugement eschatologique : même
sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté cette falsification du
Royaume à venir sous le nom de millénarisme (cf. DS 3839), surtout
sous la forme politique d’un messianisme sécularisé, " intrinsèquement
perverse " (cf. Pie XI, enc. " Divini Redemptoris "
condamnant le " faux mysticisme " de cette " contrefaçon
de la rédemption des humbles " ; GS 20-21).
677 L’Église n’entrera dans la gloire du
Royaume qu’à travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur
dans sa mort et sa Résurrection (cf. Ap 19, 1-9). Le Royaume ne
s’accomplira donc pas par un triomphe historique de l’Église (cf.
Ap 13, 8) selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur
le déchaînement ultime du mal (cf. Ap 20, 7-10) qui fera descendre du
Ciel son Épouse (cf. Ap 21, 2-4). Le triomphe de Dieu sur la révolte
du mal prendra la forme du Jugement dernier (cf. Ap 20, 12) après
l’ultime ébranlement cosmique de ce monde qui passe (cf. 2 P 3,
12-13).
II. Pour juger les vivants et les morts
678 A la suite des prophètes (cf. Dn 7, 10 ;
Jl 3-4 ; Ml 3, 19) et de Jean-Baptiste (cf. Mt 3, 7-12), Jésus a
annoncé dans sa prédication le Jugement du dernier Jour. Alors seront
mis en lumière la conduite de chacun (cf. Mc 12, 38-40) et le secret
des cœurs (cf. Lc 12, 1-3 ; Jn 3, 20-21 ; Rm 2, 16 ; 1
Co 4, 5). Alors sera condamnée l’incrédulité coupable qui a tenu
pour rien la grâce offerte par Dieu (cf. Mt 11, 20-24 ; 12,
41-42). L’attitude par rapport au prochain révélera l’accueil ou
le refus de la grâce et de l’amour divin (cf. Mt 5, 22 ; 7,
1-5). Jésus dira au dernier jour : " Tout ce que vous
avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi
que vous l’avez fait " (Mt 25, 40).
679 Le Christ est Seigneur de la vie éternelle.
Le plein droit de juger définitivement les œuvres et les cœurs des
hommes appartient à Lui en tant que Rédempteur du monde. Il a " acquis "
ce droit par sa Croix. Aussi le Père a-t-il remis " le
jugement tout entier au Fils " (Jn 5, 22 ; cf. Jn 5, 27 ;
Mt 25, 31 ; Ac 10, 42 ; 17, 31 ; 2 Tm 4, 1). Or, le Fils
n’est pas venu pour juger, mais pour sauver ( cf. Jn 3, 17) et pour
donner la vie qui est en lui (cf. Jn 5, 26). C’est par le refus de la
grâce en cette vie que chacun se juge déjà lui-même (cf. Jn 3, 18 ;
12, 48), reçoit selon ses œuvres (cf. 1 Co 3, 12-15) et peut même se
damner pour l’éternité en refusant l’Esprit d’amour (cf. Mt 12,
32 ; He 6, 4-6 ; 10, 26-31).
En bref
680 Le Christ Seigneur règne déjà par l’Église,
mais toutes choses de ce monde ne lui sont pas encore soumises. Le
triomphe du Royaume du Christ ne se fera pas sans un dernier assaut
des puissances du mal.
681 Au Jour du Jugement, lors de la fin du monde,
le Christ viendra dans la gloire pour accomplir le triomphe définitif
du bien sur le mal qui, comme le grain et l’ivraie, auront grandi
ensemble au cours de l’histoire .
682 En venant à la fin des temps juger les vivants
et les morts, le Christ glorieux révélera la disposition secrète
des cœurs et rendra à chaque homme selon ses œuvres et selon son
accueil ou son refus de la grâce.
CHAPITRE TROISIÈME
JE CROIS EN L’ESPRIT SAINT
683 " Nul ne peut appeler Jésus
Seigneur sinon dans l’Esprit Saint " (1 Co 12, 3). " Dieu
a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! "
(Ga 4, 6). Cette connaissance de foi n’est possible que dans
l’Esprit Saint. Pour être en contact avec le Christ, il faut
d’abord avoir été touché par l’Esprit Saint. C’est lui qui
vient au devant de nous, et suscite en nous la foi. De par notre Baptême,
premier sacrement de la foi, la Vie, qui a sa source dans le Père et
nous est offerte dans le Fils, nous est communiquée intimement et
personnellement par l’Esprit Saint dans l’Église :
Le Baptême nous accorde la grâce de la nouvelle
naissance en Dieu le Père par le moyen de son Fils dans l’Esprit
Saint. Car ceux qui portent l’Esprit de Dieu sont conduits au
Verbe, c’est-à-dire au Fils ; mais le Fils les présente au
Père, et le Père leur procure l’incorruptibilité. Donc, sans
l’Esprit, il n’est pas possible de voir le Fils de Dieu, et,
sans le Fils, personne ne peut approcher du Père, car la
connaissance du Père, c’est le Fils, et la connaissance du Fils
de Dieu se fait par l’Esprit Saint (S. Irénée, dem. 7).
684 L’Esprit Saint par sa grâce, est premier
dans l’éveil de notre foi et dans la vie nouvelle qui est de " connaître
le Père et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ " (Jn 17,
3). Cependant il est dernier dans la révélation des Personnes de la
Trinité Sainte. S. Grégoire de Nazianze, " le Théologien ",
explique cette progression par la pédagogie de la " condescendance "
divine :
L’Ancien Testament proclamait manifestement le
Père, le Fils plus obscurément. Le Nouveau a manifesté le Fils, a
fait entrevoir la divinité de l’Esprit. Maintenant l’Esprit a
droit de cité parmi nous et nous accorde une vision plus claire de
lui-même. En effet il n’était pas prudent, quand on ne
confessait pas encore la divinité du Père, de proclamer
ouvertement le Fils et, quand la divinité du Fils n’était pas
encore admise, d’ajouter l’Esprit Saint comme un fardeau supplémentaire,
pour employer une expression un peu hardie... C’est par des
avances et des progressions " de gloire en gloire "
que la lumière de la Trinité éclatera en plus brillantes clartés
(S. Grégoire de Naz., or. theol. 5, 26 : PG 36, 161C).
685 Croire en l’Esprit Saint c’est donc
professer que l’Esprit Saint est l’une des Personnes de la Trinité
Sainte, consubstantielle au Père et au Fils, " adoré et
glorifié avec le Père et le Fils " (Symbole de Nicée-Constantinople).
C’est pourquoi il a été question du mystère divin de l’Esprit
Saint dans la " théologie " trinitaire. Ici il ne
s’agira donc de l’Esprit Saint que dans " l’économie "
divine.
686 L’Esprit Saint est à l’œuvre avec le Père
et le Fils du commencement à la consommation du dessein de notre salut.
Mais c’est dans les " derniers temps ", inaugurés
avec l’Incarnation rédemptrice du Fils, qu’Il est révélé et donné,
reconnu et accueilli comme Personne. Alors ce dessein divin, achevé
dans le Christ, " Premier-Né " et Tête de la
nouvelle création, pourra prendre corps dans l’humanité par
l’Esprit répandu : l’Église, la communion des saints, la rémission
des péchés, la résurrection de la chair, la vie éternelle.
ARTICLE 8
" JE CROIS EN L’ESPRIT SAINT "
687 " Nul ne connaît ce qui concerne
Dieu, sinon l’Esprit de Dieu " (1 Co 2, 11). Or, son Esprit
qui le révèle nous fait connaître le Christ, son Verbe, sa Parole
vivante, mais ne se dit pas lui-même. Celui qui " a parlé
par les prophètes " nous fait entendre la Parole du Père.
Mais lui, nous ne l’entendons pas. Nous ne le connaissons que dans le
mouvement où il nous révèle le Verbe et nous dispose à
L’accueillir dans la foi. L’Esprit de Vérité qui nous " dévoile "
le Christ " ne parle pas de lui-même " (Jn 16, 13).
Un tel effacement, proprement divin, explique pourquoi " le
monde ne peut pas le recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le
connaît ", tandis que ceux qui croient au Christ le
connaissent parce qu’il demeure avec eux (Jn 14, 17).
688 L’Église, communion vivante dans la foi
des apôtres qu’elle transmet, est le lieu de notre connaissance de
l’Esprit Saint :
– dans les Écritures qu’Il a inspirées ;
– dans la Tradition, dont les Pères de l’Église
sont les témoins toujours actuels ;
– dans le Magistère de l’Église qu’Il assiste ;
– dans la liturgie sacramentelle, à travers ses
paroles et ses symboles, où l’Esprit Saint nous met en communion avec
le Christ ;
– dans la prière dans laquelle Il intercède pour
nous ;
– dans les charismes et les ministères par
lesquels l’Église est édifiée ;
– dans les signes de vie apostolique et
missionnaire ;
– dans le témoignage des saints où Il manifeste
sa sainteté et continue l’œuvre du salut.
I. La mission conjointe du Fils et de l’Esprit
689 Celui que le Père a envoyé dans nos cœurs,
l’Esprit de son Fils (cf. Ga 4, 6) est réellement Dieu.
Consubstantiel au Père et au Fils, il en est inséparable, tant dans la
Vie intime de la Trinité que dans son don d’amour pour le monde. Mais
en adorant la Trinité Sainte, vivifiante, consubstantielle et
indivisible, la foi de l’Église professe aussi la distinction des
Personnes. Quand le Père envoie son Verbe, Il envoie toujours son
Souffle : mission conjointe où le Fils et l’Esprit Saint sont
distincts mais inséparables. Certes, c’est le Christ qui paraît,
Lui, l’Image visible du Dieu invisible, mais c’est l’Esprit Saint
qui Le révèle.
690 Jésus est Christ, " oint ",
parce que l’Esprit en est l’Onction et tout ce qui advient à partir
de l’Incarnation découle de cette plénitude (cf. Jn 3, 34). Quand
enfin le Christ est glorifié (cf. Jn 7, 39), il peut à son tour,
d’auprès du Père, envoyer l’Esprit à ceux qui croient en lui :
il leur communique sa Gloire (cf. Jn 17, 22), c’est-à-dire l’Esprit
Saint qui le glorifie (cf. Jn 16, 14). La mission conjointe se déploiera
dès lors dans les enfants adoptés par le Père dans le Corps de son
Fils : la mission de l’Esprit d’adoption sera de les unir au
Christ et de les faire vivre en lui :
La notion de l’onction suggère (...) qu’il
n’y a aucune distance entre le Fils et l’Esprit. En effet de même
qu’entre la surface du corps et l’onction de l’huile ni la
raison ni la sensation ne connaissent aucun intermédiaire, ainsi
est immédiat le contact du Fils avec l’Esprit, si bien que pour
celui qui va prendre contact avec le Fils par la foi, il est nécessaire
de rencontrer d’abord l’huile par le contact. En effet il n’y
a aucune partie qui soit nue de l’Esprit Saint. C’est pourquoi
la confession de la Seigneurie du Fils se fait dans l’Esprit Saint
pour ceux qui la reçoivent, l’Esprit venant de toutes parts au
devant de ceux qui s’approchent par la foi (S. Grégoire de Nysse,
Spir. 3, 1 : PG 45, 1321A-B).
II. Le nom, les appellations et les symboles de
l’Esprit Saint
Le nom propre de l’Esprit Saint
691 " Saint-Esprit ", tel est
le nom propre de Celui que nous adorons et glorifions avec le Père et
le Fils. L’Église l’a reçu du Seigneur et le professe dans le Baptême
de ses nouveaux enfants (cf. Mt 28, 19).
Le terme " Esprit " traduit le
terme hébreu Ruah qui, dans son sens premier, signifie souffle,
air, vent. Jésus utilise justement l’image sensible du vent pour suggérer
à Nicodème la nouveauté transcendante de Celui qui est
personnellement le Souffle de Dieu, l’Esprit divin (Jn 3, 5-8).
D’autre part, Esprit et Saint sont des attributs divins communs aux
Trois Personnes divines. Mais en joignant les deux termes, l’Écriture,
la liturgie et le langage théologique désignent la Personne ineffable
de l’Esprit Saint, sans équivoque possible avec les autres emplois
des termes " esprit " et " saint ".
Les appellations de l’Esprit Saint
692 Jésus, lorsqu’il annonce et promet la
venue de l’Esprit Saint, le nomme le " Paraclet ",
littéralement : " celui qui est appelé auprès ",
ad-vocatus (Jn 14, 16. 26 ; 15, 26 ; 16, 7). " Paraclet "
est traduit habituellement par " Consolateur ", Jésus
étant le premier consolateur (cf. 1 Jn 2, 1). Le Seigneur lui-même
appelle l’Esprit Saint " l’Esprit de Vérité "
(Jn 16, 13).
693 Outre son nom propre, qui est le plus employé
dans les Actes des apôtres et les Épîtres, on trouve chez S. Paul les
appellations : l’Esprit de la promesse (Ga 3, 14 ; Ep 1,
13), l’Esprit d’adoption (Rm 8, 15 ; Ga 4, 6), l’Esprit du
Christ (Rm 8, 11), l’Esprit du Seigneur (2 Co 3, 17), l’Esprit de
Dieu (Rm 8, 9. 14 ; 15, 19 ; 1 Co 6, 11 ; 7, 40), et chez
S. Pierre, l’Esprit de gloire (1 P 4, 14).
Les symboles de l’Esprit Saint
694 L’eau. Le symbolisme de l’eau est
significatif de l’action de l’Esprit Saint dans le Baptême,
puisque, après l’invocation de l’Esprit Saint, elle devient le
signe sacramentel efficace de la nouvelle naissance : de même que
la gestation de notre première naissance s’est opérée dans l’eau,
de même l’eau baptismale signifie réellement que notre naissance à
la vie divine nous est donnée dans l’Esprit Saint. Mais " baptisés
dans un seul Esprit ", nous sommes aussi " abreuvés
d’un seul Esprit " (1 Co 12, 13) : l’Esprit est donc
aussi personnellement l’Eau vive qui jaillit du Christ crucifié (cf.
Jn 19, 34 ; 1 Jn 5, 8) comme de sa source et qui en nous jaillit en
Vie éternelle (cf. Jn 4, 10-14 ; 7, 38 ; Ex 17, 1-6 ; Is
55, 1 ; Za 14, 8 ; 1 Co 10, 4 ; Ap 21, 6 ; 22, 17).
695 L’onction. Le symbolisme de l’onction
d’huile est aussi significatif de l’Esprit Saint, jusqu’à en
devenir le synonyme (cf. 1 Jn 2, 20. 27 ; 2 Co 1, 21). Dans
l’initiation chrétienne, elle est le signe sacramentel de la
Confirmation, appelée justement dans les Églises d’Orient " Chrismation ".
Mais pour en saisir toute la force, il faut revenir à l’Onction première
accomplie par l’Esprit Saint : celle de Jésus. Christ [ "Messie "
à partir de l’hébreu] signifie " Oint " de
l’Esprit de Dieu. Il y a eu des " oints " du
Seigneur dans l’Ancienne Alliance (cf. Ex 30, 22-32), le roi David éminemment
(cf. 1 S 16, 13). Mais Jésus est l’Oint de Dieu d’une manière
unique : l’humanité que le Fils assume est totalement " ointe
de l’Esprit Saint ". Jésus est constitué " Christ "
par l’Esprit Saint (cf. Lc 4, 18-19 ; Is 61, 1). La Vierge Marie
conçoit le Christ de l’Esprit Saint qui par l’ange l’annonce
comme Christ lors de sa naissance (cf. Lc 2, 11) et pousse Siméon à
venir au Temple voir le Christ du Seigneur (cf. Lc 2, 26-27) ;
c’est lui qui emplit le Christ (cf. Lc 4, 1) et dont la puissance sort
du Christ dans ses actes de guérison et de salut (cf. Lc 6, 19 ;
8, 46). C’est lui enfin qui ressuscite Jésus d’entre les morts (cf.
Rm 1, 4 ; 8, 11). Alors, constitué pleinement " Christ "
dans son Humanité victorieuse de la mort (cf. Ac 2, 36), Jésus répand
à profusion l’Esprit Saint jusqu’à ce que " les saints "
constituent, dans leur union à l’Humanité du Fils de Dieu, " cet
Homme parfait (...) qui réalise la plénitude du Christ " (Ep
4, 13) : " le Christ total ", selon
l’expression de S. Augustin (serm. 341, 1, 1 ; ibid., 9,
11).
696 Le feu. Alors que l’eau signifiait la
naissance et la fécondité de la Vie donnée dans l’Esprit Saint, le
feu symbolise l’énergie transformante des actes de l’Esprit Saint.
Le prophète Elie, qui " se leva comme un feu et dont la
parole brûlait comme une torche " (Si 48, 1), par sa prière
attire le feu du ciel sur le sacrifice du mont Carmel (cf. 1 R 18,
38-39), figure du feu de l’Esprit Saint qui transforme ce qu’il
touche. Jean-Baptiste, " qui marche devant le Seigneur avec
‘l’esprit’ et la puissance d’Elie " (Lc 1, 17) annonce
le Christ comme celui qui " baptisera dans l’Esprit Saint et
le feu " (Lc 3, 16), cet Esprit dont Jésus dira : " Je
suis venu jeter un feu sur la terre et combien je voudrais qu’il fût
déjà allumé " (Lc 12, 49). C’est sous la forme de langues
" qu’on eût dites de feu " que l’Esprit Saint
se pose sur les disciples au matin de la Pentecôte et les remplit de
lui (Ac 2, 3-4). La tradition spirituelle retiendra ce symbolisme du feu
comme l’un des plus expressifs de l’action de l’Esprit Saint (cf.
S. Jean de la Croix, llama). " N’éteignez pas l’Esprit "
(1 Th 5, 19).
697 La nuée et la lumière. Ces deux
symboles sont inséparables dans les manifestations de l’Esprit Saint.
Dès les théophanies de l’Ancien Testament, la Nuée, tantôt
obscure, tantôt lumineuse, révèle le Dieu vivant et sauveur, en
voilant la transcendance de sa Gloire : avec Moïse sur la montagne
du Sinaï (cf. Ex 24, 15-18), à la Tente de Réunion (cf. Ex 33, 9-10)
et durant la marche au désert (cf. Ex 40, 36-38 ; 1 Co 10, 1-2) ;
avec Salomon lors de la dédicace du Temple (cf. 1 R 8, 10-12). Or ces
figures sont accomplies par le Christ dans l’Esprit Saint. C’est
Celui-ci qui vient sur la Vierge Marie et la prend " sous son
ombre " pour qu’elle conçoive et enfante Jésus (Lc 1, 35).
Sur la montagne de la Transfiguration, c’est lui qui " survient
dans la nuée qui prend sous son ombre " Jésus, Moïse et
Elie, Pierre, Jacques et Jean, et " de la nuée sort une voix
qui dit : ‘Celui-ci est mon Fils, mon Élu, écoutez-le’ "
(Lc 9, 34-35). C’est enfin la même Nuée qui " dérobe Jésus
aux yeux " des disciples le jour de l’Ascension (Ac 1, 9) et
qui le révélera Fils de l’homme dans sa Gloire au Jour de son Avènement
(cf. Lc 21, 27).
698 Le sceau est un symbole proche de celui de
l’Onction. C’est en effet le Christ que " Dieu a marqué
de son sceau " (Jn 6, 27) et c’est en lui que le Père nous
marque aussi de son sceau (2 Co 1, 22 ; Ep 1, 13 ; 4, 30).
Parce qu’elle indique l’effet indélébile de l’Onction de
l’Esprit Saint dans les sacrements du Baptême, de la Confirmation et
de l’Ordre, l’image du sceau (sphragis) a été utilisée
dans certaines traditions théologiques pour exprimer le " caractère "
ineffaçable imprimé par ces trois sacrements qui ne peuvent être réitérés.
699 La main . C’est en imposant les mains que Jésus
guérit les malades (cf. Mc 6, 5 ; 8, 23) et bénit les petits
enfants (cf. Mc 10, 16). En son nom, les apôtres feront de même (cf.
Mc 16, 18 ; Ac 5, 12 ; 14, 3). Mieux encore, c’est par
l’imposition des mains des apôtres que l’Esprit Saint est donné
(cf. Ac 8, 17-19 ; 13, 3 ; 19, 6). L’Épître aux Hébreux
met l’imposition des mains au nombre des " articles
fondamentaux " de son enseignement (cf. He 6, 2). Ce signe de
l’effusion toute-puissante de l’Esprit Saint, l’Église l’a gardé
dans ses épiclèses sacramentelles.
700 Le doigt. " C’est par le doigt de
Dieu que [Jésus] expulse les démons " (Lc 11, 20). Si la Loi
de Dieu a été écrite sur des tables de pierre " par le
doigt de Dieu " (Ex 31, 18), " la lettre du Christ ",
remise aux soins des apôtres, " est écrite avec l’Esprit
du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de
chair, sur les cœurs " (2 Co 3, 3). L’hymne " Veni,
Creator Spiritus " invoque l’Esprit Saint comme " le
doigt de la droite du Père " (In Dominica Pentecostes,
Hymnus ad I et II Vesperas).
701 La colombe. A la fin du déluge (dont le
symbolisme concerne le Baptême), la colombe lâchée par Noé revient,
un rameau tout frais d’olivier dans le bec, signe que la terre est de
nouveau habitable (cf. Gn 8, 8-12). Quand le Christ remonte de l’eau
de son baptême, l’Esprit Saint, sous forme d’une colombe, descend
sur lui et y demeure (cf. Mt 3, 16 par.). L’Esprit descend et repose
dans le cœur purifié des baptisés. Dans certaines églises, la sainte
Réserve eucharistique est conservée dans un réceptacle métallique en
forme de colombe (le columbarium) suspendu au-dessus de
l’autel. Le symbole de la colombe pour suggérer l’Esprit Saint est
traditionnel dans l’iconographie chrétienne.
III. L’Esprit et la Parole de Dieu dans le temps
des promesses
702 Du commencement jusqu’à " la Plénitude
du temps " (Ga 4, 4), la mission conjointe du Verbe et de
l’Esprit du Père demeure cachée, mais elle est à l’œuvre.
L’Esprit de Dieu y prépare le temps du Messie, et l’un et
l’autre, sans être encore pleinement révélés, y sont déjà promis
afin d’être attendus et accueillis lors de leur manifestation.
C’est pourquoi lorsque l’Église lit l’Ancien Testament (cf. 2 Co
3, 14), elle y scrute (cf. Jn 5, 39. 46) ce que l’Esprit, " qui
a parlé par les prophètes ", veut nous dire du Christ.
Par " prophètes ", la foi de
l’Église entend ici tous ceux que l’Esprit Saint a inspirés dans
la vivante annonce et dans la rédaction des livres saints, tant de
l’Ancien que du Nouveau Testament. La tradition juive distingue la Loi
(les cinq premiers livres ou Pentateuque), les Prophètes (nos livres
dits historiques et prophétiques) et les Écrits (surtout sapientiels,
en particulier les Psaumes) (cf. Lc 24, 44).
Dans la création
703 La Parole de Dieu et son Souffle sont à
l’origine de l’être et de la vie de toute créature (cf. Ps 33, 6 ;
104, 30 ; Gn 1, 2 ; 2, 7 ; Qo 3, 20-21 ; Ez 37, 10) :
Au Saint-Esprit il convient de régner, de
sanctifier et d’animer la création, car il est Dieu
consubstantiel au Père et au Fils (...). A Lui revient le pouvoir
sur la vie, car étant Dieu il garde la création dans le Père par
le Fils (Liturgie byzantine, Tropaire des matines des dimanches du
second mode).
704 " Quant à l’homme, c’est de
ses propres mains [c’est-à-dire le Fils et l’Esprit Saint] que Dieu
le façonna (...) et Il dessina sur la chair façonnée sa propre forme,
de façon que même ce qui serait visible portât la forme divine "
(S. Irénée, dem. 11).
L’Esprit de la promesse
705 Défiguré par le péché et par la mort,
l’homme demeure " à l’image de Dieu ", à
l’image du Fils, mais il est " privé de la Gloire de Dieu "
(Rm 3, 23), privé de la " ressemblance ". La
promesse faite à Abraham inaugure l’économie du salut au terme de
laquelle le Fils lui-même assumera " l’image "
(cf. Jn 1, 14 ; Ph 2, 7) et la restaurera dans " la
ressemblance " avec le Père en lui redonnant la Gloire,
l’Esprit " qui donne la Vie ".
706 Contre toute espérance humaine, Dieu promet
à Abraham une descendance, comme fruit de la foi et de la puissance de
l’Esprit Saint (cf. Gn 18, 1-15 ; Lc 1, 26-38. 54-55 ; Jn 1,
12-13 ; Rm 4, 16-21). En elle seront bénies toutes les nations de
la terre (cf. Gn 12, 3). Cette descendance sera le Christ (cf. Ga 3, 16)
en qui l’effusion de l’Esprit Saint fera " l’unité des
enfants de Dieu dispersés " (cf. Jn 11, 52). En s’engageant
par serment (cf. Lc 1, 73), Dieu s’engage déjà au don de son Fils
Bien-aimé (cf. Gn 22, 17-19 ; Rm 8, 32 ; Jn 3, 16) et au don
de " l’Esprit de la Promesse (...) qui (...) prépare la rédemption
du Peuple que Dieu s’est acquis " (Ep 1, 13-14 ; cf. Ga
3, 14).
Dans les Théophanies et la Loi
707 Les Théophanies (manifestations de Dieu)
illuminent le chemin de la promesse, des patriarches à Moïse et de
Josué jusqu’aux visions qui inaugurent la mission des grands prophètes.
La tradition chrétienne a toujours reconnu que dans ces Théophanies le
Verbe de Dieu se laissait voir et entendre, à la fois révélé et
" ombré " dans la Nuée de l’Esprit Saint.
708 Cette pédagogie de Dieu apparaît spécialement
dans le don de la Loi (cf. Ex 19-20 ; Dt 1-11 ; 29-30). La Loi
a été donnée comme un " pédagogue " pour
conduire le Peuple vers le Christ (Ga 3, 24). Mais son impuissance à
sauver l’homme privé de la " ressemblance "
divine et la connaissance accrue qu’elle donne du péché (cf. Rm 3,
20) suscitent le désir de l’Esprit Saint. Les gémissements des
Psaumes en témoignent.
Dans le Royaume et l’Exil
709 La Loi, signe de la promesse et de
l’alliance, aurait dû régir le cœur et les institutions du Peuple
issu de la foi d’Abraham. " Si vous écoutez ma voix et
gardez mon alliance, je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, pour
une nation sainte " (Ex 19, 5-6 ; cf. 1 P 2, 9). Mais,
après David, Israël succombe à la tentation de devenir un royaume
comme les autres nations. Or le Royaume, objet de la promesse faite à
David (cf. 2 S 7 ; Ps 89 ; Lc 1, 32-33) sera l’œuvre de
l’Esprit Saint ; il appartiendra aux pauvres selon l’Esprit.
710 L’oubli de la Loi et l’infidélité à
l’alliance aboutissent à la mort : c’est l’Exil, apparemment
échec des promesses, en fait fidélité mystérieuse du Dieu sauveur et
début d’une restauration promise, mais selon l’Esprit. Il fallait
que le Peuple de Dieu souffrît cette purification (cf. Lc 24, 26) ;
l’Exil porte déjà l’ombre de la Croix dans le dessein de Dieu, et
le Reste des pauvres qui en revient est l’une des figures les plus
transparentes de l’Église.
L’attente du Messie et de son Esprit
711 " Voici que je vais faire du
nouveau " (Is 43, 19) : Deux lignes prophétiques vont se
dessiner, portant l’une sur l’attente du Messie, l’autre sur
l’annonce d’un Esprit nouveau, et elles convergent dans le petit
Reste, le peuple des Pauvres (cf. So 2, 3), qui attend dans l’espérance
la " consolation d’Israël " et " la délivrance
de Jérusalem " (cf. Lc 2, 25. 38).
On a vu plus haut comment Jésus accomplit les prophéties
qui le concernent. On se limite ici à celles où apparaît davantage la
relation du Messie et de son Esprit.
