LES
DIX COMMANDEMENTS
Les dix commandements
Exode 20, 2-17
|
Deutéronome 5, 6-21
|
Formule catéchétique
(P. Card. Gasparri, Catechismus Catholicus,
Vatican 1933 p. 23)
|
|
|
|
Je suis le Seigneur ton Dieu,
qui t’ai fait sortir
du pays d’Egypte,
de la maison de servitude.
|
Je suis le Seigneur ton Dieu,
qui t’ai fait sortir
du pays d’Egypte,
de la maison de servitude.
|
|
Tu n’auras pas
d’autres dieux devant Moi.
Tu ne te feras
aucune image sculptée,
rien qui ressemble à ce qui
est dans les cieux, là-haut,
ou sur la terre, ici-bas,
ou dans les eaux,
au-dessous de la terre.
Tu ne te prosterneras pas
devant ces dieux et
tu ne les serviras pas, car
Moi,
le Seigneur ton Dieu,
Je suis un Dieu jaloux,
qui punis la faute des pères
sur les enfants,
les petits-enfants et
les arrière-petits-enfants,
pour ceux qui Me haïssent,
mais qui fais grâce
à des milliers, pour ceux
qui M’aiment et gardent
mes commandements.
|
Tu n’auras pas
d’autres dieux devant Moi.
|
1. Un seul Dieu tu adoreras
et aimeras parfaitement.
|
Tu ne prononceras pas
le nom du Seigneur
ton Dieu à faux,
car le Seigneur ne laisse
pas impuni celui
qui prononce son nom à faux.
|
Tu ne prononceras pas
le nom du Seigneur
ton Dieu à faux.
|
2. Son saint nom tu respecteras,
fuyant blasphème
et faux serment.
|
Tu te souviendras du jour du sabbat
pour Le sanctifier.
Pendant six jours
tu travailleras
et tu feras tout ton ouvrage,
mais le septième jour
est un sabbat
pour le Seigneur ton Dieu.
Tu ne feras aucun ouvrage,
toi, ni ton fils, ni ta fille,
ni ton serviteur, ni ta
servante
ni tes bêtes
ni l’étranger
qui est dans tes portes.
Car en six jours
le Seigneur a fait
le ciel, la terre, la mer
et tout ce qu’ils
contiennent
mais Il s’est reposé
le septième jour;
c’est pourquoi le Seigneur
a béni le jour du sabbat
et l’a consacré.
|
Observe le jour du sabbat
pour Le sanctifier.
|
3. Le jour du Seigneur garderas,
en servant Dieu dévotement.
|
Honore ton père et ta mère,
afin que se prolongent
tes jours sur la terre
que te donne
le Seigneur ton Dieu.
|
Honore ton père et ta mère.
|
4. Tes père et mère honoreras,
tes supérieurs pareillement.
|
Tu ne tueras pas.
|
Tu ne tueras pas.
|
5. Meurtre et scandale éviteras,
haine et colère pareillement.
|
Tu ne commettras pas d’adultère.
|
Tu ne commettras pas d’adultère.
|
6. La pureté observeras
en tes actes soigneusement.
|
Tu ne voleras pas.
|
Tu ne voleras pas.
|
7. Le bien d’autrui tu ne
prendras,
ni retiendras injustement.
|
Tu ne porteras pas
de témoignage mensonger
contre ton prochain.
|
Tu ne porteras pas
de faux témoignage
contre ton prochain.
|
8. La médisance banniras
et le mensonge également.
|
Tu ne convoiteras pas
la maison de ton prochain.
Tu ne convoiteras pas
la femme de ton prochain,
ni son serviteur,
ni sa servante,
ni son boeuf, ni son âne,
ni rien de ce qui est
à ton prochain.
|
Tu ne convoiteras pas
la femme de ton prochain,
|
9. En pensées, désirs veilleras
à rester pur entièrement.
|
Tu ne désireras...
rien de ce qui est
à ton prochain.
|
10. Bien d’autrui ne convoiteras
pour l’avoir malhonnêtement.
|
DEUXIÈME SECTION
LES DIX COMMANDEMENTS
" Maître, que dois-je faire... ? "
2052 " Maître, que dois-je faire de
bon pour posséder la vie éternelle ? " Au jeune homme
qui lui pose cette question, Jésus répond d’abord en invoquant la nécessité
de reconnaître Dieu comme " le seul Bon ", comme le
Bien par excellence et comme la source de tout bien. Puis, Jésus lui déclare :
" Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements ".
Et de citer à son interlocuteur les préceptes qui concernent l’amour
du prochain : " Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas
d’adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage,
honore ton père et ta mère ". Jésus résume enfin ces
commandements d’une manière positive : " Tu aimeras
ton prochain comme toi-même " (Mt 19, 16-19).
2053 A cette première réponse, une seconde
vient s’ajouter : " Si tu veux être parfait, va, vends
ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor aux
cieux ; puis viens, suis-moi " (Mt 19, 21). Elle
n’annule pas la première. La suite de Jésus Christ comprend
l’accomplissement des commandements. La Loi n’est pas abolie (cf. Mt
5, 17), mais l’homme est invité à la retrouver en la Personne de son
Maître, qui en est l’accomplissement parfait. Dans les trois évangiles
synoptiques, l’appel de Jésus adressé au jeune homme riche, de le
suivre dans l’obéissance du disciple et dans l’observance des préceptes,
est rapproché de l’appel à la pauvreté et à la chasteté (cf. Mt
19, 6-12. 21. 23-29). Les conseils évangéliques sont indissociables
des commandements.
2054 Jésus a repris les dix commandements, mais
il a manifesté la force de l’Esprit à l’œuvre dans leur lettre.
Il a prêché la " justice qui surpasse celle des scribes et
des pharisiens " (Mt 5, 20) aussi bien que celle des païens
(cf. Mt 5, 46-47). Il a déployé toutes les exigences des
commandements. " Vous avez entendu qu’il a été dit aux ancêtres :
Tu ne tueras pas ... Eh bien ! Moi je vous dis : quiconque se
fâche contre son frère en répondra au tribunal " (Mt 5,
21-22).
2055 Lorsqu’on lui pose la question :
" Quel est le plus grand commandement de la Loi ? "
(Mt 22, 36), Jésus répond : " Tu aimeras le Seigneur
ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ;
voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est
semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux
commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes "
(Mt 22, 37-40 ; cf. Dt 6, 5 ; Lv 19, 18). Le Décalogue doit
être interprété à la lumière de ce double et unique commandement de
la charité, plénitude de la Loi :
Le précepte : tu ne commettras pas
d’adultère ; tu ne tueras pas ; tu ne voleras pas ;
tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en ces mots :
tu aimeras ton prochain comme toi-même. La charité ne fait point
de tort au prochain. La charité est donc la loi dans sa plénitude
(Rm 13, 9-10).
Le Décalogue dans l’Écriture Sainte
2056 Le mot " Décalogue "
signifie littéralement " dix paroles " (Ex 34, 28 ;
Dt 4, 13 ; 10, 4). Ces " dix paroles ", Dieu
les a révélées à son peuple sur la montagne sainte. Il les a écrites
" de son Doigt " (Ex 31, 18 ; Dt 5, 22), à la
différence des autres préceptes écrits par Moïse (cf. Dt 31, 9. 24).
Elles constituent des paroles de Dieu à un titre éminent. Elles nous
sont transmises dans le livre de l’Exode (cf. Ex 20, 1-17) et dans
celui du Deutéronome (cf. Dt 5, 6-22). Dès l’Ancien Testament, les
livres saints font référence aux " dix paroles "
(cf. par exemple Os 4, 2 ; Jr 7, 9 ; Ez 18, 5-9). Mais c’est
dans la nouvelle Alliance en Jésus Christ que leur plein sens sera révélé.
2057 Le Décalogue se comprend d’abord dans le
contexte de l’Exode qui est le grand événement libérateur de Dieu
au centre de l’ancienne Alliance. Qu’ils soient formulés comme des
préceptes négatifs, des interdictions, ou comme des commandements
positifs (comme : " honore ton père et ta mère "),
les " dix paroles " indiquent les conditions d’une
vie libérée de l’esclavage du péché. Le Décalogue est un chemin
de vie :
Si tu aimes ton Dieu, si tu marches dans ses
voies, si tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu
vivras et tu te multiplieras " (Dt 30, 14).
Cette force libératrice du Décalogue apparaît par
exemple dans le commandement sur le repos du sabbat, destiné également
aux étrangers et aux esclaves :
Souvenez-vous : vous étiez des esclaves sur
une terre étrangère. Le Seigneur votre Dieu vous en a fait sortir
à main forte et à bras étendu (Dt 5, 15).
2058 Les " dix paroles " résument
et proclament la loi de Dieu : " Telles sont les paroles
que vous adressa le Seigneur quand vous étiez tous assemblés sur la
montagne. Il vous parla du milieu du feu, dans la nuée et les ténèbres
d’une voix puissante. Il n’y ajouta rien et les écrivit sur deux
tables de pierre qu’il me donna " (Dt 5, 22). C’est
pourquoi ces deux tables sont appelées " le Témoignage "
(Ex 25, 16). Elles contiennent en effet les clauses de l’alliance
conclue entre Dieu et son peuple. Ces " tables du Témoignage "
(Ex 31, 18 ; 32, 15 ; 34, 29) doivent être déposées dans
" l’arche " (Ex 25, 16 ; 40, 1-2).
2059 Les " dix paroles " sont
prononcées par Dieu au sein d’une théophanie (" Sur la
montagne, au milieu du feu, le Seigneur vous a parlé face à face " :
Dt 5, 4). Elles appartiennent à la révélation que Dieu fait de lui-même
et de sa gloire. Le don des commandements est don de Dieu lui-même et
de sa sainte volonté. En faisant connaître ses volontés, Dieu se révèle
à son peuple.
2060 Le don des commandements et de la Loi fait
partie de l’Alliance scellée par Dieu avec les siens. Suivant le
livre de l’Exode, la révélation des " dix paroles "
est accordée entre la proposition de l’Alliance (cf. Ex 19) et sa
conclusion (cf. Ex 24), – après que le peuple se soit engagé à
" faire " tout ce que le Seigneur avait dit, et à y
" obéir " (Ex 24, 7). Le Décalogue n’est jamais
transmis qu’après le rappel de l’Alliance (" Le Seigneur,
notre Dieu, a conclu avec nous une alliance à l’Horeb " :
Dt 5, 2).
2061 Les commandements reçoivent leur pleine
signification à l’intérieur de l’Alliance. Selon l’Écriture,
l’agir moral de l’homme prend tout son sens dans et par
l’Alliance. La première des " dix paroles "
rappelle l’amour premier de Dieu pour son peuple :
Comme il y avait eu, en châtiment du péché,
passage du paradis de la liberté à la servitude de ce monde, pour
cette raison, la première phrase du Décalogue, première parole
des commandements de Dieu, porte sur la liberté " Moi, je
suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir de la terre
d’Egypte, de la maison de servitude " (Ex 20, 2 ;
Dt 5, 6) (Origène, hom. in Ex. 8, 1).
2062 Les commandements proprement dits viennent
en second lieu ; ils disent les implications de l’appartenance à
Dieu instituée par l’Alliance. L’existence morale est réponse
à l’initiative aimante du Seigneur. Elle est reconnaissance, hommage
à Dieu et culte d’action de grâce. Elle est coopération au dessein
que Dieu poursuit dans l’histoire.
2063 L’alliance et le dialogue entre Dieu et
l’homme sont encore attestés du fait que toutes les obligations sont
énoncées à la première personne (" Je suis le Seigneur ... ")
et adressées à un autre sujet (" tu ... "). Dans
tous les commandements de Dieu, c’est un pronom personnel singulier
qui désigne le destinataire. En même temps qu’à tout le peuple,
Dieu fait connaître sa volonté à chacun en particulier :
Le Seigneur prescrivit l’amour envers Dieu et
enseigna la justice envers le prochain, afin que l’homme ne fut ni
injuste, ni indigne de Dieu. Ainsi, par le Décalogue, Dieu préparait
l’homme à devenir son ami et à n’avoir qu’un seul cœur avec
son prochain .... Les paroles du Décalogue demeurent pareillement
chez nous [chrétiens]. Loin d’être abolies, elles ont reçu
amplification et développement du fait de la venue du Seigneur dans
la chair (S. Irénée, hær. 4, 16, 3-4).
Le Décalogue dans la Tradition de l’Église
2064 En fidélité à l’Écriture et conformément
à l’exemple de Jésus, la Tradition de l’Église a reconnu au Décalogue
une importance et une signification primordiales.
2065 Depuis saint Augustin,
les " dix commandements " ont une place prépondérante
dans la catéchèse des futurs baptisés et des fidèles. Au quinzième
siècle, on prit l’habitude d’exprimer les préceptes du Décalogue
en formules rimées, faciles à mémoriser, et positives. Elles sont
encore en usage aujourd’hui. Les catéchismes de l’Église ont
souvent exposé la morale chrétienne en suivant l’ordre des " dix
commandements ".
2066 La division et
la numérotation des commandements a varié au cours de l’histoire. Le
présent catéchisme suit la division des commandements établie par
saint Augustin et devenue traditionnelle dans l’Église catholique.
Elle est également celle des confessions luthériennes. Les Pères
grecs ont opéré une division quelque peu différente qui se retrouve
dans les Églises orthodoxes et dans les communautés réformées.
2067 Les dix commandements énoncent les requêtes
de l’amour de Dieu et du prochain. Les trois premiers se rapportent
davantage à l’amour de Dieu, et les sept autres à l’amour du
prochain.
Comme la charité comprend deux préceptes
auxquels le Seigneur rapporte toute la loi et les prophètes ...,
ainsi les dix préceptes sont eux-mêmes divisés en deux tables.
Trois ont été écrits sur une table et sept sur l’autre (S.
Augustin, serm. 33, 2, 2 : PL 38, 208).
2068 Le Concile de Trente enseigne que les dix
commandements obligent les chrétiens et que l’homme justifié est
encore tenu de les observer (cf. DS 1569-1570). Et le Concile Vatican II
l’affirme : " Les évêques, successeurs des apôtres,
reçoivent du Seigneur ... la mission d’enseigner toutes les nations
et de prêcher l’Evangile à toute créature, afin que tous les
hommes, par la foi, le baptême et l’accomplissement des
commandements, obtiennent le salut " (LG 24).
L’unité du Décalogue
2069 Le Décalogue forme un tout indissociable.
Chaque " parole " renvoie à chacune des autres et
à toutes ; elles se conditionnent réciproquement. Les deux Tables
s’éclairent mutuellement ; elles forment une unité organique.
Transgresser un commandement, c’est enfreindre tous les autres (cf. Jc
2, 10-11). On ne peut honorer autrui sans bénir Dieu son Créateur. On
ne saurait adorer Dieu sans aimer tous les hommes ses créatures. Le Décalogue
unifie la vie théologale et la vie sociale de l’homme.
Le Décalogue et la loi naturelle
2070 Les dix commandements appartiennent à la révélation
de Dieu. Ils nous enseignent en même temps la véritable humanité de
l’homme. Ils mettent en lumière les devoirs essentiels, et donc
indirectement, les droits fondamentaux, inhérents à la nature de la
personne humaine. Le Décalogue contient une expression privilégiée de
la " loi naturelle " :
Dès le commencement, Dieu avait enraciné dans
le cœur des hommes les préceptes de la loi naturelle. Il se
contenta d’abord de les leur rappeler. Ce fut le Décalogue (S. Irénée,
hær. 4, 15, 1).
2071 Bien qu’accessibles à la seule raison,
les préceptes du Décalogue ont été révélés. Pour atteindre une
connaissance complète et certaine des exigences de la loi naturelle,
l’humanité pécheresse avait besoin de cette révélation :
Une explication plénière des commandements du Décalogue
fut rendue nécessaire dans l’état de péché à cause de
l’obscurcissement de la lumière de la raison et de la déviation
de la volonté (S. Bonaventure, sent. 4, 37, 1, 3).
Nous connaissons les commandements de Dieu par la révélation
divine qui nous est proposée dans l’Église, et par la voix de la
conscience morale.
L’obligation du Décalogue
2072 Puisqu’ils expriment les devoirs
fondamentaux de l’homme envers Dieu et envers son prochain, les dix
commandements révèlent, en leur contenu primordial, des obligations graves.
Ils sont foncièrement immuables et leur obligation vaut toujours et
partout. Nul ne pourrait en dispenser. Les dix commandements sont gravés
par Dieu dans le cœur de l’être humain.
2073 L’obéissance aux commandements implique
encore des obligations dont la matière est, en elle-même, légère.
Ainsi l’injure en parole est-elle défendue par le cinquième
commandement, mais elle ne pourrait être une faute grave qu’en
fonction des circonstances ou de l’intention de celui qui la profère.
" Hors de moi, vous ne pouvez rien faire "
2074 Jésus dit : " Je suis la
vigne ; vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et moi en
lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi, vous ne
pouvez rien faire " (Jn 15, 5). Le fruit évoqué dans cette
parole est la sainteté d’une vie fécondée par l’union au Christ.
Lorsque nous croyons en Jésus Christ, communions à ses mystères et
gardons ses commandements, le Sauveur vient lui-même aimer en nous son
Père et ses frères, notre Père et nos frères. Sa personne devient,
grâce à l’Esprit, la règle vivante et intérieure de notre agir.
" Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns
les autres, comme je vous ai aimés " (Jn 15, 12).
En bref
2075 " Que dois-je faire de bon pour posséder
la vie éternelle ? " – " Si tu veux entrer
dans la vie, observe les commandements " (Mt 19, 16-17).
2076 Par sa pratique et par sa prédication, Jésus
a attesté la pérennité du Décalogue.
2077 Le don du Décalogue est accordé à l’intérieur
de l’Alliance conclue par Dieu avec son peuple. Les commandements de
Dieu reçoivent leur signification véritable dans et par cette
Alliance.
2078 En fidélité à l’Écriture et conformément
à l’exemple de Jésus, la Tradition de l’Église a reconnu au Décalogue
une importance et une signification primordiales.
2079 Le Décalogue forme une unité organique où
chaque " parole " ou " commandement "
renvoie à tout l’ensemble. Transgresser un commandement, c’est
enfreindre toute la Loi (cf. Jc 2, 10-11).
2080 Le Décalogue contient une expression privilégiée
de la loi naturelle. Il nous est connu par la révélation divine et
par la raison humaine.
2081 Les dix commandements énoncent, en leur
contenu fondamental, des obligations graves. Cependant, l’obéissance
à ces préceptes implique aussi des obligations dont la matière est,
en elle-même, légère.
2082 Ce que Dieu commande, Il le rend possible par
sa grâce.
CHAPITRE PREMIER
" TU AIMERAS LE SEIGNEUR TON DIEU DE TOUT TON CŒUR, DE TOUTE
TON ÂME ET DE TOUT TON ESPRIT "
2083 Jésus a résumé les devoirs de l’homme
envers Dieu par cette parole : " Tu aimeras le Seigneur
ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit "
(Mt 22, 37 ; cf. Lc 10, 27 : " ... toutes tes forces ").
Celle-ci fait immédiatement écho à l’appel solennel : " Écoute,
Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique " (Dt 6,
4-5).
Dieu a aimé le premier. L’amour du Dieu Unique est
rappelé dans la première des " dix paroles ". Les
commandements explicitent ensuite la réponse d’amour que l’homme
est appelé à donner à son Dieu.
ARTICLE 1
LE PREMIER COMMANDEMENT
Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait
sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude. Tu n’auras
pas d’autres dieux que moi. Tu ne te feras aucune image sculptée,
rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut, ou sur la
terre ici-bas, ou dans les eaux en dessous de la terre. Tu ne te
prosterneras pas devant ces images ni ne les serviras (Ex 20, 2-5 ;
cf. Dt 5, 6-9).
Il est écrit : " C’est le
Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un
culte " (Mt 4, 10).
I. " Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu,
et tu le serviras "
2084 Dieu se fait connaître en rappelant son
action toute-puissante, bienveillante et libératrice dans l’histoire
de celui auquel il s’adresse : " Je t’ai fait sortir
du pays d’Égypte, de la maison de servitude ". La première
parole contient le premier commandement de la loi : " Tu
adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras ... Vous n’irez pas
à la suite d’autres dieux " (Dt 6, 13-14). Le premier appel
et la juste exigence de Dieu est que l’homme l’accueille et
l’adore.
2085 Le Dieu unique et vrai révèle d’abord sa
gloire à Israël (cf. Ex 19, 16-25 ; 24, 15-18). La révélation de
la vocation et de la vérité de l’homme est liée à la révélation de
Dieu. L’homme a la vocation de manifester Dieu par son agir en conformité
avec sa création " à l’image et à la ressemblance de Dieu " :
Il n’y aura jamais d’autre Dieu, Tryphon, et il
n’y en a pas eu d’autre, depuis les siècles ... que celui qui a
fait et ordonné l’univers. Nous ne pensons pas que notre Dieu soit
différent du vôtre. Il est le même qui a fait sortir vos pères
d’Égypte " par sa main puissante et son bras élevé ".
Nous ne mettons pas nos espérances en quelque autre, il n’y en a
pas, mais dans le même que vous, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de
Jacob (S. Justin, dial. 11, 1).
2086 " Le premier des préceptes embrasse
la foi, l’espérance et la charité. Qui dit Dieu, en effet, dit un être
constant, immuable, toujours le même, fidèle, parfaitement juste. D’où
il suit que nous devons nécessairement accepter ses Paroles, et avoir en
lui une foi et une confiance entières. Il est tout-puissant, clément,
infiniment porté à faire du bien. Qui pourrait ne pas mettre en lui
toutes ses espérances ? Et qui pourrait ne pas l’aimer en
contemplant les trésors de bonté et de tendresse qu’il a répandus sur
nous ? De là cette formule que Dieu emploie dans la Sainte Écriture
soit au commencement, soit à la fin de ses préceptes : ‘Je suis
le Seigneur’ " (Catech. R. 3, 2, 4).
La foi
2087 Notre vie morale trouve sa source dans la foi
en Dieu qui nous révèle son amour. S. Paul parle de l’ "obéissance
de la foi " (Rm 1, 5 ; 16, 2) comme de la première
obligation. Il fait voir dans la " méconnaissance de Dieu "
le principe et l’explication de toutes les déviations morales (cf. Rm
1, 18-32). Notre devoir à l’égard de Dieu est de croire en Lui et de
Lui rendre témoignage.
2088 Le premier commandement nous demande de
nourrir et de garder avec prudence et vigilance notre foi et de rejeter
tout ce qui s’oppose à elle. Il y a de diverses manières de pécher
contre la foi :
Le doute volontaire portant sur la foi néglige
ou refuse de tenir pour vrai ce que Dieu a révélé et que l’Église
propose à croire. Le doute involontaire désigne l’hésitation
à croire, la difficulté de surmonter les objections liées à la foi ou
encore l’anxiété suscitée par l’obscurité de celle-ci. S’il est
délibérément cultivé, le doute peut conduire à l’aveuglement de
l’esprit.
2089 L’incrédulité est la négligence de
la vérité révélée ou le refus volontaire d’y donner son
assentiment. " L’hérésie est la négation obstinée,
après la réception du baptême, d’une vérité qui doit être crue de
foi divine et catholique, ou le doute obstiné sur cette vérité. L’apostasie
est le rejet total de la foi chrétienne. Le schisme est le refus
de la soumission au Souverain Pontife ou de communion avec les membres de
l’Église qui lui sont soumis " (CIC, can. 751).
L’Espérance
2090 Lorsque Dieu se révèle et appelle l’homme,
celui-ci ne peut répondre pleinement à l’amour divin par ses propres
forces. Il doit espérer que Dieu lui donnera la capacité de l’aimer en
retour et d’agir conformément aux commandements de la charité. L’espérance
est l’attente confiante de la bénédiction divine et de la vision
bienheureuse de Dieu ; elle est aussi la crainte d’offenser
l’amour de Dieu et de provoquer le châtiment.
2091 Le premier commandement vise aussi les péchés
contre l’espérance, qui sont le désespoir et la présomption :
Par le désespoir, l’homme cesse d’espérer
de Dieu son salut personnel, les secours pour y parvenir ou le pardon de
ses péchés. Il s’oppose à la Bonté de Dieu, à sa Justice – car le
Seigneur est fidèle à ses promesses -, et à sa Miséricorde.
2092 Il y deux sortes de présomption. Ou
bien, l’homme présume de ses capacités (espérant pouvoir se sauver
sans l’aide d’en Haut), ou bien il présume de la toute-puissance ou
de la miséricorde divines (espérant obtenir son pardon sans conversion
et la gloire sans mérite).
La charité
2093 La foi dans l’amour de Dieu enveloppe
l’appel et l’obligation de répondre à la charité divine par un
amour sincère. Le premier commandement nous ordonne d’aimer Dieu
par-dessus tout et toutes les créatures pour Lui et à cause de Lui (cf.
Dt 6, 4-5).
2094 On peut pécher de diverses manières contre
l’amour de Dieu : L’indifférence néglige ou refuse la
considération de la charité divine ; elle en méconnaît la prévenance
et en dénie la force. L’ingratitude omet ou récuse de reconnaître
la charité divine et de lui rendre en retour amour pour amour. La tiédeur
est une hésitation ou une négligence à répondre à l’amour divin,
elle peut impliquer le refus de se livrer au mouvement de la charité.
L’acédie ou paresse spirituelle va jusqu’à refuser la joie
qui vient de Dieu et à prendre en horreur le bien divin. La haine de
Dieu vient de l’orgueil. Elle s’oppose à l’amour de Dieu dont
elle nie la bonté et qu’elle prétend maudire comme celui qui prohibe
les péchés et qui inflige les peines.
II. " C’est a lui seul que tu rendras un
culte "
2095 Les vertus théologales de foi, d’espérance
et de charité informent et vivifient les vertus morales. Ainsi, la charité
nous porte à rendre à Dieu ce qu’en toute justice nous lui devons en
tant que créatures. La vertu de religion nous dispose à cette
attitude.
L’adoration
2096 De la vertu de religion, l’adoration est
l’acte premier. Adorer Dieu, c’est le reconnaître comme Dieu, comme
le Créateur et le Sauveur, le Seigneur et le Maître de tout ce qui
existe, l’Amour infini et miséricordieux. " Tu adoreras le
Seigneur ton Dieu, et c’est à lui seul que tu rendras un culte "
(Lc 4, 8) dit Jésus, citant le Deutéronome (6, 13).
2097 Adorer Dieu, c’est, dans le respect et la
soumission absolue reconnaître le " néant de la créature "
qui n’est que par Dieu. Adorer Dieu, c’est comme Marie, dans le
Magnificat, le louer, l’exalter et s’humilier soi-même, en confessant
avec gratitude qu’Il a fait de grandes choses et que saint est son nom
(cf. Lc 1, 46-49). L’adoration du Dieu unique libère l’homme du
repliement sur soi-même, de l’esclavage du péché et de l’idolâtrie
du monde.
La prière
2098 Les actes de foi, d’espérance et de charité
que commande le premier commandement s’accomplissent dans la prière.
L’élévation de l’esprit vers Dieu est une expression de notre
adoration de Dieu : prière de louange et d’action de grâce,
d’intercession et de demande. La prière est une condition indispensable
pour pouvoir obéir aux commandements de Dieu. " Il faut
toujours prier sans jamais se lasser " (Lc 18, 1).
Le sacrifice
2099 Il est juste d’offrir à Dieu des sacrifices
en signe d’adoration et de reconnaissance, de supplication et de
communion : " Est un véritable sacrifice toute action opérée
pour adhérer à Dieu dans la sainte communion et pouvoir être
bienheureux " (S. Augustin, civ. 10, 6).
2100 Pour être véridique, le sacrifice extérieur
doit être l’expression du sacrifice spirituel : " Mon
sacrifice, c’est un esprit brisé ... " (Ps 51, 19). Les prophètes
de l’Ancienne Alliance ont souvent dénoncé les sacrifices faits sans
participation intérieure (cf. Am 5, 21-25) ou sans lien avec l’amour du
prochain (cf. Is 1, 10-20). Jésus rappelle la parole du prophète Osée :
" C’est la miséricorde que je désire, et non le sacrifice "
(Mt 9, 13 ; 12, 7 ; cf. Os 6, 6). Le seul sacrifice parfait est
celui que le Christ a offert sur la croix en totale offrande à l’amour
du Père et pour notre salut (cf. He 9, 13-14). En nous unissant à son
sacrifice nous pouvons faire de notre vie un sacrifice à Dieu.
Promesses et vœux
2101 En plusieurs circonstances, le chrétien est
appelé à faire des promesses à Dieu. Le baptême et la
confirmation, le mariage et l’ordination en comportent toujours. Par dévotion
personnelle, le chrétien peut aussi promettre à Dieu tel acte, telle prière,
telle aumône, tel pèlerinage, etc. La fidélité aux promesses faites à
Dieu est une manifestation du respect dû à la Majesté divine et de
l’amour envers le Dieu fidèle.
2102 " Le vœu, c’est-à-dire la
promesse délibérée et libre faite à Dieu d’un bien possible et
meilleur doit être accompli au titre de la vertu de religion "
(CIC, can. 1191, § 1). Le vœu est un acte de dévotion dans
lequel le chrétien se voue lui-même à Dieu ou lui promet une œuvre
bonne. Par l’accomplissement de ses vœux, il rend donc à Dieu ce qui
Lui a été promis et consacré. Les Actes des Apôtres nous montrent S.
Paul soucieux d’accomplir les vœux qu’il a faits (cf. Ac 18, 18 ;
21, 23-24).
2103 L’Église reconnaît une valeur exemplaire
aux vœux de pratiquer les conseils évangéliques (cf. CIC, can.
654) :
L’Église notre Mère se réjouit de ce qu’il
se trouve dans son sein en grand nombre des hommes et des femmes pour
vouloir suivre de plus près et manifester plus clairement l’anéantissement
du Sauveur, en assumant, dans la liberté des fils de Dieu, la pauvreté
et en renonçant à leur propre volonté ; c’est-à-dire des
hommes et des femmes qui se soumettent en matière de perfection,
au-delà de ce qu’exige le commandement, à une créature humaine à
cause de Dieu afin de se conformer plus pleinement au Christ obéissant
(LG 42).
En certains cas, l’Église peut, pour
des raisons proportionnées, dispenser des vœux et des promesses (cf.
CIC, can. 692 ; 1196-1197).
Le devoir social de religion et le droit à la liberté
religieuse
2104 " Tous les hommes sont tenus de
chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Église ;
et quand ils l’ont connue, de l’embrasser et de lui être fidèles "
(DH 1). Ce devoir découle de " la nature même des hommes "
(DH 2). Il ne contredit pas un " respect sincère "
pour les diverses religions qui " apportent souvent un rayon de
la vérité qui illumine tous les hommes " (NA 2), ni
l’exigence de la charité qui presse les chrétiens " d’agir
avec amour, prudence, patience, envers ceux qui se trouvent dans
l’erreur ou dans l’ignorance de la foi " (DH 14).
2105 Le devoir de rendre à Dieu un culte
authentique concerne l’homme individuellement et socialement. C’est là
" la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral des
hommes et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de
l’unique Église du Christ " (DH 1). En évangélisant sans
cesse les hommes, l’Église travaille à ce qu’ils puissent " pénétrer
d’esprit chrétien les mentalités et les mœurs, les lois et les
structures de la communauté où ils vivent " (AA 10). Le devoir
social des chrétiens est de respecter et d’éveiller en chaque homme
l’amour du vrai et du bien. Il leur demande de faire connaître le
culte de l’unique vraie religion qui subsiste dans l’Église
catholique et apostolique (cf. DH 1). Les chrétiens sont appelés à être
la lumière du monde (cf. AA 13). L’Église manifeste ainsi la royauté
du Christ sur toute la création et en particulier sur les sociétés
humaines (cf. Léon XIII, enc. " Immortale Dei " ;
Pie XI, enc. " Quas primas ").
2106 " Qu’en matière religieuse, nul
ne soit forcé d’agir contre sa conscience, ni empêché d’agir, dans
de justes limites, suivant sa conscience en privé comme en public, seul
ou associé à d’autres " (DH 2). Ce droit est fondé sur la
nature même de la personne humaine dont la dignité lui fait adhérer
librement à vérité divine qui transcende l’ordre temporel. C’est
pourquoi il " persiste même en ceux-là qui ne satisfont pas à
l’obligation de chercher la vérité et d’y adhérer " (DH
2).
2107 " Si,
en raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent des
peuples, une reconnaissance civile spéciale est accordée dans l’ordre
juridique de la cité à une société religieuse donnée, il est nécessaire
qu’en même temps, pour tous les citoyens et toutes les communautés
religieuses, le droit à la liberté en matière religieuse soit reconnu
et respecté " (DH 6).
2108 Le droit à la liberté religieuse n’est ni
la permission morale d’adhérer à l’erreur (cf. Léon XIII, enc.
" Libertas præstantissimum "), ni un droit supposé
à l’erreur (cf. Pie XII, discours 6 décembre 1953), mais un droit
naturel de la personne humaine à la liberté civile, c’est-à-dire à
l’immunité de contrainte extérieure, dans de justes limites, en matière
religieuse, de la part du pouvoir politique. Ce droit naturel doit être
reconnu dans l’ordre juridique de la société de telle manière qu’il
constitue un droit civil (cf. DH 2).
2109 Le droit à la liberté religieuse ne peut être
de soi ni illimité (cf. Pie VI, bref " Quod aliquantum "),
ni limité seulement par un " ordre public " conçu de
manière positiviste ou naturaliste (cf. Pie IX, enc. " Quanta
cura "). Les " justes limites " qui lui sont
inhérentes doivent être déterminées pour chaque situation sociale par
la prudence politique, selon les exigences du bien commun, et ratifiées
par l’autorité civile selon des " règles juridiques
conformes à l’ordre moral objectif " (DH 7).
III. " Tu n’auras pas d’autres dieux
devant moi "
2110 Le premier commandement interdit d’honorer
d’autres dieux que l’Unique Seigneur qui s’est révélé à son
peuple. Il proscrit la superstition et l’irréligion. La superstition
représente en quelque sorte un excès pervers de religion ; l’irréligion
est un vice opposé par défaut à la vertu de religion.
La superstition
2111 La superstition est la déviation du sentiment
religieux et des pratiques qu’il impose. Elle peut affecter aussi le
culte que nous rendons au vrai Dieu, par exemple, lorsqu’on attribue une
importance en quelque sorte magique à certaines pratiques, par ailleurs légitimes
ou nécessaires. Attacher à la seule matérialité des prières ou des
signes sacramentels leur efficacité, en dehors de dispositions intérieures
qu’ils exigent, c’est tomber dans la superstition (cf. Mt 23, 16-22).
L’idolâtrie
2112 Le premier commandement condamne le polythéisme.
Il exige de l’homme de ne pas croire en d’autres dieux que Dieu, de ne
pas vénérer d’autres divinités que l’Unique. L’Écriture rappelle
constamment ce rejet des " idoles, or et argent, œuvres de
mains d’hommes ", elles qui " ont une bouche et ne
parlent pas, des yeux et ne voient pas ... ". Ces idoles vaines
rendent vain : " Comme elles, seront ceux qui les firent,
quiconque met en elles sa foi " (Ps 115, 4-5. 8 ; cf. Is
44, 9-20 ; Jr 10, 1-16 ; Dn 14, 1-30 ; Ba 6 ; Sg 13, 1
– 15, 19). Dieu, au contraire, est le " Dieu vivant "
(Jos 3, 10 ; Ps 42, 3 ; etc.), qui fait vivre et intervient dans
l’histoire.
2113 L’idolâtrie ne concerne pas seulement les
faux cultes du paganisme. Elle reste une tentation constante de la foi.
Elle consiste à diviniser ce qui n’est pas Dieu. Il y a idolâtrie dès
lors que l’homme honore et révère une créature à la place de Dieu,
qu’il s’agisse des dieux ou des démons (par exemple le satanisme), de
pouvoir, de plaisir, de la race, des ancêtres, de l’Etat, de
l’argent, etc. " Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon ",
dit Jésus (Mt 6, 24). De nombreux martyrs sont morts pour ne pas adorer
" la Bête " (cf. Ap 13-14), en refusant même d’en
simuler le culte. L’idolâtrie récuse l’unique Seigneurie de Dieu ;
elle est donc incompatible avec la communion divine (cf. Ga 5, 20 ;
Ep 5, 5).
2114 La vie humaine s’unifie dans l’adoration
de l’Unique. Le commandement d’adorer le seul Seigneur simplifie
l’homme et le sauve d’une dispersion infinie. L’idolâtrie est une
perversion du sens religieux inné de l’homme. L’idolâtre est celui
qui " rapporte à n’importe quoi plutôt qu’à Dieu son
indestructible notion de Dieu " (Origène, Cels. 2, 40).
Divination et magie
2115 Dieu peut révéler l’avenir à ses prophètes
ou à d’autres saints. Cependant l’attitude chrétienne juste consiste
à s’en remettre avec confiance entre les mains de la Providence pour ce
qui concerne le futur et à abandonner toute curiosité malsaine à ce
propos. L’imprévoyance peut constituer un manque de responsabilité.
2116 Toutes les formes de divination sont à
rejeter : recours à Satan ou aux démons, évocation des morts ou
autres pratiques supposées à tort " dévoiler "
l’avenir (cf. Dt 18, 10 ; Jr 29, 8). La consultation des
horoscopes, l’astrologie, la chiromancie, l’interprétation des présages
et des sorts, les phénomènes de voyance, le recours aux médiums recèlent
une volonté de puissance sur le temps, sur l’histoire et finalement sur
les hommes en même temps qu’un désir de se concilier les puissances
cachées. Elles sont en contradiction avec l’honneur et le respect, mêlé
de crainte aimante, que nous devons à Dieu seul.
2117 Toutes les pratiques de magie ou de sorcellerie
par lesquelles on prétend domestiquer les puissances occultes pour les
mettre à son service et obtenir un pouvoir surnaturel sur le prochain,
– fût-ce pour lui procurer la santé -, sont gravement contraires à la
vertu de religion. Ces pratiques sont plus condamnables encore quant elles
s’accompagnent d’une intention de nuire à autrui ou qu’elles
recourent ou non à l’intervention des démons. Le port des amulettes
est lui aussi répréhensible. Le spiritisme implique souvent des
pratiques divinatoires ou magiques. Aussi l’Église avertit-elle les fidèles
de s’en garder. Le recours aux médecines dites traditionnelles ne légitime
ni l’invocation des puissances mauvaises, ni l’exploitation de la crédulité
d’autrui.
L’irréligion
2118 Le premier commandement de Dieu réprouve les
principaux péchés d’irréligion : l’action de tenter Dieu, en
paroles ou en actes, le sacrilège et la simonie.
2119 L’action de tenter Dieu consiste en
une mise à l’épreuve, en parole ou en acte, de sa bonté et de sa
toute-puissance. C’est ainsi que Satan voulait obtenir de Jésus qu’il
se jette du Temple et force Dieu, par ce geste, à agir (cf. Lc 4, 9). Jésus
lui oppose la parole de Dieu : " Tu ne tenteras pas le
Seigneur, ton Dieu " (Dt 6, 16). Le défi que contient pareille
tentation de Dieu blesse le respect et la confiance que nous devons à
notre Créateur et Seigneur. Il inclut toujours un doute concernant son
amour, sa providence et sa puissance (cf. 1 Co 10, 9 ; Ex 17, 2-7 ;
Ps 95, 9).
2120 Le sacrilège consiste à profaner ou
à traiter indignement les sacrements et les autres actions liturgiques,
ainsi que les personnes, les choses et les lieux consacrés à Dieu. Le
sacrilège est un péché grave surtout quand il est commis contre
l’Eucharistie puisque, dans ce sacrement, le Corps même du Christ nous
est rendu présent substantiellement (cf. CIC, can. 1367 ; 1376).
2121 La simonie (cf. Ac 8, 9-24) se définit
comme l’achat ou la vente des réalités spirituelles. A Simon le
magicien, qui voulait acheter le pouvoir spirituel qu’il voyait à l’œuvre
dans les apôtres, Pierre répond : " Périsse ton argent,
et toi avec lui, puisque tu as cru acheter le don de Dieu à prix
d’argent " (Ac 8, 20). Il se conformait ainsi à la parole de
Jésus : " Vous avez reçu gratuitement, donnez
gratuitement " (Mt 10, 8 ; cf. déjà Is 55, 1). Il est
impossible de s’approprier les biens spirituels et de se comporter à
leur égard comme un possesseur ou un maître, puisqu’ils ont leur
source en Dieu. On ne peut que les recevoir gratuitement de Lui.
2122 " En dehors
des offrandes fixées par l’autorité compétente, le ministre ne
demandera rien pour l’administration des sacrements, en veillant
toujours à ce que les nécessiteux ne soient pas privés de l’aide des
sacrements à cause de leur pauvreté " (CIC, can. 848).
L’autorité compétente fixe ces " offrandes " en
vertu du principe que le peuple chrétien doit subvenir à l’entretien
des ministres de l’Église. " L’ouvrier mérite sa
nourriture " (Mt 10, 10 ; cf. Lc 10, 7 ; 1 Co 9, 5-18 ;
1 Tm 5, 17-18).
L’athéisme
2123 " Beaucoup de nos contemporains ne
perçoivent pas du tout ou même rejettent explicitement le rapport intime
et vital qui unit l’homme à Dieu : à tel point que l’athéisme
compte parmi les faits les plus graves de ce temps " (GS 19, §
1).
2124 Le nom d’athéisme recouvre des phénomènes
très divers. Une forme fréquente en est le matérialisme pratique qui
borne ses besoins et ses ambitions à l’espace et au temps.
L’humanisme athée considère faussement que l’homme " est
pour lui-même sa propre fin, le seul artisan et le démiurge de son
histoire " (GS 20, § 1). Une autre forme de l’athéisme
contemporain attend la libération de l’homme d’une libération économique
et sociale à laquelle " s’opposerait par sa nature même, la
religion, dans la mesure où érigeant l’espérance de l’homme sur le
mirage d’une vie future, elle le détournerait d’édifier la cité
terrestre " (GS 20, § 2).
2125 En tant qu’il rejette ou refuse
l’existence de Dieu, l’athéisme est un péché contre la vertu de
religion (cf. Rm 1, 18). L’imputabilité de cette faute peut être
largement diminuée en vertu des intentions et des circonstances. Dans la
genèse et la diffusion de l’athéisme, " les croyants peuvent
avoir une part qui n’est pas mince, dans la mesure où, par la négligence
dans l’éducation de la foi, par des représentations trompeuses de la
doctrine, et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et
sociale, on peut dire qu’ils voilent l’authentique visage de Dieu et
de la religion plus qu’ils ne le révèlent " (GS 19, § 3).
2126 Souvent l’athéisme se fonde sur une
conception fausse de l’autonomie humaine, poussée jusqu’au refus de
toute dépendance à l’égard de Dieu (cf. GS 20, § 1). Pourtant,
" la reconnaissance de Dieu ne s’oppose en aucune façon à la
dignité de l’homme, puisque cette dignité trouve en Dieu lui-même ce
qui la fonde et ce qui l’achève " (GS 21, § 3). L’Église
sait " que son message est en accord avec le fond secret du cœur
humain " (GS 21, § 7).
L’agnosticisme
2127 L’agnosticisme revêt plusieurs formes. Dans
certains cas, l’agnostique se refuse à nier Dieu ; il postule au
contraire l’existence d’un être transcendant qui ne pourrait se révéler
et dont personne ne saurait rien dire. Dans d’autres cas, l’agnostique
ne se prononce pas sur l’existence de Dieu, déclarant qu’il est
impossible de la prouver et même de l’affirmer ou de la nier.
2128 L’agnosticisme peut parfois contenir une
certaine recherche de Dieu, mais il peut également représenter un indifférentisme,
une fuite devant la question ultime de l’existence, et une paresse de la
conscience morale. L’agnosticisme équivaut trop souvent à un athéisme
pratique.
IV. " Tu ne te feras aucune image sculptée... "
2129 L’injonction divine comportait
l’interdiction de toute représentation de Dieu par la main de
l’homme. Le Deutéronome explique : " Puisque vous
n’avez vu aucune forme, le jour où le Seigneur, à l’Horeb, vous a
parlé du milieu du feu, n’allez pas vous pervertir et vous faire une
image sculptée représentant quoi que ce soit ... " (Dt 4,
15-16). C’est le Dieu absolument Transcendant qui s’est révélé à
Israël. " Il est toutes choses ", mais en même
temps, " Il est au-dessus de toutes ses œuvres " (Si
43, 27-28). Il est " la source même de toute beauté créée "
(Sg 13, 3).
2130 Cependant dès l’Ancien Testament, Dieu a
ordonné ou permis l’institution d’images qui conduiraient
symboliquement au salut par le Verbe incarné : ainsi le serpent
d’airain (cf. Nb 21, 4-9 ; Sg 16, 5-14 ; Jn 3, 14-15),
l’arche d’Alliance et les chérubins (cf. Ex 25, 10-22 ; 1 R 6,
23-28 ; 7, 23-26).
2131 C’est en se fondant sur le mystère du Verbe
incarné que le septième Concile œcuménique, à Nicée (en 787), a
justifié, contre les iconoclastes, le culte des icônes : celles du
Christ, mais aussi celles de la Mère de Dieu, des anges et de tous les
saints. En s’incarnant, le Fils de Dieu a inauguré une nouvelle " économie "
des images.
2132 Le culte chrétien des images n’est pas
contraire au premier commandement qui proscrit les idoles. En effet,
" l’honneur rendu à une image remonte au modèle original "
(S. Basile, Spir. 18, 45 : PG 32, 149C), et " quiconque vénère
une image, vénère en elle la personne qui y est dépeinte "
(Cc. Nicée II : DS 601 ; cf. Cc. Trente : DS 1821-1825 ;
Cc. Vatican II : SC 126 ; LG 67). L’honneur rendu aux saintes
images est une " vénération respectueuse ", non une
adoration qui ne convient qu’à Dieu seul :
Le culte de la religion ne s’adresse pas aux
images en elles-mêmes comme des réalités, mais les regarde sous
leur aspect propre d’images qui nous conduisent à Dieu incarné. Or
le mouvement qui s’adresse à l’image en tant que telle ne s’arrête
pas à elle, mais tend à la réalité dont elle est l’image (S.
Thomas d’A., s. th. 2-2, 81, 3, ad 3).
En bref
2133 " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu,
de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces "
(Dt 5, 6).
2134 Le premier commandement appelle l’homme à
croire en Dieu, à espérer en Lui et à L’aimer par-dessus tout.
2135 " C’est le Seigneur ton Dieu que
tu adoreras " (Mt 4, 10). Adorer Dieu, Le prier, Lui offrir
le culte qui Lui revient, accomplir les promesses et les vœux qu’on
Lui a faits, sont des actes de la vertu de religion qui relèvent de
l’obéissance au premier commandement.
2136 Le devoir de rendre à Dieu un culte
authentique concerne l’homme individuellement et socialement.
2137 L’homme " doit pouvoir professer
librement la religion en privé et en public " (DH 15).
2138 La superstition est une déviation du culte
que nous rendons au vrai Dieu. Elle éclate dans l’idolâtrie, ainsi
que dans les différentes formes de divination et de magie.
2139 L’action de tenter Dieu, en paroles ou en
actes, le sacrilège, la simonie sont des péchés d’irréligion
interdits par le premier commandement.
2140 En tant qu’il rejette ou refuse
l’existence de Dieu, l’athéisme est un péché contre le premier
commandement.
2141 Le culte des images saintes est fondé sur le
mystère de l’Incarnation du Verbe de Dieu. Il n’est pas contraire
au premier commandement.
ARTICLE 2
LE DEUXIÈME COMMANDEMENT
Tu ne prononceras pas le nom du Seigneur ton Dieu
à faux (Ex 20, 7 ; Dt 5, 11).
Il a été dit aux anciens : " Tu ne
parjureras pas " ... Eh bien ! moi je vous dis de ne
pas jurer du tout (Mt 5, 33-34).
I. Le nom du Seigneur est saint
2142 Le deuxième commandement prescrit de respecter
le nom du Seigneur. Il relève, comme le premier commandement, de la
vertu de religion et règle plus particulièrement notre usage de la
parole dans les choses saintes.
2143 Parmi toutes les paroles de la Révélation il
en est une, singulière, qui est la révélation de son Nom. Dieu confie
son nom à ceux qui croient en Lui ; Il se révèle à eux dans son
mystère personnel. Le don du Nom appartient à l’ordre de la confidence
et de l’intimité. " Le nom du Seigneur est saint ".
C’est pourquoi l’homme ne peut en abuser. Il doit le garder en mémoire
dans un silence d’adoration aimante (cf. Za 2, 17). Il ne le fera
intervenir dans ses propres paroles que pour le bénir, le louer et le
glorifier (cf. Ps 29, 2 ; 96, 2 ; 113, 1-2).
2144 La déférence à l’égard de son Nom
exprime celle qui est due au mystère de Dieu lui-même et à toute la réalité
sacrée qu’il évoque. Le sens du sacré relève de la vertu de
religion :
Les sentiments de crainte et de sacré sont-ils des
sentiments chrétiens ou non ? Personne ne peut raisonnablement
en douter. Ce sont les sentiments que nous aurions, et à un degré
intense, si nous avions la vision du Dieu souverain. Ce sont les
sentiments que nous aurions si nous " réalisions "
sa présence. Dans la mesure où nous croyons qu’Il est présent,
nous devons les avoir. Ne pas les avoir, c’est ne point réaliser,
ne point croire qu’Il est présent (Newman, Parochial and Plain
Sermons, v. 5, Sermon 2 [Westminster 1967] : pp. 21-22)
2145 Le fidèle doit témoigner du nom du Seigneur,
en confessant sa foi sans céder à la peur (cf. Mt 10, 32 ; 1 Tm 6,
12). L’acte de la prédication et l’acte de la catéchèse doivent être
pénétrés d’adoration et de respect pour le nom de Notre Seigneur Jésus
Christ.
2146 Le deuxième commandement interdit l’abus
du nom de Dieu, c’est-à-dire tout usage inconvenant du nom
de Dieu, de Jésus Christ, de la Vierge Marie et de tous les saints :
2147 Les promesses faites à autrui au nom
de Dieu engagent l’honneur, la fidélité, la véracité et l’autorité
divines. Elles doivent être respectées en justice. Leur être infidèle,
c’est abuser du Nom de Dieu et, en quelque sorte, faire de Dieu un
menteur (cf. 1 Jn 1, 10).
2148 Le blasphème s’oppose directement au
deuxième commandement. Il consiste à proférer contre Dieu – intérieurement
ou extérieurement – des paroles de haine, de reproche, de défi, à
dire du mal de Dieu, à manquer de respect envers Lui dans ses propos, à
abuser du nom de Dieu. S. Jacques réprouve " ceux qui blasphèment
le beau Nom (de Jésus) qui a été invoqué sur eux " (Jc 2,
7). L’interdiction du blasphème s’étend aux paroles contre l’Église
du Christ, les saints, les choses sacrées. Il est encore blasphématoire
de recourir au nom de Dieu pour couvrir des pratiques criminelles, réduire
des peuples en servitude, torturer ou mettre à mort. L’abus du nom de
Dieu pour commettre un crime provoque le rejet de la religion.
Le blasphème est contraire au respect dû à Dieu et
à son saint nom. Il est de soi un péché grave (cf. CIC, can. 1369).
2149 Les jurons, qui font intervenir le nom
de Dieu, sans intention de blasphème, sont un manque de respect envers le
Seigneur. Le second commandement interdit aussi l’usage magique
du Nom divin.
Le Nom de Dieu est grand là où on le prononce
avec le respect dû à sa grandeur et à sa Majesté. Le Nom de Dieu
est saint là où on le nomme avec vénération et la crainte de
l’offenser (S. Augustin, serm. Dom. 2, 45, 19 : PL 34, 1278).
II. Le nom du Seigneur prononcé à faux
2150 Le deuxième commandement proscrit le faux
serment. Faire serment ou jurer, c’est prendre Dieu à témoin de ce
que l’on affirme. C’est invoquer la véracité divine en gage de sa
propre véracité. Le serment engage le nom du Seigneur. " C’est
ton Dieu que tu craindras, lui que tu serviras ; c’est par son nom
que tu jureras " (Dt 6, 13).
2151 La réprobation du faux serment est un devoir
envers Dieu. Comme Créateur et Seigneur, Dieu est la règle de toute vérité.
La parole humaine est en accord ou en opposition avec Dieu qui est la Vérité
même. Lorsqu’il est véridique et légitime, le serment met en lumière
le rapport de la parole humaine à la vérité de Dieu. Le faux serment
appelle Dieu à témoigner d’un mensonge.
2152 Est parjure celui qui, sous serment,
fait une promesse qu’il n’a pas l’intention de tenir, ou qui, après
avoir promis sous serment, ne s’y tient pas. Le parjure constitue un
grave manque de respect envers le Seigneur de toute parole. S’engager
par serment à faire une œuvre mauvaise est contraire à la sainteté du
Nom divin.
2153 Jésus a exposé le deuxième commandement
dans le sermon sur la montagne : " Vous avez entendu
qu’il a été dit aux ancêtres : ‘Tu ne parjureras pas, mais tu
t’acquitteras envers le Seigneur de tes serments’. Eh bien ! moi
je vous dis de ne pas jurer du tout ... Que votre langage soit :
‘Oui ? oui’, ‘Non ? non’ : ce qu’on dit de plus
vient du Mauvais " (Mt 5, 33-34. 37 ; cf. Jc 5, 12). Jésus
enseigne que tout serment implique une référence à Dieu et que la présence
de Dieu et de sa vérité doit être honorée en toute parole. La discrétion
du recours à Dieu dans le langage va de pair avec l’attention
respectueuse à sa présence, attestée ou bafouée, en chacune de nos
affirmations.
2154 A la suite de S. Paul (cf. 2 Co 1, 23 ;
Ga 1, 20), la tradition de l’Église a compris la parole de Jésus comme
ne s’opposant pas au serment lorsqu’il est fait pour une cause grave
et juste (par exemple devant le tribunal). " Le serment,
c’est-à-dire l’énonciation du Nom divin comme témoin de la vérité,
ne peut être porté qu’en vérité, avec discernement et selon la
justice " (CIC, can. 1199, § 1).
2155 La sainteté du nom divin exige de ne pas
recourir à lui pour des choses futiles, et de ne pas prêter serment dans
des circonstances susceptibles de le faire interpréter comme une
approbation du pouvoir qui l’exigerait injustement. Lorsque le serment
est exigé par des autorités civiles illégitimes, il peut être refusé.
Il doit l’être quand il est demandé à des fins contraires à la
dignité des personnes ou à la communion de l’Église.
III. Le nom chrétien
2156 Le sacrement de Baptême est conféré " au
nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit " (Mt 28, 19). Dans
le baptême, le nom du Seigneur sanctifie l’homme, et le chrétien reçoit
son nom dans l’Église. Ce peut être celui d’un saint, c’est-à-dire
d’un disciple qui a vécu une vie de fidélité exemplaire à son
Seigneur. Le patronage du saint offre un modèle de charité et assure de
son intercession. Le " nom de baptême " peut encore
exprimer un mystère chrétien ou une vertu chrétienne. " Les
parents, les parrains et le curé veilleront à ce que ne soit pas donné
de prénom étranger au sens chrétien " (CIC, can. 855).
2157 Le chrétien commence sa journée, ses prières
et ses actions par le signe de la croix, " au nom du Père et du
Fils et du Saint Esprit. Amen ". Le baptisé voue la journée à
la gloire de Dieu et fait appel à la grâce du Sauveur qui lui permet
d’agir dans l’Esprit comme enfant du Père. Le signe de la croix nous
fortifie dans les tentations et dans les difficultés.
2158 Dieu appelle chacun par son nom (cf. Is 43, 1 ;
Jn 10, 3). Le nom de tout homme est sacré. Le nom est l’icône de la
personne. Il exige le respect, en signe de la dignité de celui qui le
porte.
2159 Le nom reçu est un nom d’éternité. Dans
le royaume, le caractère mystérieux et unique de chaque personne marquée
du nom de Dieu resplendira en pleine lumière. " Au vainqueur,
... je donnerai un caillou blanc, portant gravé un nom nouveau que nul ne
connaît, hormis celui qui le reçoit " (Ap 2, 17). " Voici
que l’Agneau apparut à mes yeux ; il se tenait sur le mont Sion,
avec cent quarante-quatre milliers de gens portant, inscrits sur le front,
son nom et le nom de son Père " (Ap 14, 1).
En bref
2160 " O Seigneur notre Dieu qu’il est
grand ton nom par tout l’univers " (Ps 8, 11).
2161 Le deuxième commandement prescrit de respecter
le nom du Seigneur. Le nom du Seigneur est saint.
2162 Le second commandement interdit tout usage
inconvenant du Nom de Dieu. Le blasphème consiste à user du Nom de
Dieu, de Jésus Christ, de la Vierge Marie et des saints d’une façon
injurieuse.