712 Les traits du visage du Messie attendu
commencent à apparaître dans le Livre de l’Emmanuel (cf. Is 6-12)
(" quand Isaïe eut la vision de la Gloire " du
Christ : Jn 12, 41), en particulier en Is 11, 1-2 :
Un rejeton sort de la souche de Jessé,
un surgeon pousse de ses racines :
sur lui repose l’Esprit du Seigneur,
esprit de sagesse et d’intelligence,
esprit de conseil et de force,
esprit de science et de crainte du Seigneur.
713 Les traits du Messie sont révélés surtout
dans les chants du Serviteur (cf. Is 42, 1-9 ; cf. Mt 12, 18-21 ;
Jn 1, 32-34, puis Is 49, 16 ; cf. Mt 3, 17 ; Lc 2, 32, enfin
Is 50, 4-10 et 52, 13 – 53, 12). Ces chants annoncent le sens de la
passion de Jésus, et indiquent ainsi la manière dont Il répandra
l’Esprit Saint pour vivifier la multitude : non pas de l’extérieur,
mais en épousant notre " condition d’esclave "
(Ph 2, 7). Prenant sur lui notre mort, il peut nous communiquer son
propre Esprit de vie.
714 C’est pourquoi le Christ inaugure
l’annonce de la bonne Nouvelle en faisant sien ce passage d’Isaïe
(Lc 4, 18-19 ; cf. Is 61, 1-2) :
L’Esprit du Seigneur est sur moi,
car le Seigneur m’a oint.
Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux
pauvres,
panser les cœurs meurtris ;
annoncer aux captifs l’amnistie
et aux prisonniers la liberté,
annoncer une année de grâce de la part du
Seigneur.
715 Les textes prophétiques concernant
directement l’envoi de l’Esprit Saint sont des oracles où Dieu
parle au cœur de son Peuple dans le langage de la promesse, avec les
accents de " l’amour et de la fidélité " (cf. Ez
11, 19 ; 36, 25-28 ; 37, 1-14 ; Jr 31, 31-34 ; et Jl
3, 1-5) dont S. Pierre proclamera l’accomplissement le matin de la
Pentecôte (cf. Ac 2, 17-21). Selon ces promesses, dans les " derniers
temps ", l’Esprit du Seigneur renouvellera le cœur des
hommes en gravant en eux une Loi nouvelle ; il rassemblera et réconciliera
les peuples dispersés et divisés ; il transformera la création
première et Dieu y habitera avec les hommes dans la paix.
716 Le Peuple des " pauvres "
(cf. So 2, 3 ; Ps 22, 27 ; 34, 3 ; Is 49, 13 ; 61, 1 ;
etc.), les humbles et les doux, tout abandonnés aux desseins mystérieux
de leur Dieu, ceux qui attendent la justice, non des hommes mais du
Messie, est finalement la grande œuvre de la mission cachée de
l’Esprit Saint durant le temps des promesses pour préparer la venue
du Christ. C’est leur qualité de cœur, purifié et éclairé par
l’Esprit, qui s’exprime dans les Psaumes. En ces pauvres, l’Esprit
prépare au Seigneur " un peuple bien disposé "
(cf. Lc 1, 17).
IV. L’Esprit du Christ dans la plénitude du
temps
Jean, Précurseur, Prophète et Baptiste
717 " Parut un homme envoyé de Dieu.
Il se nommait Jean " (Jn 1, 6). Jean est " rempli de
l’Esprit Saint, dès le sein de sa mère " (Lc 1, 15. 41)
par le Christ lui-même que la Vierge Marie venait de concevoir de
l’Esprit Saint. La " visitation " de Marie à Élisabeth
est ainsi devenue " visite de Dieu à son peuple "
(Lc 1, 68).
718 Jean est " Elie qui doit venir "
(Mt 17, 10-13) : Le Feu de l’Esprit l’habite et le fait " courir
devant " [en " précurseur "] le Seigneur
qui vient. En Jean le Précurseur, l’Esprit Saint achève de " préparer
au Seigneur un peuple bien disposé " (Lc 1, 17).
719 Jean est " plus qu’un prophète "
(Lc 7, 26). En lui l’Esprit Saint accomplit de " parler par
les prophètes ". Jean achève le cycle des prophètes inauguré
par Elie (cf. Mt 11, 13-14). Il annonce l’imminence de la Consolation
d’Israël, il est la " voix " du consolateur qui
vient (Jn 1, 23 ; cf. Is 40, 1-3). Comme le fera l’Esprit de Vérité,
" il vient comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière "
(Jn 1, 7 ; cf. Jn 15, 26 ; 5, 33). Au regard de Jean,
l’Esprit accomplit ainsi les " recherches des prophètes "
et la " convoitise " des anges (1 P 1, 10-12) :
" Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer,
c’est lui qui baptise dans l’Esprit (...). Oui, j’ai vu et
j’atteste que c’est Lui, le Fils de Dieu. (...) Voici l’Agneau de
Dieu " (Jn 1, 33-36).
720 Enfin, avec Jean le Baptiste, l’Esprit
Saint inaugure, en le préfigurant, ce qu’il réalisera avec et dans
le Christ : redonner à l’homme " la ressemblance "
divine. Le baptême de Jean était pour le repentir, celui dans l’eau
et dans l’Esprit sera une nouvelle naissance (cf. Jn 3, 5).
" Réjouis-toi, comblée de grâce "
721 Marie, la Toute Sainte Mère de Dieu,
toujours Vierge est le chef-d’œuvre de la mission du Fils et de
l’Esprit dans la plénitude du temps. Pour la première fois dans le
dessein du salut et parce que son Esprit l’a préparée, le Père
trouve la Demeure où son Fils et son Esprit peuvent habiter
parmi les hommes. C’est en ce sens que la Tradition de l’Église a
souvent lu en relation à Marie les plus beaux textes sur la Sagesse
(cf. Pr 8, 1 – 9, 6 ; Si 24) : Marie est chantée et représentée
dans la liturgie comme le " Trône de la Sagesse ".
En elle commencent à se manifester les " merveilles
de Dieu ", que l’Esprit va accomplir dans le Christ et dans
l’Église :
722 L’Esprit Saint a préparé Marie par
sa grâce. Il convenait que fût " pleine de grâce "
la mère de Celui en qui " habite corporellement la Plénitude
de la Divinité " (Col 2, 9). Elle a été, par pure grâce,
conçue sans péché comme la plus humble des créatures, la plus
capable d’accueil au Don ineffable du Tout-Puissant. C’est à juste
titre que l’ange Gabriel la salue comme la " Fille de Sion " :
" Réjouis-toi " (cf. So 3, 14 ; Za 2, 14).
C’est l’action de grâce de tout le Peuple de Dieu, et donc de l’Église,
qu’elle fait monter vers le Père dans l’Esprit Saint en son
cantique (cf. Lc 1, 46-55) alors qu’elle porte en elle le Fils éternel.
723 En Marie, l’Esprit Saint réalise le
dessein bienveillant du Père. C’est par l’Esprit Saint que la
Vierge conçoit et enfante le Fils de Dieu. Sa virginité devient fécondité
unique par la puissance de l’Esprit et de la foi (cf. Lc 1, 26-38 ;
Rm 4, 18-21 ; Ga 4, 26-28).
724 En Marie, l’Esprit Saint manifeste
le Fils du Père devenu Fils de la Vierge. Elle est le Buisson ardent de
la Théophanie définitive : comblée de l’Esprit Saint, elle
montre le Verbe dans l’humilité de sa chair et c’est aux Pauvres
(cf. Lc 1, 15-19) et aux prémices des nations (cf. Mt 2, 11) qu’elle
Le fait connaître.
725 Enfin, par Marie, l’Esprit Saint commence
à mettre en communion avec le Christ les hommes " objets
de l’amour bienveillant de Dieu " (cf. Lc 2, 14), et les
humbles sont toujours les premiers à le recevoir : les bergers,
les mages, Siméon et Anne, les époux de Cana et les premiers
disciples.
726 Au terme de cette mission de l’Esprit,
Marie devient la " Femme ", nouvelle Eve " mère
des vivants ", Mère du " Christ total "
(cf. Jn 19, 25-27). C’est comme telle qu’elle est présente avec les
Douze, " d’un même cœur, assidus à la prière "
(Ac 1, 14), à l’aube des " derniers temps " que
l’Esprit va inaugurer le matin de la Pentecôte avec la manifestation
de l’Église.
Le Christ Jésus
727 Toute la Mission du Fils et de l’Esprit
Saint dans la plénitude du temps est contenue en ce que le Fils est
l’oint de l’Esprit du Père depuis son Incarnation : Jésus est
Christ, le Messie.
Tout le deuxième chapitre du Symbole de la foi est
à lire à cette lumière. Toute l’œuvre du Christ est mission
conjointe du Fils et de l’Esprit Saint. Ici, on mentionnera seulement
ce qui concerne la promesse de l’Esprit Saint par Jésus et son don
par le Seigneur glorifié.
728 Jésus ne révèle pas pleinement l’Esprit
Saint tant que lui-même n’a pas été glorifié par sa Mort et sa Résurrection.
Pourtant, Il le suggère peu à peu, même dans son enseignement aux
foules, lorsqu’Il révèle que sa Chair sera nourriture pour la vie du
monde (cf. Jn 6, 27. 51. 62-63). Il le suggère aussi à Nicodème (cf.
Jn 3, 5-8), à la Samaritaine (cf. Jn 4, 10. 14. 23-24) et à ceux qui
participent à la fête des Tabernacles (cf. Jn 7, 37-39). A ses
disciples, Il en parle ouvertement à propos de la prière (cf. Lc 11,
13) et du témoignage qu’ils auront à rendre (cf. Mt 10, 19-20).
729 C’est seulement quand l’Heure est venue où
Il va être glorifié que Jésus promet la venue de l’Esprit
Saint, puisque sa Mort et sa Résurrection seront l’accomplissement de
la promesse faite aux Pères (cf. Jn 14, 16-17. 26 ; 15, 26 ;
16, 7-15 ; 17, 26) : l’Esprit de Vérité, l’autre
Paraclet, sera donné par le Père à la prière de Jésus ; il
sera envoyé par le Père au nom de Jésus ; Jésus l’enverra
d’auprès du Père car il est issu du Père. L’Esprit Saint viendra,
nous le connaîtrons, Il sera avec nous à jamais, Il demeurera avec
nous ; Il nous enseignera tout et nous rappellera tout ce que le
Christ nous a dit et lui rendra témoignage ; Il nous conduira vers
la vérité tout entière et glorifiera le Christ. Quant au monde, Il le
confondra en matière de péché, de justice et de jugement.
730 Enfin vient l’Heure de Jésus (cf. Jn 13, 1 ;
17, 1) : Jésus remet son esprit entre les mains du Père (cf. Lc
23, 46 ; Jn 19, 30) au moment où par sa Mort il est vainqueur de
la mort, de sorte que, " ressuscité des morts par la Gloire
du Père " (Rm 6, 4), il donne aussitôt l’Esprit
Saint en " soufflant " sur ses disciples (cf. Jn 20,
22). A partir de cette Heure, la mission du Christ et de l’Esprit
devient la mission de l’Église : " Comme le Père
m’a envoyé, moi aussi je vous envoie " (Jn 20, 21 ;
cf. Mt 28, 19 ; Lc 24, 47-48 ; Ac 1, 8).
V. L’Esprit et l’Église dans les derniers
temps
La Pentecôte
731 Le jour de la Pentecôte (au terme des sept
semaines Pascales), la Pâque du Christ s’accomplit dans l’effusion
de l’Esprit Saint qui est manifesté, donné et communiqué comme
Personne divine : de sa Plénitude, le Christ, Seigneur, répand à
profusion l’Esprit (cf. Ac 2, 33-36).
732 En ce jour est pleinement révélée la
Trinité Sainte. Depuis ce jour, le Royaume annoncé par le Christ est
ouvert à ceux qui croient en Lui : dans l’humilité de la chair
et dans la foi, ils participent déjà à la communion de la Trinité
Sainte. Par sa venue, et elle ne cesse pas, l’Esprit Saint fait entrer
le monde dans les " derniers temps ", le temps de
l’Église, le Royaume déjà hérité, mais pas encore consommé :
Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu
l’Esprit céleste, nous avons trouvé la vraie foi : nous
adorons la Trinité indivisible car c’est elle qui nous a sauvés
(Liturgie byzantine, Tropaire des vêpres de Pentecôte ; il
est repris dans les liturgies eucharistiques après la communion).
L’Esprit Saint – le Don de Dieu
733 " Dieu est Amour " (1 Jn
4, 8. 16) et l’Amour est le premier don, il contient tous les autres.
Cet amour, " Dieu l’a répandu dans nos cœurs par
l’Esprit qui nous fut donné " (Rm 5, 5).
734 Parce que nous sommes morts, ou, au moins,
blessés par le péché, le premier effet du don de l’Amour est la rémission
de nos péchés. C’est la communion de l’Esprit Saint (2 Co 13, 13)
qui, dans l’Église, redonne aux baptisés la ressemblance divine
perdue par le péché.
735 Il donne alors les " arrhes "
ou les " prémices " de notre Héritage (cf. Rm 8,
23 ; 2 Co 1, 21) : la Vie même de la Trinité Sainte qui est
d’aimer " comme il nous a aimés " (cf. 1 Jn 4,
11-12). Cet amour (la charité de 1 Co 13) est le principe de la vie
nouvelle dans le Christ, rendue possible puisque nous avons " reçu
une force, celle de l’Esprit Saint " (Ac 1, 8).
736 C’est par cette puissance de l’Esprit que
les enfants de Dieu peuvent porter du fruit. Celui qui nous a greffés
sur la vraie Vigne, nous fera porter " le fruit de l’Esprit
qui est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté,
confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi " (Ga 5,
22-23). " L’Esprit est notre Vie " : plus
nous renonçons à nous-mêmes (cf. Mt 16, 24-26), plus " l’Esprit
nous fait aussi agir " (Ga 5, 25) :
Par communion avec lui, l’Esprit Saint rend
spirituels, rétablit au Paradis, ramène au Royaume des cieux et à
l’adoption filiale, donne la confiance d’appeler Dieu Père et
de participer à la grâce du Christ, d’être appelé enfant de
lumière et d’avoir part à la gloire éternelle (S. Basile, Spir.
15, 36 : PG 32, 132).
L’Esprit Saint et l’Église
737 La mission du Christ et de l’Esprit Saint
s’accomplit dans l’Église, Corps du Christ et Temple de l’Esprit
Saint. Cette mission conjointe associe désormais les fidèles du Christ
à sa communion avec le Père dans l’Esprit Saint : L’Esprit prépare
les hommes, les prévient par sa grâce, pour les attirer vers le
Christ. Il leur manifeste le Seigneur ressuscité, Il leur
rappelle sa parole et leur ouvre l’esprit à l’intelligence de sa
Mort et de sa Résurrection. Il leur rend présent le mystère du
Christ, éminemment dans l’Eucharistie, afin de les réconcilier, de
les mettre en communion avec Dieu, afin de leur faire porter
" beaucoup de fruit " (Jn 15, 5. 8. 16).
738 Ainsi la mission de l’Église ne s’ajoute
pas à celle du Christ et de l’Esprit Saint, mais elle en est le
sacrement : par tout sont être et dans tous ses membres elle est
envoyée pour annoncer et témoigner, actualiser et répandre le mystère
de la communion de la Sainte Trinité (ce sera l’objet du prochain
article) :
Nous tous qui avons reçu l’unique et même
esprit, à savoir, l’Esprit Saint, nous nous sommes fondus entre
nous et avec Dieu. Car bien que nous soyons nombreux séparément et
que le Christ fasse que l’Esprit du Père et le sien habite en
chacun de nous, cet Esprit unique et indivisible ramène par lui-même
à l’unité ceux qui sont distincts entre eux (...) et fait que
tous apparaissent comme une seule chose en lui-même. Et de même
que la puissance de la sainte humanité du Christ fait que tous
ceux-là en qui elle se trouve forment un seul corps, je pense que
de la même manière l’Esprit de Dieu qui habite en tous, unique
et indivisible, les ramène tous à l’unité spirituelle (S.
Cyrille d’Alexandrie, Jo. 12 : PG 74, 560-561).
739 Parce que l’Esprit Saint est l’Onction du
Christ, c’est le Christ, la Tête du Corps, qui le répand dans ses
membres pour les nourrir, les guérir, les organiser dans leurs
fonctions mutuelles, les vivifier, les envoyer témoigner, les associer
à son offrande au Père et à son intercession pour le monde entier.
C’est par les sacrements de l’Église que le Christ communique aux
membres de son Corps son Esprit Saint et Sanctificateur (ce sera
l’objet de la deuxième partie du Catéchisme).
740 Ces " merveilles de Dieu ",
offertes aux croyants dans les sacrements de l’Église, portent leurs
fruits dans la vie nouvelle, dans le Christ, selon l’Esprit (ce sera
l’objet de la troisième partie du Catéchisme).
741 " L’Esprit vient au secours de
notre faiblesse, car nous ne savons que demander pour prier comme il
faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements
ineffables " (Rm 8, 26). L’Esprit Saint, artisan des œuvres
de Dieu, est le Maître de la prière (ce sera l’objet de la quatrième
partie du Catéchisme).
En bref
742 " La preuve que vous êtes des fils,
c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui
crie : Abba, Père " (Ga 4, 6).
743 Du commencement à la consommation du temps,
quand Dieu envoie son Fils, il envoie toujours son Esprit : leur
mission est conjointe et inséparable.
744 Dans la plénitude du temps, l’Esprit Saint
accomplit en Marie toutes les préparations à la venue du Christ dans
le Peuple de Dieu. Par l’action de l’Esprit Saint en elle, le Père
donne au monde l’Emmanuel, " Dieu-avec-nous "
(Mt 1, 23).
745 Le Fils de Dieu est consacré Christ (Messie)
par l’Onction de l’Esprit Saint dans son Incarnation (cf. Ps 2,
6-7).
746 Par sa Mort et sa Résurrection, Jésus est
constitué Seigneur et Christ dans la gloire (Ac 2, 36). De sa Plénitude,
Il répand l’Esprit Saint sur les apôtres et l’Église.
747 L’Esprit Saint que le Christ, Tête, répand
dans ses membres, bâtit, anime et sanctifie l’Église. Elle est le
sacrement de la communion de la Trinité Sainte et des hommes.
ARTICLE 9
" JE CROIS À LA SAINTE ÉGLISE CATHOLIQUE "
748 " Le Christ est la lumière des
peuples : réuni dans l’Esprit Saint, le saint Concile souhaite
donc ardemment, en annonçant à toutes créatures la bonne nouvelle de
l’Évangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui
resplendit sur le visage de l’Église "(LG 1). C’est sur
ces paroles que s’ouvre la " Constitution dogmatique sur
l’Église " du deuxième Concile du Vatican. Par là, le
Concile montre que l’article de foi sur l’Église dépend entièrement
des articles concernant le Christ Jésus. L’Église n’a pas
d’autre lumière que celle du Christ ; elle est, selon une image
chère aux Pères de l’Église, comparable à la lune dont toute la
lumière est reflet du soleil.
749 L’article sur l’Église dépend aussi
entièrement de celui sur le Saint-Esprit qui le précède. " En
effet, après avoir montré que l’Esprit Saint est la source et le
donateur de toute sainteté, nous confessons maintenant que c’est Lui
qui a doté l’Église de sainteté " (Catech. R. 1, 10, 1).
L’Église est, selon l’expression des Pères, le lieu " où
fleurit l’Esprit " (S. Hippolyte, trad. ap. 35).
750 Croire que l’Église est " Sainte "
et " Catholique ", et qu’elle est " Une "
et " Apostolique " (comme l’ajoute le Symbole de
Nicée-Constantinople) est inséparable de la foi en Dieu le Père, le
Fils et le Saint Esprit. Dans le Symbole des apôtres, nous faisons
profession de croire une Église Sainte (" Credo [...]
Ecclesiam "), et non pas en l’Église, pour ne
pas confondre Dieu et ses œuvres et pour attribuer clairement à la
bonté de Dieu tous les dons qu’Il a mis dans son Église (cf.
Catech. R. 1, 10, 22).
Paragraphe 1. L’Église dans le dessein de Dieu
I. Les noms et les images de l’Église
751 Le mot " Église " [ekklèsia,
du grec ek-kalein, " appeler hors "] signifie
" convocation ". Il désigne des assemblées du
peuple (cf. Ac 19, 39), en général de caractère religieux. C’est le
terme fréquemment utilisé dans l’Ancien Testament grec pour
l’assemblée du peuple élu devant Dieu, surtout pour l’assemblée
du Sinaï où Israël reçut la Loi et fut constitué par Dieu comme son
peuple saint (cf. Ex 19). En s’appelant " Église ",
la première communauté de ceux qui croyaient au Christ se reconnaît héritière
de cette assemblée. En elle, Dieu " convoque " son
Peuple de tous les confins de la terre. Le terme Kyriakè dont
sont dérivés church, Kirche, signifie " celle
qui appartient au Seigneur ".
752 Dans le langage chrétien, le mot " Église "
désigne l’assemblée liturgique (cf. 1 Co 11, 18 ; 14, 19. 28.
34. 35), mais aussi la communauté locale (cf. 1 Co 1, 2 ; 16, 1)
ou toute la communauté universelle des croyants (cf. 1 Co 15, 9 ;
Ga 1, 13 ; Ph 3, 6). Ces trois significations sont en fait inséparables.
" L’Église ", c’est le Peuple que Dieu
rassemble dans le monde entier. Elle existe dans les communautés
locales et se réalise comme assemblée liturgique, surtout
eucharistique. Elle vit de la Parole et du Corps du Christ et devient
ainsi elle-même Corps du Christ.
Les symboles de l’Église
753 Dans l’Écriture Sainte, nous trouvons une
foule d’images et de figures liées entre elles, par lesquelles la révélation
parle du mystère inépuisable de l’Église. Les images prises de
l’Ancien Testament constituent des variations d’une idée de fond,
celle du " Peuple de Dieu ". Dans le Nouveau
Testament (cf. Ep 1, 22 ; Col 1, 18), toutes ces images trouvent un
nouveau centre par le fait que le Christ devient " la Tête "
de ce peuple (cf. LG 9) qui est dès lors son Corps. Autour de ce centre
se sont groupés des images " tirées soit de la vie pastorale
ou de la vie des champs, soit du travail de construction ou de la
famille et des épousailles " (LG 6).
754 " L’Église, en effet, est le bercail
dont le Christ est l’entrée unique et nécessaire (cf. Jn 10, 1-10).
Elle est aussi le troupeau dont Dieu a proclamé lui-même à l’avance
qu’il serait le pasteur (cf. Is 40, 11 ; Ez 34, 11-31), et dont
les brebis, quoiqu’elles aient à leur tête des pasteurs humains,
sont cependant continuellement conduites et nourries par le Christ même,
Bon Pasteur et Prince des pasteurs (cf. Jn 10, 11 ; 1 P 5, 4), qui
a donné sa vie pour ses brebis (cf. LG 6 ; Jn 10, 11-15) ".
755 " L’Église est le terrain de
culture, le champ de Dieu (1 Co 3, 9). Dans ce champ croît
l’antique olivier dont les patriarches furent la racine sainte et en
lequel s’opère et s’opérera la réconciliation entre Juifs et
Gentils (cf. Rm 11, 13-26). Elle fut plantée par le Vigneron céleste
comme une vigne choisie (cf. Mt 21, 33-43 par. ; cf. Is 5, 1-7). La
Vigne véritable, c’est le Christ : c’est lui qui donne vie et
fécondité aux rameaux que nous sommes : par l’Église nous
demeurons en lui, sans qui nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15, 1-5) "
(LG 6).
756 " Bien souvent aussi, l’Église
est dite la construction de Dieu (cf. 1 Co 3, 9). Le Seigneur
lui-même s’est comparé à la pierre rejetée par les bâtisseurs et
devenue pierre angulaire (Mt 21, 42 par. ; cf. Ac 4, 11 ; 1 P
2, 7 ; Ps 118, 22). Sur ce fondement, l’Église est construite
par les apôtres (cf. 1 Co 3, 11), et de ce fondement elle reçoit
fermeté et cohésion. Cette construction est décorée d’appellations
diverses : la maison de Dieu (cf. 1 Tm 3, 15), dans laquelle habite
sa famille, l’habitation de Dieu dans l’Esprit (cf. Ep 2,
19-22), la demeure de Dieu chez les hommes (cf. Ap 21, 3), et surtout le
temple saint, lequel, représenté par les sanctuaires de
pierres, est l’objet de la louange des saints Pères et comparé à
juste titre dans la liturgie à la Cité sainte, la nouvelle Jérusalem.
En effet, nous sommes en elle sur la terre comme les pierres vivantes
qui entrent dans la construction (cf. 1 P 2, 5). Cette Cité sainte,
Jean la contemple descendant du ciel d’auprès de Dieu à l’heure où
se renouvellera le monde, prête comme une fiancée parée pour son époux
(cf. Ap 21, 1-2) "(LG 6).
757 " L’Église s’appelle encore
" la Jérusalem d’en haut " et " notre mère "
(Ga 4, 26 ; cf. Ap 12, 17) ; elle est décrite comme l’épouse
immaculée de l’Agneau immaculé (cf. Ap 19, 7 ; 21, 2. 9 ;
22, 17) que le Christ ‘a aimée, pour laquelle il s’est livré afin
de la sanctifier’ (Ep 5, 26), qu’il s’est associée par un pacte
indissoluble, qu’il ne cesse de ‘nourrir et d’entourer de soins’
(Ep 5, 29) " (LG 6).
II. Origine, fondation et mission de l’Église
758 Pour scruter le mystère de l’Église, il
convient de méditer d’abord son origine dans le dessein de la Très
Sainte Trinité et sa réalisation progressive dans l’histoire.
Un dessein né dans le cœur du Père
759 " Le Père éternel par la
disposition absolument libre et mystérieuse de sa sagesse et de sa bonté
a créé l’univers ; il a décidé d’élever les hommes à la
communion de sa vie divine ", à laquelle il appelle tous les
hommes dans son Fils : " Tous ceux qui croient au Christ,
le Père a voulu les appeler à former la sainte Église ".
Cette " famille de Dieu " se constitue et se réalise
graduellement au long des étapes de l’histoire humaine, selon les
dispositions du Père : en effet, l’Église a été " préfigurée
dès l’origine du monde ; elle a été merveilleusement préparée
dans l’histoire du peuple d’Israël et dans l’Ancienne Alliance ;
elle a été instituée enfin en ces temps qui sont les derniers ;
elle est manifestée grâce à l’effusion de l’Esprit Saint et, au
terme des siècles, elle sera consommée dans la gloire " (LG
2).
L’Église – préfigurée dès l’origine du
monde
760 " Le monde fut créé en vue de
l’Église ", disaient les chrétiens des premiers temps
(Hermas, vis. 2, 4, 1 ; cf. Aristide, apol. 16, 6 ; Justin,
apol. 2, 7). Dieu a créé le monde en vue de la communion à sa vie
divine, communion qui se réalise par la " convocation "
des hommes dans le Christ, et cette " convocation ",
c’est l’Église. L’Église est la fin de toutes choses (cf. S.
Epiphane, hær. 1, 1, 5 : PG 41, 181C), et les vicissitudes
douloureuses elles-mêmes, comme la chute des Anges et le péché de
l’homme, ne furent permises par Dieu que comme occasion et moyen pour
déployer toute la force de son bras, toute la mesure d’amour qu’il
voulait donner au monde :
De même que la volonté de Dieu est un acte et
qu’elle s’appelle le monde, ainsi son intention est le salut des
hommes, et elle s’appelle l’Église (Clément d’Alexandrie, pæd.
1, 6).
L’Église – préparée dans l’Ancienne
Alliance
761 Le rassemblement du Peuple de Dieu commence
à l’instant où le péché détruit la communion des hommes avec Dieu
et celle des hommes entre eux. Le rassemblement de l’Église est pour
ainsi dire la réaction de Dieu au chaos provoqué par le péché. Cette
réunification se réalise secrètement au sein de tous les peuples :
" En toute nation, Dieu tient pour agréable quiconque le
craint et pratique la justice " (Ac 10, 35 ; cf. LG 9 ;
13 ; 16).
762 La préparation lointaine du
rassemblement du Peuple de Dieu commence avec la vocation d’Abraham,
à qui Dieu promet qu’il deviendra le père d’un grand peuple (cf.
Gn 12, 2 ; 15, 5-6). La préparation immédiate commence avec l’élection
d’Israël comme Peuple de Dieu (cf. Ex 19, 5-6 ; Dt 7, 6). Par
son élection, Israël doit être le signe du rassemblement futur de
toutes les nations (cf. Is 2, 2-5 ; Mi 4, 1-4). Mais déjà les
prophètes accusent Israël d’avoir rompu l’alliance et de s’être
comporté comme une prostituée (cf. Os 1 ; Is 1, 2-4 ; Jr 2 ;
etc.). Ils annoncent une alliance nouvelle et éternelle (cf. Jr 31,
31-34 ; Is 55, 3). " Cette Alliance Nouvelle, le Christ
l’a instituée " (LG 9).
L’Église – instituée par le Christ Jésus
763 Il appartient au Fils de réaliser, dans la
plénitude des temps, le plan de salut de son Père ; c’est là
le motif de sa " mission " (cf. LG 3 ; AG 3).
" Le Seigneur Jésus posa le commencement de son Église en prêchant
l’heureuse nouvelle, l’avènement du Règne de Dieu promis dans les
Écritures depuis des siècles " (LG 5). Pour accomplir la
volonté du Père, le Christ inaugura le Royaume des cieux sur la terre.
L’Église " est le Règne du Christ déjà mystérieusement
présent " (LG 3).
764 " Ce Royaume brille aux yeux des
hommes dans la parole, les œuvres et la présence du Christ "
(LG 5). Accueillir la parole de Jésus, c’est " accueillir
le Royaume lui-même " (ibid.). Le germe et le commencement du
Royaume sont le " petit troupeau " (Lc 12, 32) de
ceux que Jésus est venu convoquer autour de lui et dont il est lui-même
le pasteur (cf. Mt 10, 16 ; 26, 31 ; Jn 10, 1-21). Ils
constituent la vraie famille de Jésus (cf. Mt 12, 49). A ceux qu’il a
ainsi rassemblés autour de lui, il a enseigné une " manière
d’agir " nouvelle, mais aussi une prière propre (cf. Mt
5-6).
765 Le Seigneur Jésus a doté sa communauté
d’une structure qui demeurera jusqu’au plein achèvement du Royaume.
Il y a avant tout le choix des Douze avec Pierre comme leur chef (cf. Mc
3, 14-15). Représentant les douze tribus d’Israël (cf. Mt 19, 28 ;
Lc 22, 30) ils sont les pierres d’assise de la nouvelle Jérusalem
(cf. Ap 21, 12-14). Les Douze (cf. Mc 6, 7) et les autres disciples (cf.
Lc 10, 1-2) participent à la mission du Christ, à son pouvoir, mais
aussi à son sort (cf. Mt 10, 25 ; Jn 15, 20). Par tous ces actes,
le Christ prépare et bâtit son Église.
766 Mais l’Église est née principalement du
don total du Christ pour notre salut, anticipé dans l’institution de
l’Eucharistie et réalisé sur la Croix. " Le commencement
et la croissance de l’Église sont signifiés par le sang et l’eau
sortant du côté ouvert de Jésus crucifié " (LG 3). " Car
c’est du côté du Christ endormi sur la Croix qu’est né
l’admirable sacrement de l’Église toute entière " (SC
5). De même qu’Eve a été formée du côté d’Adam endormi, ainsi
l’Église est née du cœur transpercé du Christ mort sur la Croix
(cf. S. Ambroise, Luc. 2, 85-89 : PL 15, 1583-1586).
L’Église – manifestée par l’Esprit Saint
767 " Une fois achevée l’œuvre que
le Père avait chargé son Fils d’accomplir sur la terre, le jour de
Pentecôte, l’Esprit Saint fut envoyé pour sanctifier l’Église en
permanence " (LG 4). C’est alors que " l’Église
se manifesta publiquement devant la multitude et que commença la
diffusion de l’Évangile avec la prédication " (AG 4).
Parce qu’elle est " convocation " de tous les
hommes au salut, l’Église est, par sa nature même, missionnaire
envoyée par le Christ à toutes les nations pour en faire des disciples
(cf. Mt 28, 19-20 ; AG 2 ; 5-6).
768 Pour réaliser sa mission, l’Esprit Saint
" équipe et dirige l’Église grâce à la diversité des
dons hiérarchiques et charismatiques " (LG 4). " Aussi
l’Église, pourvue des dons de son fondateur, et fidèlement appliquée
à garder ses préceptes de charité, d’humilité et d’abnégation,
reçoit mission d’annoncer le Royaume du Christ et de Dieu et de
l’instaurer dans toutes les nations ; elle constitue de ce
royaume le germe et le commencement sur terre " (LG 5).
L’Église – consommée dans la gloire
769 " L’Église (...) n’aura sa
consommation que dans la gloire céleste " (LG 48), lors du
retour glorieux du Christ. Jusqu’à ce jour, " l’Église
avance dans son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les
consolations de Dieu " (S. Augustin, civ. 18, 51 ; cf. LG
8). Ici-bas, elle se sait en exil, loin du Seigneur (cf. 2 Co 5, 6 ;
LG 6), et elle aspire à l’avènement plénier du Royaume, " l’heure
où elle sera, dans la gloire, réunie à son Roi " (LG 5). La
consommation de l’Église, et à travers elle, celle du monde, dans la
gloire ne se fera pas sans de grandes épreuves. Alors seulement, " tous
les justes depuis Adam, depuis Abel le juste jusqu’au dernier élu se
trouveront rassemblés dans l’Église universelle auprès du Père "
(LG 2).
III. Le mystère de l’Église
770 L’Église est dans l’histoire, mais elle
la transcende en même temps. C’est uniquement " avec les
yeux de la foi " (Catech. R. 1, 10, 20) que l’on peut voir
en sa réalité visible en même temps une réalité spirituelle,
porteuse de vie divine.
L’Église – à la fois visible et spirituelle
771 " Le Christ, unique médiateur,
constitue et continuellement soutient son Église sainte, communauté de
foi, d’espérance et de charité, ici-bas, sur terre, comme un tout
visible par lequel il répand, à l’intention de tous, la vérité et
la grâce ". L’Église est à la fois :
– " société dotée d’organes hiérarchiques
et Corps Mystique du Christ ;
– assemblée visible et communauté spirituelle ;
– Église terrestre et Église parée de dons célestes ".
Ces dimensions constituent ensemble " une
seule réalité complexe, faite d’un double élément humain et divin "
(LG 8) :
Il appartient en propre à l’Église d’être
à la fois humaine et divine, visible et riche de réalités
invisibles, fervente dans l’action et occupée à la
contemplation, présente dans le monde et pourtant étrangère. Mais
de telle sorte qu’en elle ce qui est humain est ordonné et soumis
au divin ; ce qui est visible, à l’invisible ; ce qui
relève de l’action, à la contemplation ; et ce qui est présent,
à la cité future que nous recherchons (SC 2).
Humilité ! Sublimité ! Tente de Cédar
et sanctuaire de Dieu ; habitation terrestre et céleste palais ;
maison d’argile et cour royale ; corps mortel et temple de
lumière ; objet de mépris enfin pour les orgueilleux et épouse
du Christ ! Elle est noire mais belle, filles de Jérusalem,
celle qui, pâlie par la fatigue et la souffrance d’un long exil,
a cependant pour ornement la parure céleste (S. Bernard, Cant. 27,
7, 14 : PL 183, 920D).
L’Église – mystère de l’union des hommes avec
Dieu
772 C’est dans l’Église que le Christ
accomplit et révèle son propre mystère comme le but du dessein de
Dieu : " récapituler tout en Lui " (Ep 1, 10).
S. Paul appelle " grand mystère " (Ep 5, 32)
l’union sponsale du Christ et de l’Église. Parce qu’elle est unie
au Christ comme à son Époux (cf. Ep 5, 25-27), l’Église devient
elle-même à son tour mystère (cf. Ep 3, 9-11). Contemplant en elle le
mystère, S. Paul s’écrit : " Le Christ en vous,
l’espérance de la gloire " (Col 1, 27).
773 Dans l’Église cette communion des hommes
avec Dieu par " la charité qui ne passe jamais " (1
Co 13, 8) est la fin qui commande tout ce qui en elle est moyen
sacramentel lié à ce monde qui passe (cf. LG 48). " Sa
structure est complètement ordonnée à la sainteté des membres du
Christ. Et la sainteté s’apprécie en fonction du ‘grand mystère’
dans lequel l’Épouse répond par le don de l’amour au don de l’Époux "
(MD 27). Marie nous précède tous dans la sainteté qui est le mystère
de l’Église comme " l’Épouse sans tâche ni ride "
(Ep 5, 27). C’est pourquoi " la dimension mariale de l’Église
précède sa dimension pétrinienne " (MD 27).
L’Église – sacrement universel du salut
774 Le mot grec mysterion a été traduit
en latin par deux termes : mysterium et sacramentum. Dans
l’interprétation ultérieure, le terme sacramentum exprime
davantage le signe visible de la réalité cachée du salut, indiquée
par le terme mysterium. En ce sens, le Christ est Lui-même le
mystère du salut : " Non est enim aliud Dei mysterium,
nisi Christus " (" Il n’y a pas d’autre mystère
que le Christ ", S. Augustin, ep. 187, 11, 34 : PL 33,
845). L’œuvre salvifique de son humanité sainte et sanctifiante est
le sacrement du salut qui se manifeste et agit dans les sacrements de
l’Église (que les Églises d’Orient appellent aussi " les
saints mystères "). Les sept sacrements sont les signes et
les instruments par lesquels l’Esprit Saint répand la grâce du
Christ, qui est la Tête, dans l’Église qui est son Corps. L’Église
contient donc et communique la grâce invisible qu’elle signifie.
C’est en ce sens analogique qu’elle est appelée " sacrement ".
775 " L’Église est, dans le Christ,
en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et
l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le
genre humain " (LG 1) : Être le sacrement de l’union
intime des hommes avec Dieu : c’est là le premier but de
l’Église. Parce que la communion entre les hommes s’enracine dans
l’union avec Dieu, l’Église est aussi le sacrement de l’unité
du genre humain. En elle, cette unité est déjà commencée
puisqu’elle rassemble des hommes " de toute nation, race,
peuple et langue " (Ap 7, 9) ; en même temps, l’Église
est " signe et instrument " de la pleine réalisation
de cette unité qui doit encore venir.
776 Comme sacrement, l’Église est instrument
du Christ. " Entre ses mains elle est l’instrument de la Rédemption
de tous les hommes " (LG 9), " le sacrement
universel du salut " (LG 48), par lequel le Christ " manifeste
et actualise l’amour de Dieu pour les hommes " (GS 45, §
1). Elle " est le projet visible de l’amour de Dieu pour
l’humanité " (Paul VI, discours 22 juin 1973) qui veut
" que le genre humain tout entier constitue un seul Peuple de
Dieu, se rassemble dans le Corps unique du Christ, soit construit en un
seul temple du Saint-Esprit " (AG 7 ; cf. LG 17).
En bref
777 Le mot " Église " signifie
" convocation ". Il désigne l’assemblée de
ceux que la Parole de Dieu convoque pour former le Peuple de Dieu et
qui, nourris du Corps du Christ, deviennent eux-mêmes Corps du Christ
778 L’Église est à la fois chemin et but du
dessein de Dieu : préfigurée dans la création, préparée dans
l’Ancienne Alliance, fondée par les paroles et les actions de Jésus-Christ,
réalisée par sa Croix rédemptrice et sa Résurrection, elle est
manifestée comme mystère de salut par l’effusion de l’Esprit
Saint. Elle sera consommée dans la gloire du ciel comme assemblée de
tous les rachetés de la terre (cf. Ap 14, 4).
779 L’Église est à la fois visible et
spirituelle, société hiérarchique et Corps Mystique du Christ. Elle
est une, formée d’un double élément humain et divin. C’est là
son mystère que seule la foi peut accueillir.
780 L’Église est dans ce monde-ci le sacrement
du salut, le signe et l’instrument de la communion de Dieu et des
hommes.
Paragraphe 2. L’Église – Peuple de Dieu,
Corps du Christ, temple de l’Esprit Saint
I. L’Église – Peuple de Dieu
781 " A toute époque, à la vérité,
et en toute nation, Dieu a tenu pour agréable quiconque le craint et
pratique la justice. Cependant, il a plu à Dieu que les hommes ne reçoivent
pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ;
il a voulu au contraire en faire un Peuple qui le connaîtrait selon la
vérité et le servirait dans la sainteté. C’est pourquoi il s’est
choisi le Peuple d’Israël pour être son Peuple avec qui il a fait
alliance et qu’il a progressivement instruit (...). Tout cela
cependant n’était que pour préparer et figurer l’Alliance Nouvelle
et parfaite qui serait conclue dans le Christ (...). C’est la Nouvelle
Alliance dans son sang, appelant un Peuple, venu des Juifs et des païens,
à se rassembler dans l’unité, non pas selon la chair, mais dans
l’Esprit " (LG 9).
Les caractéristiques du Peuple de Dieu
782 Le Peuple de Dieu a des caractéristiques qui
le distinguent nettement de tous les groupements religieux, ethniques,
politiques ou culturels de l’histoire :
– Il est le Peuple de Dieu : Dieu
n’appartient en propre à aucun peuple. Mais Il s’est acquis un
peuple de ceux qui autrefois n’étaient pas un peuple : " une
race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte " (1 P 2,
9).
– On devient membre de ce Peuple non par la
naissance physique, mais par la " naissance d’en haut ",
" de l’eau et de l’Esprit " (Jn 3, 3-5),
c’est-à-dire par la foi au Christ et le Baptême.
– Ce Peuple a pour Chef [Tête] Jésus le
Christ [Oint, Messie] : parce que la même Onction, l’Esprit
Saint, découle de la Tête dans le Corps, il est " le Peuple
messianique ".
– " La condition de ce Peuple,
c’est la dignité de la liberté des fils de Dieu : dans leurs cœurs,
comme dans un temple, réside l’Esprit Saint ".
– " Sa loi, c’est le
commandement nouveau d’aimer comme le Christ lui-même nous a aimés
(cf. Jn 13, 34) ". C’est la loi " nouvelle "
de l’Esprit Saint (Rm 8, 2 ; Ga 5, 25).
– Sa mission, c’est d’être le sel de la
terre et la lumière du monde (cf. Mt 5, 13-16). " Il
constitue pour tout le genre humain le germe le plus fort d’unité,
d’espérance et de salut ".
– Sa destinée, enfin, c’est le Royaume de
Dieu, commencé sur la terre par Dieu lui-même, Royaume qui doit se
dilater de plus en plus, jusqu’à ce que, à la fin des temps, il soit
achevé par Dieu lui-même " (LG 9).
Un Peuple sacerdotal, prophétique et royal
783 Jésus-Christ est celui que le Père a oint
de l’Esprit Saint et qu’il a constitué " Prêtre, Prophète
et Roi ". Le Peuple de Dieu tout entier participe à ces trois
fonctions du Christ et il porte les responsabilités de mission et de
service qui en découlent (cf. RH 18-21).
784 En entrant dans le Peuple de Dieu par la foi
et le Baptême, on reçoit part à la vocation unique de ce Peuple :
à sa vocation sacerdotale : " Le Christ Seigneur,
grand prêtre pris d’entre les hommes a fait du Peuple nouveau ‘un
royaume, des prêtres pour son Dieu et Père’. Les baptisés, en
effet, par la régénération et l’onction du Saint-Esprit, sont consacrés
pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint " (LG
10).
785 " Le Peuple saint de Dieu participe
aussi à la fonction prophétique du Christ ". Il
l’est surtout :par le sens surnaturel de la foi qui est celui du
Peuple tout entier, laïcs et hiérarchie, lorsqu’il " s’attache
indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes "
(LG 12) et en approfondit l’intelligence et devient témoin du Christ
au milieu de ce monde
786 Le Peuple de Dieu participe enfin à la
fonction royale du Christ. Le Christ exerce sa royauté en
attirant à soi tous les hommes par sa mort et sa Résurrection (cf. Jn
12, 32). Le Christ, Roi et Seigneur de l’univers, s’est fait le
serviteur de tous, n’étant " pas venu pour être servi,
mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour la multitude "
(Mt 20, 28). Pour le chrétien, " régner, c’est le servir "
(LG 36), particulièrement " dans les pauvres et les
souffrants, dans lesquels l’Église reconnaît l’image de son
Fondateur pauvre et souffrant " (LG 8). Le Peuple de Dieu réalise
sa " dignité royale " en vivant conformément à
cette vocation de servir avec le Christ.
De tous les régénérés dans le Christ le signe
de la Croix fait des rois, l’onction du Saint-Esprit les consacre
comme prêtres, afin que, mis à part le service particulier de
notre ministère, tous les chrétiens spirituels et usant de leur
raison se reconnaissent membres de cette race royale et participants
de la fonction sacerdotale. Qu’y a-t-il, en effet, d’aussi royal
pour une âme que de gouverner son corps dans la soumission à Dieu ?
Et qu’y a-t-il d’aussi sacerdotal que de vouer au Seigneur une
conscience pure et d’offrir sur l’autel de son cœur les
victimes sans taches de la piété ? (S. Léon le Grand, serm.
4, 1 : PL 54, 149).
II. L’Église – Corps du Christ
L’Église est communion avec Jésus
787 Dès le début, Jésus a associés ses
disciples à sa vie (cf. Mc 1, 16-20 ; 3, 13-19) ; il leur a révélé
le mystère du Royaume (cf. Mt 13, 10-17) ; il leur a donné part
à sa mission, à sa joie (cf. Lc 10, 17-20) et à ses souffrances (cf.
Lc 22, 28-30). Jésus parle d’une communion encore plus intime entre
Lui et ceux qui le suivraient : " Demeurez en moi, comme
moi en vous (...). Je suis le cep, vous êtes les sarments "
(Jn 15, 4-5). Et Il annonce une communion mystérieuse et réelle entre
son propre corps et le nôtre : " Qui mange ma chair et
boit mon sang demeure en moi et moi en lui " (Jn 6, 56).
788 Lorsque sa présence visible leur a été
enlevée, Jésus n’a pas laissé orphelins ses disciples (cf. Jn 14,
18). Il leur a promis de rester avec eux jusqu’à la fin des temps
(cf. Mt 28, 20), il leur a envoyé son Esprit (cf. Jn 20, 22 ; Ac
2, 33). La communion avec Jésus en est devenue, d’une certaine façon,
plus intense : " En communiquant son Esprit à ses frères,
qu’il rassemble de toutes les nations, Il les a constitués
mystiquement comme son corps " (LG 7).
789 La comparaison de l’Église avec le corps
jette une lumière sur le lien intime entre l’Église et le Christ.
Elle n’est pas seulement rassemblée autour de lui ; elle
est unifiée en lui, dans son Corps. Trois aspects de l’Église
– Corps du Christ sont plus spécifiquement à relever : l’unité
de tous les membres entre eux par leur union au Christ ; le Christ
Tête du Corps ; l’Église, Épouse du Christ.
" Un seul corps "
790 Les croyants qui répondent à la Parole de
Dieu et deviennent membres du Corps du Christ, deviennent étroitement
unis au Christ : " Dans ce corps la vie du Christ se répand
à travers les croyants que les sacrements, d’une manière mystérieuse
et réelle, unissent au Christ souffrant et glorifié " (LG
7). Ceci est particulièrement vrai du Baptême par lequel nous sommes
unis à la mort et à la Résurrection du Christ (cf. Rm 6, 4-5 ; 1
Co 12, 13), et de l’Eucharistie, par laquelle, " participant
réellement au corps du Christ ", " nous sommes élevés
à la communion avec Lui et entre nous " (LG 7).
791 L’unité du corps n’abolit pas la
diversité des membres : " Dans l’édification du corps
du Christ règne une diversité de membres et de fonctions. Unique est
l’Esprit qui distribue des dons variés pour le bien de l’Église à
la mesure de ses richesses et des exigences des services " .
L’unité du Corps mystique produit et stimule entre les fidèles la
charité : " Aussi un membre ne peut souffrir, que tous
les membres ne souffrent, un membre ne peut être à l’honneur, que
tous les membres ne se réjouissent avec lui " (LG 7). Enfin,
l’unité du Corps mystique est victorieuse de toutes les divisions
humaines : " Vous tous, en effet, baptisés dans le
Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a ni Juif ni Grec,
il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ;
car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus " (Ga 3,
27-28).
" De ce Corps, le Christ est la Tête "
792 Le Christ " est la Tête du Corps
qui est l’Église " (Col 1, 18). Il est le Principe de la création
et de la rédemption. Élevé dans la gloire du Père, " Il a
en tout la primauté " (Col 1, 18), principalement sur l’Église
par laquelle il étend son règne sur toute chose :
793 Il nous unit à sa Pâque : Tous les
membres doivent s’efforcer de lui ressembler " jusqu’à ce
que le Christ soit formé en eux " (Ga 4, 19). " C’est
dans ce but que nous sommes introduits dans les mystères de sa vie,
(...) associés à ses souffrances comme le corps à la tête, unis à
sa passion pour être unis à sa gloire " (LG 7).
794 Il pourvoit à notre croissance (cf. Col 2,
19) : Pour nous faire grandir vers lui, notre Tête (cf. Ep 4,
11-16), le Christ dispose dans son corps, l’Église, les dons et les
services par lesquels nous nous aidons mutuellement sur le chemin du
salut.
795 Le Christ et l’Église, c’est donc le
" Christ total " (Christus totus). L’Église
est une avec le Christ. Les saints ont une conscience très vive de
cette unité :
Félicitons-nous donc et rendons grâces de ce
que nous sommes devenus, non seulement des chrétiens, mais le
Christ lui-même. Comprenez-vous, frères, la grâce que Dieu nous a
faite en nous donnant le Christ comme Tête ? Soyez dans
l’admiration et réjouissez-vous, nous sommes devenus le Christ.
En effet, puisqu’il est la Tête et que nous sommes les membres,
l’homme tout entier, c’est lui et nous (...). La plénitude du
Christ, c’est donc la Tête et les membres ; qu’est-ce à
dire : la Tête et les membres ? Le Christ et l’Église
(S. Augustin, ev. Jo. 21, 8).
Notre Rédempteur s’est montré comme une seule
et même personne que l’Église qu’il a assumée (S. Grégoire
le Grand, mor. præf. 1, 6, 4 : PL 75, 525A).
Tête et membres, une seule et même personne
mystique pour ainsi dire (S. Thomas d’A., s. th. 3, 48, 2, ad 1).
Un mot de Ste Jeanne d’Arc à ses juges résume
la foi des saints Docteurs et exprime le bon sens du croyant :
" De Jésus-Christ et de l’Église, il m’est avis que
c’est tout un, et qu’il n’en faut pas faire difficulté "
(Jeanne d’Arc, proc.).
L’Église est l’Épouse du Christ
796 L’unité du Christ et de l’Église, Tête
et membres du Corps, implique aussi la distinction des deux dans une
relation personnelle. Cet aspect est souvent exprimé par l’image de
l’époux et de l’épouse. Le thème du Christ Époux de l’Église
a été préparé par les prophètes et annoncé par Jean-Baptiste (cf.
Jn 3, 29). Le Seigneur s’est lui-même désigné comme " l’Époux "
(Mc 2, 19 ; cf. Mt 22, 1-14 ; 25, 1-13). L’apôtre présente
l’Église et chaque fidèle, membre de son Corps, comme une Épouse
" fiancée " au Christ Seigneur, pour n’être avec
Lui qu’un seul Esprit (cf. 1 Co 6, 15-16 ; 2 Co 11, 2). Elle est
l’Épouse immaculée de l’Agneau immaculé (cf. Ap 22, 17 ;
Ep 1, 4 ; 5, 27) que le Christ a aimée, pour laquelle Il s’est
livré " afin de la sanctifier " (Ep 5, 26), qu’Il
s’est associée par une alliance éternelle, et dont Il ne cesse de
prendre soin comme de son propre Corps (cf. Ep 5, 29) :
Voilà le Christ total, Tête et Corps, un seul
formé de beaucoup. (...) Que ce soit la Tête qui parle, que ce
soit les membres, c’est le Christ qui parle. Il parle en tenant le
rôle de la Tête (ex persona capitis) ou bien en tenant le rôle
du Corps (ex persona corporis). Selon ce qui est écrit :
" Ils seront deux en une seule chair. C’est là un grand
mystère, je veux dire en rapport avec le Christ et l’Église "
(Ep 5, 31-32). Et le Seigneur lui-même dans l’Évangile :
" Non plus deux, mais une seule chair " (Mt 19,
6). Comme vous l’avez vu, il y a bien en fait deux personnes différentes,
et cependant, elles ne font qu’un dans l’étreinte conjugale.
(...) En tant que Tête il se dit " Époux ",
en tant que Corps il se dit " Épouse " (S.
Augustin, Psal. 74, 4).
III. L’Église – Temple de l’Esprit Saint
797 " Ce que notre esprit, je veux dire
notre âme, est à nos membres, l’Esprit Saint l’est aux membres du
Christ, au Corps du Christ, je veux dire l’Église " (S.
Augustin, serm. 267, 4 : PL 38, 1231D). " C’est à
l’Esprit du Christ comme à un principe caché qu’il faut attribuer
que toutes les parties du Corps soient reliées, aussi bien entre elles
qu’avec leur Tête suprême, puisqu’il réside tout entier dans la Tête,
tout entier dans le Corps, tout entier dans chacun de ses membres "
(Pie XII, Enc. " Mystici Corporis " : DS 3808).
L’Esprit Saint fait de l’Église " le Temple du Dieu
Vivant " (2 Co 6, 16 ; cf. 1 Co 3, 16-17 ; Ep 2, 21) :
C’est à l’Église elle-même, en effet,
qu’a été confié le Don de Dieu. (...) C’est en elle qu’a été
déposée la communion avec le Christ, c’est-à-dire l’Esprit
Saint, arrhes de l’incorruptibilité, confirmation de notre foi et
échelle de notre ascension vers Dieu (...) Car là où est l’Église,
là est aussi l’Esprit de Dieu ; et là où est l’Esprit de
Dieu, là est l’Église et toute grâce (S. Irénée, hær. 3, 24,
1).
798 L’Esprit Saint est " le Principe
de toute action vitale et vraiment salutaire en chacune des diverses
parties du Corps " (Pie XII, enc. " Mystici Corporis " :
DS 3808). Il opère de multiples manières l’édification du Corps
tout entier dans la charité (cf. Ep 4, 16) : par la Parole de
Dieu, " qui a la puissance de construire l’édifice "
(Ac 20, 32), par le Baptême par lequel il forme le Corps du Christ (cf.
1 Co 12, 13) ; par les sacrements qui donnent croissance et guérison
aux membres du Christ ; par " la grâce accordée aux apôtres
qui tient la première place parmi ses dons " (LG 7), par les
vertus qui font agir selon le bien, enfin par les multiples grâces spéciales
[appelés " charismes "] par lesquels il rend les
fidèles " aptes et disponibles pour assumer les diverses
charges et offices qui servent à renouveler et à édifier davantage
l’Église " (LG 12 ; cf. AA 3).
Les charismes
799 Extraordinaires ou
simples et humbles, les charismes sont des grâces de l’Esprit Saint
qui ont, directement ou indirectement, une utilité ecclésiale, ordonnés
qu’ils sont à l’édification de l’Église, au bien des hommes et
aux besoins du monde.