2163 Le faux serment appelle Dieu à témoigner
d’un mensonge. Le parjure est un manquement grave envers le Seigneur,
toujours fidèle à ses promesses.
2164 " Ne jurer ni par le Créateur, ni par
la créature, si ce n’est avec vérité, nécessité et révérence "
(S. Ignace, ex. spir. 38).
2165 Dans le Baptême, le chrétien reçoit son nom
dans l’Église. Les parents, les parrains et le curé veilleront à ce
que lui soit donné un prénom chrétien. Le patronage d’un saint
offre un modèle de charité et assure sa prière.
2166 Le chrétien commence ses prières et ses
actions par le signe de la croix " au nom du Père et du Fils
et du Saint Esprit. Amen ".
2167 Dieu appelle chacun par son nom (cf. Is 43, 1).
ARTICLE 3
LE TROISIÈME COMMANDEMENT
Souviens-toi du jour du Sabbat pour le sanctifier.
Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ;
mais le septième jour est un sabbat pour le Seigneur ton Dieu. Tu
n’y feras aucun ouvrage (Ex 20, 8-10 ; cf. Dt 5, 12-15).
Le sabbat a été fait pour l’homme, et non
l’homme pour le sabbat ; en sorte que le Fils de l’homme est
maître même du sabbat (Mc 2, 27-28).
I. Le jour du Sabbat
2168 Le troisième commandement du Décalogue
rappelle la sainteté du Sabbat : " Le septième jour est
un sabbat ; un repos complet consacré au Seigneur " (Ex
31, 15).
2169 L’Écriture fait à ce propos mémoire de
la création : " Car en six jours le Seigneur a fait le
ciel et la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, mais il s’est
reposé le septième jour. Voilà pourquoi le Seigneur a béni le jour du
Sabbat, il l’a sanctifié " (Ex 20, 11).
2170 L’Écriture révèle encore dans le jour du
Seigneur un mémorial de la libération d’Israël de la servitude
d’Egypte : " Tu te souviendras que tu as été esclave au
pays d’Egypte et que le Seigneur ton Dieu t’en a fait sortir à main
forte et à bras étendu. Voilà pourquoi le Seigneur ton Dieu te commande
de pratiquer le jour du Sabbat " (Dt 5, 15).
2171 Dieu a confié à Israël le Sabbat pour
qu’il le garde en signe de l’alliance infrangible (cf. Ex 31,
16). Le Sabbat est pour le Seigneur, saintement réservé à la louange de
Dieu, de son œuvre de création et de ses actions salvifiques en faveur
d’Israël.
2172 L’agir de Dieu est le modèle de l’agir
humain. Si Dieu a " repris haleine " le septième jour
(Ex 31, 17), l’homme doit aussi " chômer " et
laisser les autres, surtout les pauvres, " reprendre souffle "
(Ex 23, 12). Le Sabbat fait cesser les travaux quotidiens et accorde un répit.
C’est un jour de protestation contre les servitudes du travail et le
culte de l’argent (cf. Ne 13, 15-22 ; 2 Ch 36, 21).
2173 L’Evangile rapporte de nombreux incidents où
Jésus est accusé de violer la loi du sabbat. Mais jamais Jésus ne
manque à la sainteté de ce jour (cf. Mc 1, 21 ; Jn 9, 16). Il en
donne avec autorité l’interprétation authentique : " Le
sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat "
(Mc 2, 27). Avec compassion, le Christ s’autorise " le jour du
sabbat, de faire du bien plutôt que le mal, de sauver une vie plutôt que
de la tuer " (Mc 3, 3). Le sabbat est le jour du Seigneur des
miséricordes et de l’honneur de Dieu (cf. Mt 12, 5 ; Jn 7, 23).
" Le Fils de l’Homme est maître du sabbat " (Mc 2,
28).
II. Le jour du Seigneur
Ce jour qu’a fait le Seigneur, exultons et soyons
dans la joie (Ps 117, 24).
Le jour de la Résurrection : la création
nouvelle
2174 Jésus est ressuscité d’entre les morts,
" le premier jour de la semaine " (Mt 28, 1 ; Mc
16, 2 ; Lc 24, 1 ; Jn 20, 1). En tant que " premier
jour ", le jour de la Résurrection du Christ rappelle la première
création. En tant que " huitième jour " qui suit le
sabbat (cf. Mc 16, 1 ; Mt 28, 1) il signifie la nouvelle création
inaugurée avec la Résurrection du Christ. Il est devenu pour les chrétiens
le premier de tous les jours, la première de toutes les fêtes, le jour
du Seigneur (Hè kuriakè hèmera, dies dominica), le " dimanche " :
Nous nous assemblons tous le jour du soleil parce
que c’est le premier jour [après le Sabbat juif, mais aussi le
premier jour] où, Dieu tirant la matière des ténèbres, a créé le
monde et que, ce même jour, Jésus Christ notre Sauveur, ressuscita
d’entre les morts (S. Justin, apol. 1, 67).
Le Dimanche – accomplissement du Sabbat
2175 Le Dimanche se distingue expressément du
Sabbat auquel il succède chronologiquement, chaque semaine, et dont il
remplace pour les chrétiens la prescription cérémonielle. Il accomplit,
dans la Pâque du Christ, la vérité spirituelle du sabbat juif et
annonce le repos éternel de l’homme en Dieu. Car le culte de la loi préparait
le mystère du Christ, et ce qui s’y pratiquait figurait quelque trait
relatif au Christ (cf. 1 Co 10, 11) :
Ceux qui vivaient selon l’ancien ordre des choses
sont venus à la nouvelle espérance, n’observant plus le sabbat,
mais le Jour du Seigneur, en lequel notre vie est bénie par Lui et
par sa mort (S. Ignace d’Antioche, Magn. 9, 1).
2176 La célébration du dimanche observe la
prescription morale naturellement inscrite au cœur de l’homme de " rendre
à Dieu un culte extérieur, visible, public et régulier sous le signe de
son bienfait universel envers les hommes " (S. Thomas d’A., s.
th. 2-2, 122, 4). Le culte dominical accomplit le précepte moral de
l’Ancienne Alliance dont il reprend le rythme et l’esprit en célébrant
chaque semaine le Créateur et le Rédempteur de son peuple.
L’Eucharistie dominicale
2177 La célébration dominicale du Jour et de
l’Eucharistie du Seigneur est au cœur de la vie de l’Église. " Le
dimanche, où, de par la tradition apostolique, est célébré le mystère
pascal, doit être observé dans l’Église tout entière comme le
principal jour de fête de précepte " (CIC, can. 1246, § 1).
" De même, doivent être observés les jours
de la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ, de l’Epiphanie, de
l’Ascension et du Très Saint Corps et Sang du Christ, le jour de Sainte
Marie Mère de Dieu, de son Immaculée Conception et de son Assomption, de
saint Joseph, des saints Apôtres Pierre et Paul et de tous les Saints "
(CIC, can. 1246, § 1).
2178 Cette pratique de l’assemblée chrétienne
date des débuts de l’âge apostolique (cf. Ac 2, 42-46 ; 1 Co 11,
17). L’épître aux Hébreux rappelle : " Ne désertez
pas votre propre assemblée comme quelques-uns ont coutume de le faire ;
mais encouragez-vous mutuellement " (He 10, 25).
La tradition garde le souvenir d’une exhortation
toujours actuelle : " Venir tôt à l’Église,
s’approcher du Seigneur et confesser ses péchés, se repentir dans
la prière ... Assister à la sainte et divine liturgie, finir sa prière
et ne point partir avant le renvoi ... Nous l’avons souvent dit :
ce jour vous est donné pour la prière et le repos. Il est le Jour
que le Seigneur a fait. En lui exultons et réjouissons-nous "
(Auteur anonyme, serm. dom.).
2179 " La paroisse est une
communauté précise de fidèles qui est constituée d’une manière
stable dans une Église particulière, et dont la charge pastorale est
confiée au curé, comme à son pasteur propre, sous l’autorité de l’évêque
diocésain " (CIC, can. 515, § 1). Elle est le lieu où tous
les fidèles peuvent être rassemblés par la célébration dominicale de
l’Eucharistie. La paroisse initie le peuple chrétien à l’expression
ordinaire de la vie liturgique, elle le rassemble dans cette célébration ;
elle enseigne la doctrine salvifique du Christ ; elle pratique la
charité du Seigneur dans des œuvres bonnes et fraternelles :
Tu ne peux pas prier à la maison comme à l’Église,
où il y a le grand nombre, où le cri est lancé à Dieu d’un seul
cœur. Il y a là quelque chose de plus, l’union des esprits,
l’accord des âmes, le lien de la charité, les prières des prêtres
(S. Jean Chrysostome, incomprehens. 3, 6 : PG 48, 725D).
L’obligation du Dimanche
2180 Le commandement de l’Église détermine et
précise la loi du Seigneur : " Le dimanche et les autres
jours de fête de précepte, les fidèles sont tenus par l’obligation de
participer à la Messe " (CIC, can. 1247). " Satisfait
au précepte de participation à la Messe, qui assiste à la Messe célébrée
selon le rite catholique le jour de fête lui-même ou le soir du jour précédent "
(CIC, can. 1248, § 1).
2181 L’Eucharistie du dimanche fonde et
sanctionne toute la pratique chrétienne. C’est pourquoi les fidèles
sont obligés de participer à l’Eucharistie les jours de précepte, à
moins d’en être excusés pour une raison sérieuse (par exemple la
maladie, le soin des nourrissons) ou dispensés par leur pasteur propre
(cf. CIC, can. 1245). Ceux qui délibérément manquent à cette
obligation commettent un péché grave.
2182 La participation à la célébration commune
de l’Eucharistie dominicale est un témoignage d’appartenance et de
fidélité au Christ et à son Église. Les fidèles attestent par là
leur communion dans la foi et la charité. Ils témoignent ensemble de la
sainteté de Dieu et de leur espérance du Salut. Ils se réconfortent
mutuellement sous la guidance de l’Esprit Saint.
2183 " Si, faute de ministres sacrés, ou
pour toute autre cause grave, la participation à la célébration
eucharistique est impossible, il est vivement recommandé que les fidèles
participent à la liturgie de la Parole s’il y en a une, dans l’église
paroissiale ou dans un autre lieu sacré, célébrée selon les
dispositions prises par l’évêque diocésain, ou bien s’adonnent à
la prière durant un temps convenable, seuls ou en famille, ou, selon
l’occasion, en groupe de familles " (CIC, can. 1248, § 2).
Jour de grâce et de cessation du travail
2184 Comme Dieu " se reposa le septième
jour après tout le travail qu’il avait fait " (Gn 2, 2), la
vie humaine est rythmée par le travail et le repos. L’institution du
Jour du Seigneur contribue à ce que tous jouissent du temps de repos et
de loisir suffisant qui leur permette de cultiver leur vie familiale,
culturelle, sociale et religieuse (cf. GS 67, § 3).
2185 Pendant le dimanche et les autres jours de fête
de précepte, les fidèles s’abstiendront de se livrer à des travaux ou
à des activités qui empêchent le culte dû à Dieu, la joie propre au
Jour du Seigneur, la pratique des œuvres de miséricorde et la détente
convenable de l’esprit et du corps (cf. CIC, can. 1247). Les nécessités
familiales ou une grande utilité sociale constituent des excuses légitimes
vis-à-vis du précepte du repos dominical. Les fidèles veilleront à ce
que de légitimes excuses n’introduisent pas des habitudes préjudiciables
à la religion, à la vie de famille et à la santé.
L’amour de la vérité cherche le saint loisir,
la nécessité de l’amour accueille le juste travail (S. Augustin,
civ. 19, 19).
2186 Que les chrétiens qui disposent de loisirs se
rappellent leurs frères qui ont les mêmes besoins et les mêmes droits
et ne peuvent se reposer à cause de la pauvreté et de la misère. Le
dimanche est traditionnellement consacré par la piété chrétienne aux
bonnes œuvres et aux humbles services des malades, des infirmes, des
vieillards. Les chrétiens sanctifieront encore le dimanche en donnant à
leur famille et à leurs proches le temps et les soins, difficiles à
accorder les autres jours de la semaine. Le dimanche est un temps de réflexion,
de silence, de culture et de méditation qui favorisent la croissance de
la vie intérieure et chrétienne.
2187 Sanctifier les dimanches et jours de fête
exige un effort commun. Chaque chrétien doit éviter d’imposer sans nécessité
à autrui ce qui l’empêcherait de garder le jour du Seigneur. Quand les
coutumes (sport, restaurants, etc.) et les contraintes sociales (services
publics, etc.) requièrent de certains un travail dominical, chacun garde
la responsabilité d’un temps suffisant de loisir. Les fidèles
veilleront, avec tempérance et charité, à éviter les excès et les
violences engendrées parfois par des loisirs de masse. Malgré les
contraintes économiques, les pouvoirs publics veilleront à assurer aux
citoyens un temps destiné au repos et au culte divin. Les employeurs ont
une obligation analogue vis-à-vis de leurs employés.
2188 Dans le respect de la liberté religieuse et
du bien commun de tous, les chrétiens ont à faire reconnaître les
dimanches et jours de fête de l’Église comme des jours fériés légaux.
Ils ont à donner à tous un exemple public de prière, de respect et de
joie et à défendre leurs traditions comme une contribution précieuse à
la vie spirituelle de la société humaine. Si la législation du pays ou
d’autres raisons obligent à travailler le dimanche, que ce jour soit néanmoins
vécu comme le jour de notre délivrance qui nous fait participer à cette
" réunion de fête ", à cette " assemblée
des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux " (He 12,
22-23).
En bref
2189 " Observe le jour du sabbat pour le
sanctifier " (Dt 5, 12). " Le septième jour sera
jour de repos complet, consacré au Seigneur " (Ex 31, 15).
2190 Le Sabbat qui représentait l’achèvement de
la première création est remplacé par le dimanche qui rappelle la création
nouvelle, inaugurée à la résurrection du Christ.
2191 L’Église célèbre le jour de la Résurrection
du Christ le huitième jour, qui est nommé à bon droit jour du
Seigneur, ou dimanche (cf. SC 106).
2192 " Le dimanche ... doit être observé
dans l’Église tout entière comme le principal jour de fête de précepte "
(CIC, can. 1246, § 1). " Le dimanche et les autres jours de fête
de précepte, les fidèles sont tenus par l’obligation de participer
à la Messe " (CIC, can. 1247).
2193 " Le dimanche ou les autres jours de
précepte, les fidèles s’abstiendront de ces travaux et de ces
affaires qui empêchent le culte dû à Dieu, la joie propre du jour du
Seigneur ou la détente convenable de l’esprit et de l’âme "
(CIC, can. 1247).
2194 L’institution du dimanche contribue à ce que
" tous jouissent du temps de repos et de loisir suffisant qui
leur permette de cultiver leur vie familiale, culturelle, sociale et
religieuse " (GS 67, § 3).
2195 Chaque chrétien doit éviter d’imposer sans nécessité
à autrui ce qui l’empêcherait de garder le Jour du Seigneur.
CHAPITRE DEUXIÈME
" TU AIMERAS TON PROCHAIN COMME TOI-MÊME "
Jésus dit à ses disciples : " Aimez-vous
les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 13, 34).
2196 En réponse à la question posée sur le
premier des commandements, Jésus dit : " Le premier,
c’est : ‘Ecoute Israël ! Le Seigneur notre Dieu est
l’Unique Seigneur ; et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton
cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force !’
Voici le second : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’. Il
n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là " (Mc 12,
29-31).
L’apôtre S. Paul le rappelle : " Celui
qui aime autrui a de ce fait accompli la loi. En effet, le précepte :
tu ne commettras pas d’adultère ; tu ne tueras pas ; tu ne
voleras pas ; tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument
en ces mots : tu aimeras ton prochain comme toi-même. La charité ne
fait point de tort au prochain. La charité est donc la loi dans sa plénitude "
(Rm 13, 8-10).
ARTICLE 4
LE QUATRIÈME COMMANDEMENT
Honore ton père et ta mère afin d’avoir longue
vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne (Ex 20, 12).
Il leur était soumis (Lc 2, 51).
Le Seigneur Jésus a lui-même rappelé la force de
ce " commandement de Dieu " (Mc 7, 8-13). L’Apôtre
enseigne : " Enfants, obéissez à vos parents, dans le
Seigneur : cela est juste. ‘Honore ton père et ta mère’,
tel est le premier commandement auquel soit attaché une promesse :
‘pour que tu t’en trouves bien et jouisses d’une longue vie sur
la terre’ " (Ep 6, 1-3 ; cf. Dt 5, 16).
2197 Le quatrième commandement ouvre la seconde
table. Il indique l’ordre de la charité. Dieu a voulu qu’après Lui,
nous honorions nos parents à qui nous devons la vie et qui nous ont
transmis la connaissance de Dieu. Nous sommes tenus d’honorer et de
respecter tous ceux que Dieu, pour notre bien, a revêtus de son autorité.
2198 Ce précepte s’exprime sous la forme
positive de devoirs à accomplir. Il annonce les commandements suivants
qui concernent un respect particulier de la vie, du mariage, des biens
terrestres, de la parole. Il constitue l’un des fondements de la
doctrine sociale de l’Église.
2199 Le quatrième commandement s’adresse expressément
aux enfants dans leurs relations avec leurs père et mère, parce que
cette relation est la plus universelle. Il concerne également les
rapports de parenté avec les membres du groupe familial. Il demande de
rendre honneur, affection et reconnaissance aux aïeux et aux ancêtres.
Il s’étend enfin aux devoirs des élèves à l’égard du maître, des
employés à l’égard des employeurs, des subordonnés à l’égard de
leurs chefs, des citoyens à l’égard de leur patrie, de ceux qui
l’administrent ou la gouvernent.
Ce commandement implique et sous-entend les devoirs des
parents, tuteurs, maîtres, chefs, magistrats, gouvernants, de tous ceux
qui exercent une autorité sur autrui ou sur une communauté de personnes.
2200 L’observation du quatrième commandement
comporte sa récompense : " Honore ton père et ta mère
afin d’avoir longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne "
(Ex 20, 12 ; Dt 5, 16). Le respect de ce commandement procure avec
les fruits spirituels, des fruits temporels de paix et de prospérité. Au
contraire, l’inobservance de ce commandement entraîne de grands
dommages pour les communautés et pour les personnes humaines.
I. La famille dans le plan de Dieu
Nature de la famille
2201 La communauté conjugale est établie sur le
consentement des époux. Le mariage et la famille sont ordonnés au bien
des époux et à la procréation et à l’éducation des enfants.
L’amour des époux et la génération des enfants instituent entre les
membres d’une même famille des relations personnelles et des
responsabilités primordiales.
2202 Un homme et une femme unis en mariage forment
avec leurs enfants une famille. Cette disposition précède toute
reconnaissance par l’autorité publique ; elle s’impose à elle.
On la considérera comme la référence normale, en fonction de laquelle
doivent être appréciées les diverses formes de parenté.
2203 En créant l’homme et la femme, Dieu a
institué la famille humaine et l’a dotée de sa constitution
fondamentale. Ses membres sont des personnes égales en dignité. Pour le
bien commun de ses membres et de la société, la famille implique une
diversité de responsabilités, de droits et de devoirs.
La famille chrétienne
2204 " La famille chrétienne constitue
une révélation et une réalisation spécifiques de la communion ecclésiale ;
pour cette raison, ... elle doit être désignée comme une église
domestique " (FC 21 ; cf. LG 11). Elle est une
communauté de foi, d’espérance et de charité ; elle revêt dans
l’Église une importance singulière comme il apparaît dans le Nouveau
Testament (cf. Ep 5, 21-6. 4 ; Col 3, 18-21 ; 1 P 3, 1-7).
2205 La famille chrétienne est une communion de
personnes, trace et image de la communion du Père et du Fils dans
l’Esprit Saint. Son activité procréatrice et éducative est le reflet
de l’œuvre créatrice du Père. Elle est appelée à partager la prière
et le sacrifice du Christ. La prière quotidienne et la lecture de la
Parole de Dieu fortifient en elle la charité. La famille chrétienne est
évangélisatrice et missionnaire.
2206 Les relations au sein de la famille entraînent
une affinité de sentiments, d’affections et d’intérêts, qui
provient surtout du mutuel respect des personnes. La famille est une communauté
privilégiée appelée à réaliser " une mise en commun des
pensées entre les époux et aussi une attentive coopération des parents
dans l’éducation des enfants " (GS 52, § 1).
II. La famille et la société
2207 La famille est la cellule originelle de la
vie sociale. Elle est la société naturelle où l’homme et
la femme sont appelés au don de soi dans l’amour et dans le don de la
vie. L’autorité, la stabilité et la vie de relations au sein de la
famille constituent les fondements de la liberté, de la sécurité, de la
fraternité au sein de la société. La famille est la communauté dans
laquelle, dès l’enfance, on peut apprendre les valeurs morales,
commencer à honorer Dieu et bien user de la liberté. La vie de famille
est initiation à la vie en société.
2208 La famille doit vivre de façon que ses
membres apprennent le souci et la prise en charge des jeunes et des
anciens, des personnes malades ou handicapées et des pauvres. Nombreuses
sont les familles qui, à certains moments, ne se trouvent pas en mesure
de fournir cette aide. Il revient alors à d’autres personnes, à
d’autres familles et, subsidiairement, à la société, de pourvoir à
leurs besoins : " La dévotion pure et sans tache devant
Dieu notre Père consiste en ceci : visiter orphelins et veuves dans
leurs épreuves et se garder de toute souillure du monde " (Jc
1, 27).
2209 La famille doit être aidée et défendue par
les mesures sociales appropriées. Là où les familles ne sont pas en
mesure de remplir leurs fonctions, les autres corps sociaux ont le devoir
de les aider et de soutenir l’institution familiale. Suivant le principe
de subsidiarité, les communautés plus vastes se garderont d’usurper
ses pouvoirs ou de s’immiscer dans sa vie.
2210 L’importance de la famille pour la vie et le
bien-être de la société (cf. GS 47, § 1) entraîne une responsabilité
particulière de celle-ci dans le soutien et l’affermissement du mariage
et de la famille. Que le pouvoir civil considère comme un devoir grave de
" reconnaître et de protéger la vraie nature du mariage et de
la famille, de défendre la moralité publique et de favoriser la prospérité
des foyers " (GS 52, § 2).
2211 La communauté politique a le devoir
d’honorer la famille, de l’assister, de lui assurer notamment :
– la liberté de fonder un foyer, d’avoir des
enfants et de les élever en accord avec ses propres convictions morales
et religieuses ;
– la protection de la stabilité du lien conjugal et
de l’institution familiale ;
– la liberté de professer sa foi, de la transmettre,
d’élever ses enfants en elle, avec les moyens et les institutions nécessaires ;
– le droit à la propriété privée, la liberté
d’entreprendre, d’obtenir un travail, un logement, le droit d’émigrer ;
– selon les institutions des pays, le droit aux soins
médicaux, à l’assistance pour les personnes âgées, aux allocations
familiales ;
– le protection de la sécurité et de la salubrité,
notamment à l’égard des dangers comme la drogue, la pornographie,
l’alcoolisme, etc.
– la liberté de former des associations avec
d’autres familles et d’être ainsi représentées auprès des autorités
civiles (cf. FC 46).
2212 Le quatrième commandement éclaire les
autres relations dans la société. Dans nos frères et sœurs, nous
voyons les enfants de nos parents ; dans nos cousins, les descendants
de nos aïeux ; dans nos concitoyens, les fils de notre patrie ;
dans les baptisés, les enfants de notre mère, l’Église ; dans
toute personne humaine, un fils ou une fille de Celui qui veut être appelé
" notre Père ". Par là, nos relations avec notre
prochain sont reconnues d’ordre personnel. Le prochain n’est pas un
" individu " de la collectivité humaine ; il est
" quelqu’un " qui, par ses origines connues mérite
une attention et un respect singuliers.
2213 Les communautés humaines sont composées
de personnes. Leur bon gouvernement ne se limite pas à la garantie
des droits et à l’accomplissement des devoirs, ainsi qu’à la fidélité
aux contrats. De justes relations entre employeurs et employés,
gouvernants et citoyens, supposent la bienveillance naturelle conforme à
la dignité des personnes humaines, soucieuses de justice et de fraternité.
III. Devoirs des membres de la famille
Devoirs des enfants
2214 La paternité divine est la source de la
paternité humaine (cf. Ep 3, 14) ; c’est elle qui fonde
l’honneur des parents. Le respect des enfants, mineurs ou adultes, pour
leurs père et mère (cf. Pr 1, 8 ; Tb 4, 3-4) se nourrit de
l’affection naturelle née du lien qui les unit. Il est demandé par le
précepte divin (cf. Ex 20, 12).
2215 Le respect pour les parents (piété
filiale) est fait de reconnaissance à l’égard de ceux qui,
par le don de la vie, leur amour et leur travail, ont mis leurs enfants au
monde et leur ont permis de grandir en taille, en sagesse et en grâce.
" De tout ton cœur, glorifie ton père et n’oublie pas les
douleurs de ta mère. Souviens-toi qu’ils t’ont donné le jour ;
comment leur rendras-tu ce qu’ils ont fait pour toi ? "
(Si 7, 27-28).
2216 Le respect filial se révèle par la docilité
et l’obéissance véritables. " Garde, mon fils, le précepte
de ton père, ne rejette pas l’enseignement de ta mère ... Dans tes démarches,
ils te guideront ; dans ton repos, ils te garderont ; à ton réveil,
ils te parleront " (Pr 6, 20-22). " Un fils sage aime
la remontrance, mais un moqueur n’écoute pas le reproche "
(Pr 13, 1).
2217 Aussi longtemps que l’enfant vit au domicile
de ses parents, l’enfant doit obéir à toute demande des parents motivée
par son bien ou par celui de la famille. " Enfants, obéissez en
tout à vos parents, car cela est agréable au Seigneur " (Col
3, 20 ; cf. Ep 6, 1). Les enfants ont encore à obéir aux
prescriptions raisonnables de leurs éducateurs et de tous ceux auxquels
les parents les ont confiés. Mais si l’enfant est persuadé en
conscience qu’il est moralement mauvais d’obéir à tel ordre, qu’il
ne le suive pas.
En grandissant, les enfants continueront à respecter
leurs parents. Ils préviendront leurs désirs, solliciteront volontiers
leurs conseils et accepteront leurs admonestations justifiées. L’obéissance
envers les parents cesse avec l’émancipation des enfants, mais non
point le respect qui reste dû à jamais. Celui-ci trouve, en effet, sa
racine dans la crainte de Dieu, un des dons du Saint-Esprit.
2218 Le quatrième commandement rappelle aux
enfants devenus grands, leurs responsabilités envers les
parents. Autant qu’ils le peuvent, ils doivent leur donner l’aide
matérielle et morale, dans les années de vieillesse, et durant le temps
de maladie, de solitude ou de détresse. Jésus rappelle ce devoir de
reconnaissance (cf. Mc 7, 10-12).
Le Seigneur a glorifié le père devant les enfants
et il a affermi le droit de la mère sur les fils. Qui honore son père
expie ses péchés et qui glorifie sa mère amasse un trésor. Qui
honore son père trouvera de la joie dans ses enfants et au jour de la
prière il sera exaucé. Qui glorifie son père aura de longs jours et
qui obéit au Seigneur donnera du repos à sa mère (Si 3, 2-6).
Enfant, viens en aide à ton père dans sa
vieillesse et ne l’attriste pas durant sa vie. Même si son esprit
faiblit, sois indulgent, ne le méprise pas quand tu es en pleine
force ... Tel un blasphémateur, celui qui délaisse son père, un
maudit du Seigneur celui qui rudoie sa mère (Si 3, 12. 16).
2219 Le respect filial favorise l’harmonie de
toute la vie familiale, il concerne aussi les relations entre frères
et sœurs. Le respect envers les parents irradie tout le milieu
familial. " La couronne des vieillards, les enfants de leurs
enfants " (Pr 17, 6). " Supportez-vous les uns les
autres dans la charité, en toute humilité, douceur et patience "
(Ep 4, 2).
2220 Pour les chrétiens, une spéciale gratitude
est due à ceux dont ils ont reçu le don de la foi, la grâce du baptême
et la vie dans l’Église. Il peut s’agir des parents, d’autres
membres de la famille, des grands-parents, des pasteurs, des catéchistes,
d’autres maîtres ou amis. " J’évoque le souvenir de la foi
sans feinte qui est en toi, celle qui habite d’abord en ta grand-mère
Loïs et en ta mère, Eunice, et qui, j’en suis persuadé, est aussi en
toi " (2 Tm 1, 5).