800 Les charismes sont à
accueillir avec reconnaissance par celui qui les reçoit, mais aussi par
tous les membres de l’Église. Ils sont, en effet, une merveilleuse
richesse de grâce pour la vitalité apostolique et pour la sainteté de
tout le Corps du Christ ; pourvu cependant qu’il s’agisse de
dons qui proviennent véritablement de l’Esprit Saint et qu’ils
soient exercés de façon pleinement conforme aux impulsions
authentiques de ce même Esprit, c’est-à-dire selon la charité,
vraie mesure des charismes (cf. 1 Co 13).
801 C’est dans ce sens
qu’apparaît toujours nécessaire le discernement des charismes. Aucun
charisme ne dispense de la référence et de la soumission aux Pasteurs
de l’Église. " C’est à eux qu’il convient spécialement,
non pas d’éteindre l’Esprit, mais de tout éprouver pour retenir ce
qui est bon " (LG 12), afin que tous les charismes coopèrent,
dans leur diversité et leur complémentarité, au " bien
commun " (1 Co 12, 7) (cf. LG 30 ; CL 24).
En bref
802 " Le Christ Jésus s’est livré
pour nous afin de nous racheter de toute iniquité et de purifier un
Peuple qui lui appartienne en propre " (Tt 2, 14).
803 " Vous êtes donc une race élue, un
sacerdoce royal, une nation sainte, un Peuple acquis " (1 P
2, 9).
804 On entre dans le Peuple de Dieu par la foi et
le Baptême. " Tous les hommes sont appelés à faire partie
du Peuple de Dieu " (LG 13), afin que, dans le Christ,
" les hommes constituent une seule famille et un seul Peuple
de Dieu " (AG 1).
805 L’Église est le Corps du Christ. Par
l’Esprit et son action dans les sacrements, surtout l’Eucharistie,
le Christ mort et ressuscité constitue la communauté des croyants
comme son Corps.
806 Dans l’unité de ce Corps, il y a diversité
de membres et des fonctions. Tous les membres sont liés les uns aux
autres, particulièrement à ceux qui souffrent, sont pauvres et persécutés.
807 L’Église est ce Corps dont le Christ est la
Tête : elle vit de Lui, en Lui et pour Lui ; Il vit avec
elle et en elle.
808 L’Église est l’Épouse du Christ : Il
l’a aimée et s’est livré pour elle. Il l’a purifiée par son
sang. Il a fait d’elle la Mère féconde de tous les fils de Dieu.
809 L’Église est le Temple de l’Esprit Saint.
L’Esprit est comme l’âme du Corps Mystique, principe de sa vie,
de l’unité dans la diversité et de la richesse de ses dons et
charismes.
810 " Ainsi l’Église universelle
apparaît comme ‘un Peuple qui tire son unité de l’unité du Père
et du Fils et de l’Esprit Saint’ (S. Cyprien, Dom. orat. 23 :
PL 4, 535C-536A) " (LG 4).
Paragraphe 3. L’Église est une, sainte,
catholique et apostolique
811 " C’est là l’unique Église du
Christ, dont nous professons dans le symbole qu’elle est une, sainte,
catholique et apostolique " (LG 8). Ces quatre attributs, inséparablement
liés entre eux (cf. DS 2888), indiquent des traits essentiels de l’Église
et de sa mission. L’Église ne les tient pas d’elle-même ;
c’est le Christ qui, par l’Esprit Saint, donne à son Église, d’être
une, sainte, catholique et apostolique, et c’est Lui encore qui
l’appelle à réaliser chacune de ces qualités.
812 Seule la foi peut reconnaître que l’Église
tient ces propriétés de sa source divine. Mais leurs manifestations
historiques sont des signes qui parlent aussi clairement à la raison
humaine. " L’Église, rappelle le premier Concile du
Vatican, en raison de sa sainteté, de son unité catholique, de sa
constance invaincue, est elle-même un grand et perpétuel motif de crédibilité
et une preuve irréfragable de sa mission divine " (DS 3013).
I. L’Église est une
" Le mystère sacré de l’Unité de l’Église "
(UR 2)
813 L’Église est une de par sa source :
" De ce mystère, le modèle suprême et le principe est dans
la trinité des personnes l’unité d’un seul Dieu Père, et Fils, en
‘l’Esprit Saint " (UR 2). L’Église est une de par
son Fondateur : " Car le Fils incarné en personne a
réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa Croix, rétablissant
l’unité de tous en un seul Peuple et un seul Corps " (GS
78, §3). L’Église est une de par son " âme " :
" L’Esprit Saint qui habite dans les croyants, qui remplit
et régit toute l’Église, réalise cette admirable communion des fidèles
et les unit tous si intimement dans le Christ, qu’il est le principe
de l’Unité de l’Église " (UR 2). Il est donc de
l’essence même de l’Église d’être une :
Quel étonnant mystère ! Il y a un seul Père
de l’univers, un seul Logos de l’univers et aussi un seul Esprit
Saint, partout identique ; il y a aussi une seule vierge
devenue mère, et j’aime l’appeler l’Église (S. Clément
d’Alexandrie, pæd. 1, 6).
814 Dès l’origine, cette Église une se présente
cependant avec une grande diversité qui provient à la fois de
la variété des dons de Dieu et de la multiplicité des personnes qui
les reçoivent. Dans l’unité du Peuple de Dieu se rassemblent les
diversités des peuples et des cultures. Entre les membres de l’Église
existe une diversité de dons, de charges, de conditions et de modes de
vie ; " au sein de la communion de l’Église il existe
légitimement des Églises particulières, jouissant de leurs traditions
propres " (LG 13). La grande richesse de cette diversité ne
s’oppose pas à l’unité de l’Église. Cependant, le péché et le
poids de ses conséquences menacent sans cesse le don de l’unité.
Aussi l’apôtre doit-il exhorter à " garder l’unité de
l’Esprit par le lien de la paix " (Ep 4, 3).
815 Quels sont ces liens de l’unité ?
" Par-dessus tout [c’est] la charité, qui est le lien de la
perfection " (Col 3, 14). Mais l’unité de l’Église pérégrinante
est assurée aussi par des liens visibles de communion :
– la profession d’une seule foi reçue des apôtres ;
– la célébration commune du culte divin, surtout
des sacrements ;
– la succession apostolique par le sacrement de
l’ordre, maintenant la concorde fraternelle de la famille de Dieu (cf.
UR 2 ; LG 14 ; CIC, can. 205).
816 " L’unique Église du Christ,
(...) est celle que notre Sauveur, après sa Résurrection, remit à
Pierre pour qu’il en soit le pasteur, qu’il lui confia, à lui et
aux autres apôtres, pour la répandre et la diriger (...). Cette Église
comme société constituée et organisée dans le monde est réalisée
dans (subsistit in) l’Église catholique gouvernée par le
successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui "
(LG 8) :
Le Décret sur l’Œcuménisme du deuxième
Concile du Vatican explicite : " C’est, en effet,
par la seule Église catholique du Christ, laquelle est ‘moyen général
de salut’, que peut s’obtenir toute la plénitude des moyens de
salut. Car c’est au seul collège apostolique, dont Pierre est le
chef, que le Seigneur confia, selon notre foi, toutes les richesses
de la Nouvelle Alliance, afin de constituer sur la terre un seul
Corps du Christ auquel il faut que soient pleinement incorporés
tous ceux qui, d’une certaine façon, appartiennent déjà au
Peuple de Dieu " (UR 3).
Les blessures de l’unité
817 De fait, " dans cette seule et
unique Église de Dieu apparurent dès l’origine certaines scissions,
que l’apôtre réprouve avec vigueur comme condamnables ; au
cours des siècles suivants naquirent des dissensions plus amples, et
des communautés considérables furent séparées de la pleine communion
de l’Église catholique, parfois de par la faute des personnes de
l’une et de l’autre partie " (UR 3). Les ruptures qui
blessent l’unité du Corps du Christ (on distingue l’hérésie,
l’apostasie et le schisme [cf. CIC, can. 751]) ne se font pas sans les
péchés des hommes :
Où se trouve le péché, là aussi la
multiplicité, là le schisme, là l’hérésie, là le conflit ;
mais où se trouve la vertu, là aussi l’unité, là l’union qui
faisait que tous les croyants n’avaient qu’un corps et une âme
(Origène, hom. in Ezech. 9, 1).
818 Ceux qui naissent aujourd’hui dans des
communautés issues de telles ruptures " et qui vivent la foi
au Christ, ne peuvent être accusés de péché de division, et l’Église
catholique les entoure de respect fraternel et de charité (...).
Justifiés par la foi reçue au Baptême, incorporés au Christ, ils
portent à juste titre le nom de chrétiens, et les fils de l’Église
catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le
Seigneur " (UR 3).
819 Au surplus, " beaucoup d’éléments
de sanctification et de vérité " (LG 8) existent en dehors
des limites visibles de l’Église catholique : " la
parole de Dieu écrite, la vie de la grâce, la foi, l’espérance et
la charité, d’autres dons intérieurs du Saint-Esprit et d’autres
éléments visibles " (UR 3 ; cf. LG 15). L’Esprit du
Christ se sert de ces Églises et communautés ecclésiales comme moyens
de salut dont la force vient de la plénitude de grâce et de vérité
que le Christ a confié à l’Église catholique. Tous ces biens
proviennent du Christ et conduisent à lui (cf. UR 3) et appellent par
eux-mêmes " l’unité catholique " (LG 8).
Vers l’unité
820 L’unité, " le Christ l’a
accordée à son Église dès le commencement. Nous croyons qu’elle
subsiste de façon inamissible dans l’Église catholique et nous espérons
qu’elle s’accroîtra de jour en jour jusqu’à la consommation des
siècles " (UR 4). Le Christ donne toujours à son Église le
don de l’unité, mais l’Église doit toujours prier et travailler
pour maintenir, renforcer et parfaire l’unité que le Christ veut pour
elle. C’est pourquoi Jésus lui-même a prié à l’heure de sa
passion, et Il ne cesse de prier le Père pour l’unité de ses
disciples : " ... Que tous soient un. Comme Toi, Père,
Tu es en Moi et Moi en Toi, qu’eux aussi soient un en Nous, afin que
le monde croie que Tu M’as envoyé " (Jn 17, 21). Le désir
de retrouver l’unité de tous les chrétiens est un don du Christ et
un appel de l’Esprit Saint (cf. UR 1).
821 Pour y répondre adéquatement sont exigés :
– un renouveau permanent de l’Église dans
une fidélité plus grande à sa vocation. Cette rénovation est le
ressort du mouvement vers l’unité (cf. UR 6) ;
– la conversion du cœur " en vue
de vivre plus purement selon l’Évangile " (cf. UR 7), car
c’est l’infidélité des membres au don du Christ qui cause les
divisions ;
– la prière en commun, car " la
conversion du cœur et la sainteté de vie, unies aux prières publiques
et privées pour l’unité des chrétiens, doivent être regardées
comme l’âme de tout œcuménisme et peuvent être à bon droit appelées
œcuménisme spirituel " (UR 8) ;
– la connaissance réciproque fraternelle (cf.
UR 9) ;
– la formation œcuménique des fidèles et
spécialement des prêtres (cf. UR 10) ;
– le dialogue entre les théologiens et les
rencontres entre les chrétiens des différentes Églises et communautés
(cf. UR 4 ; 9 ; 11) ;
– la collaboration entre chrétiens dans les
divers domaines du service des hommes (cf. UR 12).
822 Le souci de réaliser l’union " concerne
toute l’Église, fidèles et pasteurs " (UR 5). Mais il faut
aussi " avoir conscience que ce projet sacré, la réconciliation
de tous les chrétiens dans l’unité d’une seule et unique Église
du Christ, dépasse les forces et les capacités humaines "
C’est pourquoi nous mettons tout notre espoir " dans la prière
du Christ pour l’Église, dans l’amour du Père à notre égard, et
dans la puissance du Saint-Esprit " (UR 24).
II. L’Église est sainte
823 " L’Église (...) est aux yeux de
la foi indéfectiblement sainte. En effet le Christ, Fils de Dieu, qui,
avec le Père et l’Esprit, est proclamé ‘seul Saint’, a aimé
l’Église comme son épouse, il s’est livré pour elle afin de la
sanctifier, il se l’est unie comme son Corps et l’a comblée du don
de l’Esprit Saint pour la gloire de Dieu " (LG 39). L’Église
est donc " le Peuple saint de Dieu " (LG 12), et ses
membres sont appelés " saints " (cf. Ac 9, 13 ;
1 Co 6, 1 ; 16, 1).
824 L’Église, unie au Christ, est sanctifiée
par Lui ; par Lui et en Lui elle devient aussi sanctifiante.
" Toutes les œuvres de l’Église tendent comme à leur fin,
à la sanctification des hommes dans le Christ et à la glorification de
Dieu " (SC 10). C’est dans l’Église qu’est déposée
" la plénitude des moyens de salut " (UR 3).
C’est en elle que " nous acquérons la sainteté par la grâce
de Dieu " (LG 48).
825 " Sur terre, l’Église est parée
d’une sainteté véritable, bien qu’imparfaite " (LG 48).
En ses membres, la sainteté parfaite est encore à acquérir :
" Pourvue de moyens salutaires d’une telle abondance et
d’une telle grandeur, tous ceux qui croient au Christ, quels que
soient leur condition et leur état de vie, sont appelés par Dieu
chacun dans sa route, à une sainteté dont la perfection est celle même
du Père " (LG 11).
826 La charité est l’âme de la sainteté
à laquelle tous sont appelés : " Elle dirige tous les
moyens de sanctification, leur donne leur âme et les conduit à leur
fin " (LG 42) :
Je compris que si l’Église avait un corps,
composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble
de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église avait un
Cœur, et que ce Cœur était brûlant d’amour. Je compris que
l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, que
si l’Amour venait à s’éteindre, les apôtres
n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de
verser leur sang (...). Je compris que l’Amour renfermait
toutes les vocations, que l’amour était tout, qu’il embrassait
tous les temps et tous les lieux (...) en un mot, qu’il est éternel !
(Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus, ms. autob. B 3v).
827 " Tandis que le Christ saint,
innocent, sans tache, venu uniquement pour expier les péchés du
peuple, n’a pas connu le péché, l’Église, elle, qui renferme
des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et
appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence
et de renouvellement " (LG 8 ; cf. UR 3 ; 6). Tous
les membres de l’Église, ses ministres y compris, doivent se reconnaître
pécheurs (cf. 1 Jn 1, 8-10). En tous, l’ivraie du péché se trouve
encore mêlée au bon grain de l’Évangile jusqu’à la fin des temps
(cf. Mt 13, 24-30). L’Église rassemble donc des pécheurs saisis par
le salut du Christ mais toujours en voie de sanctification :
L’Église est sainte tout en comprenant en son
sein des pécheurs, parce qu’elle n’a elle-même d’autre vie
que celle de la grâce : c’est en vivant de sa vie que ses
membres se sanctifient ; c’est en se soustrayant à sa vie
qu’ils tombent dans les péchés et les désordres qui empêchent
le rayonnement de sa sainteté. C’est pourquoi elle souffre et
fait pénitence pour ces fautes, dont elle a le pouvoir de guérir
ses enfants par le sang du Christ et le don de l’Esprit Saint (SPF
19).
828 En canonisant certains fidèles,
c’est-à-dire en proclamant solennellement que ces fidèles ont
pratiqué héroïquement les vertus et vécu dans la fidélité à la grâce
de Dieu, l’Église reconnaît la puissance de l’Esprit de sainteté
qui est en elle et elle soutient l’espérance des fidèles en les leur
donnant comme modèles et intercesseurs (cf. LG 40 ; 48-51). " Les
saints et les saintes ont toujours été source et origine de
renouvellement dans les moments les plus difficiles de l’histoire de
l’Église " (CL 16, 3). En effet, " la sainteté
est la source secrète et la mesure infaillible de son activité
apostolique et de son élan missionnaire " (CL 17, 3).
829 " En la personne de la bienheureuse
Vierge l’Église atteint déjà à la perfection qui la fait sans
tache ni ride. Les fidèles du Christ, eux, sont encore tendus dans leur
effort pour croître en sainteté par la victoire sur le péché :
c’est pourquoi ils lèvent leurs yeux vers Marie " (LG 65) :
en elle, l’Église est déjà la toute sainte.
III. L’Église est Catholique
Que veut dire " catholique " ?
830 Le mot " catholique "
signifie " universel " dans le sens de " selon
la totalité " ou " selon l’intégralité ".
L’Église est catholique dans un double sens :
Elle est catholique parce qu’en elle le Christ est
présent. " Là où est le Christ Jésus, là est l’Église
Catholique " (S. Ignace d’Antioche, Smyrn. 8, 2). En elle
subsiste la plénitude du Corps du Christ uni à sa Tête (cf. Ep 1,
22-23), ce qui implique qu’elle reçoive de lui " la plénitude
des moyens de salut " (AG 6) qu’Il a voulus :
confession de foi droite et complète, vie sacramentelle intégrale et
ministère ordonné dans la succession apostolique. L’Église était,
en ce sens fondamental, catholique au jour de la Pentecôte (cf. AG 4)
et elle le sera toujours jusqu’au jour de la Parousie.
831 Elle est catholique parce qu’elle est envoyée
en mission par le Christ à l’universalité du genre humain (cf. Mt
28, 19) :
Tous les hommes sont appelés à faire partie du
Peuple de Dieu. C’est pourquoi ce Peuple, demeurant un et unique,
est destiné à se dilater aux dimensions de l’univers entier et
à toute la suite des siècles pour que s’accomplisse ce que
s’est proposé la volonté de Dieu créant à l’origine la
nature humaine dans l’unité, et décidant de rassembler enfin
dans l’unité ses fils dispersés (...). Ce caractère
d’universalité qui brille sur le Peuple de Dieu est un don du
Seigneur lui-même, grâce auquel l’Église catholique,
efficacement et perpétuellement, tend à récapituler l’humanité
entière avec tout ce qu’elle comporte de biens sous le Christ
chef, dans l’unité de son Esprit (LG 13).
Chaque Église particulière est " catholique "
832 " L’Église du Christ est
vraiment présente en tous les légitimes groupements locaux de fidèles
qui, unis à leurs pasteurs, reçoivent, dans le Nouveau Testament, eux
aussi, le nom d’Églises (...). En elles, les fidèles sont rassemblés
par la prédication de l’Évangile du Christ, le mystère de la Cène
du Seigneur est célébré (...). Dans ces communautés, si petites et
pauvres qu’elles puissent être souvent ou dispersées, le Christ est
présent par la vertu de qui se constitue l’Église une, sainte,
catholique et apostolique " (LG 26).
833 On entend par Église particulière, qui est
d’abord le diocèse (ou l’éparchie), une communauté de fidèles
chrétiens en communion dans la foi et les sacrements avec leur évêque
ordonné dans la succession apostolique (cf. CD 11 ; CIC, can.
368-369 ; CCEO 177, 1 ; 178 ; 311, 1 ; 312). Ces Églises
particulières " sont formées à l’image de l’Église
universelle ; c’est en elles et à partir d’elles qu’existe
l’Église catholique une et unique " (LG 23).
834 Les Églises particulières sont pleinement
catholiques par la communion avec l’une d’entre elles : l’Église
de Rome " qui préside à la charité " (S. Ignace
d’Antioche, Rom. 1, 1). " Car avec cette Église, en raison
de son origine plus excellente doit nécessairement s’accorder toute
Église, c’est-à-dire les fidèles de partout " (S. Irénée,
hær. 3, 3, 2 : repris par Cc. Vatican I : DS 3057). " En
effet, dès la descente vers nous du Verbe incarné, toutes les Églises
chrétiennes de partout ont tenu et tiennent la grande Église qui est
ici [à Rome] pour unique base et fondement parce que, selon les
promesses mêmes du Sauveur, les portes de l’enfer n’ont jamais prévalu
sur elle " (S. Maxime le Confesseur, opusc. : PG 91,
137-140).
835 " L’Église universelle ne doit
pas être comprise comme une simple somme ou fédération d’églises
particulières. Mais c’est bien plus l’Église, universelle par
vocation et mission, qui prend racine dans une variété de terrains
culturels, sociaux et humains, prenant dans chaque partie du monde des
aspects et des formes d’expression diverses " (EN 62). La
riche variété de disciplines ecclésiastiques, de rites liturgiques,
de patrimoines théologiques et spirituels propres aux Églises locales
" montre avec plus d’éclat, par leur convergence dans
l’unité, la catholicité de l’Église indivise " (LG 23).
Qui appartient à l’Église catholique ?
836 " A l’unité catholique du Peuple
de Dieu (...) tous les hommes sont appelés ; à cette unité
appartiennent sous diverses formes ou sont ordonnés, et les fidèles
catholiques et ceux qui, par ailleurs, ont foi dans le Christ, et
finalement tous les hommes sans exception que la grâce de Dieu appelle
au salut " (LG 13) :
837 " Sont incorporés pleinement à la
société qu’est l’Église ceux qui, ayant l’Esprit du Christ,
acceptent intégralement son organisation et tous les moyens de salut
institués en elle, et qui, en outre, grâce aux liens constitués par
la profession de foi, les sacrements, le gouvernement ecclésiastique et
la communion, sont unis, dans l’ensemble visible de l’Église, avec
le Christ qui la dirige par le Souverain Pontife et les évêques.
L’incorporation à l’Église, cependant, n’assure pas le salut
pour celui qui, faute de persévérer dans la charité, reste bien ‘de
corps’ au sein de l’Église, mais non ‘de cœur’ "(LG
14).
838 " Avec ceux qui, étant baptisés,
portent le beau nom de chrétiens sans professer pourtant intégralement
la foi ou sans garder l’unité de communion avec le successeur de
Pierre, l’Église se sait unie pour de multiples raisons "
(LG 15). " Ceux qui croient au Christ et qui ont reçu
validement le Baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien
qu’imparfaite, avec l’Église catholique " (UR 3). Avec
les Églises orthodoxes, cette communion est si profonde " qu’il
lui manque bien peu pour qu’elle atteigne la plénitude autorisant une
célébration commune de l’Eucharistie du Seigneur " (Paul
VI, discours 14 décembre 1975 ; cf. UR 13-18).
L’Église et les non-chrétiens
839 " Quant à ceux qui n’ont pas
encore reçu l’Évangile, sous des formes diverses, eux aussi sont
ordonnés au Peuple de Dieu " (LG 16) :
Le rapport de l’Église avec le Peuple
Juif. L’Église, Peuple de Dieu dans la Nouvelle Alliance, découvre,
en scrutant son propre mystère, son lien avec le Peuple Juif (cf. NA
4). " à qui Dieu a parlé en premier " (MR,
Vendredi Saint 13 : oraison universelle VI). A la différence des
autres religions non-chrétiennes la foi juive est déjà réponse à la
révélation de Dieu dans l’Ancienne Alliance. C’est au Peuple Juif
qu’" appartiennent l’adoption filiale, la gloire, les
alliances, la législation, le culte, les promesses et les patriarches,
lui de qui est né, selon la chair le Christ " (Rm 9, 4-5) car
" les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance "
(Rm 11, 29).
840 Par ailleurs, lorsque l’on considère
l’avenir, le Peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance et le nouveau
Peuple de Dieu tendent vers des buts analogues : l’attente de la
venue (ou du retour) du Messie. Mais l’attente est d’un côté du
retour du Messie, mort et ressuscité, reconnu comme Seigneur et Fils de
Dieu, de l’autre de la venue du Messie, dont les traits restent voilés,
à la fin des temps, attente accompagnée du drame de l’ignorance ou
de la méconnaissance du Christ Jésus.
841 Les relations de l’Église avec les musulmans. " Le
dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur,
en tout premier lieu les musulmans qui, en déclarant qu’ils gardent
la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux,
juge des hommes au dernier jour " (LG 16 ; cf. NA 3).
842 Le lien de l’Église avec les religions non-chrétiennes
est d’abord celui de l’origine et de la fin communes du genre humain :
En effet, tous les peuples forment une seule
communauté ; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait
habiter toute la race humaine sur la face de la terre ; ils ont
aussi une seule fin dernière, Dieu, dont la providence, les témoignages
de bonté et les desseins de salut s’étendent à tous, jusqu’à
ce que les élus soient réunis dans la cité sainte (NA 1).
843 L’Église reconnaît dans les autres
religions la recherche, " encore dans les ombres et sous des
images ", du Dieu inconnu mais proche puisque c’est Lui qui
donne à tous vie, souffle et toutes choses et puisqu’il veut que tous
les hommes soient sauvés. Ainsi, l’Église considère tout ce qui
peut se trouver de bon et de vrai dans les religions " comme
une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine
tout homme pour que, finalement, il ait la vie " (LG 16 ;
cf. NA 2 ; EN 53).
844 Mais dans leur comportement religieux, les
hommes montrent aussi des limites et des erreurs qui défigurent en eux
l’image de Dieu :
Bien souvent, trompés par le malin, ils se sont
égarés dans leurs raisonnements, ils ont échangé la vérité de
Dieu contre le mensonge, en servant la créature de préférence au
Créateur ou bien vivant et mourant sans Dieu en ce monde, ils sont
exposés à l’extrême désespoir (LG 16).
845 C’est pour réunir de nouveau tous ses
enfants que le péché a dispersés et égarés que le Père a voulu
convoquer toute l’humanité dans l’Église de son Fils. L’Église
est le lieu où l’humanité doit retrouver son unité et son salut.
Elle est " le monde réconcilié " (S. Augustin,
serm. 96, 7, 9 : PL 38, 588). Elle est ce navire qui " navigue
bien en ce monde au souffle du Saint-Esprit sous la pleine voile de la
Croix du Seigneur " (S. Ambroise, virg. 18, 118 : PL 16,
297B) ; selon une autre image chère aux Pères de l’Église,
elle est figurée par l’Arche de Noé qui seule sauve du déluge (cf.
déjà 1 P 3, 20-21).
" Hors de l’Église point de salut "
846 Comment faut-il entendre cette affirmation
souvent répétée par les Pères de l’Église ? Formulée de façon
positive, elle signifie que tout salut vient du Christ-Tête par l’Église
qui est son Corps :
Appuyé sur la Sainte Écriture et sur la
Tradition, le Concile enseigne que cette Église en marche sur la
terre est nécessaire au salut. Seul, en effet, le Christ est médiateur
et voie de salut : or, il nous devient présent en son Corps
qui est l’Église ; et en nous enseignant expressément la nécessité
de la foi et du Baptême, c’est la nécessité de l’Église
elle-même, dans laquelle les hommes entrent par la porte du Baptême,
qu’il nous a confirmée en même temps. C’est pourquoi ceux qui
refuseraient soit d’entrer dans l’Église catholique, soit d’y
persévérer, alors qu’ils la sauraient fondée de Dieu par Jésus-Christ
comme nécessaire, ceux-là ne pourraient être sauvés (LG 14).
847 Cette affirmation ne vise pas ceux qui, sans
leur faute, ignorent le Christ et son Église :
En effet, ceux qui, sans faute de leur part,
ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent
pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous
l’influence de sa grâce, d’agir de façon à accomplir sa
volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur
dicte, ceux-là peuvent arriver au salut éternel (LG 16 ; cf.
DS 3866-3872).
848 " Bien que Dieu puisse par des
voies connues de lui seul amener à la foi ‘sans laquelle il est
impossible de plaire à Dieu’ (He 11, 6) des hommes qui, sans faute de
leur part, ignorent l’Évangile, l’Église a le devoir en même
temps que le droit sacré d’évangéliser " (AG 7) tous les
hommes.
La mission – une exigence de la catholicité de
l’Église
849 Le mandat missionnaire. " Envoyée
par Dieu aux nations pour être le sacrement universel du salut, l’Église,
en vertu des exigences intimes de sa propre catholicité et obéissant
au commandement de son fondateur est tendue de tout son effort vers la
prédication de l’Évangile à tous les hommes " (AG 1) :
" Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les
baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur
apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je
suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde " (Mt
28, 19-20).