Devoirs des parents
2221 La fécondité de l’amour conjugal ne se réduit
pas à la seule procréation des enfants, mais doit s’étendre à leur
éducation morale et à leur formation spirituelle. " Le rôle
des parents dans l’éducation est d’une telle importance qu’il
est presque impossible de les remplacer " (GE 3). Le droit et le
devoir d’éducation sont pour les parents primordiaux et inaliénables
(cf. FC 36).
2222 Les parents doivent regarder leurs enfants
comme des enfants de Dieu et les respecter comme des personnes
humaines. Ils éduquent leurs enfants à accomplir la loi de Dieu, en
se montrant eux-mêmes obéissants à la volonté du Père des Cieux.
2223 Les parents sont les premiers responsables de
l’éducation de leurs enfants. Ils témoignent de cette responsabilité
d’abord par la création d’un foyer, où la tendresse, le
pardon, le respect, la fidélité et le service désintéressé sont de règle.
Le foyer est un lieu approprié à l’éducation des vertus.
Celle-ci requiert l’apprentissage de l’abnégation, d’un sain
jugement, de la maîtrise de soi, conditions de toute liberté véritable.
Les parents enseigneront aux enfants à subordonner " les
dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et
spirituelles " (CA 36). C’est une grave responsabilité pour
les parents de donner de bons exemples à leurs enfants. En sachant
reconnaître devant eux leurs propres défauts, ils seront mieux à même
de les guider et de les corriger :
" Qui aime son fils lui prodigue des
verges, qui corrige son fils en tirera profit " (Si 30,
1-2). " Et vous, pères, n’irritez pas vos enfants, élevez-les
au contraire en les corrigeant et avertissant selon le Seigneur "
(Ep 6, 4).
2224 Le foyer constitue un milieu naturel pour
l’initiation de l’être humain à la solidarité et aux responsabilités
communautaires. Les parents enseigneront aux enfants à se garder des
compromissions et des dégradations qui menacent les sociétés humaines.
2225 Par la grâce du sacrement de mariage, les
parents ont reçu la responsabilité et le privilège d’évangéliser
leurs enfants. Ils les initieront dès le premier âge aux mystères
de la foi dont ils sont pour leurs enfants les " premiers hérauts "
(LG 11). Ils les associeront dès leur plus tendre enfance à la vie de
l’Église. Les manières de vivre familiales peuvent nourrir les
dispositions affectives qui durant la vie entière restent
d’authentiques préambules et des soutiens d’une foi vivante.
2226 L’éducation à la foi par les
parents doit commencer dès la plus tendre enfance. Elle se donne déjà
quand les membres de la famille s’aident à grandir dans la foi par le témoignage
d’une vie chrétienne en accord avec l’Evangile. La catéchèse
familiale précède, accompagne et enrichit les autres formes
d’enseignement de la foi. Les parents ont la mission d’apprendre à
leurs enfants à prier et à découvrir leur vocation d’enfants de Dieu
(cf. LG 11). La paroisse est la communauté eucharistique et le cœur de
la vie liturgique des familles chrétiennes ; elle est un lieu privilégié
de la catéchèse des enfants et des parents.
2227 Les enfants à leur tour contribuent à la croissance
de leurs parents dans la sainteté (cf. GS 48, § 4). Tous et
chacun s’accorderont généreusement et sans se lasser les pardons
mutuels exigés par les offenses, les querelles, les injustices et les
abandons. L’affection mutuelle le suggère. La charité du Christ le
demande (cf. Mt 18, 21-22 ; Lc 17, 4).
2228 Durant l’enfance, le respect et
l’affection des parents se traduisent d’abord par le soin et par
l’attention qu’ils consacrent à élever leurs enfants, à pourvoir
à leurs besoins physiques et spirituels. Au cours de la
croissance, le même respect et le même dévouement conduisent les
parents à éduquer leurs enfants à user droitement de leur raison et de
leur liberté.
2229 Premiers responsables de l’éducation de
leurs enfants, les parents ont le droit de choisir pour eux une
école qui correspond à leur propres convictions. Ce droit est
fondamental. Les parents ont, autant que possible, le devoir de choisir
les écoles qui les assisteront au mieux dans leur tâche d’éducateurs
chrétiens (cf. GE 6). Les pouvoirs publics ont le devoir de garantir ce
droit des parents et d’assurer les conditions réelles de son exercice
2230 En devenant adultes, les enfants ont le devoir
et le droit de choisir leur profession et leur état de vie. Ils
assumeront ces nouvelles responsabilités dans la relation confiante à
leurs parents dont ils demanderont et recevront volontiers les avis et les
conseils. Les parents veilleront à ne contraindre leurs enfants ni dans
le choix d’une profession, ni dans celui d’un conjoint. Ce devoir de réserve
ne leur interdit pas, bien au contraire, de les aider par des avis
judicieux, particulièrement lorsque ceux-ci envisagent de fonder un
foyer.
2231 Certains ne se marient pas en vue de prendre
soin de leurs parents, ou de leurs frères et sœurs, de s’adonner plus
exclusivement à une profession ou pour d’autres motifs honorables. Ils
peuvent contribuer grandement au bien de la famille humaine.
IV. La famille et le royaume
2232 Les liens familiaux, s’ils sont importants,
ne sont pas absolus. De même que l’enfant grandit vers sa maturité et
son autonomie humaines et spirituelles, de même sa vocation singulière
qui vient de Dieu s’affirme avec plus de clarté et de force. Les
parents respecteront cet appel et favoriseront la réponse de leurs
enfants à le suivre. Il faut se convaincre que la vocation première du
chrétien est de suivre Jésus (cf. Mt 16, 25) : " Qui
aime père et mère plus que moi, n’est pas digne de moi, et qui aime
fils ou fille plus que moi n’est pas digne de moi " (Mt 10,
37).
2233 Devenir disciple de Jésus, c’est accepter
l’invitation d’appartenir à la famille de Dieu, de vivre en
conformité avec sa manière de vivre : " Quiconque fait la
volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère et
ma sœur, et ma mère " (Mt 12, 49).
Les parents accueilleront et respecteront avec joie et
action de grâce l’appel du Seigneur à un de leurs enfants de le suivre
dans la virginité pour le Royaume, dans la vie consacrée ou dans le
ministère sacerdotal.
V. Les autorités dans la société civile
2234 Le quatrième commandement de Dieu nous
ordonne aussi d’honorer tous ceux qui, pour notre bien, ont reçu de
Dieu une autorité dans la société. Il éclaire les devoirs de ceux qui
exercent l’autorité comme de ceux à qui elle bénéficie.
Devoirs des autorités civiles
2235 Ceux qui exercent une autorité doivent
l’exercer comme un service. " Celui qui voudra devenir grand
parmi vous, sera votre serviteur " (Mt 20, 26). L’exercice
d’une autorité est moralement mesuré par son origine divine, sa nature
raisonnable et son objet spécifique. Nul ne peut commander ou instituer
ce qui est contraire à la dignité des personnes et à la loi naturelle.
2236 L’exercice de l’autorité vise à rendre
manifeste une juste hiérarchie des valeurs afin de faciliter l’exercice
de la liberté et de la responsabilité de tous. Les supérieurs exercent
la justice distributive avec sagesse, tenant compte des besoins et de la
contribution de chacun et en vue de la concorde et de la paix. Ils
veillent à ce que les règles et dispositions qu’ils prennent
n’induisent pas en tentation en opposant l’intérêt personnel à
celui de la communauté (cf. CA 25).
2237 Les pouvoirs politiques sont tenus de
respecter les droits fondamentaux de la personne humaine. Ils rendront
humainement la justice dans le respect du droit de chacun, notamment des
familles et des déshérités.
Les droits politiques attachés à la citoyenneté
peuvent et doivent être accordés selon les exigences du bien commun. Ils
ne peuvent être suspendus par les pouvoirs publics sans motif légitime
et proportionné. L’exercice des droits politiques est destiné au bien
commun de la nation et de la communauté humaine.
Devoirs des citoyens
2238 Ceux qui sont soumis à l’autorité
regarderont leurs supérieurs comme représentants de Dieu qui les a
institués ministres de ses dons (cf. Rm 13, 1-2) : " Soyez
soumis, à cause du Seigneur, à toute institution humaine... Agissez en
hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leur
malice, mais en serviteurs de Dieu " (1 P 2, 13. 16). Leur
collaboration loyale comporte le droit, parfois le devoir d’exercer une
juste remontrance sur ce qui leur paraîtrait nuisible à la dignité des
personnes et au bien de la communauté.
2239 Le devoir des citoyens est de
contribuer avec les pouvoirs civils au bien de la société dans un esprit
de vérité, de justice, de solidarité et de liberté. L’amour et le
service de la patrie relèvent du devoir de reconnaissance et de
l’ordre de la charité. La soumission aux autorités légitimes et le
service du bien commun exigent des citoyens qu’ils accomplissent leur rôle
dans la vie de la communauté politique.
2240 La soumission à l’autorité et la
coresponsabilité du bien commun exigent moralement le paiement des impôts,
l’exercice du droit de vote, la défense du pays :
Rendez à tous ce qui leur est dû : à qui
l’impôt, l’impôt ; à qui les taxes, les taxes ; à
qui la crainte, la crainte ; à qui l’honneur, l’honneur (Rm
13, 7).
Les chrétiens résident dans leur propre patrie,
mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous
leurs devoirs de citoyens et supportent toutes leurs charges comme des
étrangers ... Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de
vivre l’emporte sur les lois ... Si noble est le poste que Dieu leur
a assigné qu’il ne leur est pas permis de déserter (Epître à
Diognète 5, 5. 10 ; 6, 10).
L’Apôtre nous exhorte à faire des
prières et des actions de grâce pour les rois et pour tous ceux qui
exercent l’autorité, " afin que nous puissions mener une vie
calme et paisible en toute piété et dignité " (1 Tm 2, 2).
2241 Les nations mieux pourvues sont tenues
d’accueillir autant que faire se peut l’étranger en quête de
la sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans son
pays d’origine. Les pouvoirs publics veilleront au respect du droit
naturel qui place l’hôte sous la protection de ceux qui le reçoivent.
Les autorités politiques peuvent en vue du bien commun
dont ils ont la charge subordonner l’exercice du droit d’immigration
à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des
migrants à l’égard du pays d’adoption. L’immigré est tenu de
respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son
pays d’accueil, d’obéir à ses lois et de contribuer à ses charges.
2242 Le citoyen est obligé en conscience de ne pas
suivre les prescriptions des autorités civiles quand ces préceptes sont
contraires aux exigences de l’ordre moral, aux droits fondamentaux des
personnes ou aux enseignements de l’Evangile. Le refus d’obéissance
aux autorités civiles, lorsque leurs exigences sont contraires à celles
de la conscience droite, trouve sa justification dans la distinction entre
le service de Dieu et le service de la communauté politique. " Rendez
à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à
Dieu " (Mt 22, 21). " Il faut obéir à Dieu plutôt
qu’aux hommes " (Ac 5, 29) :
Si l’autorité publique, débordant sa compétence,
opprime les citoyens, que ceux-ci ne refusent pas ce qui est
objectivement demandé par le bien commun. Il leur est cependant
permis de défendre leurs droits et ceux de leurs concitoyens contre
les abus du pouvoir, en respectant les limites tracées par la loi
naturelle et la loi évangélique (GS 74, § 5).
2243 La résistance à l’oppression du
pouvoir politique ne recourra pas légitimement aux armes, sauf si se
trouvent réunis les conditions suivantes : (1) en cas de violations
certaines, graves et prolongées des droits fondamentaux ; (2) après
avoir épuisé tous les autres recours ; (3) sans provoquer des désordres
pires ; (4) qu’il y ait un espoir fondé de réussite ; (5)
s’il est impossible de prévoir raisonnablement des solutions
meilleures.
La communauté politique et l’Église
2244 Toute institution s’inspire, même
implicitement, d’une vision de l’homme et de sa destinée, d’où
elle tire ses références de jugement, sa hiérarchie des valeurs, sa
ligne de conduite. La plupart des sociétés ont référé leur
institutions à une certaine prééminence de l’homme sur les choses.
Seule la Religion divinement révélée a clairement reconnu en Dieu, Créateur
et Rédempteur, l’origine et la destinée de l’homme. L’Église
invite les pouvoirs politiques à référer leurs jugements et leurs décisions
à cette inspiration de la Vérité sur Dieu et sur l’homme :
Les sociétés qui ignorent cette inspiration ou la
refusent au nom de leur indépendance par rapport à Dieu, sont amenées
à chercher en elles-mêmes ou à emprunter à une idéologie leurs références
et leur fin, et, n’admettant pas que l’on défende un critère
objectif du bien et du mal, se donnent sur l’homme et sur sa destinée
un pouvoir totalitaire, déclaré ou sournois, comme le montre
l’histoire (cf. CA 45 ; 46).
2245 L’ Église qui, en raison de sa
charge et de sa compétence, ne se confond d’aucune manière avec la
communauté politique, est à la fois le signe et la sauvegarde du caractère
transcendant de la personne humaine. " L’Église respecte et
promeut la liberté politique et la responsabilité des citoyens "
(GS 76, § 3).
2246 Il appartient à la mission de l’Église de
" porter un jugement moral, même en des matières qui touchent
le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le
salut des âmes l’exigent, en utilisant tous les moyens, et ceux-là
seulement, qui sont conformes à l’Evangile et en harmonie avec le bien
de tous, selon la diversité des temps et des situations " (GS
76, § 5).
En bref
2247 " Honore ton père et ta mère "
(Dt 5, 16 ; Mc 7, 8).
2248 Selon le quatrième commandement, Dieu a voulu
qu’après lui, nous honorions nos parents et ceux qu’il a, pour
notre bien, revêtus d’ autorité.
2249 La communauté conjugale est établie sur
l’alliance et le consentement des époux. Le mariage et la famille
sont ordonnés au bien des conjoints, à la procréation et à l’éducation
des enfants.
2250 " Le bien humain et chrétien de la
personne et de la société est étroitement lié à la bonne santé de
la communauté conjugale et familiale " (GS 47, § 1).
2251 Les enfants doivent à leurs parents respect,
gratitude, juste obéissance et aide. Le respect filial favorise
l’harmonie de toute la vie familiale.
2252 Les parents sont les premiers responsables de
l’éducation de leurs enfants à la foi, à la prière et à toutes
les vertus. Ils ont le devoir de pourvoir dans toute la mesure du
possible aux besoins physiques et spirituels de leurs enfants.
2253 Les parents doivent respecter et favoriser la
vocation de leurs enfants. Ils se rappelleront et enseigneront que le
premier appel du chrétien, c’est de suivre Jésus.
2254 L’autorité publique est tenue de respecter
les droits fondamentaux de la personne humaine et les conditions
d’exercice de sa liberté.
2255 Le devoir des citoyens est de travailler avec
les pouvoirs civils à l’édification de la société dans un esprit
de vérité, de justice, de solidarité et de liberté.
2256 Le citoyen est obligé en conscience de ne pas
suivre les prescriptions des autorités civiles quand ces préceptes
sont contraires aux exigences de l’ordre moral. " Il faut obéir
à Dieu plutôt qu’aux hommes " (Ac 5, 29).
2257 Toute société réfère ses jugements et sa
conduite à une vision de l’homme et de sa destinée. Hors des lumières
de l’Evangile sur Dieu et sur l’homme, les sociétés deviennent aisément
totalitaires.
ARTICLE 5
LE CINQUIÈME COMMANDEMENT
Tu ne commettras pas de meurtre (Ex 20, 13).
Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens :
" Tu ne tueras pas. Celui qui tuera sera passible du
jugement. " Et moi, je vous dis que quiconque se met en colère
contre son frère sera passible du jugement (Mt 5, 21-22).
2258 " La vie humaine est sacrée
parce que, dès son origine, elle comporte l’action créatrice de Dieu
et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur,
son unique fin. Dieu seul est le maître de la vie de son commencement à
son terme : personne en aucune circonstance ne peut revendiquer pour
soi le droit de détruire directement un être humain innocent "
(CDF, instr. " Donum vitæ " intr. 5).
I. Le respect de la vie humaine
Le témoignage de l’Histoire Sainte
2259 L’Écriture, dans le récit du meurtre
d’Abel par son frère Caïn (cf. Gn 4, 8-12), révèle, dès les débuts
de l’histoire humaine, la présence dans l’homme de la colère et de
la convoitise, conséquences du péché originel. L’homme est devenu
l’ennemi de son semblable. Dieu dit la scélératesse de ce fratricide :
" Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie vers
moi. Maintenant donc maudit sois-tu de par le sol qui a ouvert sa bouche
pour prendre de ta main le sang de ton frère " (Gn 4, 10-11).
2260 L’alliance de Dieu et de l’humanité est
tissée des rappels du don divin de la vie humaine et de la violence
meurtrière de l’homme :
Je demanderai compte du sang de chacun de vous ...
Qui verse le sang de l’homme, par l’homme aura son sang versé.
Car à l’image de Dieu l’homme a été fait (Gn 9, 5-6).
L’Ancien Testament a toujours considéré le sang
comme un signe sacré de la vie (cf. Lv 17, 14). La nécessité de cet
enseignement est de tous les temps.
2261 L’Écriture précise l’interdit du cinquième
commandement : " Tu ne tueras pas l’innocent ni le juste "
(Ex 23, 7). Le meurtre volontaire d’un innocent est gravement contraire
à la dignité de l’être humain, à la règle d’or et à la sainteté
du Créateur. La loi qui le proscrit est universellement valable :
elle oblige tous et chacun, toujours et partout.
2262 Dans le Sermon sur la Montagne, le Seigneur
rappelle le précepte : " Tu ne tueras pas " (Mt
5, 21), il y ajoute la proscription de la colère, de la haine et de la
vengeance. Davantage encore, le Christ demande à son disciple de tendre
l’autre joue (cf. Mt 5, 22-39), d’aimer ses ennemis (cf. Mt 5, 44).
Lui-même ne s’est pas défendu et a dit à Pierre de laisser l’épée
au fourreau (cf. Mt 26, 57).
La légitime défense
2263 La défense légitime des personnes et des
sociétés n’est pas une exception à l’interdit du meurtre de
l’innocent que constitue l’homicide volontaire. " L’action
de se défendre peut entraîner un double effet : l’un est la
conservation de sa propre vie, l’autre la mort de l’agresseur ...
L’un seulement est voulu ; l’autre ne l’est pas " (S.
Thomas d’A., s. th. 2-2, 64, 7).
2264 L’amour envers soi-même demeure un principe
fondamental de la moralité. Il est donc légitime de faire respecter son
propre droit à la vie. Qui défend sa vie n’est pas coupable
d’homicide même s’il est contraint de porter à son agresseur un coup
mortel :
Si pour se défendre on exerce une violence plus
grande qu’il ne faut, ce sera illicite. Mais si l’on repousse la
violence de façon mesurée, ce sera licite... Et il n’est pas nécessaire
au salut que l’on omette cet acte de protection mesurée pour éviter
de tuer l’autre ; car on est davantage tenu de veiller à sa
propre vie qu’à celle d’autrui (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 64,
7).
2265 En plus d’un droit, la légitime défense
peut être un devoir grave, pour qui est responsable de la vie d’autrui.
La défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur
hors d’état de nuire. A ce titre, les détenteurs légitimes de
l’autorité ont le droit de recourir même aux armes pour repousser les
agresseurs de la communauté civile confiée à leur responsabilité.
2266 L’effort fait par l’Etat pour empêcher la
diffusion de comportements qui violent les droits de l’homme et les règles
fondamentales du vivre ensemble civil, correspond à une exigence de la
protection du bien commun. L’autorité publique légitime a le droit et
le devoir d’infliger des peines proportionnelles à la gravité du délit.
La peine a pour premier but de réparer le désordre introduit par la
faute. Quand cette peine est volontairement acceptée par le coupable,
elle a valeur d’expiation. La peine, en plus de protéger l’ordre
public et la sécurité des personnes, a un but médicinal: elle doit,
dans la mesure du possible, contribuer à l’amendement du coupable.
2267 L’enseignement traditionnel de l’Eglise
n’exclut pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont
pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, si celle-ci est
l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste
agresseur la vie d’êtres humains.
Mais si des moyens non sanglants suffisent à défendre
et à protéger la sécurité des personnes contre l’agresseur,
l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci
correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun et sont plus
conformes à la dignité de la personne humaine.
Aujourd’hui, en effet, étant données les possibilités
dont l’Etat dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant
incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever définitivement
la possibilité de se repentir, les cas d’absolue nécessité de
supprimer le coupable " sont désormais assez rares, sinon même
pratiquement inexistants " (Evangelium vitae, n. 56).
L’homicide volontaire
2268 Le cinquième commandement proscrit comme
gravement peccamineux l’homicide direct et volontaire. Le
meurtrier et ceux qui coopèrent volontairement au meurtre commettent un péché
qui crie vengeance au ciel (cf. Gn 4, 10).
L’infanticide (cf. GS 51, § 3), le fratricide, le
parricide et le meurtre du conjoint sont des crimes spécialement graves
en raison des liens naturels qu’il brisent. Des préoccupations d’eugénisme
ou d’hygiène publique ne peuvent justifier aucun meurtre, fût-il
commandé par les pouvoirs publics.
2269 Le cinquième commandement interdit de ne rien
faire dans l’intention de provoquer indirectement la mort d’une
personne. La loi morale défend d’exposer sans raison grave quelqu’un
à un risque mortel ainsi que de refuser l’assistance à une personne en
danger.
L’acceptation par la société humaine de famines
meurtrières sans s’efforcer d’y porter remède est une scandaleuse
injustice et une faute grave. Les trafiquants, dont les pratiques usurières
et mercantiles provoquent la faim et la mort de leurs frères en humanité,
commettent indirectement un homicide. Celui-ci leur est imputable (cf. Am
8, 4-10).
L’homicide involontaire n’est pas moralement
imputable. Mais on n’est pas excusé d’une faute grave si, sans
raisons proportionnées, on a agit de manière à entraîner la mort, même
sans l’intention de la donner.
L’avortement
2270 La vie humaine doit être respectée et protégée
de manière absolue depuis le moment de la conception. Dès le premier
moment de son existence, l’être humain doit se voir reconnaître les
droits de la personne, parmi lesquels le droit inviolable de tout être
innocent à la vie (cf. CDF, instr. " Donum vitæ " 1,
1).
Avant d’être façonné dans le ventre maternel,
je te connaissais. Avant ta sortie du sein, je t’ai consacré (Jr 1,
5 ; cf. Jb 10, 8-12 ; Ps 22, 10-11).
Mes os n’étaient point cachés devant toi quand
je fus fait dans le secret, brodé dans les profondeurs de la terre
(Ps 139, 15).
2271 Depuis le premier siècle, l’Église a
affirmé la malice morale de tout avortement provoqué. Cet enseignement
n’a pas changé. Il demeure invariable. L’avortement direct, c’est-à-dire
voulu comme une fin ou comme un moyen, est gravement contraire à la loi
morale :
Tu ne tueras pas l’embryon par l’avortement et
tu ne feras pas périr le nouveau-né (Didaché 2, 2 ; cf. Barnabé,
ep. 19, 5 ; Epître à Diognète 5, 5 ; Tertullien, apol.
9).
Dieu, maître de la vie, a confié aux hommes le
noble ministère de la vie, et l’homme doit s’en acquitter d’une
manière digne de lui. La vie doit donc être sauvegardée avec soin
extrême dès la conception : l’avortement et l’infanticide
sont des crimes abominables (GS 51, § 3).
2272 La coopération formelle à un avortement
constitue une faute grave. L’Église sanctionne d’une peine canonique
d’excommunication ce délit contre la vie humaine. " Qui
procure un avortement, si l’effet s’en suit, encourt
l’excommunication latæ sententiæ " (CIC, can. 1398) " par
le fait même de la commission du délit " (CIC, can. 1314) et
aux conditions prévues par le Droit (cf. CIC, can. 1323-1324). L’Église
n’entend pas ainsi restreindre le champ de la miséricorde. Elle
manifeste la gravité du crime commis, le dommage irréparable causé à
l’innocent mis à mort, à ses parents et à toute la société.
2273 Le droit inaliénable à la vie de tout
individu humain innocent constitue un élément constitutif de la société
civile et de sa législation :
" Les droits inaliénables de la personne
devront être reconnus et respectés par la société civile et
l’autorité politique. Les droits de l’homme ne dépendent ni des
individus, ni des parents, et ne représentent pas même une concession de
la société et de l’état ; ils appartiennent à la nature humaine
et sont inhérents à la personne en raison de l’acte créateur dont
elle tire son origine. Parmi ces droits fondamentaux, il faut nommer le
droit à la vie et à l’intégrité physique de tout être humain depuis
la conception jusqu’à la mort " (CDF, instr. " Donum
vitæ " 3).
" Dans le moment où une loi positive prive
une catégorie d’êtres humains de la protection que la législation
civile doit leur accorder, l’Etat en vient à nier l’égalité de tous
devant la loi. Quand l’Etat ne met pas sa force au service des droits de
tous les citoyens, et en particulier des plus faibles, les fondements même
d’un état de droit se trouvent menacés... Comme conséquence du
respect et de la protection qui doivent être assurés à l’enfant dès
le moment de sa conception, la loi devra prévoir des sanctions pénales
appropriées pour toute violation délibérée de ses droits "
(CDF, instr. " Donum vitæ " 3)
2274 Puisqu’il doit être traité comme une
personne, dès la conception, l’embryon devra être défendu dans son
intégrité, soigné et guéri, dans la mesure du possible comme tout
autre être humain.
Le diagnostic prénatal est moralement licite,
" s’il respecte la vie et l’intégrité de l’embryon et du
fœtus humain, et s’il est orienté à sa sauvegarde ou à sa guérison
individuelle ... Il est gravement en opposition avec la loi morale, quand
il prévoit, en fonction des résultats, l’éventualité de provoquer un
avortement. Un diagnostic ne doit pas être l’équivalent d’une
sentence de mort " (CDF, instr. " Donum vitæ "
1, 2).
2275 " On doit considérer comme licite
les interventions sur l’embryon humain, à condition qu’elles
respectent la vie et l’intégrité de l’embryon et qu’elles ne
comportent pas pour lui de risques disproportionnés, mais qu’elles
visent à sa guérison, à l’amélioration de ses conditions de santé,
ou à sa survie individuelle " (CDF, instr. " Donum
vitæ " 1, 3).
" Il est immoral de produire des embryons
humains destinés à être exploités comme un matériau biologique
disponible (CDF, instr. " Donum vitæ " 1, 5).
" Certaines tentatives d’intervention
sur le patrimoine chromosomique ou génétique ne sont pas thérapeutiques,
mais tendent à la production d’êtres humains sélectionnés selon le
sexe ou d’autres qualités préétablies. Ces manipulations sont
contraires à la dignité personnelle de l’être humain, à son intégrité
et à son identité " unique, non réitérable (CDF, instr.
" Donum vitæ " 1, 6).
L’euthanasie
2276 Ceux dont la vie est diminuée où affaiblie réclament
un respect spécial. Les personnes malades ou handicapées doivent être
soutenues pour mener une vie aussi normale que possible.
2277 Quels qu’en soient les motifs et les moyens,
l’euthanasie directe consiste à mettre fin à la vie de personnes
handicapées, malades ou mourantes. Elle est moralement irrecevable.
Ainsi une action ou une omission qui, de soi ou dans
l’intention, donne la mort afin de supprimer la douleur, constitue un
meurtre gravement contraire à la dignité de la personne humaine et au
respect du Dieu vivant, son Créateur. L’erreur de jugement dans
laquelle on peut être tombé de bonne foi, ne change pas la nature de cet
acte meurtrier, toujours à proscrire et à exclure.
2278 La cessation de procédures médicales onéreuses,
périlleuses, extraordinaires ou disproportionnées avec les résultats
attendus peut être légitime. C’est le refus de " l’acharnement
thérapeutique ". On ne veut pas ainsi donner la mort ; on
accepte de ne pas pouvoir l’empêcher. Les décisions doivent être
prises par le patient s’il en a la compétence et la capacité, ou sinon
par les ayant droit légaux, en respectant toujours la volonté
raisonnable et les intérêts légitimes du patient.
2279 Même si la mort est considérée comme
imminente, les soins ordinairement dus à une personne malade ne peuvent
être légitimement interrompus. L’usage des analgésiques pour alléger
les souffrances du moribond, même au risque d’abréger ses jours, peut
être moralement conforme à la dignité humaine si la mort n’est pas
voulue, ni comme fin ni comme moyen, mais seulement prévue et tolérée
comme inévitable. Les soins palliatifs constituent une forme privilégiée
de la charité désintéressée. A ce titre ils doivent être encouragés.