850 L’origine et le but de la mission. Le
mandat missionnaire du Seigneur a sa source ultime dans l’amour éternel
de la Très Sainte Trinité : " De par sa nature, l’Église,
durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire, puisqu’elle-même
tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit,
selon le dessein de Dieu le Père " (AG 2). Et but dernier de
la mission n’est autre que de faire participer les hommes à la
communion qui existe entre le Père et le Fils dans leur Esprit
d’amour (cf. Jean-Paul II, RM 23).
851 Le motif de la mission. C’est de l’amour
de Dieu pour tous les hommes que l’Église a de tout temps tiré
l’obligation et la force de son élan missionnaire : " car
l’amour du Christ nous presse... " (2 Co 5, 14 ; cf. AA
6 ; RM 11). En effet, " Dieu veut que tous les hommes
soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité "
(1 Tm 2, 4). Dieu veut le salut de tous par la connaissance de la vérité.
Le salut se trouve dans la vérité. Ceux qui obéissent à la motion de
l’Esprit de vérité sont déjà sur le chemin du salut ; mais
l’Église à qui cette vérité a été confiée, doit aller à la
rencontre de leur désir pour la leur apporter. C’est parce qu’elle
croit au dessin universel de salut qu’elle doit être missionnaire.
852 Les chemins de la mission. " L’Esprit
Saint est le protagoniste de toute la mission ecclésiale "
(RM 21). C’est lui qui conduit l’Église sur les chemins de la
mission. Celle-ci " continue et développe au cours de
l’histoire la mission du Christ lui-même, qui fut envoyé pour
annoncer aux pauvres la Bonne Nouvelle ; c’est donc par la même
route qu’a suivi le Christ lui-même que, sous la poussée de
l’Esprit du Christ, l’Église doit marcher, c’est-à-dire par la
route de la pauvreté, de l’obéissance, du service et de
l’immolation de soi jusqu’à la mort, dont il est sorti victorieux
par sa résurrection " (AG 5). C’est ainsi que " le
sang des martyrs est une semence de chrétiens " (Tertullien,
apol. 50).
853 Mais dans son pèlerinage l’Église fait
aussi l’expérience de la " distance qui sépare le message
qu’elle révèle et la faiblesse humaine de ceux auxquels cet Évangile
est confié " (GS 43, § 6). Ce n’est qu’en avançant sur
le chemin " de la pénitence et du renouvellement "
(LG 8 ; cf. 15) et " par la porte étroite de la Croix "
(AG 1) que le Peuple de Dieu peut étendre le règne du Christ (cf. RM
12-20). En effet, " comme c’est dans la pauvreté et la persécution
que le Christ a opéré la Rédemption, l’Église elle aussi est appelée
à entrer dans cette même voie pour communiquer aux hommes les fruits
du salut " (LG 8).
854 Par sa mission même " l’Église
fait route avec toute l’humanité et partage le sort terrestre du
monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l’âme de
la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et
transformée en famille de Dieu " (GS 40, § 2). L’effort
missionnaire exige donc la patience. Il commence par l’annonce
de l’Évangile aux peuples et aux groupes qui ne croient pas encore au
Christ (cf. RM 42-47) ; il se poursuit dans l’établissement de
communautés chrétiennes qui soient des " signes de la présence
de Dieu dans le monde " (AG 15), et dans la fondation d’Églises
locales (cf. RM 48-49) ; il engage un processus d’inculturation
pour incarner l’Évangile dans les cultures des peuples (cf. RM 52-54) ;
il ne manquera pas de connaître aussi des échecs. " En ce
qui concerne les hommes, les groupes humains et les peuples, l’Église
ne les atteint et ne les pénètre que progressivement, et les assume
ainsi dans la plénitude catholique " (AG 6).
855 La mission de l’Église appelle l’effort vers
l’unité des chrétiens (cf. RM 50). En effet " les
divisions entre chrétiens empêchent l’Église de réaliser la plénitude
de catholicité qui lui est propre en ceux de ses fils qui, certes, lui
appartiennent par le Baptême, mais se trouvent séparés de sa pleine
communion. Bien plus, pour l’Église elle-même, il devient plus
difficile d’exprimer sous tous ses aspects la plénitude de la
catholicité dans la réalité même de sa vie " (UR 4).
856 La tâche missionnaire implique un
dialogue respectueux avec ceux qui n’acceptent pas encore
l’Évangile (cf. RM 55). Les croyants peuvent tirer profit pour eux-mêmes
de ce dialogue en apprenant à mieux connaître " tout ce qui
se trouvait déjà de vérité et de grâce chez les nations comme par
une secrète présence de Dieu " (AG 9). S’ils annoncent la
Bonne Nouvelle à ceux qui l’ignorent, c’est pour consolider, compléter
et élever la vérité et le bien que Dieu a répandus parmi les hommes
et les peuples, et pour les purifier de l’erreur et du mal " pour
la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de l’homme "
(AG 9).
IV. L’Église est apostolique
857 L’Église est apostolique parce qu’elle
est fondée sur les apôtres, et ceci en un triple sens :
– elle a été et demeure bâtie sur " le
fondement des apôtres " (Ep 2, 20 ; Ap 21, 14), témoins
choisis et envoyés en mission par le Christ lui-même (cf. Mt 28, 16-20 ;
Ac 1, 8 ; 1 Co 9, 1 ; 15, 7-8 ; Ga 1, 1 ; etc.) ;
– elle garde et transmet, avec l’aide de
l’Esprit qui habite en elle, l’enseignement (cf. Ac 2, 42), le bon dépôt,
les saines paroles entendues des apôtres (cf. 2 Tm 1, 13-14) ;
– elle continue à être enseignée, sanctifiée et
dirigée par les apôtres jusqu’au retour du Christ grâce à ceux qui
leurs succèdent dans leur charge pastorale : le collège des évêques,
" assisté par les prêtres, en union avec le successeur de
Pierre, pasteur suprême de l’Église " (AG 5) :
Père éternel, tu n’abandonnes pas ton
troupeau, mais tu le gardes par tes bienheureux apôtres sous ta
constante protection. Tu le diriges encore par ces mêmes pasteurs
qui continuent aujourd’hui l’œuvre de ton Fils (MR, Préface
des apôtres).
La mission des apôtres
858 Jésus est l’Envoyé du Père. Dès le début
de son ministère, il " appela à lui ceux qu’il voulut, et
il en institua Douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher "
(Mc 3, 13-14). Dès lors, ils seront ses " envoyés "
(ce que signifie le mot grec apostoloi). En eux continue sa
propre mission : " Comme le Père m’a envoyé, moi
aussi je vous envoie " (Jn 20, 21 ; cf. 13, 20 ; 17,
18). Leur ministère est donc la continuation de sa propre mission :
" Qui vous accueille, M’accueille ", dit-il aux
Douze (Mt 10, 40 ; cf. Lc 10, 16).
859 Jésus les unit à sa mission reçue du Père :
comme " le Fils ne peut rien faire de Lui-même "
(Jn 5, 19. 30), mais reçoit tout du Père qui l’a envoyé, ainsi ceux
que Jésus envoie ne peuvent rien faire sans Lui (cf. Jn 15, 5) de qui
ils reçoivent le mandat de mission et le pouvoir de l’accomplir. Les
apôtres du Christ savent donc qu’ils sont qualifiés par Dieu comme
" ministres d’une alliance nouvelle " (2 Co 3, 6),
" ministres de Dieu " (2 Co 6, 4), " en
ambassade pour le Christ " (2 Co 5, 20), " serviteurs
du Christ et dispensateurs des mystères de Dieu " (1 Co 4,
1).
860 Dans la charge des apôtres, il y a un aspect
intransmissible : être les témoins choisis de la Résurrection du
Seigneur et les fondements de l’Église. Mais il y a aussi un aspect
permanent de leur charge. Le Christ leur a promis de rester avec eux
jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28, 20). " La mission
divine confiée par Jésus aux apôtres est destinée à durer jusqu’à
la fin des siècles, étant donné que l’Évangile qu’ils doivent
transmettre est pour l’Église principe de toute sa vie, pour toute la
durée du temps. C’est pourquoi les apôtres prirent soin
d’instituer (...) des successeurs " (LG 20).
Les évêques successeurs des apôtres
861 " Pour que la mission qui leur
avait été confiée pût se continuer après leur mort, les apôtres
donnèrent mandat, comme par testament, à leurs coopérateurs immédiats
d’achever leur tâche et d’affermir l’œuvre commencée par eux,
leur recommandant de prendre garde au troupeau dans lequel l’Esprit
Saint les avait institués pour paître l’Église de Dieu. Ils instituèrent
donc des hommes de ce genre, et disposèrent par la suite qu’après
leur mort d’autres hommes éprouvés recueilleraient leur ministère "
(LG 20 ; cf. S. Clément de Rome, Cor. 42 ; 44).
862 " De même que la charge confiée
personnellement par le Seigneur à Pierre, le premier des apôtres, et
destinée à être transmise à ses successeurs, constitue une charge
permanente, permanente est également la charge confiée aux apôtres
d’être les pasteurs de l’Église, charge dont l’ordre sacré des
évêques doit assurer la pérennité ". C’est pourquoi l’Église
enseigne que " les évêques, en vertu de l’institution
divine, succèdent aux apôtres, comme pasteurs de l’Église, en sorte
que, qui les écoute, écoute le Christ, qui les rejette, rejette le
Christ et celui qui a envoyé le Christ " (LG 20).
L’apostolat
863 Toute l’Église est apostolique en tant
qu’elle demeure, à travers les successeurs de S. Pierre et des apôtres,
en communion de foi et de vie avec son origine. Toute l’Église est
apostolique en tant qu’elle est " envoyée " dans
le monde entier ; tous les membres de l’Église, toutefois de
diverses manières, ont part à cet envoi. " La vocation chrétienne
est aussi par nature vocation à l’apostolat ". On appelle
" apostolat " " toute activité du Corps
mystique " qui tend à " étendre le règne du
Christ à toute la terre " (AA 2).
864 " Le Christ envoyé par le Père étant
la source et l’origine de tout l’apostolat de l’Église ",
il est évident que la fécondité de l’apostolat, celui des ministres
ordonnés comme celui des laïcs, dépend de leur union vitale avec le
Christ (cf. Jn 15, 5 ; AA 5). Selon les vocations, les appels du
temps, les dons variés du Saint-Esprit, l’apostolat prend les formes
les plus diverses. Mais c’est toujours la charité, puisée surtout
dans l’Eucharistie, " qui est comme l’âme de tout
apostolat " (AA 3).
865 L’Église est une, sainte, catholique et
apostolique dans son identité profonde et ultime, parce que c’est
en elle qu’existe déjà et sera accompli à la fin des temps " le
Royaume des cieux ", " le Règne de Dieu "
(cf. Ap 19, 6), advenu dans la Personne du Christ et grandissant mystérieusement
au cœur de ceux qui Lui sont incorporés, jusqu’à sa pleine
manifestation eschatologique. Alors tous les hommes rachetés par
Lui, rendus en lui " saints et immaculés en présence
de Dieu dans l’Amour " (cf. Ep 1, 4), seront rassemblés
comme l’unique Peuple de Dieu, " l’Épouse de
l’Agneau " (Ap 21, 9), " la Cité Sainte
descendant du Ciel, de chez Dieu, avec en elle la Gloire de Dieu "
(Ap 21, 10-11) ; et " le rempart de la ville repose sur
les douze assises portant chacune le nom de l’un des douze apôtres
de l’Agneau " (Ap 21, 14).
En bref
866 L’Église est une : Elle a un
seul Seigneur, elle confesse une seule foi, elle naît d’un seul
Baptême, elle ne forme qu’un Corps, vivifié par un seul Esprit, en
vue d’une unique espérance (cf. Ep 4, 3-5) au terme de laquelle
seront surmontées toutes les divisions.
867 L’Église est sainte : Le Dieu très
saint est son auteur ; le Christ, son Époux, s’est livré pour
elle pour la sanctifier ; l’Esprit de sainteté la vivifie.
Encore qu’elle comprenne des pécheurs, elle est " la
sans-péché faite de pécheurs ". Dans les saints brille sa
sainteté ; en Marie elle est déjà la toute sainte.
868 L’Église est catholique : Elle
annonce la totalité de la foi ; elle porte en elle et administre
la plénitude des moyens de salut ; elle est envoyée à tous les
peuples ; elle s’adresse à tous les hommes ; elle
embrasse tous les temps ; " elle est, de par sa nature
même, missionnaire " (AG 2).
869 L’Église est apostolique : Elle
est bâtie sur des assises durables : " les douze apôtres
de l’Agneau " (Ap 21, 14) ; elle est indestructible
(cf. Mt 16, 18) ; elle est infailliblement tenue dans la vérité :
le Christ la gouverne par Pierre et les autres apôtres, présents en
leurs successeurs, le Pape et le collège des évêques.
870 " L’unique Église du Christ, dont
nous professons dans le Symbole qu’elle est une, sainte, catholique
et apostolique, (...) c’est dans l’Église catholique qu’elle
existe, gouvernée par le successeur de Pierre et par les évêques
qui sont en communion avec lui, encore que des éléments nombreux de
sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures "
(LG 8).
Paragraphe 4. Les fideles du Christ – Hiérarchie,
laïcs, vie consacrée
871 " Les fidèles du Christ sont ceux
qui, en tant qu’incorporés au Christ par le Baptême, sont constitués
en peuple de Dieu et qui, pour cette raison, participant à leur manière
à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, sont appelés
à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a
confiée à l’Église pour qu’elle l’accomplisse dans le monde "
(CIC, can. 204, §1 ; cf. LG 31).
872 " Entre tous les fidèles du
Christ, du fait de leur régénération dans le Christ, il existe, quant
à la dignité et à l’activité, une véritable égalité en vertu de
laquelle tous coopèrent à l’édification du Corps du Christ, selon
la condition et la fonction propre de chacun " (CIC, can. 208 ;
cf. LG 32).
873 Les différences mêmes que le Seigneur a
voulu mettre entre les membres de son Corps servent son unité et sa
mission. Car " il y a dans l’Église diversité de ministères,
mais unité de mission. Le Christ a confié aux apôtres et à leurs
successeurs la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en
son nom et par son pouvoir. Mais les laïcs rendus participants de la
charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument, dans l’Église
et dans le monde, leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu
tout entier " (AA 2). Enfin il y a " des fidèles
qui appartiennent à l’une et l’autre catégorie [hiérarchie et laïcs]
et qui, par la profession des conseils évangéliques (...) sont consacrés
à Dieu et concourent à la mission salvatrice de l’Église à leur
manière propre " (CIC, can. 207, § 2).
I. La constitution hiérarchique de l’Église
Pourquoi le ministère ecclésial ?
874 Le Christ est lui-même la source du ministère
dans l’Église. Il l’a instituée, lui a donné autorité et
mission, orientation et finalité :
Le Christ Seigneur, pour assurer au Peuple de
Dieu des pasteurs et les moyens de sa croissance, a institué dans
son Église des ministères variés qui tendent au bien de tout le
corps. En effet, les ministres qui disposent du pouvoir sacré, sont
au service de leurs frères, pour que tous ceux qui appartiennent au
Peuple de Dieu (...) parviennent au salut (LG 18).
875 " Comment croire sans d’abord
entendre ? Et comment entendre sans prédicateur ? Et comment
prêcher sans être d’abord envoyé ? " (Rm 10, 14-15).
Personne, aucun individu ni aucune communauté, ne peut s’annoncer à
lui-même l’Évangile. " La foi vient de l’écoute "
(Rm 10, 17). Personne ne peut se donner lui-même le mandat et la
mission d’annoncer l’Évangile. L’envoyé du Seigneur parle et
agit non pas par autorité propre, mais en vertu de l’autorité du
Christ ; non pas comme membre de la communauté, mais parlant à
elle au nom du Christ. Personne ne peut se conférer à lui-même la grâce,
elle doit être donnée et offerte. Cela suppose des ministres de la grâce,
autorisés et habilités de la part du Christ. De Lui, les évêques et
les prêtres reçoivent la mission et la faculté (le " pouvoir
sacré ") d’agir in persona Christi Capitis, les
Diacres, la force de servir le peuple de Dieu dans la " diaconie "
de la liturgie, de la parole et de la charité, en communion avec l’évêque
et son presbytérium. Ce ministère, dans lequel les envoyés du Christ
font et donnent par don de Dieu ce qu’ils ne peuvent faire et donner
d’eux-mêmes, la tradition de l’Église l’appelle " sacrement ".
Le ministère de l’Église est conféré par un sacrement propre.
876 Intrinsèquement lié à la nature
sacramentelle du ministère ecclésial est son caractère de service.
En effet, entièrement dépendant du Christ qui donne mission et autorité,
les ministres sont vraiment " esclaves du Christ "
(Rm 1, 1), à l’image du Christ qui a pris librement pour nous " la
forme d’esclave " (Ph 2, 7). Parce que la parole et la grâce
dont ils sont les ministres ne sont pas les leurs, mais celles du Christ
qui les leurs a confiées pour les autres, ils se feront librement
esclaves de tous (cf. 1 Co 9, 19).
877 De même, il est de la nature sacramentelle
du ministère ecclésial qu’il ait un caractère collégial. En
effet, dès le début de son ministère, le Seigneur Jésus institua les
Douze, " les germes du Nouvel Israël et en même temps
l’origine de la hiérarchie sacrée " (AG 5). Choisis
ensemble, ils sont aussi envoyés ensemble, et leur unité fraternelle
sera au service de la communion fraternelle de tous les fidèles ;
elle sera comme un reflet et un témoignage de la communion des
personnes divines (cf. Jn 17, 21-23). Pour cela, tout évêque exerce
son ministère au sein du collège épiscopal, en communion avec l’évêque
de Rome, successeur de S. Pierre et chef du collège ; les prêtres
exercent leur ministère au sein du presbyterium du diocèse, sous la
direction de leur évêque.
878 Enfin il est de la nature sacramentelle du
ministère ecclésial qu’il ait un caractère personnel. Si les
ministres du Christ agissent en communion, ils agissent toujours aussi
de façon personnelle. Chacun est appelé personnellement : " Toi,
suis-moi " (Jn 21, 22 ; cf. Mt 4, 19. 21 ; Jn 1, 43)
pour être, dans la mission commune, témoin personnel, portant
personnellement responsabilité devant Celui qui donne la mission,
agissant " en Sa personne " et pour des personnes :
" Je te baptise au nom du Père... " ; " Je
te pardonne... ".
879 Le ministère sacramentel dans l’Église
est donc un service exercé au nom du Christ. Il a un caractère
personnel et une forme collégiale. Cela se vérifie dans les liens
entre le collège épiscopal et son chef, le successeur de S. Pierre, et
dans le rapport entre la responsabilité pastorale de l’évêque pour
son Église particulière et la sollicitude commune du collège épiscopal
pour l’Église Universelle.
Le collège épiscopal et son chef, le Pape
880 Le Christ, en instituant les Douze, " leur
donna la forme d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable, et
mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux " (LG 19). " De
même que S. Pierre et les autres apôtres constituent, de par
l’institution du Seigneur, un seul collège apostolique, semblablement
le Pontife romain, successeur de Pierre et les évêques, successeurs
des apôtres, forment entre eux un tout " (LG 22 ; cf.
CIC, can. 330).
881 Le Seigneur a fait du seul Simon, auquel Il
donna le nom de Pierre, la pierre de son Église. Il lui en a remis les
clefs (cf. Mt 16, 18-19) ; Il l’a institué pasteur de tout le
troupeau (cf. Jn 21, 15-17). " Mais cette charge de lier et de
délier qui a été donnée à Pierre a été aussi donnée, sans aucun
doute, au collège des apôtres unis à leur chef " (LG 22).
Cette charge pastorale de Pierre et des autres apôtres appartient aux
fondements de l’Église. Elle est continuée par les évêques sous la
primauté du Pape.
882 Le Pape, évêque de Rome et
successeur de S. Pierre, " est principe perpétuel et visible
et fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la
multitude des fidèles " (LG 23). " En effet, le
Pontife romain a sur l’Église, en vertu de sa charge de Vicaire du
Christ et de Pasteur de toute l’Église, un pouvoir plénier, suprême
et universel qu’il peut toujours librement exercer " (LG 22 ;
cf. CD 2 ; 9).
883 " Le collège ou corps épiscopal
n’a d’autorité que si on l’entend comme uni au Pontife romain,
comme à son chef ". Comme tel, ce collège est " lui
aussi le sujet d’un pouvoir suprême et plénier sur toute l’Église,
pouvoir cependant qui ne peut s’exercer qu’avec le consentement du
Pontife romain " (LG 22 ; cf. CIC, can. 336).
884 " Le Collège des Évêques exerce
le pouvoir sur l’Église tout entière de manière solennelle dans le
Concile Œcuménique " (CIC, can. 337, §1). " Il
n’y a pas de Concile Œcuménique s’il n’est comme tel confirmé
ou tout au moins accepté par le successeur de Pierre " (LG
22).
885 " Par sa composition multiple, ce
collège exprime la variété et l’universalité du Peuple de Dieu ;
il exprime, par son rassemblement sous un seul chef, l’unité du
troupeau du Christ " (LG 22).
886 " Les évêques sont, chacun
pour sa part, principe et fondement de l’unité dans leurs Églises
particulières " (LG 23). Comme tels ils " exercent
leur autorité pastorale sur la portion du Peuple de Dieu qui leur a été
confiée " (LG 23), assistés des prêtres et des diacres.
Mais, comme membres du collège épiscopal chacun d’entre eux a part
à la sollicitude pour toutes les Églises (cf. CD 3), qu’ils exercent
d’abord " en gouvernant bien leur propre Église comme une
portion de l’Église universelle ", contribuant ainsi " au
bien de tout le Corps mystique qui est aussi le Corps des Églises "
(LG 23). Cette sollicitude s’étendra particulièrement aux pauvres
(cf. Ga 2, 10), aux persécutés pour la foi, ainsi qu’aux
missionnaires qui œuvrent sur toute la terre.
887 Les Églises particulières voisines et de
culture homogène forment des provinces ecclésiastiques ou des
ensembles plus vastes appelés patriarcats ou régions (cf. Canon des Apôtres
34). Les évêques de ces ensembles peuvent se réunir en synodes ou en
conciles provinciaux. " De même, les Conférences épiscopales
peuvent, aujourd’hui, contribuer de façon multiple et féconde à ce
que l’esprit collégial se réalise concrètement " (LG 23).
La charge d’enseigner
888 Les évêques, avec les prêtres, leurs coopérateurs,
" ont pour première tâche d’annoncer l’Évangile de Dieu
à tous les hommes " (PO 4), selon l’ordre du Seigneur (cf.
Mc 16, 15). Ils sont " les hérauts de la foi, qui amènent au
Christ de nouveaux disciples, les docteurs authentiques " de
la foi apostolique, " pourvus de l’autorité du Christ "
(LG 25).
889 Pour maintenir l’Église dans la pureté de
la foi transmise par les apôtres, le Christ a voulu conférer à son Église
une participation à sa propre infaillibilité, Lui qui est la Vérité.
Par le " sens surnaturel de la foi ", le Peuple de
Dieu " s’attache indéfectiblement à la foi ",
sous la conduite du Magistère vivant de l’Église (cf. LG 12 ;
DV 10).
890 La mission du Magistère est liée au caractère
définitif de l’alliance instaurée par Dieu dans le Christ avec son
Peuple ; il doit le protéger des déviations et des défaillances,
et lui garantir la possibilité objective de professer sans erreur la
foi authentique. La charge pastorale du Magistère est ainsi ordonnée
à veiller à ce que le Peuple de Dieu demeure dans la vérité qui libère.
Pour accomplir ce service, le Christ a doté les pasteurs du charisme
d’infaillibilité en matière de foi et de mœurs. L’exercice de ce
charisme peut revêtir plusieurs modalités :
891 " De cette infaillibilité, le
Pontife romain, chef du collège des évêques, jouit du fait même de
sa charge quand, en tant que pasteur et docteur suprême de tous les fidèles,
et chargé de confirmer ses frères dans la foi, il proclame, par un
acte définitif, un point de doctrine touchant la foi et les mœurs
(...). L’infaillibilité promise à l’Église réside aussi dans le
corps des évêques quand il exerce son Magistère suprême en union
avec le successeur de Pierre ", surtout dans un Concile Œcuménique
(LG 25 ; cf. Vatican I : DS 3074). Lorsque par son Magistère
suprême, l’Église propose quelque chose " à croire comme
étant révélé par Dieu " (DV 10) et comme enseignement du
Christ, " il faut adhérer dans l’obéissance de la foi à
de telles définitions " (LG 25). Cette infaillibilité s’étend
aussi loin que le dépôt lui-même de la Révélation divine (cf. LG
25).
892 L’assistance divine est encore donnée aux
successeurs des apôtres, enseignant en communion avec le successeur de
Pierre, et, d’une manière particulière, à l’évêque de Rome,
Pasteur de toute l’Église, lorsque, sans arriver à une définition
infaillible et sans se prononcer d’une " manière définitive ",
ils proposent dans l’exercice du Magistère ordinaire un enseignement
qui conduit à une meilleure intelligence de la Révélation en matière
de foi et de mœurs. A cet enseignement ordinaire les fidèles doivent
" donner l’assentiment religieux de leur esprit "
(LG 25) qui, s’il se distingue de l’assentiment de la foi, le
prolonge cependant.
La charge de sanctifier
893 L’évêque porte aussi " la
responsabilité de dispenser la grâce du suprême sacerdoce "
(LG 26), en particulier dans l’Eucharistie qu’il offre lui-même ou
dont il assure l’oblation par les prêtres, ses coopérateurs. Car
l’Eucharistie est le centre de la vie de l’Église particulière.
L’évêque et les prêtres sanctifient l’Église par leur prière et
leur travail, par le ministère de la parole et des sacrements. Ils la
sanctifient par leur exemple, " non pas en faisant les
seigneurs à l’égard de ceux qui vous sont échus en partage, mais en
devenant les modèles du troupeau " (1 P 5, 3). C’est ainsi
" qu’ils parviennent, avec le troupeau qui leur est confié,
à la vie éternelle " (LG 26).
La charge de régir
894 " Les évêques dirigent leurs Églises
particulières comme vicaires et légats du Christ par leurs conseils,
leurs encouragements, leurs exemples, mais aussi par leur autorité et
par l’exercice de leur pouvoir sacré " (LG 27), qu’ils
doivent cependant exercer pour édifier, dans l’esprit de service qui
est celui de leur Maître (cf. Lc 22, 26-27).
895 " Ce pouvoir qu’ils exercent
personnellement au nom du Christ est un pouvoir propre, ordinaire et immédiat :
il est soumis cependant dans son exercice à la régulation dernière de
l’autorité suprême de l’Église " (LG 27). Mais on ne
doit pas considérer les évêques comme des vicaires du Pape dont
l’autorité ordinaire et immédiate sur toute l’Église n’annule
pas, mais au contraire confirme et défend la leur. Celle-ci doit
s’exercer en communion avec toute l’Église sous la conduite du
Pape.
896 Le Bon Pasteur sera le modèle et la " forme "
de la charge pastorale de l’évêque. Conscient de ses faiblesses,
" l’évêque peut se montrer indulgent envers les ignorants
et les égarés. Qu’il ne répugne pas à écouter ceux qui dépendent
de lui, les entourant comme de vrais fils (...). Quant aux fidèles, ils
doivent s’attacher à leur évêque comme l’Église à Jésus-Christ
et comme Jésus-Christ à son Père " (LG 27) :
Suivez tous l’évêque, comme Jésus-Christ
[suit] son Père, et le presbytérium comme les apôtres ;
quant aux diacres, respectez-les comme la loi de Dieu. Que personne
ne fasse en dehors de l’évêque rien de ce qui regarde l’Église
(S. Ignace d’Antioche, Smyrn. 8, 1).
II. Les fidèles laïcs
897 " Sous le nom de laïcs, on entend
ici l’ensemble des chrétiens excepté les membres de l’ordre sacré
et de l’état religieux reconnu par l’Église, c’est-à-dire les
chrétiens qui, étant incorporés au Christ par le baptême, intégrés
au Peuple de Dieu, faits participants à leur manière de la fonction
sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part,
dans l’Église et dans le monde, la mission qui est celle de tout le
peuple chrétien " (LG 31).
La vocation des laïcs
898 " La vocation propre des laïcs
consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance
des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu (...). C’est à
eux qu’il revient, d’une manière particulière, d’éclairer et
d’orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement
unis, de telle sorte qu’elles se fassent et prospèrent constamment
selon le Christ et soient à la louange du Créateur et Rédempteur "
(LG 31).
899 L’initiative des chrétiens laïcs est
particulièrement nécessaire lorsqu’il s’agit de découvrir,
d’inventer des moyens pour imprégner les réalités sociales,
politiques, économiques, les exigences de la doctrine et de la vie chrétiennes.
Cette initiative est un élément normal de la vie de l’Église :
Les fidèles laïcs se trouvent sur la ligne la
plus avancée de la vie de l’Église ; par eux, l’Église
est le principe vital de la société. C’est pourquoi eux surtout
doivent avoir une conscience toujours plus claire, non seulement
d’appartenir à l’Église, mais d’être l’Église, c’est-à-dire
la communauté des fidèles sur la terre sous la conduite du Chef
commun, le Pape, et des Évêques en communion avec lui. Ils sont
l’Église (Pie XII, discours 20 février 1946 : cité par
Jean-Paul II, CL 9).
900 Parce que, comme tous les fidèles, ils sont
chargés par Dieu de l’apostolat en vertu du baptême et de la
confirmation, les laïcs sont tenus par l’obligation et jouissent du
droit, individuellement ou groupés en associations, de travailler à ce
que le message divin du salut soit connu et reçu par tous les hommes et
par toute la terre ; cette obligation est encore plus pressante
lorsque ce n’est que par eux que les hommes peuvent entendre l’Évangile
et connaître le Christ. Dans les communautés ecclésiales, leur action
est si nécessaire que, sans elle, l’apostolat des pasteurs ne peut,
la plupart du temps, obtenir son plein effet (cf. LG 33)..
La participation des laïcs à la charge sacerdotale
du Christ
901 " Les laïcs, en vertu de leur consécration
au Christ et de l’onction de l’Esprit Saint, reçoivent la vocation
admirable et les moyens qui permettent à l’Esprit de produire en eux
des fruits toujours plus abondants. En effet, toutes leurs activités,
leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et
familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d’esprit et de
corps, s’ils sont vécus dans l’Esprit de Dieu, et même les épreuves
de la vie, pourvu qu’elles soient patiemment supportées, tout cela
devient ‘offrande spirituelle, agréable à Dieu par Jésus-Christ’
(1 P 2, 5) ; et dans la célébration eucharistique, ces offrandes
rejoignent l’oblation du Corps du Seigneur pour être offertes en
toute piété au Père. C’est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu
le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans la sainteté de leur
vie un culte d’adoration " (LG 34 ; cf. LG 10).
902 De façon particulière, les parents
participent de la charge de sanctification " lorsqu’ils mènent
une vie conjugale selon l’esprit chrétien et procurent à leurs
enfants une éducation chrétienne " (CIC, can. 835, § 4).
903 Les laïcs, s’ils ont les qualités
requises, peuvent être admis de manière stable aux ministères de
lecteurs et d’acolyte (cf. CIC, can. 230, § 1). " Là où
le besoin de l’Église le demande par défaut de ministres, les laïcs
peuvent aussi, même s’ils ne sont ni lecteurs ni acolytes, suppléer
à certaines de leurs fonctions, à savoir exercer le ministère de la
parole, présider les prières liturgiques, conférer le baptême et
distribuer la sainte communion, selon les dispositions du droit "
(CIC, can. 230, § 3).
Leur participation à la charge prophétique du
Christ
904 " Le Christ (...) accomplit sa
fonction prophétique non seulement par la hiérarchie (...) mais aussi
par les laïcs dont il fait pour cela des témoins en les pourvoyant du
sens de la foi et de la grâce de la parole " (LG 35) :
Enseigner quelqu’un pour l’amener à la foi
est la tâche de chaque prédicateur et même de chaque croyant (S.
Thomas d’A., s. th. 3 71, 4, ad 3).
905 Leur mission prophétique, les laïcs
l’accomplissent aussi par l’évangélisation, " c’est-à-dire
l’annonce du Christ faite par le témoignage de la vie et par la
parole ". Chez les laïcs, " cette action évangélisatrice
(...) prend un caractère spécifique et une particulière efficacité
du fait qu’elle s’accomplit dans les conditions communes du siècle "
(LG 35) :
Cet apostolat ne consiste pas dans le seul témoignage
de la vie : le véritable apôtre cherche les occasions
d’annoncer le Christ par la parole, soit aux incroyants (...),
soit aux fidèles (AA 6 ; cf. AG 15).
906 Ceux d’entre les fidèles laïcs qui en
sont capables et qui s’y forment peuvent aussi prêter leur concours
à la formation catéchétique (cf. CIC, can. 774 ; 776 ;
780), à l’enseignement des sciences sacrées (cf. CIC, can. 229), aux
moyens de communication sociale (cf. CIC, can. 823, § 1).
907 " Selon le devoir, la compétence
et le prestige dont ils jouissent, ils ont le droit et même parfois le
devoir de donner aux Pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le
bien de l’Église et de la faire connaître aux autres fidèles,
restant sauves l’intégrité de la foi et des mœurs et la révérence
due aux pasteurs, et tenant compte de l’utilité commune et de la
dignité des personnes " (CIC, can. 212, § 3).
Leur participation à la charge royale du Christ
908 Par son obéissance jusqu’à la mort (cf.
Ph 2, 8-9), le Christ a communiqué à ses disciples le don de la liberté
royale, " pour qu’ils arrachent au péché son empire en
eux-mêmes par leur abnégation et la sainteté de leur vie "
(LG 36) :
Celui qui soumet son propre corps et régit son
âme, sans se laisser submerger par les passions est son propre maître :
il peut être appelé roi parce qu’il est capable de régir sa
propre personne ; il est libre et indépendant et ne se laisse
captiver par un esclavage coupable (S. Ambroise, Psal. 118, 14, 30 :
PL 15, 1403A).
909 " Que les laïcs, en outre,
unissant leurs forces, apportent aux institutions et aux conditions de
vie dans le monde, quand elles provoquent au péché, les
assainissements convenables, pour qu’elles deviennent toutes conformes
aux règles de la justice et favorisent l’exercice de la vertu au lieu
d’y faire obstacle. En agissant ainsi ils imprègnent de valeur morale
la culture et les œuvres humaines " (LG 36).
910 " Les laïcs peuvent aussi se
sentir appelés ou être appelés à collaborer avec les pasteurs au
service de la communauté ecclésiale, pour la croissance et la vie de
celle-ci, exerçant des ministères très diversifiés, selon la grâce
et les charismes que le Seigneur voudra bien déposer en eux "
(EN 73).
911 Dans l’Église, " les fidèles laïcs
peuvent coopérer selon le droit à l’exercice du pouvoir de
gouvernement " (CIC, can. 129, § 2). Ainsi de leur présence
dans les Conseils particuliers (can. 443, § 4), les Synodes diocésains
(can. 463, §§ 1. 2), les Conseils pastoraux (can. 511 ; 536) ;
dans l’exercice de la charge pastorale d’une paroisse (can. 517, §
2) ; la collaboration aux Conseils des affaires économiques (can.
492, § 1 ; 536) ; la participation aux tribunaux ecclésiastiques
(can. 1421, § 2), etc.
912 Les fidèles doivent " distinguer
avec soin entre les droits et devoirs qui leur incombent en tant que
membres de l’Église et ceux qui leur reviennent comme membres de la
société humaine. Qu’ils s’efforcent d’accorder harmonieusement
les uns et les autres entre eux, se souvenant que la conscience chrétienne
doit être leur guide en tous domaines temporels, car aucune activité
humaine, fut-elle d’ordre temporel, ne peut être soustraite à
l’empire de Dieu " (LG 36).
913 " Ainsi tout laïc, en vertu des
dons qui lui ont été faits, constitue un témoin et en même temps un
instrument vivant de la mission de l’Église elle-même ‘à la
mesure du don du Christ’ (Ep 4, 7) " (LG 33).
III. La vie consacrée
914 " L’état de vie constitué par
la profession des conseils évangéliques, s’il ne concerne pas la
structure hiérarchique de l’Église, appartient cependant sans
conteste à sa vie et à sa sainteté " (LG 44).
Conseils évangéliques, vie consacrée
915 Les conseils évangéliques sont, dans leur
multiplicité, proposés à tout disciple du Christ. La perfection de la
charité à laquelle tous les fidèles sont appelés comporte pour ceux
qui assument librement l’appel à la vie consacrée, l’obligation de
pratiquer la chasteté dans le célibat pour le Royaume, la pauvreté et
l’obéissance. C’est la profession de ces conseils dans un état
de vie stable reconnu par l’Église, qui caractérise la " vie
consacrée " à Dieu (cf. LG 42-43 ; PC 1).
916 L’état de la vie consacrée apparaît dès
lors comme l’une des manières de connaître une consécration " plus
intime ", qui s’enracine dans le Baptême et dédie
totalement à Dieu (cf. PC 5). Dans la vie consacrée, les fidèles du
Christ se proposent, sous la motion de l’Esprit Saint, de suivre le
Christ de plus près, de se donner à Dieu aimé par-dessus tout et,
poursuivant la perfection de la charité au service du Royaume, de
signifier et d’annoncer dans l’Église la gloire du monde à venir
(cf. CIC, can. 573).
Un grand arbre, de multiples rameaux
917 " Comme un arbre qui se ramifie de
façons admirables et multiples dans le champ du Seigneur, à partir
d’un germe semé par Dieu, ainsi se développèrent des formes variées
de vie solitaire ou commune, des familles diverses dont le capital
spirituel profite à la fois aux membres de ces familles et au bien de
tout le Corps du Christ " (LG 43).
918 " Dès les origines de l’Église,
il y eut des hommes et des femmes qui voulurent, par la pratique des
conseils évangéliques, suivre plus librement le Christ et l’imiter
plus fidèlement et qui, chacun à sa manière, menèrent une vie
consacrée à Dieu. Beaucoup parmi eux, sous l’impulsion du
Saint-Esprit, vécurent dans la solitude, ou bien fondèrent des
familles religieuses que l’Église accueillit volontiers et approuva
de son autorité " (PC 1).
919 Les évêques s’efforceront toujours de
discerner les nouveaux dons de vie consacrée confiés par l’Esprit
Saint à son Église ; l’approbation de nouvelles formes de vie
consacrée est réservée au Siège Apostolique (cf. CIC, can. 605).
La vie érémitique
920 Sans toujours professer publiquement les
trois conseils évangéliques, les ermites, " dans un retrait
plus strict du monde, dans le silence de solitude, dans la prière
assidue et la pénitence, vouent leur vie à la louange de Dieu et au
salut du monde " (CIC, can. 603, § 1).
921 Ils montrent à chacun cet aspect intérieur
du mystère de l’Église qu’est l’intimité personnelle avec le
Christ. Cachée aux yeux des hommes, la vie de l’ermite est prédication
silencieuse de Celui auquel il a livré sa vie, parce qu’Il est tout
pour lui. C’est là un appel particulier à trouver au désert, dans
le combat spirituel même, la gloire du Crucifié.
Les vierges et les veuves consacrées
922 Dès les temps apostoliques, des vierges (cf.
1 Co 7, 34-36) et des veuves chrétiennes (cf. Jean-Paul II, exh. ap. Vita
Consecrata, 7), appelées par le Seigneur à s’attacher à Lui
sans partage dans une plus grande liberté de cœur, de corps et
d’esprit, ont pris la décision, approuvée par l’Église, de vivre,
respectivement, dans l’état de la virginité ou de la chasteté perpétuelle
" à cause du Royaume des cieux " (Mt 19, 12).
923 " Exprimant le propos sacré de
suivre le Christ de plus près, [des vierges] sont consacrées à Dieu
par l’évêque diocésain selon le rite liturgique approuvé, sont épousées
mystiquement par le Christ Fils de Dieu et sont vouées au service de
l’Église " (CIC, can. 604, § 1). Par ce rite solennel (Consecratio
virginum), " la vierge est constituée personne consacrée,
" signe transcendant de l’amour de l’Église envers le
Christ, image eschatologique de cette Épouse du Ciel et de la vie
future " (OCV prænotanda 1).
924 " Proche des autres formes de vie
consacrée " (CIC, can. 604, § 1), l’ordre des vierges établit
la femme vivant dans le monde (ou la moniale) dans la prière, la pénitence,
le service de ses frères et le travail apostolique, selon l’état et
les charismes respectifs offerts à chacune (OCV prænotanda 2). Les
vierges consacrées peuvent s’associer pour garder plus fidèlement
leur propos (cf. CIC, can. 604, § 2).
La vie religieuse
925 Née en Orient dans les premiers siècles du
christianisme (cf. UR 15) et vécue dans les instituts canoniquement érigés
par l’Église (cf. CIC, can. 573), la vie religieuse se distingue des
autres formes de la vie consacrée par l’aspect cultuel, la profession
publique des conseils évangéliques, la vie fraternelle menée en
commun, le témoignage rendu à l’union du Christ et de l’Église
(cf. CIC, can. 607).
926 La vie religieuse relève du mystère de l’Église.
Elle est un don que l’Église reçoit de son Seigneur et qu’elle
offre comme un état de vie stable au fidèle appelé par Dieu dans la
profession des conseils. Ainsi l’Église peut-elle à la fois
manifester le Christ et se reconnaître Épouse du Sauveur. La vie
religieuse est invitée à signifier, sous ses formes variées, la
charité même de Dieu, dans le langage de notre temps.
927 Tous les religieux, exempts ou non (cf. CIC,
can. 591), prennent place parmi les coopérateurs de l’évêque diocésain
dans sa charge pastorale (cf. CD 33-35). L’implantation et
l’expansion missionnaire de l’Église requièrent la présence de la
vie religieuse sous toutes ses formes dès les débuts de l’évangélisation
(cf. AG 18 ; 40). " L’histoire atteste les grands mérites
des familles religieuses dans la propagation de la foi et dans la
formation de nouvelles Églises, depuis les antiques Institutions
monastiques et les Ordres médiévaux jusqu’aux Congrégations
modernes " (Jean-Paul II, RM 69).
Les instituts séculiers
928 " L’institut séculier est un
institut de vie consacrée où les fidèles vivant dans le monde tendent
à la perfection de la charité et s’efforcent de contribuer surtout
de l’intérieur à la sanctification du monde " (CIC, can.
710).
929 Par une " vie parfaitement et entièrement
consacrée à [cette] sanctification " (Pie XII, const. ap.
" Provida Mater "), les membres de ces instituts
participent à la tâche d’évangélisation de l’Église, " dans
le monde et à partir du monde ", où leur présence agit
" à la manière d’un ferment " (PC 11). Leur témoignage
de vie chrétienne vise à ordonner selon Dieu les réalités
temporelles et pénétrer le monde de la force de l’Évangile. Ils
assument par des liens sacrés les conseils évangéliques et gardent
entre eux la communion et la fraternité propres à leur mode de vie séculier
(cf. CIC, can. 713).
Les sociétés de vie apostolique
930 Au côté des formes diverses de vie consacrée
" prennent place les sociétés de vie apostolique dont les
membres, sans les vœux religieux, poursuivent la fin apostolique propre
de leur société et, menant la vie fraternelle en commun, tendent,
selon leur mode de vie propre, à la perfection de la charité par
l’observation des constitutions. Il y a parmi elles des sociétés
dont les membres assument les conseils évangéliques ", selon
leurs constitutions (CIC, can. 731, §§ 1. 2).
Consécration et mission : annoncer le Roi qui
vient
931 Livré à Dieu suprêmement aimé, celui que
le Baptême avait déjà voué à Lui se trouve ainsi consacré plus
intimement au service divin et dédié au bien de l’Église. Par l’état
de consécration à Dieu, l’Église manifeste le Christ et montre
comment l’Esprit Saint agit en elle de façon admirable. Ceux qui
professent les conseils évangéliques ont donc d’abord pour mission
de vivre leur consécration. Mais puisqu’ils se vouent au service de
l’Église en vertu même de leur consécration, ils sont tenus par
obligation de travailler de manière spéciale à l’œuvre
missionnaire, selon le mode propre à leur Institut " (CIC,
can. 783 ; cf. RM 69).
932 Dans l’Église qui est comme le sacrement,
c’est-à-dire le signe et l’instrument de la vie de Dieu, la vie
consacrée apparaît comme un signe particulier du mystère de la Rédemption.
Suivre et imiter le Christ " de plus près ",
manifester " plus clairement " son anéantissement,
c’est se trouver " plus profondément " présent,
dans le cœur du Christ, à ses contemporains. Car ceux qui sont dans
cette voie " plus étroite " stimulent leurs frères
par leur exemple, ils rendent ce témoignage éclatant " que
le monde ne peut être transfiguré et offert à Dieu sans l’esprit
des béatitudes " (LG 31).
933 Que ce témoignage soit public, comme dans
l’état religieux, ou plus discret, ou même secret, la venue du
Christ demeure pour tous les consacrés l’origine et l’orient de
leur vie :
Comme le Peuple de Dieu n’a pas ici-bas de cité
permanente, [cet état] (...) manifeste pour tous les croyants la présence,
déjà dans ce siècle, des biens célestes ; il témoigne de
la vie nouvelle et éternelle acquise par la Rédemption du Christ,
il annonce la résurrection future et la gloire céleste (LG 44).
En bref
934 " D’institution divine, il y a
dans l’Église parmi les fidèles des ministres sacrés, qui en
droit sont aussi appelés clercs ; quant aux autres, ils sont
nommés laïcs ". Il y a enfin des fidèles qui
appartiennent à l’une et l’autre catégorie et qui, par la
profession des conseils évangéliques, se sont consacrés à Dieu
et servent ainsi la mission de l’Église (CIC, can. 207, § 1. 2).
935 Pour annoncer la foi et pour implanter son Règne,
le Christ envoie ses apôtres et leurs successeurs. Il leur donne
part à sa mission. De lui ils reçoivent le pouvoir d’agir en sa
personne.
936 Le Seigneur a fait de S. Pierre le fondement
visible de son Église. Il lui en a remis les clefs. L’évêque de
l’Église de Rome, successeur de S. Pierre, est " le
chef du Collège des Évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de l’Église
toute entière sur cette terre " (CIC, can. 331).
937 Le Pape " jouit, par institution
divine, du pouvoir suprême, plénier, immédiat, universel pour la
charge des âmes " (CD 2).
938 Les évêques, établis par l’Esprit Saint,
succèdent aux apôtres. Ils sont, " chacun pour sa part,
principe visible et fondement de l’unité dans leurs Églises
particulières " (LG 23).
939 Aidés des prêtres, leurs coopérateurs, et
des diacres, les évêques ont la charge d’enseigner
authentiquement la foi, de célébrer le culte divin, surtout
l’Eucharistie, et de diriger leur Église en vrais pasteurs. A
leur charge appartient aussi le souci de toutes les Églises, avec
et sous le Pape.
940 " Le propre de l’état des laïcs
étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires
profanes, ils sont appelés par Dieu à exercer leur apostolat dans
le monde à la manière d’un ferment, grâce à la vigueur de leur
esprit chrétien " (AA 2).
941 Les laïcs participent au sacerdoce du Christ :
de plus en plus unis à Lui, ils déploient la grâce du Baptême et
de la Confirmation dans toutes les dimensions de la vie personnelle,
familiale, sociale et ecclésiale, et réalisent ainsi l’appel à
la sainteté adressé à tous les baptisés.
942 Grâce à leur mission prophétique les laïcs
" sont aussi appelés à être, en toute circonstance et
au cœur même de la communauté humaine, les témoins du Christ "
(GS 43, § 4).
943 Grâce à leur mission royale, les laïcs ont
le pouvoir d’arracher au péché son empire en eux-mêmes et dans
le monde par leur abnégation et la sainteté de leur vie (cf. LG
36).
944 La vie consacrée à Dieu se caractérise par
la profession publique des conseils évangéliques de pauvreté, de
chasteté et d’obéissance dans un état de vie stable reconnu par
l’Église.
945 Livré à Dieu suprêmement aimé, celui que
le Baptême avait déjà destiné à Lui se trouve, dans l’état
de vie consacrée, voué plus intimement au service divin et dédié
au bien de toute l’Église.
Paragraphe 5. La communion des saints
946 Après avoir confessé " la sainte
Église catholique ", le Symbole des apôtres ajoute " la
communion des saints ". Cet article est, d’une certaine façon,
une explicitation du précédent : " Qu’est-ce que l’Église
sinon l’assemblée de tous les saints ? " (Nicétas,
symb. 10 : PL 52, 871B). La communion des saints est précisément
l’Église.
947 " Puisque tous les croyants forment
un seul corps, le bien des uns est communiqué aux autres (...) Il faut
de la sorte croire qu’il existe une communion des biens dans l’Église.
Mais le membre le plus important est le Christ, puisqu’Il est la tête
(...) Ainsi, le bien du Christ est communiqué à tous les membres, et
cette communication se fait par les sacrements de l’Église "
(S. Thomas d’A., symb. 13). " Comme cette Église est
gouvernée par un seul et même Esprit, tous les biens qu’elle a reçus
deviennent nécessairement un fonds commun " (Catech. R. 1,
10, 24).
948 Le terme " communion des saints "
a dès lors deux significations, étroitement liées : " communion
aux choses saintes, sancta " et " communion
entre les personnes saintes, sancti ".
" Sancta sanctis ! (Ce qui est
saint pour ceux qui sont saints) " est proclamé par le célébrant
dans la plupart des liturgies orientales lors de l’élévation des
saints Dons avant le service de la communion. Les fidèles (sancti)
sont nourris du Corps et du Sang du Christ (sancta) afin de croître
dans la communion de l’Esprit Saint (Koinônia) et de la
communiquer au monde.
I. La communion des biens spirituels
949 Dans la communauté primitive de Jérusalem,
les disciples " se montraient assidus à l’enseignement des
apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain
et aux prières " (Ac 2, 42) :
La communion dans la foi. La foi des fidèles
est la foi de l’Église reçue des apôtres, trésor de vie qui
s’enrichit en étant partagé.
950 La communion des sacrements. " Le
fruit de tous les sacrements appartient à tous. Car les sacrements, et
surtout le Baptême qui est comme la porte par laquelle les hommes
entrent dans l’Église, sont autant de liens sacrés qui les unissent
tous et les attachent à Jésus-Christ. La communion des saints, c’est
la communion des sacrements (...). Le nom de communion peut
s’appliquer à chacun d’eux, car chacun d’eux nous unit à Dieu
(...). Mais ce nom convient mieux à l’Eucharistie qu’à tout autre,
parce que c’est elle principalement qui consomme cette communion "
(Catech. R. 1, 10, 24).
951 La communion des charismes : Dans
la communion de l’Église, l’Esprit Saint " distribue
aussi parmi les fidèles de tous ordres (...) les grâces spéciales "
pour l’édification de l’Église (LG 12). Or, " à chacun
la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun "
(1 Co 12, 7).
952 " Ils mettaient tout en commun "
(Ac 4, 32) : " Tout ce que le vrai chrétien possède,
il doit le regarder comme un bien qui lui est commun avec tous, et
toujours il doit être prêt et empressé à venir au secours de
l’indigent et de la misère du prochain " (Catech. R. 1, 10,
27). Le chrétien est un administrateur des biens du Seigneur (cf. Lc
16, 1. 3).
953 La communion de la charité :
dans la sanctorum communio " nul d’entre nous ne vit
pour soi-même, comme nul ne meurt pour soi-même " (Rm 14,
7). " Un membre souffre-t-il ? tous les membres souffrent
avec lui. Un membre est-il à l’honneur ? tous les membres
prennent part à sa joie. Or vous êtes le Corps du Christ, et membres
chacun pour sa part " (1 Co 12, 26-27). " La charité
ne cherche pas ce qui est à elle " (1 Co 13, 5 ; cf. 10,
24). Le moindre de nos actes fait dans la charité retentit au profit de
tous, dans cette solidarité avec tous les hommes, vivants ou morts, qui
se fonde sur la communion des saints. Tout péché nuit à cette
communion.
II. La communion de l’Église du ciel et de la
terre
954 Les trois états de l’Église. " En
attendant que le Seigneur soit venu dans sa majesté accompagné de tous
les anges et que la mort détruite, tout lui soit soumis, les uns parmi
ses disciples continuent sur terre leur pèlerinage ; d’autres,
ayant achevé leur vie, se purifient encore ; d’autres enfin sont
dans la gloire contemplant ‘dans la pleine lumière, tel qu’il est,
le Dieu un en trois Personnes’ " (LG 49) :
Tous cependant, à des degrés divers et sous des
formes diverses, nous communions dans la même charité envers Dieu
et envers le prochain, chantant à notre Dieu le même hymne de
gloire. En effet, tous ceux qui sont du Christ et possèdent son
Esprit, constituent une seule Église et se tiennent mutuellement
comme un tout dans le Christ (LG 49).
955 " L’union de ceux qui sont encore
en chemin avec leurs frères qui se sont endormis dans la paix du Christ
ne connaît pas la moindre intermittence ; au contraire, selon la
foi constante de l’Église, cette union est renforcée par l’échange
des biens spirituels " (LG 49).
956 L’intercession des saints. " Étant
en effet plus intimement liés avec le Christ, les habitants du ciel
contribuent à affermir plus solidement l’Église en sainteté (...).
Ils ne cessent d’intercéder pour nous auprès du Père, offrant les mérites
qu’ils ont acquis sur terre par l’unique Médiateur de Dieu et des
hommes, le Christ Jésus (...). Ainsi leur sollicitude fraternelle est
du plus grand secours pour notre infirmité " (LG 49) :
Ne pleurez pas, je vous serai plus utile après
ma mort et je vous aiderai plus efficacement que pendant ma vie (S.
Dominique, mourant, à ses frères, cf. Jourdain de Saxe, lib. 93).
Je passerai mon ciel à faire du bien sur la
terre (Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus, verba).
957 La communion avec les saints. " Nous
ne vénérons pas seulement au titre de leur exemple la mémoire des
habitants du ciel ; nous cherchons bien davantage par là à
renforcer l’union de toute l’Église dans l’Esprit grâce à
l’exercice de la charité fraternelle. Car tout comme la communion
entre les chrétiens de la terre nous approche de plus près du Christ,
ainsi la communauté avec les saints nous unit au Christ de qui découlent,
comme de leur chef, toute grâce et la vie du Peuple de Dieu lui-même "
(LG 50) :
Le Christ, nous l’adorons, parce qu’il est le
fils de Dieu ; quant aux martyrs, nous les aimons comme
disciples et imitateurs du Seigneur, et c’est juste, à cause de
leur dévotion incomparable envers leur roi et maître ;
puissions-nous, nous aussi, être leurs compagnons et leurs
condisciples (S. Polycarpe, mart. 17).
958 La communion avec les défunts. " Reconnaissant
dès l’abord cette communion qui existe à l’intérieur de tout le
corps mystique de Jésus-Christ, l’Église en ses membres qui
cheminent sur terre a entouré de beaucoup de piété la mémoire des défunts
dès les premiers temps du christianisme en offrant aussi pour eux ses
suffrages ; car ‘la pensée de prier pour les morts, afin
qu’ils soient délivrés de leurs péchés, est une pensée sainte et
pieuse’ (2 M 12, 45) " (LG 50). Notre prière pour eux peut
non seulement les aider mais aussi rendre efficace leur intercession en
notre faveur.
959 Dans l’unique famille de Dieu. " Lorsque
la charité mutuelle et la louange unanime de la Très Sainte Trinité
nous font communier les uns aux autres, nous tous, fils de Dieu qui ne
faisons dans le Christ qu’une seule famille, nous répondons à la
vocation profonde de l’Église " (LG 51).
En bref
960 L’Église est " communion des
saints " : cette expression désigne d’abord les
" choses saintes " (sancta), et avant tout
l’Eucharistie, par laquelle " est représentée et réalisée
l’unité des fidèles qui, dans le Christ, forment un seul Corps "
(LG 3).