Le suicide
2280 Chacun est responsable de sa vie devant Dieu
qui la lui a donnée. C’est Lui qui en reste le souverain Maître. Nous
sommes tenus de la recevoir avec reconnaissance et de la préserver pour
son honneur et le salut de nos âmes. Nous sommes les intendants et non
les propriétaires de la vie que Dieu nous a confiée. Nous n’en
disposons pas.
2281 Le suicide contredit l’inclination naturelle
de l’être humain à conserver et à perpétuer sa vie. Il est gravement
contraire au juste amour de soi. Il offense également l’amour du
prochain, parce qu’il brise injustement les liens de solidarité avec
les sociétés familiale, nationale et humaine à l’égard desquelles
nous demeurons obligés. Le suicide est contraire à l’amour du Dieu
vivant.
2282 S’il est commis dans l’intention de servir
d’exemple, notamment pour les jeunes, le suicide prend encore la gravité
d’un scandale. La coopération volontaire au suicide est contraire à la
loi morale.
Des troubles psychiques graves, l’angoisse ou la
crainte grave de l’épreuve, de la souffrance ou de la torture peuvent
diminuer la responsabilité du suicidaire.
2283 On ne doit pas désespérer du salut éternel
des personnes qui se sont donné la mort. Dieu peut leur ménager par les
voies que lui seul connaît, l’occasion d’une salutaire repentance.
L’Église prie pour les personnes qui ont attenté à leur vie.
II. Le respect de la dignité des personnes
Le respect de l’âme d’autrui : le scandale
2284 Le scandale est l’attitude ou le
comportement qui portent autrui à faire le mal. Celui qui scandalise se
fait le tentateur de son prochain. Il porte atteinte à la vertu et à la
droiture ; il peut entraîner son frère dans la mort spirituelle. Le
scandale constitue une faute grave si par action ou omission il entraîne
délibérément autrui à une faute grave.
2285 Le scandale revêt une gravité particulière
en vertu de l’autorité de ceux qui le causent ou de la faiblesse de
ceux qui le subissent. Il a inspiré à notre Seigneur cette malédiction :
" Qui scandalise un de ces petits, il vaudrait mieux pour lui
qu’on l’ait précipité dans la mer avec une pierre au cou ! "
(Mt 18, 6 ; cf. 1 Co 8, 10-13). Le scandale est grave lorsqu’il est
porté par ceux qui, par nature ou par fonction, sont tenus d’enseigner
et d’éduquer les autres. Jésus en fait le reproche aux scribes et aux
pharisiens : Il les compare à des loups déguisés en agneaux (cf.
Mt 7, 15).
2286 Le scandale peut être provoqué par la loi ou
par les institutions, par la mode ou par l’opinion.
Ainsi se rendent coupables de scandale ceux qui
instituent des lois ou des structures sociales menant à la dégradation
des mœurs et à la corruption de la vie religieuse, ou à des " conditions
sociales qui, volontairement ou non, rendent ardue et pratiquement
impossible une conduite chrétienne conforme aux commandements "
(Pie XII, discours 1er juin 1941). Il en va de même des chefs
d’entreprises qui portent des règlements incitant à la fraude, des maîtres
qui " exaspèrent " leurs enfants (cf. Ep 6, 4 ;
Col 3, 21) ou de ceux qui, manipulant l’opinion publique, la détournent
des valeurs morales.
2287 Celui qui use de pouvoirs dont il dispose dans
des conditions qui entraînent à mal faire, se rend coupable de scandale
et responsable du mal qu’il a, directement ou indirectement, favorisé.
" Il est impossible que les scandales n’arrivent pas, mais
malheur à celui par qui ils arrivent " (Lc 17, 1).
Le respect de la santé
2288 La vie et la santé physique sont des biens précieux
confiés par Dieu. Nous avons à en prendre soin raisonnablement en tenant
compte des nécessités d’autrui et du bien commun.
Le soin de la santé des citoyens requiert
l’aide de la société pour obtenir les conditions d’existence qui
permettent de grandir et d’atteindre la maturité : nourriture et vêtement,
habitat, soins de santé, enseignement de base, emploi, assistance
sociale.
2289 Si la morale appelle au respect de la vie
corporelle, elle ne fait pas de celle-ci une valeur absolue. Elle
s’insurge contre une conception néo-païenne qui tend à promouvoir le culte
du corps, à tout lui sacrifier, à idolâtrer la perfection physique
et la réussite sportive. Par le choix sélectif qu’elle opère entre
les forts et les faibles, une telle conception peut conduire à la
perversion des rapports humains.
2290 La vertu de tempérance dispose à éviter
toutes les sortes d’excès, l’abus de la table, de l’alcool, du
tabac et des médicaments. Ceux qui en état d’ivresse ou par goût
immodéré de la vitesse, mettent en danger la sécurité d’autrui et la
leur propre sur les routes, en mer ou dans les airs, se rendent gravement
coupables.
2291 L’usage de la drogue inflige de très
graves destructions à la santé et à la vie humaine. En dehors
d’indications strictement thérapeutiques, c’est une faute grave. La
production clandestine et le trafic de drogues sont des pratiques
scandaleuses ; ils constituent une coopération directe, puisqu’ils
y incitent, à des pratiques gravement contraires à la loi morale.
Le respect de la personne et la recherche scientifique
2292 Les expérimentations scientifiques, médicales
ou psychologiques, sur les personnes ou les groupes humains peuvent
concourir à la guérison des malades et au progrès de la santé
publique.
2293 La recherche scientifique de base comme la
recherche appliquée constituent une expression significative de la
seigneurie de l’homme sur la création. La science et la technique sont
de précieuses ressources quand elles sont mises au service de l’homme
et en promeuvent le développement intégral au bénéfice de tous ;
elles ne peuvent cependant indiquer à elles seules le sens de
l’existence et du progrès humain. La science et la technique sont
ordonnées à l’homme, dont elles tirent origine et accroissement ;
elles trouvent donc dans la personne et ses valeurs morales l’indication
de leur finalité et la conscience de leurs limites.
2294 Il est illusoire de revendiquer la neutralité
morale de la recherche scientifique et de ses applications. D’autre
part, les critères d’orientation ne peuvent être déduits ni de la
simple efficacité technique, ni de l’utilité qui peut en découler
pour les uns au détriment des autres, ni pis encore, des idéologies
dominantes. La science et la technique requièrent de par leur
signification intrinsèque le respect inconditionné des critères
fondamentaux de la moralité ; elles doivent être au service de la
personne humaine, de ses droits inaliénables, de son bien véritable et
intégral, conformément au projet et à la volonté de Dieu.
2295 Les recherches ou expérimentations sur l’être
humain ne peuvent légitimer des actes en eux-mêmes contraires à la
dignité des personnes et à la loi morale. Le consentement éventuel des
sujets ne justifie pas de tels actes. L’expérimentation sur l’être
humain n’est pas moralement légitime si elle fait courir à la vie ou
à l’intégrité physique et psychique du sujet des risques
disproportionnés ou évitables. L’expérimentation sur les êtres
humains n’est pas conforme à la dignité de la personne si de plus elle
a lieu sans le consentement éclairé du sujet ou de ses ayants droits.
2296 La transplantation d’organes est
conforme à la loi morale si les dangers et les risques physiques et
psychiques encourus par le donneur sont proportionnés au bien recherché
chez le destinataire. La donation d’organes après la mort est un
acte noble et méritoire et doit être encouragée comme une manifestation
de généreuse solidarité. Il n’est pas moralement acceptable si le
donneur ou ses proches ayants droits n’y ont pas donné leur
consentement explicite. De plus, il est moralement inadmissible de
provoquer directement la mutilation invalidante ou la mort d’un être
humain, fût-ce pour retarder le décès d’autres personnes.
Le respect de l’intégrité corporelle
2297 Les enlèvements et la prise
d’otages font régner la terreur et, par la menace, exercent
d’intolérables pressions sur les victimes. Ils sont moralement illégitimes.
Le terrorisme sans discrimination menace, blesse et tue ; il
est gravement contraire à la justice et à la charité. La torture
qui use de violence physique ou morale pour arracher des aveux, pour châtier
des coupables, effrayer des opposants, satisfaire la haine est contraire
au respect de la personne et de la dignité humaine. En dehors
d’indications médicales d’ordre strictement thérapeutique, les amputations,
mutilations ou stérilisations directement volontaires des personnes
innocentes sont contraires à la loi morale (cf. DS 3722).
2298 Dans les temps passés, des pratiques cruelles
ont été communément pratiquées par des gouvernements légitimes pour
maintenir la loi et l’ordre, souvent sans protestation des pasteurs de
l’Église, qui ont eux-mêmes adopté dans leurs propres tribunaux les
prescriptions du droit romain sur la torture. A côté de ces faits
regrettables, l’Église a toujours enseigné le devoir de clémence et
de miséricorde ; elle a défendu aux clercs de verser le sang. Dans
les temps récents, il est devenu évident que ces pratiques cruelles n’étaient
ni nécessaires à l’ordre public, ni conformes aux droits légitimes de
la personne humaine. Au contraire, ces pratiques conduisent aux pires dégradations.
Il faut œuvrer à leur abolition. Il faut prier pour les victimes et
leurs bourreaux.
Le respect des morts
2299 L’attention et le soin seront accordés aux
mourants pour les aider à vivre leurs derniers moments dans la dignité
et la paix. Ils seront aidés par la prière de leurs proches. Ceux-ci
veilleront à ce que les malades reçoivent en temps opportun les
sacrements qui préparent à la rencontre du Dieu vivant.
2300 Les corps des défunts doivent être traités
avec respect et charité dans la foi et l’espérance de la résurrection.
L’ensevelissement des morts est une œuvre de miséricorde corporelle
(cf. Tb 1, 16-18) ; elle honore les enfants de Dieu, temples de
l’Esprit Saint.
2301 L’autopsie des cadavres peut être
moralement admise pour des motifs d’enquête légale ou de recherche
scientifique. Le don gratuit d’organes après la mort est légitime et
peut être méritoire.
L’Église permet l’incinération si celle-ci ne
manifeste pas une mise en cause de la foi dans la résurrection des corps
(cf. CIC, can. 1176, § 3).
III. La sauvegarde de la paix
La paix
2302 En rappelant le précepte : " Tu
ne tueras pas " (Mt 5, 21), notre Seigneur demande la paix du cœur
et dénonce l’immoralité de la colère meurtrière et de la haine :
La colère est un désir de vengeance. " Désirer
la vengeance pour le mal de celui qu’il faut punir est illicite " ;
mais il et louable d’imposer une réparation " pour la
correction des vices et le maintien de la justice " (S. Thomas
d’A., s. th. 2-2, 158, 1, ad 3). Si la colère va jusqu’au désir délibéré
de tuer le prochain ou de le blesser grièvement, elle va gravement contre
la charité ; elle est péché mortel. Le Seigneur dit : " Quiconque
se met en colère contre son frère sera passible du jugement "
(Mt 5, 22).
2303 La haine volontaire est contraire à la
charité. La haine du prochain est un péché quand l’homme lui veut délibérément
du mal. La haine du prochain est un péché grave quand on lui souhaite délibérément
un tort grave. " Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos
ennemis, priez pour vos persécuteurs ; ainsi vous serez fils de
votre Père qui est aux cieux... " (Mt 5, 44-45).
2304 Le respect et la croissance de la vie humaine
demandent la paix. La paix n’est pas seulement absence de guerre
et elle ne se borne pas à assurer l’équilibre des forces adverses. La
paix ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde des biens des
personnes, la libre communication entre les êtres humains, le respect de
la dignité des personnes et des peuples, la pratique assidue de la
fraternité. Elle est " tranquillité de l’ordre "
(S. Augustin, civ. 10, 13). Elle est œuvre de la justice (cf. Is 32, 17)
et effet de la charité (cf. GS 78, §§ 1-2).
2305 La paix terrestre est image et fruit de la
paix du Christ, le " Prince de la paix "
messianique (Is 9, 5). Par le sang de sa croix, il a " tué la
haine dans sa propre chair " (Ep 2, 16 ; cf. Col 1, 20-22),
il a réconcilié avec Dieu les hommes et fait de son Église le sacrement
de l’unité du genre humain et de son union avec Dieu. " Il
est notre paix " (Ep 2, 14). Il déclare " bienheureux
les artisans de paix " (Mt 5, 9).
2306 Ceux qui renoncent à l’action violente et
sanglante, et recourent pour la sauvegarde des droits de l’homme à des
moyens de défense à la portée des plus faibles rendent témoignage à
la charité évangélique, pourvu que cela se fasse sans nuire aux droits
et obligations des autres hommes et des sociétés. Ils attestent légitimement
la gravité des risques physiques et moraux du recours à la violence avec
ses ruines et ses morts (cf. GS 78, § 5).
Eviter la guerre
2307 Le cinquième commandement interdit la
destruction volontaire de la vie humaine. A cause des maux et des
injustices qu’entraîne toute guerre, l’Église presse instamment
chacun de prier et d’agir pour que la Bonté divine nous libère de
l’antique servitude de la guerre (cf. GS 81, § 4).
2308 Chacun des citoyens et des gouvernants est
tenu d’œuvrer pour éviter les guerres.
Aussi longtemps cependant " que le risque de
guerre subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale
compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux
gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement
pacifiques, le droit de légitime défense " (GS 79, § 4).
2309 Il faut considérer avec rigueur les strictes
conditions d’une légitime défense par la force militaire. La
gravité d’une telle décision la soumet à des conditions rigoureuses
de légitimité morale. Il faut à la fois :
– Que le dommage infligé par l’agresseur à la
nation ou à la communauté des nations soit durable, grave et certain.
– Que tous les autres moyens d’y mettre fin se
soient révélés impraticables ou inefficaces.
– Que soient réunies les conditions sérieuses de
succès.
– Que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux
et des désordres plus graves que le mal à éliminer. La puissance des
moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l’appréciation
de cette condition.
Ce sont les éléments traditionnels énumérés
dans la doctrine dite de la " guerre juste ".
L’appréciation de ces conditions de légitimité
morale appartient au jugement prudentiel de ceux qui ont la charge du bien
commun.
2310 Les pouvoirs publics ont dans ce cas le droit
et le devoir d’imposer aux citoyens les obligations nécessaires à
la défense nationale.
Ceux qui se vouent au service de la patrie dans la vie
militaire, sont des serviteurs de la sécurité et de la liberté des
peuples. S’ils s’acquittent correctement de leur tâche, ils
concourent vraiment au bien commun de la nation et au maintien de la paix
(cf. GS 79, § 5).
2311 Les pouvoirs publics pourvoiront équitablement
au cas de ceux qui, pour des motifs de conscience, refusent l’emploi des
armes, tout en demeurant tenus de servir sous une autre forme la communauté
humaine (cf. GS 79, § 3).
2312 L’Église et la raison humaine déclarent la
validité permanente de la loi morale durant les conflits armés.
" Ce n’est pas parce que la guerre est malheureusement engagée
que tout devient par le fait même licite entre les parties adverses "
(GS 79, § 4).
2313 Il faut respecter et traiter avec humanité
les non-combattants, les soldats blessés et les prisonniers.
Les actions délibérément contraires au droit des
gens et à ses principes universels, comme les ordres qui les commandent,
sont des crimes. Une obéissance aveugle ne suffit pas à excuser ceux qui
s’y soumettent. Ainsi l’extermination d’un peuple, d’une nation ou
d’une minorité ethnique doit être condamnée comme un péché mortel.
On est moralement tenu de résister aux ordres qui commandent un génocide.
2314 " Tout acte de guerre qui tend
indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions
avec leurs habitants, est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même,
qui doit être condamné fermement et sans hésitation " (GS 80,
§ 4). Un risque de la guerre moderne est de fournir l’occasion aux détenteurs
des armes scientifiques, notamment atomiques, biologiques ou chimiques, de
commettre de tels crimes.
2315 L’accumulation des armes apparaît à
beaucoup comme une manière paradoxale de détourner de la guerre des
adversaires éventuels. Ils y voient le plus efficace des moyens
susceptibles d’assurer la paix entre les nations. Ce procédé de
dissuasion appelle de sévères réserves morales. La course aux
armements n’assure pas la paix. Loin d’éliminer les causes de
guerre, elle risque de les aggraver. La dépense de richesses fabuleuses
dans la préparation d’armes toujours nouvelles empêche de porter remède
aux populations indigentes (PP 53) ; elle entrave le développement
des peuples. Le surarmement multiplie les raisons de conflits et
augmente le risque de la contagion.
2316 La production et le commerce des armes
touchent le bien commun des nations et de la communauté internationale. Dès
lors les autorités publiques ont le droit et le devoir de les réglementer.
La recherche d’intérêts privés ou collectifs à court terme ne peut légitimer
des entreprises qui attisent la violence et les conflits entre les
nations, et qui compromettre l’ordre juridique international.
2317 Les injustices, les inégalités excessives
d’ordre économique ou sociale, l’envie, la méfiance et l’orgueil
qui sévissent entre les hommes et les nations, menacent sans cesse la
paix et causent les guerres. Tout ce qui est fait pour vaincre ces désordres
contribue à édifier la paix et à éviter la guerre :
Dans la mesure où les hommes sont pécheurs, le
danger de guerre menace, et il en sera ainsi jusqu’au retour du
Christ. Mais, dans la mesure où, unis dans l’amour, les hommes
surmontent le péché, ils surmontent aussi la violence jusqu’à
l’accomplissement de cette parole : " Ils forgeront
leurs glaives en socs et leurs lances en serpes. On ne lèvera pas le
glaive nation contre nation et on n’apprendra plus la guerre "
(Is 2, 4) (GS 78, § 6).
En bref
2318 " Dieu tient en son pouvoir l’âme
de tout vivant et le souffle de toute chair d’homme " (Jb
12, 10).
2319 Toute vie humaine, dès le moment de la
conception jusqu’à la mort, est sacrée parce que la personne
humaine a été voulue pour elle-même à l’image et à la
ressemblance du Dieu vivant et saint.
2320 Le meurtre d’un être humain est gravement
contraire à la dignité de la personne et à la sainteté du Créateur.
2321 L’interdit du meurtre n’abroge pas le
droit de mettre hors d’état de nuire un injuste agresseur. La légitime
défense est un devoir grave pour qui est responsable de la vie
d’autrui ou du bien commun.
2322 Dès sa conception, l’enfant a le droit à
la vie. L’avortement direct, c’est-à-dire voulu comme une fin ou
comme un moyen, est une " pratique infâme " (GS
27, § 3) gravement contraire à la loi morale. L’Église sanctionne
d’une peine canonique d’excommunication ce délit contre la vie
humaine.
2323 Puisqu’il doit être traité comme une
personne dès sa conception, l’embryon doit être défendu dans son
intégrité, soigné et guéri comme tout autre être humain.
2324 L’euthanasie volontaire, quels qu’en
soient les formes et les motifs, constitue un meurtre. Elle est
gravement contraire à la dignité de la personne humaine et au
respect du Dieu vivant, son Créateur.
2325 Le suicide est gravement contraire à la
justice, à l’espérance et à la charité. Il est interdit par le
cinquième commandement.
2326 Le scandale constitue une faute grave quand
par action ou par omission il entraîne délibérément à pécher
gravement.
2327 A cause des maux et des injustices qu’entraîne
toute guerre nous devons faire tout ce qui est raisonnablement
possible pour l’éviter. L’Église prie : " De la
famine, de la peste et de la guerre délivre-nous, Seigneur ".
2328 L’Église et la raison humaine déclarent la
validité permanente de la loi morale durant les conflits armés. Les
pratiques délibérément contraires au droit des gens et à ses
principes universels sont des crimes.
2329 " La course aux armements est une
plaie extrêmement grave de l’humanité et lèse les pauvres d’une
manière intolérable " (GS 81, § 3).
2330 " Heureux les artisans de paix, car
ils seront appelés fils de Dieu " (Mt 5, 9).
ARTICLE 6
LE SIXIÈME COMMANDEMENT
Tu ne commettras pas d’adultère (Ex 20, 14 ;
Dt 5, 17).
Vous avez entendu qu’il a été dit : " Tu
ne commettras pas d’adultère ". Eh bien ! moi je
vous dis : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà
commis, dans son cœur, l’adultère avec elle (Mt 5, 27-28).
I. " Homme et femme, il les créa... "
2331 " Dieu est amour. Il vit en lui-même
un mystère de communion et d’amour. En créant l’humanité de
l’homme et de la femme à son image ... Dieu inscrit en elle la vocation,
et donc la capacité et la responsabilité correspondantes, à
l’amour et à la communion " (FC 11).
" Dieu créa l’homme à son image ... homme
et femme, il les créa " (Gn 1, 27) ; " Croissez
et multipliez-vous " (Gn 1, 28) ; " le jour où
Dieu créa l’homme, à la ressemblance de Dieu il le fit, homme et femme
il les créa : il les bénit et les appela du nom d’homme le jour où
ils furent créés " (Gn 5, 1-2).
2332 La sexualité affecte tous les aspects
de la personne humaine, dans l’unité de son corps et de son âme. Elle
concerne particulièrement l’affectivité, la capacité d’aimer et de
procréer, et, d’une manière plus générale, l’aptitude à nouer des
liens de communion avec autrui.
2333 Il revient à chacun, homme et femme, de
reconnaître et d’accepter son identité sexuelle. La différence
et la complémentarité physiques, morales et spirituelles sont
orientées vers les biens du mariage et l’épanouissement de la vie
familiale. L’harmonie du couple et de la société dépend en partie de
la manière dont sont vécus entre les sexes la complémentarité, le
besoin et l’appui mutuels.
2334 " En créant l’être humain homme
et femme, Dieu donne la dignité personnelle d’une manière égale à
l’homme et à la femme " (FC 22 ; cf. GS 49, § 2).
" L’homme est une personne et cela dans la même mesure pour
l’homme et pour la femme, car tous les deux sont créés à l’image et
à la ressemblance d’un Dieu personnel " (MD 6).
2335 Chacun des deux sexes est, avec une égale
dignité, quoique de façon différente, image de la puissance et de la
tendresse de Dieu. L’union de l’homme et la femme dans le
mariage est une manière d’imiter dans la chair la générosité et la fécondité
du Créateur : " L’homme quitte son père et sa mère
afin de s’attacher à sa femme ; tous deux ne forment qu’une
seule chair " (Gn 2, 24). De cette union procèdent toutes les générations
humaines (cf. Gn 4, 1-2 ; 25-26 ; 5, 1).
2336 Jésus est venu restaurer la création dans la
pureté de ses origines. Dans le Sermon sur la montagne, il interprète de
manière rigoureuse le dessein de Dieu : " Vous avez
entendu qu’il a été dit : ‘Tu ne commettras pas d’adultère’.
Eh bien ! moi je vous dis : ‘Quiconque regarde une femme pour
la désirer a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle :’ "
(Mt 5, 27-28). L’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni (cf. Mt
19, 6).
La Tradition de l’Église a entendu le sixième
commandement comme englobant l’ensemble de la sexualité humaine.
II. La vocation à la chasteté
2337 La chasteté signifie l’intégration réussie
de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de
l’homme dans son être corporel et spirituel. La sexualité, en laquelle
s’exprime l’appartenance de l’homme au monde corporel et biologique,
devient personnelle et vraiment humaine lorsqu’elle est intégrée dans
la relation de personne à personne, dans le don mutuel entier et
temporellement illimité, de l’homme et de la femme.
La vertu de chasteté comporte donc l’intégrité de
la personne et l’intégralité du don.
L’intégrité de la personne
2338 La personne chaste maintient l’intégrité
des forces de vie et d’amour déposées en elle. Cette intégrité
assure l’unité de la personne, elle s’oppose à tout comportement qui
la blesserait. Elle ne tolère ni la double vie, ni le double langage (cf.
Mt 5, 37).
2339 La chasteté comporte un apprentissage de
la maîtrise de soi, qui est une pédagogie de la liberté humaine.
L’alternative est claire : ou l’homme commande à ses passions et
obtient la paix, ou il se laisse asservir par elles et devient malheureux
(cf. Si 1, 22). " La dignité de l’homme exige de lui qu’il
agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une
conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives
ou d’une contrainte extérieure. L’homme parvient à cette dignité
lorsque, se délivrant de toute servitude des passions, par le choix libre
du bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s’en procurer réellement
les moyens par son ingéniosité " (GS 17).
2340 Celui qui veut demeurer fidèle aux promesses
de son Baptême et résister aux tentations veillera à en prendre les moyens :
la connaissance de soi, la pratique d’une ascèse adaptée aux
situations rencontrées, l’obéissance aux commandements divins, la mise
en œuvre des vertus morales et la fidélité à la prière. "La
chasteté nous recompose ; elle nous ramène à cette unité que nous
avions perdue en nous éparpillant " (S. Augustin, conf. 10,
29).
2341 La vertu de chasteté est placée sous la
mouvance de la vertu cardinale de tempérance, qui vise à imprégner
de raison les passions et les appétits de la sensibilité humaine.
2342 La maîtrise de soi est une œuvre de
longue haleine. Jamais on ne la considèrera comme acquise une fois
pour toutes. Elle suppose un effort repris à tous les âges de la vie
(cf. Tt 2, 1-6). L’effort requis peut être plus intense à certaines époques,
ainsi lorsque se forme la personnalité, pendant l’enfance et
l’adolescence.
2343 La chasteté connaît des lois de
croissance qui passe par des degrés marqués par l’imperfection et
trop souvent par le péché. " Jour après jour, l’homme
vertueux et chaste se construit par des choix nombreux et libres. Ainsi,
il connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes
d’une croissance " (FC 9).
2344 La chasteté représente une tâche éminemment
personnelle, elle implique aussi un effort culturel, car il existe
une " interdépendance entre l’essor de la personne et le développement
de la société elle-même " (GS 25, § 1). La chasteté suppose
le respect des droits de la personne, en particulier celui de recevoir une
information et une éducation qui respectent les dimensions morales et
spirituelles de la vie humaine.
2345 La chasteté est une vertu morale. Elle est
aussi un don de Dieu, une grâce, un fruit de l’œuvre
spirituelle (cf. Ga 5, 22). Le Saint-Esprit donne d’imiter la pureté du
Christ (cf. 1 Jn 3, 3) à celui qu’a régénéré l’eau du Baptême.
L’intégralité du don de soi
2346 La charité est la forme de toutes les vertus.
Sous son influence, la chasteté apparaît comme une école de don de la
personne. La maîtrise de soi est ordonnée au don de soi. La chasteté
conduit celui qui la pratique à devenir auprès du prochain un témoin de
la fidélité et de la tendresse de Dieu.
2347 La vertu de chasteté s’épanouit dans l’amitié.
Elle indique au disciple comment suivre et imiter Celui qui nous a choisis
comme ses propres amis (cf. Jn 15, 15), s’est donné totalement à nous
et nous fait participer à sa condition divine. La chasteté est promesse
d’immortalité.
La chasteté s’exprime notamment dans l’amitié
pour le prochain. Développée entre personnes de même sexe ou de
sexes différents, l’amitié représente un grand bien pour tous. Elle
conduit à la communion spirituelle.
Les divers régimes de la chasteté
2348 Tout baptisé est appelé à la chasteté. Le
chrétien a " revêtu le Christ " (Ga 3, 27), modèle
de toute chasteté. Tous les fidèles du Christ sont appelés à mener une
vie chaste selon leur état de vie particulier. Au moment de son Baptême,
le chrétien s’est engagé à conduire dans la chasteté son affectivité.
2349 " La chasteté doit qualifier les
personnes suivant leurs différents états de vie : les unes dans la
virginité ou le célibat consacré, manière éminente de se livrer plus
facilement à Dieu d’un cœur sans partage ; les autres, de la façon
que détermine pour tous la loi morale et selon qu’elles sont mariées
ou célibataires " (CDF, décl. " Persona humana "
11). Les personnes mariées sont appelées à vivre la chasteté conjugale ;
les autres pratiquent la chasteté dans la continence :
Il existe trois formes de la vertu de chasteté :
l’une des épouses, l’autre du veuvage, la troisième de la
virginité. Nous ne louons pas l’une d’elles à l’exclusion des
autres. C’est en quoi la discipline de l’Église est riche (S.
Ambroise, vid. 23 : PL 153, 255A).
2350 Les fiancés sont appelés à vivre la
chasteté dans la continence. Ils verront dans cette mise à l’épreuve
une découverte du respect mutuel, un apprentissage de la fidélité et de
l’espérance de se recevoir l’un et l’autre de Dieu. Ils réserveront
au temps du mariage les manifestations de tendresse spécifiques de
l’amour conjugal. Ils s’aideront mutuellement à grandir dans la
chasteté.
Les offenses à la chasteté
2351 La luxure est un désir désordonné ou
une jouissance déréglée du plaisir vénérien. Le plaisir sexuel est
moralement désordonnée, quand il est recherché pour lui-même, isolé
des finalités de procréation et d’union.
2352 Par la masturbation, il faut entendre
l’excitation volontaire des organes génitaux, afin d’en retirer un
plaisir vénérien. " Dans la ligne d’une tradition constante,
tant le magistère de l’Église que le sens moral des fidèles ont
affirmé sans hésitation que la masturbation est un acte intrinsèquement
et gravement désordonné ". " Quel qu’en soit le
motif, l’usage délibéré de la faculté sexuelle en dehors des
rapports conjugaux normaux en contredit la finalité ". La
jouissance sexuelle y est recherchée en dehors de " la relation
sexuelle requise par l’ordre moral, celle qui réalise, dans le contexte
d’un amour vrai, le sens intégral de la donation mutuelle et de la
procréation humaine " (CDF, décl. " Persona humana "
9).
Pour former un jugement équitable sur la responsabilité
morale des sujets et pour orienter l’action pastorale, on tiendra compte
de l’immaturité affective, de la force des habitudes contractées, de
l’état d’angoisse ou des autres facteurs psychiques ou sociaux qui
peuvent atténuer, voire même réduire au minimum la culpabilité morale.
2353 La fornication est l’union charnelle
en dehors du mariage entre un homme et une femme libres. Elle est
gravement contraire à la dignité des personnes et de la sexualité
humaine naturellement ordonnée au bien des époux ainsi qu’à la génération
et à l’éducation des enfants. En outre c’est un scandale grave quand
il y a corruption des jeunes.
2354 La pornographie consiste à retirer les
actes sexuels, réels ou simulés, de l’intimité des partenaires pour
les exhiber à des tierces personnes de manière délibérée. Elle
offense la chasteté parce qu’elle dénature l’acte conjugal, don
intime des époux l’un à l’autre. Elle porte gravement atteinte à la
dignité de ceux qui s’y livrent (acteurs, commerçants, public),
puisque chacun devient pour l’autre l’objet d’un plaisir
rudimentaire et d’un profit illicite. Elle plonge les uns et les autres
dans l’illusion d’un monde factice. Elle est une faute grave. Les
autorités civiles doivent empêcher la production et la distribution de
matériaux pornographiques.
2355 La prostitution porte atteinte à la
dignité de la personne qui se prostitue, réduite au plaisir vénérien
que l’on tire d’elle. Celui qui paie pêche gravement contre lui-même :
il rompt la chasteté à laquelle l’engageait son Baptême et souille
son corps, temple de l’Esprit Saint (cf. 1 Co 6, 15-20). La prostitution
constitue un fléau social. Il touche habituellement des femmes, mais
aussi des hommes, des enfants ou des adolescents (dans ces deux derniers
cas, le péché se double d’un scandale). S’il est toujours gravement
peccamineux de se livrer à la prostitution, la misère, le chantage et la
pression sociale peuvent atténuer l’imputabilité de la faute.
2356 Le viol désigne l’entrée par
effraction, avec violence, dans l’intimité sexuelle d’une personne.
Il est atteinte à la justice et à la charité. Le viol blesse profondément
le droit de chacun au respect, à la liberté, à l’intégrité physique
et morale. Il crée un préjudice grave, qui peut marquer la victime sa
vie durant. Il est toujours un acte intrinsèquement mauvais. Plus grave
encore est le viol commis de la part des parents (cf. inceste) ou d’éducateurs
envers les enfants qui leur sont confiés.
Chasteté et homosexualité
2357 L’homosexualité désigne les relations
entre des hommes ou des femmes qui éprouvent une attirance sexuelle,
exclusive ou prédominante, envers des personnes du même sexe. Elle revêt
des formes très variables à travers les siècles et les cultures. Sa genèse
psychique reste largement inexpliquée. S’appuyant sur la Sainte Écriture,
qui les présente comme des dépravations graves (cf. Gn 19, 1-29 ;
Rm 1, 24-27 ; 1 Co 6, 10 ; 1 Tm 1, 10), la Tradition a toujours
déclaré que " les actes d’homosexualité sont intrinsèquement
désordonnés " (CDF, décl. " Persona humana "
8). Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel
au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité
affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir
d’approbation en aucun cas.
2358 Un nombre non négligeable d’hommes et de
femmes présente des tendances homosexuelles foncières. Cette propension,
objectivement désordonnée, constitue pour la plupart d’entre eux une
épreuve. Ils doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse.
On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste. Ces
personnes sont appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie,
et si elles sont chrétiennes, à unir au sacrifice de la croix du
Seigneur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de leur
condition.
2359 Les personnes homosexuelles sont appelées à
la chasteté. Par les vertus de maîtrise, éducatrices de la liberté intérieure,
quelquefois par le soutien d’une amitié désintéressée, par la prière
et la grâce sacramentelle, elles peuvent et doivent se rapprocher,
graduellement et résolument, de la perfection chrétienne.
III. L’amour des époux
2360 La sexualité est ordonnée à l’amour
conjugal de l’homme et de la femme. Dans le mariage l’intimité
corporelle des époux devient un signe et un gage de communion
spirituelle. Entre les baptisés, les liens du mariage sont sanctifiés
par le sacrement.
2361 " La sexualité, par laquelle
l’homme et la femme se donnent l’un à l’autre par les actes propres
et exclusifs des époux, n’est pas quelque chose de purement biologique,
mais concerne la personne humaine dans ce qu’elle a de plus intime. Elle
ne se réalise de façon véritablement humaine que si elle est partie intégrante
de l’amour dans lequel l’homme et la femme s’engagent entièrement
l’un vis-à-vis de l’autre jusqu’à la mort " (FC 11) :
Tobie se leva du lit, et dit à Sara : " Debout,
ma sœur ! Il faut prier tous deux, et recourir à notre
Seigneur, pour obtenir sa grâce et sa protection ". Elle se
leva et ils se mirent à prier pour obtenir d’être protégés, et
il commença ainsi : " Tu es béni, Dieu de nos pères
... C’est toi qui a créé Adam, c’est toi qui a créé Eve sa
femme, pour être son secours et son appui, et la race humaine est née
de ces deux-là. C’est toi qui a dit : ‘Il ne faut pas que
l’homme reste seul, faisons-lui une aide semblable à lui’. Et
maintenant, ce n’est pas le plaisir que je cherche en prenant ma sœur,
mais je le fais d’un cœur sincère. Daigne avoir pitié d’elle et
de moi et nous mener ensemble à la vieillesse ! " Et
ils dirent de concert : "Amen, amen ". Et ils
se couchèrent pour la nuit (Tb 8, 4-9).
2362 " Les actes qui réalisent l’union
intime et chaste des époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécue
d’une manière vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque
par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie et la
reconnaissance " (GS 49, § 2). La sexualité est source de joie
et de plaisir :
Le Créateur lui-même (...) a établi que dans
cette fonction [de génération] les époux éprouvent un plaisir et
une satisfaction du corps et de l’esprit. Donc, les époux ne font
rien de mal en recherchant ce plaisir et en en jouissant. Ils
acceptent ce que le Créateur leur a destiné. Néanmoins, les époux
doivent savoir se maintenir dans les limites d’une juste modération
(Pie XII, discours 29 octobre 1951).
2363 Par l’union des époux se réalise la double
fin du mariage : le bien des époux eux-mêmes et la transmission de
la vie. On ne peut séparer ces deux significations ou valeurs du mariage
sans altérer la vie spirituelle du couple ni compromettre les biens du
mariage et l’avenir de la famille.
L’amour conjugal de l’homme et de la femme est
ainsi placé sous la double exigence de la fidélité et de la fécondité.
La fidélité conjugale
2364 Le couple conjugal forme " une
intime communauté de vie et d’amour fondée et dotée de ses lois
propres par le Créateur. Elle est établie sur l’alliance des
conjoints, c’est-à-dire sur leur consentement personnel et irrévocable "
(GS 48, § 1). Tous deux se donnent définitivement et totalement l’un
à l’autre. Ils ne sont plus deux, mais forment désormais une seule
chair. L’alliance contractée librement par les époux leur impose
l’obligation de la maintenir une et indissoluble (cf. CIC, can. 1056).
" Ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer "
(Mc 10, 9 ; cf. Mt 19, 1-12 ; 1 Co 7, 10-11).
2365 La fidélité exprime la constance dans le
maintien de la parole donnée. Dieu est fidèle. Le sacrement du mariage
fait entrer l’homme et la femme dans la fidélité du Christ pour son Église.
Par la chasteté conjugale, ils rendent témoignage à ce mystère à la
face du monde.
S. Jean Chrysostome suggère aux jeunes mariés de
tenir ce discours à leur épouse : " Je t’ai prise
dans mes bras, et je t’aime, et je te préfère à ma vie même. Car
la vie présente n’est rien, et mon rêve le plus ardent est de la
passer avec toi, de telle sorte que nous soyons assurés de n’être
pas séparés dans celle qui nous est réservée ... Je mets ton amour
au-dessus de tout, et rien ne me serait plus pénible que de n’avoir
pas les mêmes pensées que les tiennes " (hom. in Eph. 20,
8 : PG 62, 146-147).
La fécondité du mariage
2366 La fécondité est un don, une fin du
mariage, car l’amour conjugal tend naturellement à être fécond.
L’enfant ne vient pas de l’extérieur s’ajouter à l’amour mutuel
des époux ; il surgit au cœur même de ce don mutuel, dont il est
un fruit et un accomplissement. Aussi l’Église, qui " prend
parti pour la vie " (FC 30), enseigne-t-elle que " tout
acte matrimonial doit rester par soi ouvert à la transmission de la vie "
(HV 11). " Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le magistère,
est fondée sur le lien indissoluble que Dieu a voulu et que l’homme ne
peut rompre de son initiative entre les deux significations de l’acte
conjugal : union et procréation " (HV 12 ; cf. Pie
XI, enc. " Casti connubii ").
2367 Appelés à donner la vie, les époux
participent à la puissance créatrice et à la paternité de Dieu (cf. Ep
3, 14-15 ; Mt 23, 9). " Dans le devoir qui leur incombe de
transmettre la vie et d’être des éducateurs (ce qu’il faut considérer
comme leur mission propre), les époux savent qu’ils sont les coopérateurs
du Dieu créateur et comme ses interprètes. Ils s’acquitteront donc
de leur charge en toute responsabilité humaine et chrétienne "
(GS 50, § 2).
2368 Un aspect particulier de cette responsabilité
concerne la régulation de la procréation. Pour de justes raisons
(cf. GS 50), les époux peuvent vouloir espacer les naissances de leurs
enfants. Il leur revient de vérifier que leur désir ne relève pas de
l’égoïsme mais est conforme à la juste générosité d’une paternité
responsable. En outre ils régleront leur comportement suivant les critères
objectifs de la moralité :
Lorsqu’il s’agit de mettre en accord l’amour
conjugal avec la transmission responsable de la vie, la moralité du
comportement ne dépend pas de la seule sincérité de l’intention
et de la seule appréciation des motifs ; mais elle doit être déterminée
selon des critères objectifs, tirés de la nature même de la
personne et de ses actes, critères qui respectent, dans un contexte
d’amour véritable, la signification totale d’une donation réciproque
et d’une procréation à la mesure de l’homme ; chose
impossible si la vertu de chasteté conjugale n’est pas pratiquée
d’un cœur loyal (GS 51, § 3).
2369 " C’est en sauvegardant ces deux
aspects essentiels, union et procréation, que l’acte conjugal conserve
intégralement le sens de mutuel et véritable amour et son ordination à
la très haute vocation de l’homme à la paternité " (HV 12).
2370 La continence périodique, les méthodes de régulation
des naissances fondées sur l’auto-observation et le recours aux périodes
infécondes (cf. HV 16) sont conformes aux critères objectifs de la
moralité. Ces méthodes respectent le corps des époux, encouragent la
tendresse entre eux et favorisent l’éducation d’une liberté
authentique. En revanche, est intrinsèquement mauvaise " toute
action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement,
soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se
proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation "
(HV 14) :
Au langage qui exprime naturellement la donation réciproque
et totale des époux, la contraception oppose un langage objectivement
contradictoire selon lequel il ne s’agit plus de se donner
totalement l’un à l’autre. Il en découle non seulement le refus
positif de l’ouverture à la vie, mais aussi une falsification de la
vérité interne de l’amour conjugal, appelé à être un don de la
personne tout entière. Cette différence anthropologique et morale
entre la contraception et le recours aux rythmes périodiques implique
deux conceptions de la personne et de la sexualité humaine irréductibles
l’une à l’autre (FC 32).
2371 " Par ailleurs, que tous sachent
bien que la vie humaine et la charge de la transmettre ne se limitent pas
aux horizons de ce monde et n’y trouvent ni leur pleine dimension, ni
leur plein sens, mais qu’elles sont toujours à mettre en référence
avec la destinée éternelle des hommes " (GS 51, § 4).
2372 L’Etat est responsable du bien-être des
citoyens. A ce titre, il est légitime qu’il intervienne pour orienter
la croissance de la population. Il peut le faire par voie d’une
information objective et respectueuse, mais non point par voie autoritaire
et contraignante. Il ne peut légitimement se substituer à l’initiative
des époux, premiers responsables de la procréation et de l’éducation
de leurs enfants (cf. PP 37 ; HV 23). Dans ce domaine il ne possède
pas l’autorité d’intervenir par des moyens contraires à la loi
morale.
Le don de l’enfant
2373 La Sainte Écriture et la pratique
traditionnelle de l’Église voient dans les familles nombreuses
un signe de la bénédiction divine et de la générosité des parents
(cf. GS 50, § 2).
2374 Grande est la souffrance des couples qui se découvrent
stériles. " Que pourrais-tu me donner, demande Abram à Dieu ?
Je m’en vais sans enfant ... " (Gn 15, 2). " Fais-moi
avoir aussi des enfants ou je meurs ! " crie Rachel à son
mari Jacob (Gn 30, 1).
2375 Les recherches qui visent à réduire la stérilité
humaine sont à encourager, à la condition qu’elles soient placées
" au service de la personne humaine, de ses droits inaliénables,
de son bien véritable et intégral, conformément au projet et à la
volonté de Dieu " (CDF, instr. " Donum vitæ "
intr. 2).
2376 Les techniques qui
provoquent une dissociation des parentés, par l’intervention d’une
personne étrangère au couple (don de sperme ou d’ovocyte, prêt d’utérus)
sont gravement déshonnêtes. Ces techniques (insémination et fécondation
artificielles hétérologues) lèsent le droit de l’enfant à naître
d’un père et d’une mère connus de lui et liés entre eux par le
mariage. Elles trahissent " le droit exclusif à ne devenir père
et mère que l’un par l’autre " (CDF, instr. " Donum
vitæ " 2, 1).
2377 Pratiquées au sein du couple, ces techniques
(insémination et fécondation artificielles homologues) sont peut-être
moins préjudiciables, mais elles restent moralement irrecevables. Elles
dissocient l’acte sexuel de l’acte procréateur. L’acte fondateur de
l’existence de l’enfant n’est plus un acte par lequel deux personnes
se donnent l’une à l’autre, il " remet la vie et
l’identité de l’embryon au pouvoir des médecins et des biologistes,
et instaure une domination de la technique sur l’origine et la destinée
de la personne humaine. Une telle relation de domination est de soi
contraire à la dignité et à l’égalité qui doivent être communes
aux parents et aux enfants (cf. CDF, instr. " Donum vitæ "
2, 5). " La procréation est moralement privée de sa perfection
propre quand elle n’est pas voulue comme le fruit de l’acte conjugal,
c’est-à-dire du geste spécifique de l’union des époux ... Seul le
respect du lien qui existe entre les significations de l’acte conjugal
et le respect de l’unité de l’être humain permet une procréation
conforme à la dignité de la personne " (CDF, instr. " Donum
vitæ " 2, 4).
2378 L’enfant n’est pas un dû, mais un don.
Le " don le plus excellent du mariage " est une
personne humaine. L’enfant ne peut être considéré comme un objet de
propriété, ce à quoi conduirait la reconnaissance d’un prétendu
" droit à l’enfant ". En ce domaine, seul
l’enfant possède de véritables droits : celui " d’être
le fruit de l’acte spécifique de l’amour conjugal de ses parents, et
aussi le droit d’être respecté comme personne dès le moment de sa
conception " (CDF, instr. " Donum vitæ " 2,
8).
2379 L’Evangile montre que la stérilité
physique n’est pas un mal absolu. Les époux qui, après avoir épuisé
les recours légitimes à la médecine, souffrent d’infertilité
s’associeront à la Croix du Seigneur, source de toute fécondité
spirituelle. Ils peuvent marquer leur générosité en adoptant des
enfants délaissés ou en remplissant des services exigeants à l’égard
d’autrui.
IV. Les offenses à la dignité du mariage
2380 L’adultère. Ce mot désigne
l’infidélité conjugale. Lorsque deux partenaires, dont l’un au moins
est marié, nouent entre eux une relation sexuelle, même éphémère, ils
commettent un adultère. Le Christ condamne l’adultère même de simple
désir (cf. Mt 5, 27-28). Le sixième commandement et le Nouveau Testament
proscrivent absolument l’adultère (cf. Mt 5, 32 ; 19, 6 ; Mc
10, 12 ; 1 Co 6, 9-10). Les prophètes en dénoncent la gravité. Ils
voient dans l’adultère la figure du péché d’idolâtrie (cf. Os 2, 7 ;
Jr 5, 7 ; 13, 27).
2381 L’adultère est une injustice. Celui qui le
commet manque à ses engagements. Il blesse le signe de l’Alliance
qu’est le lien matrimonial, lèse le droit de l’autre conjoint et
porte atteinte à l’institution du mariage, en violant le contrat qui le
fonde. Il compromet le bien de la génération humaine et des enfants qui
ont besoin de l’union stable des parents.
Le divorce
2382 Le Seigneur Jésus a insisté sur
l’intention originelle du Créateur qui voulait un mariage indissoluble
(cf. Mt 5, 31-32 ; 19, 3-9 ; Mc 10, 9 ; Lc 16, 18 ; 1
Co 7, 10-11). Il abroge les tolérances qui s’étaient glissées dans la
loi ancienne (cf. Mt 19, 7-9).
Entre baptisés, " le mariage conclu et
consommé ne peut être dissout par aucune puissance humaine ni pour
aucune cause, sauf par la mort " (CIC, can. 1141).
2383 La séparation des époux avec maintien
du lien matrimonial peut être légitime en certains cas prévus par le
Droit canonique (cf. CIC, cann. 1151-1155).
Si le divorce civil reste la seule manière possible
d’assurer certains droits légitimes, le soin des enfants ou la défense
du patrimoine, il peut être toléré sans constituer une faute morale.
2384 Le divorce est une offense grave à la
loi naturelle. Il prétend briser le contrat librement consenti par les époux
de vivre l’un avec l’autre jusqu’à la mort. Le divorce fait injure
à l’Alliance de salut dont le mariage sacramentel est le signe. Le fait
de contracter une nouvelle union, fût-elle reconnue par la loi civile,
ajoute à la gravité de la rupture : le conjoint remarié se trouve
alors en situation d’adultère public et permanent :
Si le mari, après s’être séparé de sa femme,
s’approche d’une autre femme, il est lui-même adultère, parce
qu’il fait commettre un adultère à cette femme ; et la femme
qui habite avec lui est adultère, parce qu’elle a attiré à elle
le mari d’une autre (S. Basile, moral. règle 73 : PG 31,
849D-853B).
2385 Le divorce tient aussi son caractère immoral
du désordre qu’il introduit dans la cellule familiale et dans la société.
Ce désordre entraîne des préjudices graves : pour le conjoint, qui
se trouve abandonné ; pour les enfants, traumatisés par la séparation
des parents, et souvent tiraillés entre eux ; pour son effet de
contagion, qui en fait une véritable plaie sociale.
2386 Il se peut que l’un des conjoints soit la
victime innocente du divorce prononcé par la loi civile ; il ne
contrevient pas alors au précepte moral. Il existe une différence considérable
entre le conjoint qui s’est efforcé avec sincérité d’être fidèle
au sacrement du mariage et se voit injustement abandonné, et celui qui,
par une faute grave de sa part, détruit un mariage canoniquement valide
(cf. FC 84).
Autres offenses à la dignité du mariage
2387 On comprend le drame de celui qui, désireux
de se convertir à l’Evangile, se voit obligé de répudier une ou
plusieurs femmes avec lesquelles il a partagé des années de vie
conjugale. Cependant la polygamie ne s’accorde pas à la loi
morale. Elle " s’oppose radicalement à la communion conjugale :
elle nie, en effet, de façon directe le dessein de Dieu tel qu’il nous
a été révélé au commencement ; elle est contraire à l’égale
dignité personnelle de la femme et de l’homme, lesquels dans le mariage
se donnent dans un amour total qui, de ce fait même, est unique et
exclusif " (FC 19 ; cf. GS 47, § 2). Le chrétien ancien
polygame est gravement tenu en justice d’honorer les obligations
contractées à l’égard de ses anciennes femmes et de ses enfants.
2388 L’inceste désigne des relations
intimes entre parents ou alliés, à un degré qui interdit entre eux le
mariage (cf. Lv 18, 7-20). S. Paul stigmatise cette faute particulièrement
grave : " On n’entend parler que d’inconduite parmi
vous ... C’est au point que l’un d’entre vous vit avec la femme de
son père ! ... Il faut qu’au nom du Seigneur Jésus ... nous
livrions cet individu à Satan pour la perte de sa chair ... "
(1 Co 5, 1. 4-5). L’inceste corrompt les relations familiales et marque
une régression vers l’animalité.
2389 On peut rattacher à l’inceste les abus
sexuels perpétrés par des adultes sur des enfants ou adolescents confiés
à leur garde. La faute se double alors d’une atteinte scandaleuse portée
à l’intégrité physique et morale des jeunes, qui en resteront marqués
leur vie durant, et d’une violation de la responsabilité éducative.
2390 Il y a union libre lorsque l’homme et
la femme refusent de donner une forme juridique et publique à une liaison
impliquant l’intimité sexuelle.
L’expression est fallacieuse :
que peut signifier une union dans laquelle les personnes ne s’engagent
pas l’une envers l’autre et témoignent ainsi d’un manque de
confiance, en l’autre, en soi-même, ou en l’avenir ?
L’expression recouvre des situations différentes :
concubinage, refus du mariage en tant que tel, incapacité à se lier par
des engagements à long terme (cf. FC 81). Toutes ces situations offensent
la dignité du mariage ; elles détruisent l’idée même de la
famille ; elles affaiblissent le sens de la fidélité. Elles sont
contraires à la loi morale : l’acte sexuel doit prendre place
exclusivement dans le mariage ; en dehors de celui-ci, il constitue
toujours un péché grave et exclut de la communion sacramentelle.
2391 Plusieurs réclament aujourd’hui une sorte
de " droit à l’essai ", là où il existe
une intention de se marier. Quelle que soit la fermeté du propos de ceux
qui s’engagent dans des rapports sexuels prématurés, " ceux-ci
ne permettent pas d’assurer dans sa sincérité et sa fidélité la
relation interpersonnelle d’un homme et d’une femme, et notamment de
les protéger contre les fantaisies et les caprices " (CDF, décl.
" Persona humana " 7). L’union charnelle n’est
moralement légitime que lorsque s’est instaurée une communauté de vie
définitive entre l’homme et la femme. L’amour humain ne tolère pas
l’ "essai ". Il exige un don total et définitif des
personnes entre elles (cf. FC 80).
En bref
2392 " L’amour est la vocation
fondamentale et innée de tout être humain " (FC 11).
2393 En créant l’être humain homme et femme, Dieu
donne la dignité personnelle d’une manière égale à l’un et à
l’autre. Il revient à chacun, homme et femme, de reconnaître et
d’accepter son identité sexuelle.
2394 Le Christ est le modèle de la chasteté. Tout
baptisé est appelé à mener une vie chaste, chacun selon son propre état
de vie.
2395 La chasteté signifie l’intégration de la
sexualité dans la personne. Elle comporte l’apprentissage de la maîtrise
personnelle.
2396 Parmi les péchés gravement contraires à la
chasteté, il faut citer la masturbation, la fornication, la
pornographie et les pratiques homosexuelles.
2397 L’alliance que les époux ont librement
contractée implique un amour fidèle. Elle leur confère l’obligation
de garder indissoluble leur mariage.
2398 La fécondité est un bien, un don, une fin du
mariage. En donnant la vie, les époux participent à la paternité de
Dieu.
2399 La régulation des naissances représente un des
aspects de la paternité et de la maternité responsables. La légitimité
des intentions des époux ne justifie pas le recours à des moyens
moralement irrecevables (p. ex. la stérilisation directe ou la
contraception).
2400 L’adultère et le divorce, la polygamie et
l’union libre sont des offenses graves à la dignité du mariage.
ARTICLE 7
LE SEPTIÈME COMMANDEMENT
Tu ne commettras pas de vol (Ex 20, 15 ; Dt 5,
19).
Tu ne voleras pas (Mt 19, 18).
2401 Le septième commandement défend de prendre
ou de retenir le bien du prochain injustement et de faire du tort au
prochain en ses biens de quelque manière que ce soit. Il prescrit la
justice et la charité dans la gestion des biens terrestres et des fruits
du travail des hommes. Il demande en vue du bien commun le respect de la
destination universelle des biens et du droit de propriété privée. La
vie chrétienne s’efforce d’ordonner à Dieu et à la charité
fraternelle les biens de ce monde.
I. La Destination universelle et la propriété privée
des biens
2402 Au commencement, Dieu a confié la terre et
ses ressources à la gérance commune de l’humanité pour qu’elle en
prenne soin, la maîtrise par son travail et jouisse de ses fruits (cf. Gn
1, 26-29). Les biens de la création sont destinés à tout le genre
humain. Cependant la terre est répartie entre les hommes pour assurer la
sécurité de leur vie, exposée à la pénurie et menacée par la
violence. L’appropriation des biens est légitime pour garantir la
liberté et la dignité des personnes, pour aider chacun à subvenir à
ses besoins fondamentaux et aux besoins de ceux dont il a la charge. Elle
doit permettre que se manifeste une solidarité naturelle entre les
hommes.
2403 Le droit à la propriété privée,
acquise ou reçue de manière juste, n’abolit pas la donation originelle
de la terre à l’ensemble de l’humanité. La destination
universelle des biens demeure primordiale, même si la promotion du
bien commun exige le respect de la propriété privée, de son droit et de
son exercice.
2404 " L’homme, dans l’usage qu’il
en fait, ne doit jamais tenir les choses qu’il possède légitimement
comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme communes :
en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui, mais aux
autres " (GS 69, § 1). La propriété d’un bien fait de son détenteur
un administrateur de la Providence pour le faire fructifier et en
communiquer les bienfaits à autrui, et d’abord à ses proches.
2405 Les biens de production – matériels ou
immatériels – comme des terres ou des usines, des compétences ou des
arts, requièrent les soins de leurs possesseurs pour que leur fécondité
profite au plus grand nombre. Les détenteurs des biens d’usage et de
consommation doivent en user avec tempérance, réservant la meilleure
part à l’hôte, au malade, au pauvre.
2406 L’autorité politique a le droit et
le devoir de régler, en fonction du bien commun, l’exercice légitime
du droit de propriété (cf. GS 71, § 4 ; SRS 42 ; CA 40 ;
48).
II. Le respect des personnes et de leurs biens
2407 En matière économique, le respect de la
dignité humaine exige la pratique de la vertu de tempérance, pour
modérer l’attachement aux biens de ce monde ; de la vertu de justice,
pour préserver les droits du prochain et lui accorder ce qui lui est dû ;
et de la solidarité, suivant la règle d’or et selon la libéralité
du Seigneur qui " de riche qu’il était s’est fait pauvre
pour nous enrichir de sa pauvreté " (2 Co 8, 9).
Le respect des biens d’autrui
2408 Le septième commandement interdit le vol,
c’est-à-dire l’usurpation du bien d’autrui contre la volonté
raisonnable du propriétaire. Il n’y a pas de vol si le consentement
peut être présumé ou si le refus est contraire à la raison et à la
destination universelle des biens. C’est le cas de la nécessité
urgente et évidente où le seul moyen de subvenir à des besoins immédiats
et essentiels (nourriture, abri, vêtement ...) est de disposer et
d’user des biens d’autrui (cf. GS 69, § 1).