961 Ce terme désigne aussi la communion des " personnes
saintes " (sancti) dans le Christ qui est " mort
pour tous ", de sorte que ce que chacun fait ou souffre dans
et pour le Christ porte du fruit pour tous.
962 " Nous croyons à la communion de
tous les fidèles du Christ, de ceux qui sont pèlerins sur la terre,
des défunts qui achèvent leur purification, des bienheureux du ciel,
tous ensemble formant une seule Église, et nous croyons que dans
cette communion l’amour miséricordieux de Dieu et de ses saints est
toujours à l’écoute de nos prières " (SPF 30).
Paragraphe 6. Marie – Mère du Christ, Mère de
l’Église
963 Après avoir parlé du rôle de la Vierge
Marie dans le mystère du Christ et de l’Esprit, il convient de considérer
maintenant sa place dans le mystère de l’Église. " En
effet, la Vierge Marie (...) est reconnue et honorée comme la véritable
Mère de Dieu et du Rédempteur (...). Elle est aussi vraiment ‘Mère
des membres [du Christ] (...) ayant coopéré par sa charité à la
naissance dans l’Église des fidèles qui sont les membres de ce
Chef’ (S. Augustin, virg. 6 : PL 40, 399) " (LG 53).
" ... Marie Mère du Christ, Mère de l’Église "
(Paul VI, discours 21 novembre 1964).
I. La maternité de Marie envers l’Église
Toute unie à son Fils...
964 Le rôle de Marie envers l’Église est inséparable
de son union au Christ, elle en découle directement. " Cette
union de Marie avec son Fils dans l’œuvre du salut est manifeste dès
l’heure de la conception virginale du Christ, jusqu’à sa mort "
(LG 57). Elle est particulièrement manifeste à l’heure de sa passion :
La bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage
de foi, gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la
Croix où, non sans un dessein divin, elle était debout, souffrant
cruellement avec son Fils unique, associée d’un cœur maternel à
son sacrifice, donnant à l’immolation de la victime, née de sa
chair, le consentement de son amour, pour être enfin, par le même
Christ Jésus mourant sur la Croix, donnée comme sa Mère au
disciple par ces mots : " Femme, voici ton fils "
(Jn 19, 26-27) (LG 58).
965 Après l’Ascension de son Fils, Marie a
" assisté de ses prières l’Église naissante "
(LG 69). Réunie avec les apôtres et quelques femmes, " on
voit Marie appelant elle aussi de ses prières le don de l’Esprit qui,
à l’Annonciation, l’avait déjà elle-même prise sous son ombre "
(LG 59).
... aussi dans son Assomption...
966 " Enfin la Vierge immaculée, préservée
par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le
cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du
ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être
ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs,
victorieux du péché et de la mort " (LG 59 ; cf. la
proclamation du dogme de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie
par le Pape Pie XII en 1950 : DS 3903). L’Assomption de la Sainte
Vierge est une participation singulière à la Résurrection de son Fils
et une anticipation de la résurrection des autres chrétiens :
Dans ton enfantement tu as gardé la virginité,
dans ta dormition tu n’as pas quitté le monde, ô Mère de Dieu :
tu as rejoint la source de la Vie, toi qui conçus le Dieu vivant et
qui, par tes prières, délivreras nos âmes de la mort (Liturgie
byzantine, Tropaire de la fête de la Dormition [15 août]).
... elle est notre Mère dans l’ordre de la grâce
967 Par son adhésion entière à la volonté du
Père, à l’œuvre rédemptrice de son Fils, à toute motion de
l’Esprit Saint, la Vierge Marie est pour l’Église le modèle de la
foi et de la charité. Par là elle est " membre suréminent
et absolument unique de l’Église " (LG 53), elle constitue
même " la réalisation exemplaire ", typus,
de l’Église (LG 63).
968 Mais son rôle par rapport à l’Église et
à toute l’humanité va encore plus loin. " Elle a apporté
à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareil par son
obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit
rendue aux âmes la vie surnaturelle. C’est pourquoi elle est devenue
pour nous, dans l’ordre de la grâce, notre Mère " (LG 61).
969 " A partir du consentement
qu’elle apporta par sa foi au jour de l’Annonciation et qu’elle
maintint dans sa fermeté sous la Croix, cette maternité de Marie dans
l’économie de la grâce se continue sans interruption jusqu’à la
consommation définitive de tous les élus. En effet, après son
Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s’interrompt pas :
par son intercession répétée elle continue à nous obtenir les dons
qui assurent notre salut éternel. (...) C’est pourquoi la
bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres
d’avocate, d’auxiliatrice, de secourable, de médiatrice "
(LG 62).
970 " Le rôle maternel de Marie à
l’égard des hommes n’offusque cependant et ne diminue en rien
l’unique médiation du Christ : il en manifeste au contraire la
vertu. Car toute influence salutaire de la part de la bienheureuse
Vierge (...) découle de la surabondance des mérites du Christ ;
elle s’appuie sur sa médiation, dont elle dépend en tout et d’où
elle tire toute sa vertu " (LG 60). " Aucune créature
en effet ne peut jamais être mise sur le même plan que le Verbe incarné
et rédempteur. Mais tout comme le sacerdoce du Christ est participé
sous formes diverses, tant par les ministres que par le peuple fidèle,
et tout comme l’unique bonté de Dieu se répand réellement sous des
formes diverses dans les créatures, ainsi l’unique médiation du Rédempteur
n’exclut pas, mais suscite au contraire une coopération variée de la
part des créatures, en dépendance de l’unique source " (LG
62).
II. Le culte de la Sainte Vierge
971 " Toutes les générations me diront
bienheureuse " (Lc 1, 48) : " La piété de
l’Église envers la Saint Vierge est intrinsèque au culte chrétien "
(MC 56). La sainte Vierge " est légitimement honorée par
l’Église d’un culte spécial. Et de fait, depuis les temps les plus
reculés, la bienheureuse Vierge est honorée sous le titre de ‘Mère
de Dieu’ ; les fidèles se réfugient sous sa protection,
l’implorant dans tous leurs dangers et leurs besoins (...). Ce culte
(...) bien que présentant un caractère absolument unique (...) n’en
est pas moins essentiellement différent du culte d’adoration qui est
rendu au Verbe incarné ainsi qu’au Père et à l’Esprit Saint ;
il est éminemment apte à le servir " (LG 66) ; il
trouve son expression dans les fêtes liturgiques dédiées à la Mère
de Dieu (cf. SC 103) et dans la prière mariale, telle le Saint Rosaire,
" abrégé de tout l’Évangile " (cf. MC 42).
III. Marie – Icône eschatologique de l’Église
972 Après avoir parlé de l’Église, de son
origine, de sa mission et de sa destinée, nous ne saurions mieux
conclure qu’en tournant le regard vers Marie pour contempler en elle
ce qu’est l’Église dans son mystère, dans son " pèlerinage
de la foi ", et ce qu’elle sera dans la patrie au terme de
sa marche, où l’attend, " dans la gloire de la Très Sainte
et indivisible Trinité ", " dans la communion de
tous les saints " (LG 69), celle que l’Église vénère
comme la Mère de son Seigneur et comme sa propre Mère :
Tout comme dans le ciel où elle est déjà
glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure
l’Église en son achèvement dans le siècle futur, de même sur
terre, en attendant la venue du jour du Seigneur, elle brille déjà
comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le
Peuple de Dieu en pèlerinage (LG 68).
En bref
973 En prononçant le " fiat "
de l’Annonciation et en donnant son consentement au mystère de
l’Incarnation, Marie collabore déjà à toute l’œuvre que doit
accomplir son Fils. Elle est mère partout où Il est Sauveur et Tête
du Corps mystique.
974 La Très Sainte Vierge Marie, ayant accompli
le cours de sa vie terrestre, fut enlevée corps et âme à la
gloire du ciel, où elle participe déjà à la gloire de la résurrection
de son Fils, anticipant la résurrection de tous les membres de son
Corps.
975 " Nous croyons que la Très Sainte
Mère de Dieu, nouvelle Eve, Mère de l’Église, continue au ciel
son rôle maternel à l’égard des membres du Christ "
(SPF 15).
ARTICLE 10
" JE CROIS AU PARDON DES PÉCHÉS "
976 Le Symbole des apôtres lie la foi au pardon
des péchés à la foi en l’Esprit Saint, mais aussi à la foi en l’Église
et en la communion des saints. C’est en donnant l’Esprit Saint à
ses apôtres que le Christ ressuscité leur a conféré son propre
pouvoir divin de pardonner les péchés : " Recevez
l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur
seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront
retenus " (Jn 20, 22-23).
(La deuxième partie du Catéchisme
traitera explicitement du pardon des péchés par le Baptême, le
sacrement de Pénitence et les autres sacrements, surtout
l’Eucharistie. Il suffit donc d’évoquer ici brièvement quelques
données de base).
I. Un seul baptême pour le pardon des péchés
977 Notre Seigneur a lié le pardon des péchés
à la foi et au Baptême : " Allez par le monde entier,
proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et
sera baptisé, sera sauvé " (Mc 16, 15-16). Le Baptême est
le premier et principal sacrement du pardon des péchés parce qu’il
nous unit au Christ mort pour nos péchés, ressuscité pour notre
justification (cf. Rm 4, 25), afin que " nous vivions nous
aussi dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4).
978 " Au moment où nous faisons notre
première profession de Foi, en recevant le saint Baptême qui nous
purifie, le pardon que nous recevons est si plein et si entier, qu’il
ne nous reste absolument rien à effacer, soit de la faute originelle,
soit des fautes commises par notre volonté propre, ni aucune peine à
subir pour les expier (...). Mais néanmoins la grâce du Baptême ne délivre
personne de toutes les infirmités de la nature. Au contraire nous avons
encore à combattre les mouvements de la concupiscence qui ne cessent de
nous porter au mal " (Catech. R. 1, 11, 3).
979 En ce combat avec l’inclination au mal, qui
serait assez vaillant et vigilant pour éviter toute blessure du péché ?
" Si donc il était nécessaire que l’Église eût le
pouvoir de remettre les péchés, il fallait aussi que le Baptême ne fût
pas pour elle l’unique moyen de se servir de ces clefs du Royaume des
cieux qu’elle avait reçues de Jésus-Christ ; il fallait
qu’elle fût capable de pardonner leurs fautes à tous les pénitents,
quand même ils auraient péché jusqu’au dernier moment de leur vie "
(Catech. R. 1, 11, 4).
980 C’est par le sacrement de Pénitence que le
baptisé peut être réconcilié avec Dieu et avec l’Église :
Les pères ont eu raison d’appeler la pénitence
" un baptême laborieux " (S. Grégoire de Naz.,
or. 39, 17 : PG 36, 356A). Ce sacrement de Pénitence est, pour
ceux qui sont tombés après le Baptême, nécessaire au salut,
comme l’est le Baptême lui-même pour ceux qui ne sont pas encore
régénérés (Cc. Trente : DS 1672).
II. Le pouvoir des clefs
981 Le Christ après sa résurrection a envoyé
ses apôtres " annoncer à toutes les nations le repentir en
son nom en vue de la rémission des péchés " (Lc 24, 47). Ce
" ministère de la réconciliation " (2 Co 5, 18),
les apôtres et leurs successeurs ne l’accomplissent pas seulement en
annonçant aux hommes le pardon de Dieu mérité pour nous par le Christ
et en les appelant à la conversion et à la foi, mais aussi en leur
communicant la rémission des péchés par le Baptême et en les réconciliant
avec Dieu et avec l’Église grâce au pouvoir des clefs reçu du
Christ :
L’Église a reçu les clés du Royaume des
cieux, afin que se fasse en elle la rémission des péchés par le
sang du Christ et l’action du Saint-Esprit. C’est dans cette Église
que l’âme revit, elle qui était morte par les péchés, afin de
vivre avec le Christ, dont la grâce nous a sauvés (S. Augustin,
serm. 214, 11 : PL 38, 1071-1072).
982 Il n’y a aucune faute, aussi grave
soit-elle, que la Sainte Église ne puisse remettre. " Il
n’est personne, si méchant et si coupable qu’il soit, qui ne doive
espérer avec assurance son pardon, pourvu que son repentir soit sincère "
(Catech. R. 1, 11, 5). Le Christ qui est mort pour tous les hommes, veut
que, dans son Église, les portes du pardon soient toujours ouvertes à
quiconque revient du péché (cf. Mt 18, 21-22).
983 La catéchèse s’efforcera d’éveiller et
de nourrir chez les fidèles la foi en la grandeur incomparable du don
que le Christ ressuscité a fait à son Église : la mission et le
pouvoir de pardonner véritablement les péchés, par le ministère des
apôtres et de leurs successeurs :
Le Seigneur veut que ses disciples aient un
pouvoir immense : il veut que ses pauvres serviteurs
accomplissent en son nom tout ce qu’il avait fait quand il était
sur la terre (S. Ambroise, pœnit. 1, 34 : PL 16, 477A).
Les prêtres ont reçu un pouvoir que Dieu n’a
donné ni aux anges ni aux archanges. (...) Dieu sanctionne là-haut
tout ce que les prêtres font ici-bas (S. Jean Chrysostome, sac. 3,
5 : PG 48, 643A).
Si dans l’Église il n’y avait pas la rémission
des péchés, nul espoir existerait, nulle espérance d’une vie éternelle
et d’une libération éternelle. Rendons grâce à Dieu qui a donné
à son Église un tel don (S. Augustin, serm. 213, 8 : PL 38,
1064).
En bref
984 Le Credo met en relation " le
pardon des péchés " avec la profession de foi en
l’Esprit Saint. En effet, le Christ ressuscité a confié aux apôtres
le pouvoir de pardonner les péchés lorsqu’il leur a donné
l’Esprit Saint.
985 Le Baptême est le premier et principal
sacrement pour le pardon des péchés : il nous unit au Christ
mort et ressuscité et nous donne l’Esprit Saint.
986 De par la volonté du Christ, l’Église
possède le pouvoir de pardonner les péchés des baptisés et elle
l’exerce par les évêques et les prêtres de façon habituelle
dans le sacrement de pénitence.
987 " Dans la rémission des péchés,
les prêtres et les sacrements sont de purs instruments dont notre
Seigneur Jésus-Christ, unique auteur et dispensateur de notre
salut, veut bien se servir pour effacer nos iniquités et nous
donner la grâce de la justification " (Catech. R. 1, 11,
6).
ARTICLE 11
" JE CROIS À LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR "
988 Le Credo chrétien – profession de notre
foi en Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit, et dans son action créatrice,
salvatrice et sanctificatrice – culmine en la proclamation de la résurrection
des morts à la fin des temps, et en la vie éternelle.
989 Nous croyons fermement, et ainsi nous espérons,
que de même que le Christ est vraiment ressuscité des morts, et
qu’il vit pour toujours, de même après leur mort les justes vivront
pour toujours avec le Christ ressuscité et qu’il les ressuscitera au
dernier jour (cf. Jn 6, 39-40). Comme la sienne, notre résurrection
sera l’œuvre de la Très Sainte Trinité :
Si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus
d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus-Christ
d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par
son Esprit qui habite en vous (Rm 8, 11 ; cf. 1 Th 4, 14 ;
1 Co 6, 14 ; 2 Co 4, 14 ; Ph 3, 10-11).
990 Le terme " chair " désigne
l’homme dans sa condition de faiblesse et de mortalité (cf. Gn 6, 3 ;
Ps 56, 5 ; Is 40, 6). La " résurrection de la chair "
signifie qu’il n’y aura pas seulement, après la mort, la vie de
l’âme immortelle, mais que même nos " corps mortels "
(Rm 8, 11) reprendront vie.
991 Croire en la résurrection des morts a été
dès ses débuts un élément essentiel de la foi chrétienne. " Une
conviction des chrétiens : la résurrection des morts ; cette
croyance nous fait vivre " (Tertullien res. 1, 1) :
Comment certains d’entre vous peuvent-ils dire
qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a
pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas
ressuscité. Mais si le Christ n’est pas ressuscité, alors notre
prédication est vide, vide aussi votre foi. (...) Mais non, le
Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont
endormis (1 Co 15, 12-14. 20).
I. La résurrection du Christ et la nôtre
Révélation progressive de la Résurrection
992 La résurrection des morts a été révélée
progressivement par Dieu à son Peuple. L’espérance en la résurrection
corporelle des morts s’est imposée comme une conséquence intrinsèque
de la foi en un Dieu créateur de l’homme tout entier, âme et corps.
Le créateur du ciel et de la terre est aussi Celui qui maintient fidèlement
son alliance avec Abraham et sa descendance. C’est dans cette double
perspective que commencera à s’exprimer la foi en la résurrection.
Dans leurs épreuves, les martyrs Maccabées confessent :
Le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle,
nous qui mourons pour ses lois (2 M 7, 9). Mieux vaut mourir de la
main des hommes en tenant de Dieu l’espoir d’être ressuscité
par lui (2 M 7, 14 ; cf. 7, 29 ; Dn 12, 1-13).
993 Les Pharisiens (cf. Ac 23, 6) et bien des
contemporains du Seigneur (cf. Jn 11, 24) espéraient la résurrection.
Jésus l’enseigne fermement. Aux Sadducéens qui la nient il répond :
" Vous ne connaissez ni les Écritures ni la puissance de
Dieu, vous êtes dans l’erreur " (Mc 12, 24). La foi en la résurrection
repose sur la foi en Dieu qui " n’est pas un Dieu des morts,
mais des vivants " (Mc 12, 27).
994 Mais il y a plus : Jésus lie la foi en
la résurrection à sa propre personne : " Je suis la Résurrection
et la vie " (Jn 11, 25). C’est Jésus lui-même qui
ressuscitera au dernier jour ceux qui auront cru en lui (cf. Jn 5, 24-25 ;
6, 40) et qui auront mangé son corps et bu son sang (cf. Jn 6, 54). Il
en donne dès maintenant un signe et un gage en rendant la vie à
certains morts (cf. Mc 5, 21-42 ; Lc 7, 11-17 ; Jn 11), annonçant
par là sa propre Résurrection qui sera cependant d’un autre ordre.
De cet événement unique Il parle comme du " signe de Jonas "
(Mt 12, 40), du signe du Temple (cf. Jn 2, 19-22) : il annonce sa Résurrection
le troisième jour après sa mise à mort (cf. Mc 10, 34).
995 Être témoin du Christ, c’est être " témoin
de sa Résurrection " (Ac 1, 22 ; cf. 4, 33), " avoir
mangé et bu avec lui après sa Résurrection d’entre les morts "
(Ac 10, 41). L’espérance chrétienne en la résurrection est toute
marquée par les rencontres avec le Christ ressuscité. Nous
ressusciterons comme Lui, avec Lui, par Lui.
996 Dès le début, la foi chrétienne en la résurrection
a rencontré incompréhensions et oppositions (cf. Ac 17, 32 ; 1 Co
15, 12-13). " Sur aucun point la foi chrétienne ne rencontre
plus de contradiction que sur la résurrection de la chair "
(S. Augustin, Psal. 88, 2, 5). Il est très communément accepté
qu’après la mort la vie de la personne humaine continue d’une façon
spirituelle. Mais comment croire que ce corps si manifestement mortel
puisse ressusciter à la vie éternelle ?
Comment les morts ressuscitent-ils ?
997 Qu’est-ce que " ressusciter " ?
Dans la mort, séparation de l’âme et du corps, le corps de
l’homme tombe dans la corruption, alors que son âme va à la
rencontre de Dieu, tout en demeurant en attente d’être réunie à son
corps glorifié. Dieu dans sa Toute-Puissance rendra définitivement la
vie incorruptible à nos corps en les unissant à nos âmes, par la
vertu de la Résurrection de Jésus.
998 Qui ressuscitera ? Tous les hommes qui
sont morts : " ceux qui auront fait le bien
ressusciteront pour la vie, ceux qui auront fait le mal, pour la
damnation " (Jn 5, 29 ; cf. Dn 12, 2).
999 Comment ? Le Christ est ressuscité avec
son propre corps : " Regardez mes mains et mes pieds :
c’est bien moi " (Lc 24, 39) ; mais Il n’est pas
revenu à une vie terrestre. De même, en Lui, " tous
ressusciteront avec leur propre corps, qu’ils ont maintenant "
(Cc. Latran IV : DS 801), mais ce corps sera " transfiguré
en corps de gloire " (Ph 3, 21), en " corps
spirituel " (1 Co 15, 44) :
Mais, dira-t-on, comment les morts
ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? Insensé !
Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie, s’il ne meurt. Et ce que tu
sèmes, ce n’est pas le corps à venir, mais un grain tout nu
(...). On sème de la corruption, il ressuscite de l’incorruption ;
(...) les morts ressusciteront incorruptibles (...). Il faut en
effet que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, que
cet être mortel revête l’immortalité (1 Co 15, 35-37. 42.
52-53).
1000 Ce " comment " dépasse
notre imagination et notre entendement ; il n’est accessible que
dans la foi. Mais notre participation à l’Eucharistie nous donne déjà
un avant-goût de la transfiguration de notre corps par le Christ :
De même que le pain qui vient de la terre, après
avoir reçu l’invocation de Dieu, n’est plus du pain ordinaire,
mais eucharistie, constituée de deux choses, l’une terrestre et
l’autre céleste, de même nos corps qui participent à
l’eucharistie ne sont plus corruptibles, puisqu’ils ont l’espérance
de la résurrection (S. Irénée, hær. 4, 18, 4-5).
1001 Quand ? Définitivement " au
dernier jour " (Jn 6, 39-40. 44. 54 ; 11, 24) ;
" à la fin du monde " (LG 48). En effet, la résurrection
des morts est intimement associée à la Parousie du Christ :
Car lui-même, le Seigneur, au signal donné par
la voix de l’archange et la trompette de Dieu, descendra du ciel,
et les morts qui sont dans le Christ ressusciteront en premier lieu
(1 Th 4, 16).
Ressuscités avec le Christ
1002 S’il est vrai que le Christ nous
ressuscitera " au dernier jour ", il est vrai aussi
que, d’une certaine façon, nous sommes déjà ressuscités avec le
Christ. En effet, grâce à l’Esprit Saint, la vie chrétienne est, dès
maintenant sur terre, une participation à la mort et à la Résurrection
du Christ :
Ensevelis avec le Christ lors du Baptême, vous
en êtes aussi ressuscités avec lui, parce que vous avez cru en la
force de Dieu qui L’a ressuscité des morts (...). Du moment donc
que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses
d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu
(Col 2, 12 ; 3, 1)
1003 Unis au Christ par le Baptême, les croyants
participent déjà réellement à la vie céleste du Christ ressuscité
(cf. Ph 3, 20), mais cette vie demeure " cachée avec le
Christ en Dieu " (Col 3, 3) " Avec lui Il nous a
ressuscités et fait asseoir au cieux, dans le Christ Jésus "
(Ep 2, 6). Nourris de son Corps dans l’Eucharistie, nous appartenons déjà
au Corps du Christ. Lorsque nous ressusciterons au dernier jour nous
serons aussi " manifestés avec lui pleins de gloire "
(Col 3, 3).
1004 Dans l’attente de ce jour, le corps et
l’âme du croyant participent déjà à la dignité d’être " au
Christ " ; d’où l’exigence de respect envers son
propre corps, mais aussi envers celui d’autrui, particulièrement
lorsqu’il souffre :
Le corps est pour le Seigneur, et le Seigneur
pour le corps. Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous
ressuscitera, nous aussi, par sa puissance. Ne savez-vous pas que
vos corps sont des membres du Christ ? (...) Vous ne vous
appartenez pas (...) Glorifiez donc Dieu dans votre corps (1 Co 6,
13-15. 19-20).
II. Mourir dans le Christ Jésus
1005 Pour ressusciter avec le Christ, il faut
mourir avec le Christ, il faut " quitter ce corps pour aller
demeurer auprès du Seigneur " (2 Co 5, 8). Dans ce " départ "
(Ph 1, 23) qu’est la mort, l’âme est séparée du corps. Elle sera
réunie à son corps le jour de la résurrection des morts (cf. SPF 28).
La mort
1006 " C’est en face de la mort que
l’énigme de la condition humaine atteint son sommet " (GS
18). En un sens, la mort corporelle est naturelle, mais pour la foi elle
est en fait " salaire du péché " (Rm 6, 23 ;
cf. Gn 2, 17). Et pour ceux qui meurent dans la grâce du Christ, elle
est une participation à la mort du Seigneur, afin de pouvoir participer
aussi à sa Résurrection (cf. Rm 6, 3-9 ; Ph 3, 10-11).
1007 La mort est le terme de la vie terrestre.
Nos vies sont mesurées par le temps, au cours duquel nous changeons,
nous vieillissons et, comme chez tous les êtres vivants de la terre, la
mort apparaît comme la fin normale de la vie. Cet aspect de la mort
donne une urgence à nos vies : le souvenir de notre mortalité
sert aussi à nous rappeler que nous n’avons qu’un temps limité
pour réaliser notre vie :
Souviens-toi de ton Créateur aux jours de ton
adolescence, (...) avant que la poussière ne retourne à la terre,
selon qu’elle était, et que le souffle ne retourne à Dieu qui
l’avait donné (Qo 12, 1. 7).
1008 La mort est conséquence du péché. Interprète
authentique des affirmations de la Sainte Écriture (cf. Gn 2, 17 ;
3, 3 ; 3, 19 ; Sg 1, 13 ; Rm 5, 12 ; 6, 23) et de la
Tradition, le Magistère de l’Église enseigne que la mort est entrée
dans le monde à cause du péché de l’homme (cf. DS 1511). Bien que
l’homme possédât une nature mortelle, Dieu le destinait à ne pas
mourir. La mort fut donc contraire aux desseins de Dieu Créateur, et
elle entra dans le monde comme conséquence du péché (cf. Sg 2,
23-24). " La mort corporelle, à laquelle l’homme aurait été
soustrait s’il n’avait pas péché " (GS 18), est ainsi
" le dernier ennemi " de l’homme à devoir être
vaincu (cf. 1 Co 15, 26).
1009 La mort est transformée par le Christ. Jésus,
le Fils de Dieu, a souffert lui aussi la mort, propre de la condition
humaine. Mais, malgré son effroi face à elle (cf. Mc 14, 33-34 ;
He 5, 7-8), il l’assuma dans un acte de soumission totale et libre à
la volonté de son Père. L’obéissance de Jésus a transformé la malédiction
de la mort en bénédiction (cf. Rm 5, 19-21).
Le sens de la mort chrétienne
1010 Grâce au Christ, la mort chrétienne a un
sens positif. " Pour moi, la vie c’est le Christ et mourir
un gain " (Ph 1, 21). " C’est là une parole
certaine : si nous mourons avec lui, nous vivrons avec lui "
(2 Tm 2, 11). La nouveauté essentielle de la mort chrétienne est là :
par le Baptême, le chrétien est déjà sacramentellement " mort
avec le Christ ", pour vivre d’une vie nouvelle ; et si
nous mourons dans la grâce du Christ, la mort physique consomme ce
" mourir avec le Christ " et achève ainsi notre
incorporation à Lui dans son acte rédempteur :
Il est bon pour moi de mourir dans (eis)
le Christ Jésus, plus que de régner sur les extrémités de la
terre. C’est lui que je cherche, qui est mort pour nous ; lui
que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche
(...). Laissez-moi recevoir la pure lumière ; quand je serai
arrivé là, je serai un homme (S. Ignace d’Antioche, Rom. 6,
1-2).
1011 Dans la mort, Dieu appelle l’homme vers
Lui. C’est pourquoi le chrétien peut éprouver envers la mort un désir
semblable à celui de S. Paul : " J’ai le désir de
m’en aller et d’être avec le Christ " (Ph 1, 23) ;
et il peut transformer sa propre mort en un acte d’obéissance et
d’amour envers le Père, à l’exemple du Christ (cf. Lc 23, 46) :
Mon désir terrestre a été crucifié ;
(...) il y a en moi une eau vive qui murmure et qui dit au dedans de
moi " Viens vers le Père " (S. Ignace
d’Antioche, Rom. 7, 2).