2409 Toute manière de prendre et de détenir
injustement le bien d’autrui, même si elle ne contredit pas les
dispositions de la loi civile, est contraire au septième commandement.
Ainsi, retenir délibérément des biens prêtés ou des objets perdus ;
frauder dans le commerce (cf. Dt 25, 13-16) ; payer d’injustes
salaires (cf. Dt 24, 14-15 ; Jc 5, 4) ; hausser les prix en spéculant
sur l’ignorance ou la détresse d’autrui (cf. Am 8, 4-6).
Sont encore moralement illicites : la spéculation
par laquelle on agit pour faire varier artificiellement l’estimation des
biens, en vue d’en tirer un avantage au détriment d’autrui ; la
corruption par laquelle on détourne le jugement de ceux qui doivent
prendre des décisions selon le droit ; l’appropriation et
l’usage privés des biens sociaux d’une entreprise ; les travaux
mal faits, la fraude fiscale, la contrefaçon des chèques et des
factures, les dépenses excessives, le gaspillage. Infliger volontairement
un dommage aux propriétés privées ou publiques est contraire à la loi
morale et demande réparation.
2410 Les promesses doivent être tenues, et
les contrats rigoureusement observés dans la mesure où
l’engagement pris est moralement juste. Une part notable de la vie économique
et sociale dépend de la valeur des contrats entre personnes physiques ou
morales. Ainsi les contrats commerciaux de vente ou d’achat, les
contrats de location ou de travail. Tout contrat doit être convenu et exécuté
de bonne foi.
2411 Les contrats sont soumis à la justice
commutative qui règle les échanges entre les personnes et entre les
institutions, dans l’exact respect de leurs droits. La justice
commutative oblige strictement ; elle exige la sauvegarde des droits
de propriété, le paiement des dettes et la prestation des obligations
librement contractées. Sans la justice commutative, aucune autre forme de
justice n’est possible.
On distingue la justice commutative de la
justice légale qui concerne ce que le citoyen doit équitablement
à la communauté, et de la justice distributive qui règle ce que
la communauté doit aux citoyens proportionnellement à leurs
contributions et à leurs besoins.
2412 En vertu de la justice commutative, la réparation
de l’injustice commise exige la restitution du bien dérobé à
son propriétaire :
Jésus bénit Zachée de son engagement : " Si
j’ai fait du tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple "
(Lc 19, 8). Ceux qui, d’une manière directe ou indirecte, se sont emparés
d’un bien d’autrui, sont tenus de le restituer, ou de rendre l’équivalent
en nature ou en espèce, si la chose a disparu, ainsi que les fruits et
avantages qu’en aurait légitimement obtenu son propriétaire. Sont également
tenus de restituer à proportion de leur responsabilité et de leur profit
tous ceux qui ont participé au vol en quelque manière, ou en ont profité
en connaissance de cause ; par exemple ceux qui l’auraient ordonné,
ou aidé, ou recélé.
2413 Les jeux de hasard (jeu de cartes,
etc.) ou les paris ne sont pas en eux-mêmes contraires à la
justice. Ils deviennent moralement inacceptables lorsqu’ils privent la
personne de ce qui lui est nécessaire pour subvenir à ses besoins et à
ceux d’autrui. La passion du jeu risque de devenir un asservissement
grave. Parier injustement ou
tricher dans les jeux constitue une matière grave, à moins que le
dommage infligé soit si léger que celui qui le subit ne puisse
raisonnablement le considérer comme significatif.
2414 Le septième commandement proscrit les actes
ou entreprises qui, pour quelque raison que ce soit, égoïste ou idéologique,
mercantile ou totalitaire, conduisent à asservir des êtres humains,
à méconnaître leur dignité personnelle, à les acheter, à les vendre
et à les échanger comme des marchandises. C’est un péché contre la
dignité des personnes et leurs droits fondamentaux que de les réduire
par la violence à une valeur d’usage ou à une source de profit. S.
Paul ordonnait à un maître chrétien de traiter son esclave chrétien
" non plus comme un esclave, mais comme un frère ..., comme un
homme, dans le Seigneur " (Phm 16).
Le respect de l’intégrité de la création
2415 Le septième commandement demande le respect
de l’intégrité de la création. Les animaux, comme les plantes
et les êtres inanimés, sont naturellement destinés au bien commun de
l’humanité passée, présente et future (cf. Gn 1, 28-31). L’usage
des ressources minérales, végétales et animales de l’univers, ne peut
être détaché du respect des exigences morales. La domination accordée
par le Créateur à l’homme sur les êtres inanimés et les autres
vivants n’est pas absolue ; elle est mesurée par le souci de la
qualité de la vie du prochain, y compris des générations à venir ;
elle exige un respect religieux de l’intégrité de la création (cf. CA
37-38).
2416 Les animaux sont des créatures de
Dieu. Celui-ci les entoure de sa sollicitude providentielle (cf. Mt 6,
26). Par leur simple existence, ils le bénissent et lui rendent gloire
(cf. Dn 3, 57-58). Aussi les hommes leur doivent-ils bienveillance. On se
rappellera avec quelle délicatesse les saints, comme S. François
d’Assise ou S. Philippe Neri, traitaient les animaux.
2417 Dieu a confiés les animaux à la gérance de
celui qu’Il a créé à son image (cf. Gn 2, 19-20 ; 9, 1-4). Il
est donc légitime de se servir des animaux pour la nourriture et la
confection des vêtements. On peut les domestiquer pour qu’ils assistent
l’homme dans ses travaux et dans ses loisirs. Les expérimentations médicales
et scientifiques sur les animaux sont des pratiques moralement
acceptables, pourvu qu’elles restent dans des limites raisonnables et
contribuent a soigner ou sauver des vies humaines.
2418 Il est contraire à la dignité humaine de
faire souffrir inutilement les animaux et de gaspiller leurs vies. Il est
également indigne de dépenser pour eux des sommes qui devraient en
priorité soulager la misère des hommes. On peut aimer les animaux ;
on ne saurait détourner vers eux l’affection due aux seules personnes.
III. La doctrine sociale de l’Église
2419 " La révélation chrétienne
conduit à une intelligence plus pénétrante des lois de la vie sociale "
(GS 23, § 1). L’Église reçoit de l’Evangile la pleine révélation
de la vérité de l’homme. Quand elle accomplit sa mission d’annoncer
l’Evangile, elle atteste à l’homme, au nom du Christ, sa dignité
propre et sa vocation à la communion des personnes ; elle lui
enseigne les exigences de la justice et de la paix, conformes à la
sagesse divine.
2420 L’Église porte un jugement moral, en matière
économique et sociale, " quand les droits fondamentaux de la
personne ou le salut des âmes l’exigent " (GS 76, § 5). Dans
l’ordre de la moralité elle relève d’une mission distincte de celle
des autorités politiques : l’Église se soucie des aspects
temporels du bien commun en raison de leur ordination au souverain Bien,
notre fin ultime. Elle s’efforce d’inspirer les attitudes justes dans
le rapport aux biens terrestres et dans les relations socio-économiques.
2421 La doctrine sociale de l’Église s’est développée
au dix-neuvième siècle lors de la rencontre de l’Evangile avec la société
industrielle moderne, ses nouvelles structures pour la production de biens
de consommation, sa nouvelle conception de la société, de l’Etat et de
l’autorité, ses nouvelles formes de travail et de propriété. Le développement
de la doctrine de l’Église, en matière économique et sociale, atteste
la valeur permanente de l’enseignement de l’Église, en même temps
que le sens véritable de sa Tradition toujours vivante et active (cf. CA
3).
2422 L’enseignement social de l’Église
comporte un corps de doctrine qui s’articule à mesure que l’Église
interprète les événements au cours de l’histoire, à la lumière de
l’ensemble de la parole révélée par le Christ Jésus avec
l’assistance de l’Esprit Saint (cf. SRS 1 ; 41). Cet enseignement
devient d’autant plus acceptable pour les hommes de bonne volonté
qu’il inspire davantage la conduite des fidèles.
2423 La doctrine sociale de l’Église propose des
principes de réflexion ; elle dégage des critères de jugement ;
elle donne des orientations pour l’action :
Tout système suivant lequel les
rapports sociaux seraient entièrement déterminés par les facteurs économiques
est contraire à la nature de la personne humaine et de ses actes (cf. CA
24).
2424 Une théorie qui fait du profit la règle
exclusive et la fin ultime de l’activité économique est moralement
inacceptable. L’appétit désordonné de l’argent ne manque pas de
produire ses effets pervers. Il est une des causes des nombreux conflits
qui perturbent l’ordre social (cf. GS 63, § 3 ; LE 7 ; CA
35).
Un système qui " sacrifie les droits
fondamentaux des personnes et des groupes à l’organisation collective
de la production " est contraire à la dignité de l’homme (GS
65). Toute pratique qui réduit les personnes à n’être que de purs
moyens en vue du profit, asservit l’homme, conduit à l’idolâtrie de
l’argent et contribue à répandre l’athéisme. " Vous ne
pouvez servir à la fois Dieu et Mammon " (Mt 6, 24 ; Lc
16, 13).
2425 L’Église a rejeté les idéologies
totalitaires et athées associées, dans les temps modernes, au " communisme "
ou au " socialisme ". Par ailleurs, elle a récusé
dans la pratique du " capitalisme " l’individualisme
et le primat absolu de la loi du marché sur le travail humain (cf. CA 10 ;
13 ; 44). La régulation de l’économie par la seule planification
centralisée pervertit à la base les liens sociaux ; sa régulation
par la seule loi du marché manque à la justice sociale " car
il y a de nombreux besoins humains qui ne peuvent être satisfaits par le
marché " (CA 34). Il faut préconiser une régulation
raisonnable du marché et des initiatives économiques, selon une juste hiérarchie
des valeurs et en vue du bien commun.
IV. L’activité économique et la justice sociale
2426 Le développement des activités économiques
et la croissance de la production sont destinés à subvenir aux besoins
des êtres humains. La vie économique ne vise pas seulement à multiplier
les biens produits et à augmenter le profit ou la puissance ; elle
est d’abord ordonnée au service des personnes, de l’homme tout entier
et de toute la communauté humaine. Conduite selon ses méthodes propres,
l’activité économique doit s’exercer dans les limites de l’ordre
moral, suivant la justice sociale, afin de répondre au dessein de Dieu
sur l’homme (cf. GS 64).
2427 Le travail humain procède immédiatement
des personnes créées à l’image de Dieu, et appelées à prolonger,
les unes avec et pour les autres, l’œuvre de la création en dominant
la terre (cf. Gn 1, 28 ; GS 34 ; CA 31). Le travail est donc un
devoir : " Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il
ne mange pas non plus " (2 Th 3, 10 ; cf. 1 Th 4, 11). Le
travail honore les dons du Créateur et les talents reçus. Il peut aussi
être rédempteur. En endurant la peine (cf. Gn 3, 14-19) du travail en
union avec Jésus, l’artisan de Nazareth et le crucifié du Calvaire,
l’homme collabore d’une certaine façon avec le Fils de Dieu dans son
Œuvre rédemptrice. Il se montre disciple du Christ en portant la Croix,
chaque jour, dans l’activité qu’il est appelé à accomplir (cf. LE
27). Le travail peut être un moyen de sanctification et une animation des
réalités terrestres dans l’Esprit du Christ.
2428 Dans le travail, la personne exerce et
accomplit une part des capacités inscrites dans sa nature. La valeur
primordiale du travail tient à l’homme même, qui en est l’auteur et
le destinataire. Le travail est pour l’homme, et non l’homme pour le
travail (cf. LE 6).
Chacun doit pouvoir puiser dans le travail les moyens
de subvenir à sa vie et à celle des siens, et de rendre service à la
communauté humaine.
2429 Chacun a le droit d’initiative économique,
chacun usera légitimement de ses talents pour contribuer à une abondance
profitable à tous, et pour recueillir les justes fruits de ses efforts.
Il veillera à se conformer aux réglementations portées par les autorités
légitimes en vue du bien commun (cf. CA 32 ; 34).
2430 La vie économique met en cause des intérêts
divers, souvent opposés entre eux. Ainsi s’explique l’émergence des
conflits qui la caractérisent (cf. LE 11). On s’efforcera de réduire
ces derniers par la négociation qui respecte les droits et les devoirs de
chaque partenaire social : les responsables des entreprises, les représentants
des salariés, par exemple des organisations syndicales, et, éventuellement,
les pouvoirs publics.
2431 La responsabilité de l’Etat. " L’activité
économique, en particulier celle de l’économie de marché, ne peut se
dérouler dans un vide institutionnel, juridique et politique. Elle
suppose que soient assurées les garanties des libertés individuelles et
de la propriété, sans compter une monnaie stable et des services publics
efficaces. Le devoir essentiel de l’Etat est cependant d’assurer ces
garanties, afin que ceux qui travaillent puissent jouir du fruit de leur
travail et donc se sentir stimulés à l’accomplir avec efficacité et
honnêteté ... L’Etat a le devoir de surveiller et de conduire
l’application des droits humains dans le secteur économique ; dans
ce domaine toutefois, la première responsabilité ne revient pas à
l’Etat mais aux institutions et aux différents groupes et associations
qui composent la société " (CA 48).
2432 Les responsables d’entreprises
portent devant la société la responsabilité économique et écologique
de leurs opérations (cf. CA 37). Ils sont tenus de considérer le bien
des personnes et pas seulement l’augmentation des profits.
Ceux-ci sont nécessaires cependant. Ils permettent de réaliser les
investissements qui assurent l’avenir des entreprises. Ils garantissent
l’emploi.
2433 L’accès au travail et à la
profession doit être ouvert à tous sans discrimination injuste, hommes
et femmes, bien portants et handicapés, autochtones et immigrés (cf. LE
19 ; 22-23). En fonction des circonstances, la société doit pour sa
part aider les citoyens à se procurer un travail et un emploi (cf. CA
48).
2434 Le juste salaire est le fruit légitime
du travail. Le refuser ou le retenir, peut constituer une grave injustice
(cf. Lv 19, 13 ; Dt 24, 14-15 ; Jc 5, 4). Pour apprécier la rémunération
équitable, il faut tenir compte à la fois des besoins et des
contributions de chacun. " Compte tenu des fonctions et de la
productivité, de la situation de l’entreprise et du bien commun, la rémunération
du travail doit assurer à l’homme et aux siens les ressources nécessaires
à une vie digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel "
(GS 67, § 2). L’accord des parties n’est pas suffisant pour justifier
moralement le montant du salaire.
2435 La grève est moralement légitime
quant elle se présente comme un recours inévitable, sinon nécessaire,
en vue d’un bénéfice proportionné. Elle devient moralement
inacceptable lorsqu’elle s’accompagne de violences ou encore si on lui
assigne des objectifs non directement liés aux conditions de travail ou
contraires au bien commun.
2436 Il est injuste de ne pas payer aux organismes
de sécurité sociale les cotisations établies par les autorités
légitimes.
La privation d’emploi à cause du chômage est
presque toujours pour celui qui en est victime, une atteinte à sa dignité
et une menace pour l’équilibre de la vie. Outre le dommage
personnellement subi, des risques nombreux en découlent pour son foyer
(cf. LE 18).
V. Justice et solidarité entre les nations
2437 Au plan international, l’inégalité des
ressources et des moyens économiques est telle qu’elle provoque entre
les nations un véritable " fossé " (SRS 14). Il y a
d’un côté ceux qui détiennent et développent les moyens de la
croissance et, de l’autre, ceux qui accumulent les dettes.
2438 Diverses causes, de nature religieuse,
politique, économique et financière confèrent aujourd’hui " à
la question sociale une dimension mondiale " (SRS 9). La
solidarité est nécessaire entre les nations dont les politiques sont déjà
interdépendantes. Elle est encore plus indispensable lorsqu’il s’agit
d’enrayer les " mécanismes pervers " qui font
obstacle au développement des pays moins avancés (cf. SRS 17 ; 45).
Il faut substituer à des systèmes financiers abusifs sinon usuraires
(cf. CA 35), à des relations commerciales iniques entre les nations, à
la course aux armements, un effort commun pour mobiliser les ressources
vers des objectifs de développement moral, culturel et économique " en
redéfinissant les priorités et les échelles des valeurs " (CA
28).
2439 Les nations riches ont une
responsabilité morale grave à l’égard de celles qui ne peuvent par
elles-mêmes assurer les moyens de leur développement ou en ont été empêchées
par de tragiques événements historiques. C’est un devoir de solidarité
et de charité ; c’est aussi une obligation de justice si le bien-être
des nations riches provient de ressources qui n’ont pas été équitablement
payées.
2440 L’aide directe constitue une réponse
appropriée à des besoins immédiats, extraordinaires, causés par
exemple par des catastrophes naturelles, des épidémies, etc. Mais elle
ne suffit pas à réparer les graves dommages qui résultent des
situations de dénuement ni à pourvoir durablement aux besoins. Il faut
aussi réformer les institutions économiques et financières
internationales pour qu’elles promeuvent mieux des rapports équitables
avec les pays moins avancés (cf. SRS 16). Il faut soutenir l’effort des
pays pauvres travaillant à leur croissance et à leur libération (cf. CA
26). Cette doctrine demande à être appliquée d’une manière très
particulière dans le domaine du travail agricole. Les paysans, surtout
dans le Tiers Monde, forment la masse prépondérante des pauvres.
2441 Accroître le sens de Dieu et la connaissance
de soi-même est à la base de tout développement complet de la société
humaine. Celui-ci multiplie les biens matériels et les met au service
de la personne et de sa liberté. Il diminue la misère et
l’exploitation économiques. Il fait croître le respect des identités
culturelles et l’ouverture à la transcendance (cf. SRS 32 ; CA
51).
2442 Il n’appartient pas aux pasteurs de l’Église
d’intervenir directement dans la construction politique et dans
l’organisation de la vie sociale. Cette tâche fait partie de la
vocation des fidèles laïcs, agissant de leur propre initiative
avec leurs concitoyens. L’action sociale peut impliquer une pluralité
de voies concrètes. Elle sera toujours en vue du bien commun et conforme
au message évangélique et à l’enseignement de l’Église. Il revient
aux fidèles laïcs " d’animer les réalités temporelles avec
un zèle chrétien et de s’y conduire en artisans de paix et de justice "
(SRS 47 ; cf. 42).
VI. L’amour des pauvres
2443 Dieu bénit ceux qui viennent en aide aux
pauvres et réprouve ceux qui s’en détournent : " A qui
te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos "
(Mt 5, 42). " Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement "
(Mt 10, 8). C’est à ce qu’ils auront fait pour les pauvres que Jésus
Christ reconnaîtra ses élus (cf. Mt 25, 31-36). Lorsque " la
bonne nouvelle est annoncée aux pauvres " (Mt 11, 5 ; cf.
Lc 4, 18), c’est le signe de la présence du Christ.
2444 " L’amour de l’Église pour les
pauvres ... fait partie de sa tradition constante " (CA 57). Il
s’inspiré de l’Evangile des béatitudes (cf. Lc 6, 20-22), de la
pauvreté de Jésus (cf. Mt 8, 20) et de son attention aux pauvres (cf. Mc
12, 41-44). L’amour des pauvres est même un des motifs du devoir de
travailler, afin de " pouvoir faire le bien en secourant les nécessiteux "
(Ep 4, 28). Il ne s’étend pas seulement à la pauvreté matérielle,
mais aussi aux nombreuses formes de pauvreté culturelle et religieuse
(cf. CA 57).
2445 L’amour des pauvres est incompatible avec
l’amour immodéré des richesses ou leur usage égoïste :
Eh bien, maintenant, les riches ! Pleurez,
hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver. Votre richesse est
pourrie, vos vêtements sont rongés par les vers. Votre or et votre
argent sont souillés, et leur rouille témoignera contre vous :
elle dévorera vos chairs ; c’est un feu que vous avez thésaurisé
dans les derniers jours ! Voyez : le salaire dont vous avez
frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, crie, et les
clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur des
Armées. Vous avez vécu sur terre dans la mollesse et le luxe, vous
vous êtes repus au jour du carnage. Vous avez condamné le juste, il
ne vous résiste pas (Jc 5, 1-6).
2446 S. Jean Chrysostome le rappelle vigoureusement :
" Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens,
c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que
nous détenons, mais les leurs " (Laz. 1, 6 : PG 48, 992D).
" Il faut satisfaire d’abord aux exigences de la justice, de
peur que l’on n’offre comme don de la charité ce qui est déjà dû
en justice " (AA 8) :
Quand nous donnons aux pauvres les choses
indispensables, nous ne leur faisons point de largesses personnelles,
mais leur rendons ce qui est à eux. Nous remplissons bien plus un
devoir de justice que nous n’accomplissons un acte de charité (S.
Grégoire le Grand, past. 3, 21).
2447 Les œuvres de miséricorde sont les
actions charitables par lesquelles nous venons en aide à notre prochain
dans ses nécessités corporelles et spirituelles (cf. Is 58, 6-7 ;
He 13, 3). Instruire, conseiller, consoler, conforter sont des œuvres de
miséricorde spirituelle, comme pardonner et supporter avec patience. Les
œuvres de miséricorde corporelle consistent notamment à nourrir les
affamés, loger les sans logis, vêtir les déguenillés, visiter les
malades et les prisonniers, ensevelir les morts (cf. Mt 25, 31-46). Parmi
ces gestes, l’aumône faite aux pauvres (cf. Tb 4, 5-11 ; Si 17,
22) est un des principaux témoignages de la charité fraternelle :
elle est aussi une pratique de justice qui plaît à Dieu (cf. Mt 6, 2-4) :
Que celui qui a deux tuniques partage avec celui
qui n’en a pas, et que celui qui a à manger fasse de même (Lc 3,
11). Donnez plutôt en aumône tout ce que vous avez, et tout sera pur
pour vous (Lc 11, 41). Si un frère ou une sœur sont nus, s’ils
manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre vous
leur dise : " Allez en paix, chauffez-vous,
rassasiez-vous ", sans leur donner ce qui est nécessaire à
leur corps, à quoi cela sert-il ? (Jc 2, 15-16 ; cf. 1 Jn
3, 17).
2448 " Sous ses multiples formes : dénuement
matériel, oppression injuste, infirmités physiques et psychiques, et
enfin la mort, la misère humaine est le signe manifeste de la
condition native de faiblesse où l’homme se trouve depuis le premier péché
et du besoin de salut. C’est pourquoi elle a attiré la compassion du
Christ Sauveur qui a voulu la prendre sur lui et s’identifier aux
‘plus petits d’entre ses frères’. C’est pourquoi ceux qu’elle
accable sont l’objet d’un amour de préférence de la part de
l’Église qui, depuis les origines, en dépit des défaillances de
beaucoup de ses membres, n’a cessé de travailler à les soulager, les défendre
et les libérer. Elle l’a fait par d’innombrables œuvres de
bienfaisance qui restent toujours et partout indispensables "
(CDF, instr. " Libertatis conscientia " 68).
2449 Dès l’Ancien Testament, toutes sortes de
mesures juridiques (année de rémission, interdiction du prêt à intérêt
et de la conservation d’un gage, obligation de la dîme, paiement
quotidien du journalier, droit de grappillage et de glanage) répondent à
l’exhortation du Deutéronome : " Certes les pauvres ne
disparaîtront point de ce pays ; aussi je te donne ce commandement :
tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre
dans ton pays " (Dt 15, 11). Jésus fait sienne cette parole :
" Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec vous :
mais moi, vous ne m’aurez pas toujours " (Jn 12, 8). Par là
il ne rend pas caduque la véhémence des oracles anciens : " Parce
qu’ils vendent le juste à prix d’argent et le pauvre pour une paire
de sandales ... " (Am 8, 6), mais il nous invite à reconnaître
sa présence dans les pauvres qui sont ses frères (cf. Mt 25, 40) :
Le jour où sa mère la reprit d’entretenir à la
maison pauvres et infirmes, sainte Rose de Lima lui dit : " Quand
nous servons les pauvres et les malades, nous servons Jésus. Nous ne
devons pas nous lasser d’aider notre prochain, parce qu’en eux
c’est Jésus que nous servons " (Vita).
En bref
2450 " Tu ne voleras pas " (Dt
5, 19). " Ni voleurs, ni cupides ... ni rapaces n’hériteront
du Royaume de Dieu " (1 Co 6, 10).
2451 Le septième commandement prescrit la pratique
de la justice et de la charité dans la gestion des biens terrestres
et des fruits du travail des hommes.
2452 Les biens de la création sont destinés au
genre humain tout entier. Le droit à la propriété privée
n’abolit pas la destination universelle des biens.
2453 Le septième commandement proscrit le vol. Le
vol est l’usurpation du bien d’autrui, contre la volonté
raisonnable du propriétaire.
2454 Toute manière de prendre et d’user
injustement du bien d’autrui est contraire au septième
commandement. L’injustice commise exige réparation. La justice
commutative exige la restitution du bien dérobé.
2455 La loi morale proscrit les actes qui, à des
fins mercantiles ou totalitaires, conduisent à asservir des êtres
humains, à les acheter, à les vendre et à les échanger comme des
marchandises.
2456 La domination accordée par le Créateur sur
les ressources minérales, végétales et animales de l’univers ne
peut être séparé du respect des obligations morales, y compris
envers les générations à venir.
2457 Les animaux sont confiés à la gérance de
l’homme qui leur doit bienveillance. Ils peuvent servir à la juste
satisfaction des besoins de l’homme.
2458 L’Église porte un jugement en matière économique
et sociale quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut
des âmes l’exigent. Elle se soucie du bien commun temporel des
hommes en raison de leur ordination au souverain Bien, notre fin
ultime.
2459 L’homme est lui-même l’auteur, le centre
et le but de toute la vie économique et sociale. Le point décisif de
la question sociale est que les biens créés par Dieu pour tous
arrivent en fait à tous, suivant la justice et avec l’aide de la
charité.
2460 La valeur primordiale du travail tient à
l’homme même, qui en est l’auteur et le destinataire. Moyennant
son travail, l’homme participe à l’œuvre de la création. Uni au
Christ le travail peut être rédempteur.
2461 Le développement véritable est celui de
l’homme tout entier. Il s’agit de faire croître la capacité de
chaque personne de répondre à sa vocation, donc à l’appel de Dieu
(cf. CA 29).
2462 L’aumône faite aux pauvres est un témoignage
de charité fraternelle : elle est aussi une pratique de justice
qui plait à Dieu.
2463 Dans la multitude d’êtres humains sans
pain, sans toit, sans lieu, comment ne pas reconnaître Lazare,
mendiant affamé de la parabole (cf. Lc 17, 19-31) ? Comment ne
pas entendre Jésus : " A moi non plus vous ne l’avez
pas fait " (Mt 25, 45) ?
ARTICLE 8
LE HUITIÈME COMMANDEMENT
Tu ne témoigneras pas faussement contre ton
prochain.(Ex 20, 16).
Il a été dit aux anciens : Tu ne parjureras
pas, mais tu t’acquitteras envers le Seigneur de tes serments (Mt 5,
33).
2464 Le huitième commandement interdit de
travestir la vérité dans les relations avec autrui. Cette prescription
morale découle de la vocation du peuple saint à être témoin de son
Dieu qui est et qui veut la vérité. Les offenses à la vérité
expriment, par des paroles ou des actes, un refus de s’engager dans la
rectitude morale : elles sont des infidélités foncières à Dieu
et, en ce sens, sapent les bases de l’Alliance
I. Vivre dans la vérité
2465 L’Ancien Testament l’atteste : Dieu
est source de toute vérité. Sa Parole est vérité (cf. Pr 8, 6 ;
2 R 7, 28). Sa loi est vérité (cf. Ps 118, 142). " Sa fidélité
demeure d’âge en âge " (Ps 119, 90 ; Lc 1, 46). Puisque
Dieu est le " Véridique " (Rm 3, 4) les membres de
son Peuple sont appelés à vivre dans la vérité (cf. Ps 118, 30).
2466 En Jésus-Christ, la vérité de Dieu s’est
manifestée tout entière. " Plein de grâce et de vérité "
(Jn 1, 14), il est la " lumière du monde " (Jn 8,
12), il est la Vérité (cf. Jn 14, 6). " Quiconque
croit en lui, ne demeure pas dans les ténèbres " (Jn 12, 46).
Le disciple de Jésus, " demeure dans sa parole " afin
de connaître " la vérité qui rend libre " (Jn 8,
32) et qui sanctifie (cf. Jn 17, 17). Suivre Jésus, c’est vivre de
" l’Esprit de vérité " (Jn 14, 17) que le Père
envoie en son nom (cf. Jn 14, 26) et qui conduit " à la vérité
tout entière " (Jn 14, 17 ; 16, 13). A ses disciples Jésus
enseigne l’amour inconditionnel de la vérité : " Que
votre langage soit : ‘Oui ? oui’, ‘Non ? non’ "
(Mt 5, 37).