Je veux voir Dieu, et pour le voir il faut mourir
(Ste. Thérèse de Jésus, vida 1).
Je ne meurs pas, j’entre dans la vie (Ste. Thérèse
de l’Enfant-Jésus, verba).
1012 La vision chrétienne de la mort (cf. 1 Th
4, 13-14) est exprimée de façon privilégiée dans la liturgie de l’Église :
Pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la
vie n’est pas détruite, elle est transformée ; et lorsque
prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle
dans les cieux (MR, Préface des défunts).
1013 La mort est la fin du pèlerinage terrestre
de l’homme, du temps de grâce et de miséricorde que Dieu lui offre
pour réaliser sa vie terrestre selon le dessein divin et pour décider
son destin ultime. Quand a pris fin " l’unique cours de
notre vie terrestre " (LG 48), nous ne reviendrons plus à
d’autres vies terrestres. " Les hommes ne meurent qu’une
fois " (He 9, 27). Il n’y a pas de " réincarnation "
après la mort.
1014 L’Église nous encourage à nous préparer
pour l’heure de notre mort (" Délivre-nous, Seigneur,
d’une mort subite et imprévue " : ancienne Litanie des
saints), à demander à la Mère de Dieu d’intercéder pour nous
" à l’heure de notre mort " (Prière Ave Maria),
et à nous confier à saint Joseph, patron de la bonne mort :
Dans toutes tes actions, dans toutes tes pensées
tu devrais te comporter comme si tu devais mourir aujourd’hui. Si
ta conscience était en bon état, tu ne craindrais pas beaucoup la
mort. Il vaudrait mieux se garder de pécher que de fuir la mort. Si
aujourd’hui tu n’es pas prêt, comment le seras-tu demain ?
(Imitation du Christ 1, 23, 1).
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre
mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper. Malheur
à ceux qui mourront dans les péchés mortels, heureux ceux
qu’elle trouvera dans ses très saintes volontés, car la seconde
mort ne leur fera pas mal (S. François d’Assise, cant.).
En bref
1015 " La chair est le pivot du
salut " (Tertullien, res. 8, 2). Nous croyons en Dieu
qui est le créateur de la chair ; nous croyons au Verbe fait
chair pour racheter la chair ; nous croyons en la résurrection
de la chair, achèvement de la création et de la rédemption de la
chair.
1016 Par la mort l’âme est séparée du corps,
mais dans la résurrection Dieu rendra la vie incorruptible à notre
corps transformé en le réunissant à notre âme. De même que le
Christ est ressuscité et vit pour toujours, tous nous
ressusciterons au dernier jour.
1017 " Nous croyons en la vraie résurrection
de cette chair que nous possédons maintenant " (DS 854).
Cependant, on sème dans le tombeau un corps corruptible, il
ressuscite un corps incorruptible (cf. 1 Co 15, 42), un " corps
spirituel " (1 Co 15, 44).
1018 En conséquence du péché originel,
l’homme doit subir " la mort corporelle, à laquelle il
aurait été soustrait s’il n’avait pas péché " (GS
18).
1019 Jésus, le Fils de Dieu, a librement
souffert la mort pour nous dans une soumission totale et libre à la
volonté de Dieu, son Père. Par sa mort il a vaincu la mort,
ouvrant ainsi à tous les hommes la possibilité du salut.
ARTICLE 12
" JE CROIS À LA VIE ÉTERNELLE "
1020 Le chrétien qui unit sa propre mort à
celle de Jésus voit la mort comme une venue vers Lui et une entrée
dans la vie éternelle. Lorsque l’Église a, pour la dernière fois,
dit les paroles de pardon de l’absolution du Christ sur le chrétien
mourant, l’a scellé pour la dernière fois d’une onction
fortifiante et lui a donné le Christ dans le viatique comme nourriture
pour le voyage, elle lui parle avec une douce assurance :
Quitte ce monde, âme chrétienne, au nom du Père
Tout-Puissant qui t’a créé, au nom de Jésus-Christ, le Fils du
Dieu vivant, qui a souffert pour toi, au nom du Saint-Esprit qui a
été répandu en toi. Prends ta place aujourd’hui dans la paix,
et fixe ta demeure avec Dieu dans la sainte Sion, avec la Vierge
Marie, la Mère de Dieu, avec saint Joseph, les anges et tous les
saints de Dieu (...). Retourne auprès de ton Créateur qui t’a
formé de la poussière du sol. Qu’à l’heure où ton âme
sortira de ton corps, Marie, les anges et tous les saints se hâtent
à ta rencontre (...). Que tu puisses voir ton Rédempteur face à
face ... (OEx " Commendatio animæ ").
I. Le jugement particulier
1021 La mort met fin à la vie de l’homme comme
temps ouvert à l’accueil ou au rejet de la grâce divine manifestée
dans le Christ (cf. 2 Tm 1, 9-10). Le Nouveau Testament parle du
jugement principalement dans la perspective de la rencontre finale avec
le Christ dans son second avènement, mais il affirme aussi à plusieurs
reprises la rétribution immédiate après la mort de chacun en fonction
de ses œuvres et de sa foi. La parabole du pauvre Lazare (cf. Lc 16,
22) et la parole du Christ en Croix au bon larron (cf. Lc 23, 43), ainsi
que d’autres textes du Nouveau Testament (cf. 2 Co 5, 8 ; Ph 1,
23 ; He 9, 27 ; 12, 23) parlent d’une destinée ultime de
l’âme (cf. Mt 16, 26) qui peut être différente pour les unes et
pour les autres.
1022 Chaque homme reçoit dans son âme
immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement
particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une
purification (cf. Cc. Lyon : DS 857-858 ; Cc. Florence :
DS 1304-1306 ; Cc. Trente : DS 1820), soit pour entrer immédiatement
dans la béatitude du ciel (cf. Benoît XII : DS 1000-1001 ;
Jean XXII : DS 990), soit pour se damner immédiatement pour
toujours (cf. Benoît XII : DS 1002).
Au soir de notre vie, nous serons jugés sur
l’amour (S. Jean de la Croix, dichos 64)
II. Le Ciel
1023 Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié
de Dieu, et qui sont parfaitement purifiées, vivent pour toujours avec
le Christ. Ils sont pour toujours semblables à Dieu, parce qu’ils le
voient " tel qu’il est " (1 Jn 3, 2), face à face
(cf. 1 Co 13, 12 ; Ap 22, 4) :
De notre autorité apostolique nous définissons
que, d’après la disposition générale de Dieu, les âmes de tous
les saints (...) et de tous les autres fidèles morts après avoir
reçu le saint Baptême du Christ, en qui il n’y a rien eu à
purifier lorsqu’ils sont morts, (...) ou encore, s’il y a eu ou
qu’il y a quelque chose à purifier, lorsque, après leur mort,
elles auront achevé de le faire, (...) avant même la résurrection
dans leur corps et le Jugement général, et cela depuis
l’Ascension du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ au ciel, ont été,
sont et seront au ciel, au Royaume des cieux et au Paradis céleste
avec le Christ, admis dans la société des saints anges. Depuis la
passion et la mort de notre Seigneur Jésus-Christ, elles ont vu et
voient l’essence divine d’une vision intuitive et même face à
face, sans la médiation d’aucune créature (Benoît XII : DS
1000 ; cf. LG 49).
1024 Cette vie parfaite avec la Très Sainte
Trinité, cette communion de vie et d’amour avec Elle, avec la Vierge
Marie, les anges et tous les bienheureux est appelée " le
ciel ". Le ciel est la fin ultime et la réalisation des
aspirations les plus profondes de l’homme, l’état de bonheur suprême
et définitif.
1025 Vivre au ciel c’est " être avec
le Christ " (cf. Jn 14, 3 ; Ph 1, 23 ; 1 Th 4, 17).
Les élus vivent " en Lui ", mais ils y gardent,
mieux, ils y trouvent leur vraie identité, leur propre nom (cf. Ap 2,
17) :
Car la vie c’est d’être avec le Christ :
là où est le Christ, là est la vie, là est le royaume. (S.
Ambroise, Luc. 10, 121: PL 15, 1834A).
1026 Par sa mort et sa Résurrection Jésus-Christ
nous a " ouvert " le ciel. La vie des bienheureux
consiste dans la possession en plénitude des fruits de la rédemption
opérée par le Christ qui associe à sa glorification céleste ceux qui
ont cru en Lui et qui sont demeurés fidèles à sa volonté. Le ciel
est la communauté bienheureuse de tous ceux qui sont parfaitement
incorporés à Lui.
1027 Ce mystère de communion bienheureuse avec
Dieu et avec tous ceux qui sont dans le Christ dépasse toute compréhension
et toute représentation. L’Écriture nous en parle en images :
vie, lumière, paix, festin de noces, vin du royaume, maison du Père, Jérusalem
céleste, paradis : " Ce que l’œil n’a pas vu, ce
que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de
l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment "
(1 Co 2, 9).
1028 A cause de sa transcendance, Dieu ne peut être
vu tel qu’Il est que lorsqu’il ouvre lui-même son mystère à la
contemplation immédiate de l’homme et qu’Il lui en donne la capacité.
Cette contemplation de Dieu dans sa gloire céleste est appelée par
l’Église " la vision béatifique " :
Quelle ne sera pas ta gloire et ton bonheur :
être admis à voir Dieu, avoir l’honneur de participer aux joies
du salut et de la lumière éternelle dans la compagnie du Christ le
Seigneur ton Dieu, (...) jouir au Royaume des cieux dans la
compagnie des justes et des amis de Dieu, les joies de
l’immortalité acquise (S. Cyprien, ep. 56, 10, 1 : PL 4,
357B).
1029 Dans la gloire du ciel, les bienheureux
continuent d’accomplir avec joie la volonté de Dieu par rapport aux
autres hommes et à la création toute entière. Déjà ils règnent
avec le Christ ; avec Lui " ils régneront pour les siècles
des siècles " (Ap 22, 5 ; cf. Mt 25, 21. 23).
III. La purification finale ou Purgatoire
1030 Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié
de Dieu, mais imparfaitement purifiés, bien qu’assurés de leur salut
éternel, souffrent après leur mort une purification, afin d’obtenir
la sainteté nécessaires pour entrer dans la joie du ciel .
1031 L’Église appelle Purgatoire cette
purification finale des élus qui est tout à fait distincte du châtiment
des damnés. L’Église a formulé la doctrine de la foi relative au
Purgatoire surtout aux Conciles de Florence (cf. DS 1304) et de Trente
(cf. DS 1820 ; 1580). La tradition de l’Église, faisant référence
à certains textes de l’Écriture (par exemple 1 Co 3, 15 ; 1 P
1, 7), parle d’un feu purificateur :
Pour ce qui est de certaines fautes légères, il
faut croire qu’il existe avant le jugement un feu purificateur,
selon ce qu’affirme Celui qui est la Vérité, en disant que si
quelqu’un a prononcé un blasphème contre l’Esprit Saint, cela
ne lui sera pardonné ni dans ce siècle-ci, ni dans le siècle
futur (Mt 12, 31). Dans cette sentence nous pouvons comprendre que
certaines fautes peuvent être remises dans ce siècle-ci, mais
certaines autres dans le siècle futur (S. Grégoire le Grand, dial.
4, 39).
1032 Cet enseignement s’appuie aussi sur la
pratique de la prière pour les défunts dont parle déjà la Sainte Écriture :
" Voilà pourquoi il (Judas Maccabée) fit faire ce sacrifice
expiatoire pour les morts, afin qu’ils fussent délivrés de leur péché "
(2 M 12, 46). Dès les premiers temps, l’Église a honoré la mémoire
des défunts et offert des suffrages en leur faveur, en particulier le
sacrifice eucharistique (cf. DS 856 ;), afin que, purifiés, ils
puissent parvenir à la vision béatifique de Dieu. L’Église
recommande aussi les aumônes, les indulgences et les œuvres de pénitence
en faveur des défunts :
Portons-leur secours et faisons leur commémoraison.
Si les fils de Job ont été purifiés par le sacrifice de leur père
(cf. Jb 1, 5), pourquoi douterions-nous que nos offrandes pour les
morts leur apportent quelque consolation ? N’hésitons pas à
porter secours à ceux qui sont partis et à offrir nos prières
pour eux (S. Jean Chrysostome, hom. in 1 Cor. 41, 5 : PG 61,
361C).
IV. L’enfer
1033 Nous ne pouvons pas être unis à Dieu à
moins de choisir librement de l’aimer. Mais nous ne pouvons pas aimer
Dieu si nous péchons gravement contre Lui, contre notre prochain ou
contre nous-mêmes : " Celui qui n’aime pas demeure
dans la mort. Quiconque hait son frère est un homicide ; or vous
savez qu’aucun homicide n’a la vie éternelle demeurant en lui "
(1 Jn 3, 15). Notre Seigneur nous avertit que nous serons séparés de
Lui si nous omettons de rencontrer les besoins graves des pauvres et des
petits qui sont ses frères (cf. Mt 25, 31-46). Mourir en péché mortel
sans s’en être repenti et sans accueillir l’amour miséricordieux
de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre
propre choix libre. Et c’est cet état d’auto-exclusion définitive
de la communion avec Dieu et avec les bienheureux qu’on désigne par
le mot " enfer ".
1034 Jésus parle souvent de la " géhenne "
du " feu qui ne s’éteint pas " (cf. Mt 5, 22. 29 ;
13, 42. 50 ; Mc 9, 43-48), réservé à ceux qui refusent jusqu’à
la fin de leur vie de croire et de se convertir , et où peuvent être
perdus à la fois l’âme et le corps (cf. Mt 10, 28). Jésus annonce
en termes graves qu’il " enverra ses anges, qui ramasseront
tous les fauteurs d’iniquité (...), et les jetteront dans la
fournaise ardente " (Mt 13, 41-42), et qu’il prononcera la
condamnation : " Allez loin de moi, maudits, dans le feu
éternel ! " (Mt 25, 41).
1035 L’enseignement de l’Église affirme
l’existence de l’enfer et son éternité. Les âmes de ceux qui
meurent en état de péché mortel descendent immédiatement après la
mort dans les enfers, où elles souffrent les peines de l’enfer,
" le feu éternel " (cf. DS 76 ; 409 ; 411 ;
801 ; 858 ; 1002 ; 1351 ; 1575 ; SPF 12). La
peine principale de l’enfer consiste en la séparation éternelle
d’avec Dieu en qui seul l’homme peut avoir la vie et le bonheur pour
lesquels il a été crée et auxquels il aspire.
1036 Les affirmations de la Sainte Écriture et
les enseignements de l’Église au sujet de l’enfer sont un appel
à la responsabilité avec laquelle l’homme doit user de sa liberté
en vue de son destin éternel. Elles constituent en même temps un appel
pressant à la conversion : " Entrez par la porte étroite.
Car large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en
est beaucoup qui le prennent ; mais étroite est la porte et
resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le
trouvent " (Mt 7, 13-14) :
Ignorants du jour et de l’heure, il faut que,
suivant l’avertissement du Seigneur, nous restions constamment
vigilants pour mériter, quand s’achèvera le cours unique de
notre vie terrestre, d’être admis avec lui aux noces et comptés
parmi les bénis de Dieu, au lieu d’être, comme de mauvais et
paresseux serviteurs, écartés par l’ordre de Dieu vers le feu éternel,
vers ces ténèbres du dehors où seront les pleurs et les
grincements de dents (LG 48).
1037 Dieu ne prédestine personne à aller en
enfer (cf. DS 397 ; 1567) ; il faut pour cela une aversion
volontaire de Dieu (un péché mortel), et y persister jusqu’à la
fin. Dans la liturgie eucharistique et dans les prières
quotidiennes de ses fidèles, l’Église implore la miséricorde de
Dieu, qui veut " que personne ne périsse, mais que tous
arrivent au repentir " (2 P 3, 9) :
Voici l’offrande que nous présentons devant
toi, nous, tes serviteurs, et ta famille entière : dans ta
bienveillance, accepte-la. Assure toi-même la paix de notre vie,
arrache-nous à la damnation et reçois-nous parmi tes élus (MR,
Canon Romain 88).
V. Le Jugement dernier
1038 La résurrection de tous les morts, " des
justes et des pécheurs " (Ac 24, 15), précédera le Jugement
dernier. Ce sera " l’heure où ceux qui gisent dans la tombe
en sortiront à l’appel de la voix du Fils de l’Homme ; ceux
qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, ceux qui auront fait
le mal pour la damnation " (Jn 5, 28-29). Alors le Christ
" viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges (...).
Devant lui seront rassemblés toutes les nations, et il séparera les
gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des
boucs. Il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche
(...). Et ils s’en iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les
justes à la vie éternelle " (Mt 25, 31. 32. 46).
1039 C’est face au Christ qui est la Vérité que sera
définitivement mise à nu la vérité sur la relation de chaque homme à Dieu
(cf. Jn 12, 49). Le jugement dernier révélera jusque dans ses ultimes conséquences
ce que chacun aura fait de bien ou omis de faire durant sa vie terrestre :
Tout le mal que font les méchants est enregistré – et
ils ne le savent pas. Le Jour où " Dieu ne se taira pas "
(Ps 50, 3) (...) Il se tournera vers les mauvais : " J’avais,
leur dira-t-il, placé sur terre mes petits pauvres, pour vous. Moi, leur
chef, je trônais dans le ciel à la droite de mon Père – mais sur la
terre mes membres avaient faim. Si vous aviez donné à mes membres, ce que
vous auriez donné serait parvenu jusqu’à la tête. Quand j’ai placé
mes petits pauvres sur la terre, je les ai institués vos commissionnaires
pour porter vos bonnes œuvres dans mon trésor : vous n’avez rien déposé
dans leurs mains, c’est pourquoi vous ne possédez rien auprès de moi "
(S. Augustin, serm. 18, 4, 4 : PL 38, 130-131).
1040 Le jugement dernier interviendra lors du retour
glorieux du Christ. Le Père seul en connaît l’heure et le jour, Lui seul décide
de son avènement. Par son Fils Jésus-Christ Il prononcera alors sa parole définitive
sur toute l’histoire. Nous connaîtrons le sens ultime de toute l’œuvre de
la création et de toute l’économie du salut, et nous comprendrons les
chemins admirables par lesquels Sa Providence aura conduit toute chose vers sa
fin ultime. Le jugement dernier révélera que la justice de Dieu triomphe de
toutes les injustices commises par ses créatures et que son amour est plus fort
que la mort (cf. Ct 8, 6).
1041 Le message du Jugement dernier appelle à la
conversion pendant que Dieu donne encore aux hommes " le temps
favorable, le temps du salut " (2 Co 6, 2). Il inspire la sainte
crainte de Dieu. Il engage pour la justice du Royaume de Dieu. Il annonce la
" bienheureuse espérance " (Tt 2, 13) du retour du Seigneur
qui " viendra pour être glorifié dans ses saints et admiré en tous
ceux qui auront cru " (2 Th 1, 10).
VI. L’espérance des cieux nouveaux et de la terre
nouvelle
1042 A la fin des temps, le Royaume de Dieu arrivera à
sa plénitude. Après le jugement universel, les justes régneront pour toujours
avec le Christ, glorifiés en corps et en âme, et l’univers lui-même sera
renouvelé :
Alors l’Église sera " consommée dans la
gloire céleste, lorsque, avec le genre humain, tout l’univers lui-même,
intimement uni avec l’homme et atteignant par lui sa destinée, trouvera
dans le Christ sa définitive perfection " (LG 48).
1043 Cette rénovation mystérieuse, qui transformera
l’humanité et le monde, la Sainte Écriture l’appelle " les cieux
nouveaux et la terre nouvelle " (2 P 3, 13 ; cf. Ap 21, 1). Ce
sera la réalisation définitive du dessein de Dieu de " ramener
toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les
terrestres " (Ep 1, 10).
1044 Dans cet " univers nouveau " (Ap
21, 5), la Jérusalem céleste, Dieu aura sa demeure parmi les hommes. " Il
essuiera toute larme de leurs yeux ; de mort, il n’y en aura plus ;
de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en
est allé " (Ap 21, 4 ; cf. 21, 27).
1045 Pour l’homme, cette consommation sera la réalisation
ultime de l’unité du genre humain, voulue par Dieu dès la création et dont
l’Église pérégrinante était " comme le sacrement " (LG
1). Ceux qui seront unis au Christ formeront la communauté des rachetés, la
Cité Sainte de Dieu (Ap 21, 2), " l’Épouse de l’Agneau "
(Ap 21, 9). Celle-ci ne sera plus blessée par le péché, les souillures (cf.
Ap 21, 27), l’amour propre, qui détruisent ou blessent la communauté
terrestre des hommes. La vision béatifique, dans laquelle Dieu s’ouvrira de
façon inépuisable aux élus, sera la source intarissable de bonheur, de paix
et de communion mutuelle.
1046 Quant au cosmos, la Révélation affirme la profonde
communauté de destin du monde matériel et de l’homme :
Car la création en attente aspire à la révélation des
fils de Dieu (...) avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la
servitude de la corruption. (...) Nous le savons en effet, toute la création
jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. Et non pas elle seule ;
nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons nous
aussi intérieurement dans l’attente de la rédemption de notre corps (Rm
8, 19-23).
1047 L’univers visible est donc destiné, lui aussi, à
être transformé, " afin que le monde lui-même, restauré dans son
premier état, soit, sans plus aucun obstacle, au service des justes ",
participant à leur glorification en Jésus-Christ ressuscité (S. Irénée, hær.
5, 32, 1).
1048 " Nous ignorons le temps de
l’achèvement de la terre et de l’humanité, nous ne connaissons pas le
mode de transformation du cosmos. Elle passe, certes, la figure de ce monde déformée
par le péché ; mais nous l’avons appris, Dieu nous prépare une
nouvelle demeure et une nouvelle terre où régnera la justice et dont la béatitude
comblera et dépassera tous les désirs de paix qui montent au cœur de
l’homme " (GS 39, § 1).
1049 " Mais l’attente de la terre nouvelle,
loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller :
le corps de la nouvelle famille humaine y grandit, qui offre déjà quelque ébauche
du siècle à venir. C’est pourquoi, s’il faut soigneusement distinguer le
progrès terrestre de la croissance du règne du Christ, ce progrès a cependant
beaucoup d’importance pour le royaume de Dieu, dans la mesure où il peut
contribuer à une meilleure organisation de la société humaine " (GS
39, § 2).
1050 " Car tous les fruits excellents de notre
nature et de notre industrie, que nous aurons propagés sur terre selon le
commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard,
mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ
remettra à son Père le royaume éternel et universel " (GS 39, § 3 ;
cf. LG 2). Dieu sera alors " tout en tous " (1 Co 15, 28),
dans la vie éternelle :
La vie subsistante et vraie, c’est le Père qui, par le
Fils et en l’Esprit Saint, déverse sur tous sans exception les dons célestes.
Grâce à sa miséricorde, nous aussi, hommes, nous avons reçu la promesse
indéfectible de la vie éternelle (S. Cyrille de Jérusalem, catech. ill.
18, 29 : PG 33, 1049).
En bref
1051 Chaque homme dans son âme immortelle reçoit sa rétribution
éternelle dès sa mort en un jugement particulier par le Christ, juge des
vivants et des morts.
1052 " Nous croyons que les âmes de tous ceux
qui meurent dans la grâce du Christ (...) sont le Peuple de Dieu dans
l’au-delà de la mort, laquelle sera définitivement vaincue le jour de la
résurrection où ces âmes seront réunies à leurs corps " (SPF
28).
1053 " Nous croyons que la multitude de celles
qui sont rassemblées autour de Jésus et de Marie au Paradis forme l’Église
du ciel, où dans l’éternelle béatitude elles voient Dieu tel qu’il
est et où elles sont aussi, à des degrés divers, associées avec les
saints anges au gouvernement divin exercé par le Christ en gloire, en
intercédant pour nous et aidant notre faiblesse par leur sollicitude
fraternelle " (SPF 29).
1054 Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de
Dieu, mais imparfaitement purifiés, bien qu’assurés de leur salut éternel,
souffrent après leur mort une purification, afin d’obtenir la sainteté nécessaire
pour entrer dans la joie de Dieu.
1055 En vertu de la " communion des saints ",
l’Église recommande les défunts à la miséricorde de Dieu et offre en
leur faveur des suffrages, en particulier le saint sacrifice eucharistique.
1056 Suivant l’exemple du Christ, l’Église avertit
les fidèles de la " triste et lamentable réalité de la mort éternelle "
(DCG 69), appelée aussi " enfer ".
1057 La peine principale de l’enfer consiste en la séparation
éternelle d’avec Dieu en qui seul l’homme peut avoir la vie et le
bonheur pour lesquels il a été crée et auxquels il aspire.
1058 L’Église prie pour que personne ne se perde :
" Seigneur, ne permets pas que je sois jamais séparé de toi ".
S’il est vrai que personne ne peut se sauver lui-même, il est vrai aussi
que " Dieu veut que tous soient sauvés " (1 Tm 2, 4) et
que pour Lui " tout est possible " (Mt 19, 26).
1059 " La très sainte Église romaine croit et
confesse fermement qu’au jour du Jugement tous les hommes comparaîtront
avec leur propre corps devant le tribunal du Christ pour rendre compte de
leurs propres actes " (DS 859 ; cf. DS 1549).
1060 A la fin des temps, le Royaume de Dieu arrivera à
sa plénitude. Alors les justes régneront avec le Christ pour
toujours, glorifiés en corps et en âme, et l’univers matériel lui-même
sera transformé. Dieu sera alors " tout en tous " (1 Co
15, 28), dans la vie éternelle.
" Amen "
1061 Le Credo, comme aussi le dernier livre de l’Écriture
Sainte (cf. Ap 22, 21), se termine avec le mot hébreu Amen. On le trouve
fréquemment à la fin des prières du Nouveau Testament. De même, l’Église
termine ses prières par " Amen ".
1062 En hébreux, " Amen " se
rattache à la même racine que le mot " croire ". Cette
racine exprime la solidité, la fiabilité, la fidélité. Ainsi on comprend
pourquoi le " Amen " peut être dit de la fidélité de Dieu
envers nous et de notre confiance en Lui.
1063 Dans le prophète Isaïe on trouve l’expression
" Dieu de vérité ", littéralement " Dieu de
l’Amen ", c’est-à-dire le Dieu fidèle à ses promesses :
" Quiconque voudra être béni sur terre voudra être béni par le
Dieu de l’Amen " (Is 65, 16). Notre Seigneur emploie souvent le
terme " Amen " (cf. Mt 6, 2. 5. 16), parfois sous forme
redoublée (cf. Jn 5, 19), pour souligner la fiabilité de son enseignement, son
Autorité fondée sur la Vérité de Dieu.
1064 L’" Amen " final du Credo
reprend et confirme donc ses deux premiers mots : " Je crois ".
Croire, c’est dire " Amen " aux paroles, aux promesses,
aux commandements de Dieu, c’est se fier totalement en Celui qui est
l’" Amen " d’infini amour et de parfaite fidélité. La
vie chrétienne de chaque jour sera alors l’" Amen " au
" Je crois " de la Profession de foi de notre Baptême :
Que ton Symbole soit pour toi comme un miroir.
Regarde-toi en lui : pour voir si tu crois tout ce que tu déclares
croire. Et réjouis-toi chaque jour en ta foi (S. Augustin, serm. 58, 11, 13 :
PL 38, 399).
1065 Jésus-Christ lui-même est " l’Amen "
(Ap 3, 14). Il est l’" Amen " définitif de l’amour du Père
pour nous ; il assume et achève notre " Amen " au Père :
" Toutes les promesses de Dieu ont en effet leur ‘oui’ en lui ;
aussi bien est-ce par lui que nous disons notre ‘Amen’ à la gloire de Dieu "
(2 Co 1, 20) :
Par Lui, avec Lui et en Lui,
à toi, Dieu le Père Tout-Puissant,
dans l’unité du Saint-Esprit,
tout honneur et toute gloire,
pour les siècles des siècles.
AMEN.