2467 L’homme se porte naturellement vers la vérité.
Il est tenu de l’honorer et de l’attester : " En vertu
de leur dignité, tous les hommes, parce qu’ils sont des personnes ...
sont pressés par leur nature même et tenus, par obligation morale, à
chercher la vérité, celle tout d’abord qui concerne la religion. Il
sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu’ils la connaissent
et à régler toute leur vie selon les exigences de la vérité "
(DH 2).
2468 La vérité comme rectitude de l’agir et de
la parole humaine a pour nom véracité, sincérité ou
franchise. La vérité ou véracité est la vertu qui consiste à se
montrer vrai en ses actes et à dire vrai en ses paroles, en se gardant de
la duplicité, de la simulation et de l’hypocrisie.
2469 " Les hommes ne pourraient pas vivre
ensemble s’ils n’avaient pas de confiance réciproque, c’est-à-dire
s’ils ne se manifestaient pas la vérité " (S. Thomas d’A.,
s. th. 2-2, 109, 3, ad 1). La vertu de vérité rend justement à autrui
son dû. La véracité observe un juste milieu entre ce qui doit être
exprimé, et le secret qui doit être gardé : elle implique l’honnêteté
et la discrétion. En justice, " un homme doit honnêtement à
un autre la manifestation de la vérité " (S. Thomas d’A., s.
th. 2-2, 109, 3).
2470 Le disciple du Christ accepte de " vivre
dans la vérité ", c’est-à-dire dans la simplicité d’une
vie conforme à l’exemple du Seigneur et demeurant dans sa Vérité.
" Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, alors
que nous marchons dans les ténèbres, nous mentons, nous n’agissons pas
selon la vérité " (1 Jn 1, 6).
II. " Rendre témoignage à la vérité "
2471 Devant Pilate le Christ proclame qu’il est
" venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité "
(Jn 18, 37). Le chrétien n’a pas à " rougir de rendre témoignage
au Seigneur " (2 Tm 1, 8). Dans les situations qui demandent
l’attestation de la foi, le chrétien doit la professer sans équivoque,
à l’exemple de S. Paul en face de ses juges. Il lui faut garder " une
conscience irréprochable devant Dieu et devant les hommes " (Ac
24, 16).
2472 Le devoir des chrétiens de prendre part à la
vie de l’Église les pousse à agir comme témoins de l’Evangile
et des obligations qui en découlent. Ce témoignage est transmission de
la foi en paroles et en actes. Le témoignage est un acte de justice qui
établit ou fait connaître la vérité (cf. Mt 18, 16) :
Tous les chrétiens, partout où ils vivent, sont
tenus de manifester ... par l’exemple de leur vie et le témoignage
de leur parole, l’homme nouveau qu’ils ont revêtu par le baptême,
et la force du Saint-Esprit qui les a fortifiés au moyen de la
confirmation (AG 11).
2473 Le martyre est le suprême témoignage
rendu à la vérité de la foi ; il désigne un témoigne qui va
jusqu’à la mort. Le martyr rend témoignage au Christ, mort et
ressuscité, auquel il est uni par la charité. Il rend témoignage à la
vérité de la foi et de la doctrine chrétienne. Il supporte la mort par
un acte de force. " Laissez-moi devenir la pâture des bêtes.
C’est par elles qu’il me sera donné d’arriver à Dieu "
(Ignace d’Antioche, Rom. 4, 1).
2474 Avec le plus grand soin, l’Église a
recueilli les souvenirs de ceux qui sont allés jusqu’au bout pour
attester leur foi. Ce sont les actes des Martyrs. Ils constituent
les archives de la Vérité écrites en lettres de sang :
Rien ne me servira des charmes du monde ni des
royaumes de ce siècle. Il est meilleur pour moi de mourir [pour
m’unir] au Christ Jésus, que de régner sur les extrémités de la
terre. C’est Lui que je cherche, qui est mort pour nous ; Lui
que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche
.... (S. Ignace d’Antioche, Rom. 6, 1-2).
Je te bénis pour m’avoir jugé digne de ce jour
et de cette heure, digne d’être compté au nombre de tes martyrs
... Tu as gardé ta promesse, Dieu de la fidélité et de la vérité.
Pour cette grâce et pour toute chose, je te loue, je te bénis, je te
glorifie par l’éternel et céleste Grand Prêtre, Jésus-Christ,
ton enfant bien-aimé. Par lui, qui est avec Toi et l’Esprit, gloire
te soit rendue, maintenant et dans les siècles à venir. Amen (S.
Polycarpe, mart. 14, 2-3).
III. Les offenses à la vérité
2475 Les disciples du Christ ont " revêtu
l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui
viennent de la vérité " (Ep 4, 24). " Débarrassés
du mensonge " (Ep 4, 25), ils ont à " rejeter toute méchanceté
et toute ruse, toute forme d’hypocrisie, d’envie et de médisance "
(1 P 2, 1).
2476 Faux témoignage et parjure. Quand il est émis
publiquement, un propos contraire à la vérité revêt une particulière
gravité. Devant un tribunal, il devient un faux témoignage (cf. Pr 19,
9). Quand il est tenu sous serment, il s’agit d’un parjure. Ces manières
d’agir contribuent, soit à condamner un innocent, soit à disculper un
coupable ou à augmenter la sanction encourue par l’accusé (cf. Pr 18,
5). Elles compromettent gravement l’exercice de la justice et l’équité
de la sentence prononcée par les juges.
2477 Le respect de la réputation des
personnes interdit toute attitude et toute parole susceptibles de leur
causer un injuste dommage (cf. CIC, can. 220). Se rend coupable
– de jugement téméraire celui qui, même
tacitement admet comme vrai, sans fondement suffisant, un défaut moral
chez le prochain.
– de médisance celui qui, sans
raison objectivement valable, dévoile à des personnes qui l’ignorent
les défauts et les fautes d’autrui (cf. Si 21, 28).
– de calomnie celui qui, par des propos
contraires à la vérité, nuit à la réputation des autres et donne
occasion à de faux jugements à leur égard.
2478 Pour éviter le jugement téméraire, chacun
veillera à interpréter autant que possible dans un sens favorable les
pensées, paroles et actions de son prochain :
Tout bon chrétien doit être plus prompt à sauver
la proposition du prochain qu’à la condamner. Si l’on ne peut la
sauver, qu’on lui demande comment il la comprend ; et s’il la
comprend mal, qu’on le corrige avec amour ; et si cela ne
suffit pas, qu’on cherche tous les moyens adaptés pour qu’en la
comprenant bien il se sauve (S. Ignace, ex. spir. 22).
2479 Médisance et calomnie détruisent la réputation
et l’honneur du prochain. Or, l’honneur est le témoignage
social rendu à la dignité humaine, et chacun jouit d’un droit naturel
à l’honneur de son nom, à sa réputation et au respect. Ainsi, la médisance
et la calomnie lèsent-elles les vertus de justice et de charité.
2480 Est à proscrire toute parole ou attitude qui,
par flatterie, adulation ou complaisance, encourage et confirme
autrui dans la malice de ses actes et la perversité de sa conduite.
L’adulation est une faute grave si elle se fait complice de vices ou de
péchés graves. Le désir de rendre service ou l’amitié, ne justifient
pas une duplicité du langage. L’adulation est un péché véniel quand
elle désire seulement être agréable, éviter un mal, parer à une nécessité,
obtenir des avantages légitimes.
2481 La jactance ou vantardise constitue une
faute contre la vérité. Il en est de même de l’ironie qui vise
à déprécier quelqu’un en caricaturant, de manière malveillante, tel
ou tel aspect de son comportement.
2482 " Le mensonge consiste à
dire le faux avec l’intention de tromper " (S. Augustin, mend.
4, 5 : PL 40, 491). Le Seigneur dénonce dans le mensonge une œuvre
diabolique : " Vous avez pour père le diable ... il n’y
a pas de vérité en lui : quand il dit ses mensonges, il les tire de
son propre fonds, parce qu’il est menteur et père du mensonge "
(Jn 8, 44).
2483 Le mensonge est l’offense la plus directe à
la vérité. Mentir, c’est parler ou agir contre la vérité pour
induire en erreur. En blessant la relation de l’homme à la vérité et
au prochain, le mensonge offense la relation fondatrice de l’homme et de
sa parole au Seigneur.
2484 La gravité du mensonge se mesure selon
la nature de la vérité qu’il déforme, selon les circonstances, les
intentions de celui qui le commet, les préjudices subis par ceux qui en
sont victimes. Si le mensonge, en soi, ne constitue qu’un péché véniel,
il devient mortel quand il lèse gravement les vertus de justice et de
charité.
2485 Le mensonge est condamnable dans sa nature. Il
est une profanation de la parole qui a pour tâche de communiquer à
d’autres la vérité connue. Le propos délibéré d’induire le
prochain en erreur par des propos contraires à la vérité constitue un
manquement à la justice et à la charité. La culpabilité est plus
grande quand l’intention de tromper risque d’avoir des suites funestes
pour ceux qui sont détournés du vrai.
2486 Le mensonge (parce qu’il est une violation
de la vertu de véracité), est une véritable violence faite à autrui.
Il l’atteint dans sa capacité de connaître, qui est la condition de
tout jugement et de toute décision. Il contient en germe la division des
esprits et tous les maux qu’elle suscite. Le mensonge est funeste pour
toute société ; il sape la confiance entre les hommes et déchire
le tissu des relations sociales.
2487 Toute faute commise à l’égard de la
justice et de la vérité appelle le devoir de réparation, même
si son auteur a été pardonné. Lorsqu’il est impossible de réparer un
tort publiquement, il faut le faire en secret ; si celui qui a subi
un préjudice ne peut être directement dédommagé, il faut lui donner
satisfaction moralement, au nom de la charité. Ce devoir de réparation
concerne aussi bien les fautes commises à l’égard de la réputation
d’autrui. Cette réparation, morale et parfois matérielle, doit
s’apprécier à la mesure du dommage qui a été causé. Elle oblige en
conscience.
IV. Le respect de la vérité
2488 Le droit à la communication de la vérité
n’est pas inconditionnel. Chacun doit conformer sa vie au précepte évangélique
de l’amour fraternel. Celui-ci demande, dans les situations concrètes,
d’estimer s’il convient ou non de révéler la vérité à celui qui
la demande.
2489 La charité et le respect de la vérité
doivent dicter la réponse à toute demande d’information ou
de communication. Le bien et la sécurité d’autrui, le respect de
la vie privée, le bien commun sont des raisons suffisantes pour taire ce
qui ne doit pas être connu, ou pour user d’un langage discret. Le
devoir d’éviter le scandale commande souvent une stricte discrétion.
Personne n’est tenu de révéler la vérité à qui n’a pas droit de
la connaître (cf. Si 27, 16 ; Pr 25, 9-10).
2490 Le secret du sacrement de réconciliation
est sacré, et ne peut être trahi sous aucun prétexte. " Le
secret sacramentel est inviolable ; c’est pourquoi il est
absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent,
par des paroles ou d’une autre manière, et pour quelque cause que ce
soit " (CIC, can. 982).
2491 Les secrets professionnels – détenus
par exemple par des hommes politiques, des militaires, des médecins, des
juristes – ou les confidences faites sous le sceau du secret, doivent être
gardés, sauf dans les cas exceptionnels où la rétention du secret
devrait causer à celui qui les confie, à celui qui les reçoit ou à un
tiers des dommages très graves et seulement évitables par la divulgation
de la vérité. Même si elles n’ont pas été confiées sous le sceau
du secret, les informations privées préjudiciables à autrui n’ont pas
à être divulguées sans une raison grave et proportionnée.
2492 Chacun doit garder la juste réserve à propos
de la vie privée des gens. Les responsables de la communication doivent
maintenir une juste proportion entre les exigences du bien commun et le
respect des droits particuliers. L’ingérence de l’information dans la
vie privée de personnes engagées dans une activité politique ou
publique est condamnable dans la mesure où elle porte atteinte à leur
intimité et à leur liberté.
V. L’usage des Moyens de communication sociale
2493 Au sein de la société moderne, les moyens de
communication sociale ont un rôle majeur dans l’information, la
promotion culturelle et la formation. Ce rôle grandit, en raison des
progrès techniques, de l’ampleur et de la diversité des nouvelles
transmises, de l’influence exercée sur l’opinion publique.
2494 L’information médiatique est au service du
bien commun (cf. IM 11). La société a droit à une information fondée
sur la vérité, la liberté, la justice, et la solidarité :
Le bon exercice de ce droit requiert que la
communication soit, quant à l’objet, toujours véridique et –
dans le respect des exigences de la justice et de la charité –
complète ; qu’elle soit, quant au mode, honnête et
convenable, c’est-à-dire que dans l’acquisition et la diffusion
des nouvelles, elle observe absolument les lois morales, les droits et
la dignité de l’homme (IM 5).
2495 " Il est nécessaire que tous les
membres de la société remplissent dans ce domaine aussi leurs devoirs
de justice et de vérité. Ils emploieront les moyens de communication
sociale pour concourir à la formation et à la diffusion de saines
opinions publiques " (IM 8). La solidarité apparaît comme
une conséquence d’une communication vraie et juste, et de la libre
circulation des idées, qui favorisent la connaissance et le respect
d’autrui.
2496 Les moyens de communication sociale (en
particulier les mass média) peuvent engendrer une certaine passivité
chez les usagers, faisant de ces derniers des consommateurs peu
vigilants de messages ou de spectacles. Les usagers s’imposeront modération
et discipline vis-à-vis des mass média. Ils voudront se former une
conscience éclairée et droite afin de résister plus facilement aux
influences moins honnêtes.
2497 Au titre même de leur profession dans la
presse, ses responsables ont l’obligation, dans la diffusion de
l’information, de servir la vérité et de ne pas offenser la charité.
Ils s’efforceront de respecter, avec un égal souci, la nature des
faits et les limites du jugement critique à l’égard des personnes.
Ils doivent éviter de céder à la diffamation.
2498 " Des devoirs particuliers
reviennent aux autorités civiles en raison du bien commun. Les
pouvoirs publics ont à défendre et à protéger la vraie et juste
liberté de l’information " (IM 12). En promulguant des lois
et en veillant à leur application, les pouvoirs publics s’assureront
que le mauvais usage des média ne vienne " causer de graves
préjudices aux mœurs publiques et aux progrès de la société "
(IM 12). Ils sanctionneront la violation des droits de chacun à la réputation
et au secret de la vie privée. Ils donneront à temps et honnêtement
les informations qui concernent le bien général ou répondent aux
inquiétudes fondées de la population. Rien ne peut justifier le
recours aux fausses informations pour manipuler l’opinion publique par
les média. Ces interventions ne porteront pas atteinte à la liberté
des individus et des groupes.
2499 La morale dénonce la plaie des états
totalitaires qui falsifient systématiquement la vérité, exercent par
les médias une domination politique de l’opinion, " manipulent "
les accusés et les témoins de procès publics et imaginent assurer
leur tyrannie en jugulant et en réprimant tout ce qu’ils considèrent
comme " délits d’opinion ".
VI. Vérité, Beauté et Art sacré
2500 La pratique du bien s’accompagne d’un
plaisir spirituel gratuit et de la beauté morale. De même, la vérité
comporte la joie et la splendeur de la beauté spirituelle. La vérité
est belle par elle-même. La vérité de la parole, expression
rationnelle de la connaissance de la réalité créée et Incréée, est nécessaire
à l’homme doué d’intelligence, mais la vérité peut aussi trouver
d’autres formes d’expression humaine, complémentaires, surtout quand
il s’agit d’évoquer ce qu’elle comporte d’indicible, les
profondeurs du cœur humain, les élévations de l’âme, le Mystère de
Dieu. Avant même de Se révéler à l’homme en paroles de vérité,
Dieu Se révèle à lui par le langage universel de la Création, œuvre
de Sa Parole, de Sa Sagesse : l’ordre et l’harmonie du cosmos –
que découvre et l’enfant et l’homme de science – " la
grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur
Auteur " (Sg 13, 5), " car c’est la Source même de
la beauté qui les a créées " (Sg 13, 3).
La Sagesse est, en effet, un effluve de la
puissance de Dieu, une émanation toute pure de la gloire du
Tout-Puissant ; aussi rien de souillé ne s’introduit en elle.
Car elle est un reflet de la Lumière Eternelle, un miroir sans tache
de l’activité de Dieu, une image de Sa bonté (Sg 7, 25-26). La
Sagesse est, en effet, plus belle que le soleil, elle surpasse toutes
les constellations, comparée à la lumière, elle l’emporte ;
car celle-ci fait place à la nuit, mais contre la Sagesse le mal ne
prévaut pas (Sg 7, 29-30). Je suis devenu amoureux de sa beauté (Sg
8, 2).
2501 " Créé à l’image de Dieu "
(Gn 1, 26), l’homme exprime aussi la vérité de son rapport à Dieu Créateur
par la beauté de ses œuvres artistiques. L’art, en effet, est
une forme d’expression proprement humaine ; au de-là de la
recherche des nécessités vitales commune à toutes les créatures
vivantes, il est une surabondance gratuite de la richesse intérieure de
l’être humain. Surgissant d’un talent donné par le Créateur et de
l’effort de l’homme lui-même, l’art est une forme de sagesse
pratique, unissant connaissance et savoir-faire (Sg 7, 18) pour donner
forme à la vérité d’une réalité dans le langage accessible à la
vue ou à l’ouïe. L’art comporte ainsi une certaine similitude avec
l’activité de Dieu dans le créé, dans la mesure où il s’inspire de
la vérité et de l’amour des êtres. Pas plus qu’aucune autre activité
humaine, l’art n’a en lui-même sa fin absolue, mais il est ordonné
et anobli par la fin ultime de l’homme (cf. Pie XII, discours 25 décembre
1955 et discours 3 septembre 1950).
2502 L’art sacré est vrai et beau,
quand il correspond par sa forme à sa vocation propre : évoquer et
glorifier, dans la Foi et l’adoration, le Mystère transcendant de Dieu,
Beauté Suréminente Invisible de Vérité et d’Amour, apparue dans le
Christ, " Resplendissement de Sa gloire, Effigie de Sa Substance "
(He 1, 3), en Qui " habite corporellement toute la Plénitude de
la Divinité " (Col 2, 9), beauté spirituelle réfractée dans
la très Sainte Vierge Mère de Dieu, les Anges et les Saints. L’art
sacré véritable porte l’homme à l’adoration, à la prière et à
l’amour de Dieu Créateur et Sauveur, Saint et Sanctificateur.
2503
C’est pourquoi les évêques
doivent, par eux-mêmes ou par délégation, veiller à promouvoir l’art
sacré, ancien et nouveau, sous toutes ses formes, et à écarter, avec le
même soin religieux, de la liturgie et des édifices du culte, tout ce
qui n’est pas conforme à la vérité de la Foi et à l’authentique
beauté de l’art sacré (cf. SC 122-127).
En bref
2504 " Tu ne témoigneras pas faussement
contre ton prochain " (Ex 20, 16). Les disciples du Christ ont
" revêtu l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice
et la sainteté qui viennent de la vérité " (Ep 4, 24).
2505 La vérité ou véracité est la vertu qui
consiste à se montrer vrai en ses actes et à dire vrai en ses paroles,
se gardant de la duplicité, de la simulation et de l’hypocrisie.
2506 Le chrétien n’a pas à " rougir de
rendre témoignage au Seigneur " (2 Tm 1, 8) en acte et en
parole. Le martyre est le suprême témoignage rendu à la vérité de
la foi.
2507 Le respect de la réputation et de l’honneur
des personnes interdit toute attitude ou toute parole de médisance ou
de calomnie.
2508 Le mensonge consiste à dire le faux avec
l’intention de tromper le prochain.
2509 Une faute commise à l’encontre de la vérité
demande réparation.
2510 La règle d’or aide à discerner, dans les
situations concrètes, s’il convient ou non de révéler la vérité
à celui qui la demande.
2511 " Le secret sacramentel est inviolable "
(CIC, can. 983 § 1). Les secrets professionnels doivent être gardés.
Les confidences préjudiciables à autrui n’ont pas à être divulguées.
2512 La société a droit à une information fondée
sur la vérité, la liberté, la justice. Il convient de s’imposer modération
et discipline dans l’usage des moyens de communication sociale.
2513 Les beaux-arts, mais surtout l’art sacré
" visent, par nature, à exprimer de quelque façon dans les
œuvres humaines la beauté infinie de Dieu, et ils se consacrent
d’autant plus à accroître sa louange et sa gloire qu’ils n’ont
pas d’autre propos que de contribuer le plus possible à tourner les
âmes humaines vers Dieu " (SC 122).
ARTICLE 9
LE NEUVIÈME COMMANDEMENT
Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu
ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa
servante, ni son bœuf, ni son âne, rien de ce qui est à ton
prochain (Ex 20, 17).
Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà
commis dans son cœur l’adultère avec elle (Mt 5, 28).
2514 S. Jean distingue trois espèces de convoitise
ou de concupiscence : la convoitise de la chair, la convoitise des
yeux et l’orgueil de la vie (cf. 1 Jn 2, 16 [Vulg.]). Suivant la
tradition catéchétique catholique, le neuvième commandement proscrit la
concupiscence charnelle ; le dixième interdit la convoitise du bien
d’autrui.
2515 Au sens étymologique, la " concupiscence "
peut désigner toute forme véhémente de désir humain. La théologie chrétienne
lui a donné le sens particulier du mouvement de l’appétit sensible qui
contrarie l’œuvre de la raison humaine. L’Apôtre S. Paul
l’identifie à la révolte que la " chair " mène
contre l’ "esprit " (cf. Ga 5, 16. 17. 24 ; Ep
2, 3). Elle vient de la désobéissance du premier péché (Gn 3, 11).
Elle dérègle les facultés morales de l’homme et, sans être une faute
en elle-même, incline ce dernier à commettre des péchés (cf. Cc.
Trente : DS 1515).
2516 Déjà dans l’homme, parce qu’il est un être
composé, esprit et corps, il existe une certaine tension,
il se déroule une certaine lutte de tendances entre l’ "esprit "
et la " chair ". Mais cette lutte, en fait, appartient
à l’héritage du péché, elle en est une conséquence et, en même
temps, une confirmation. Elle fait partie de l’expérience quotidienne
du combat spirituel :
Pour l’Apôtre, il ne s’agit pas de mépriser
et de condamner le corps qui, avec l’âme spirituelle, constitue la
nature de l’homme et sa personnalité de sujet ; il traite, par
contre, des œuvres ou plutôt des dispositions stables – vertus et
vices – moralement bonnes ou mauvaises, qui sont le fruit de
la soumission (dans le premier cas) ou au contraire de la résistance
(dans le second cas) à l’action salvatrice de l’Esprit Saint.
C’est pourquoi l’Apôtre écrit : " Puisque
l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir "
(Ga 5, 25) (Jean-Paul II, DeV 55).
I. La purification du cœur
2517 Le cœur est le siège de la personnalité
morale : " C’est du cœur que viennent intentions
mauvaises, meurtres, adultères et inconduites " (Mt 15, 19). La
lutte contre la convoitise charnelle passe par la purification du cœur et
la pratique de la tempérance :
Maintiens-toi dans la simplicité, l’innocence,
et tu seras comme les petits enfants qui ignorent le mal destructeur
de la vie des hommes (Hermas, mand. 2, 1).
2518 La sixième béatitude proclame : " Bienheureux
les cœurs purs, car ils verront Dieu " (Mt 5, 8). Les " cœurs
purs " désignent ceux qui ont accordé leur intelligence et
leur volonté aux exigences de la sainteté de Dieu, principalement en
trois domaines : la charité (cf. 1 Tm 4, 3-9 ; 2 Tm 2, 22), la
chasteté ou rectitude sexuelle (cf. 1 Th 4, 7 ; Col 3, 5 ; Ep
4, 19), l’amour de la vérité et l’orthodoxie de la foi (cf. Tt 1, 15 ;
1 Tm 1, 3-4 ; 2 Tm 2, 23-26). Il existe un lien entre la pureté du cœur,
du corps et de la foi :
Les fidèles doivent croire les articles du
Symbole, " afin qu’en croyant, ils obéissent à Dieu ;
qu’en obéissant, ils vivent bien ; qu’en vivant bien, ils
purifient leur cœur et qu’en purifiant leur cœur, ils comprennent
ce qu’ils croient " (S. Augustin, fid. et symb. 10, 25 :
PL 40, 196).
2519 Aux " cœurs purs " est
promis de voir Dieu face-à-face et de Lui être semblables (cf. 1 Co 13,
12 ; 1 Jn 3, 2). La pureté du cœur est le préalable à la vision.
Dès aujourd’hui, elle nous donne de voir selon Dieu, de recevoir
autrui comme un " prochain " ; elle nous permet
de percevoir le corps humain, le nôtre et celui du prochain, comme un
temple de l’Esprit Saint, une manifestation de la beauté divine.
II. Le combat pour la pureté
2520 Le Baptême confère à celui qui le reçoit
la grâce de la purification de tous les péchés. Mais le baptisé doit
continuer à lutter contre la concupiscence de la chair et les convoitises
désordonnées. Avec la grâce de Dieu, il y parvient
– par la vertu et le don de chasteté,
car la chasteté permet d’aimer d’un cœur droit et sans partage.
– par la pureté d’intention qui consiste à
viser la fin véritable de l’homme : D’un œil simple, le baptisé
cherche à trouver et à accomplir en toute chose la volonté de Dieu (cf.
Rm 12, 2 ; Col 1, 10).
– par la pureté du regard, extérieur et intérieur ;
par la discipline des sentiments et de l’imagination ; par le refus
de toute complaisance dans les pensées impures qui inclinent à se détourner
de la voie des commandements divins : " La vue éveille la
passion chez les insensés " (Sg 15, 5).
– par la prière :
Je croyais que la continence relevait de mes
propres forces, ... forces que je ne me connaissais pas. Et j’étais
assez sot pour ne pas savoir que personne ne peut être continent, si
tu ne le lui donnes. Et certes, tu l’aurais donné, si de mon gémissement
intérieur, j’avais frappé à tes oreilles et si d’une foi
solide, j’avais jeté en toi mon souci (S. Augustin, conf. 6, 11,
20).
2521 La pureté demande la pudeur. Celle-ci
est une partie intégrante de la tempérance. La pudeur préserve
l’intimité de la personne. Elle désigne le refus de dévoiler ce qui
doit rester caché. Elle est ordonnée à la chasteté dont elle atteste
la délicatesse. Elle guide les regards et les gestes conformes à la
dignité des personnes et de leur union.
2522 La pudeur protège le mystère des personnes
et de leur amour. Elle invite à la patience et à la modération dans la
relation amoureuse ; elle demande que soient remplies les conditions
du don et de l’engagement définitif de l’homme et de la femme entre
eux. La pudeur est modestie. Elle inspire le choix du vêtement. Elle
maintient le silence ou le réserve là où transparaît le risque d’une
curiosité malsaine. Elle se fait discrétion.
2523 Il existe une pudeur des sentiments aussi bien
que du corps. Elle proteste, par exemple, contre les explorations " voyeuristes "
du corps humain dans certaines publicités, ou contre la sollicitation de
certains médias à aller trop loin dans la révélation de confidences
intimes. La pudeur inspire une manière de vivre qui permet de résister
aux sollicitations de la mode et à la pression des idéologies
dominantes.
2524 Les formes revêtues
par la pudeur varient d’une culture à l’autre. Partout, cependant,
elle reste le pressentiment d’une dignité spirituelle propre à
l’homme. Elle naît par l’éveil de la conscience du sujet. Enseigner
la pudeur à des enfants et des adolescents c’est éveiller au respect
de la personne humaine.
2525 La pureté chrétienne demande une purification
du climat social. Elle exige des moyens de communication sociale une
information soucieuse de respect et de retenue. La pureté du cœur libère
de l’érotisme diffus et écarte des spectacles qui favorisent le
voyeurisme et l’illusion.
2526 Ce qui est appelé la permissivité des mœurs
repose sur une conception erronée de la liberté humaine ; pour s’édifier,
cette dernière a besoin de se laisser éduquer au préalable par la loi
morale. Il convient de demander aux responsables de l’éducation de
dispenser à la jeunesse un enseignement respectueux de la vérité, des
qualités du cœur et de la dignité morale et spirituelle de l’homme.
2527 " La Bonne Nouvelle du Christ rénove
constamment la vie et la culture de l’homme déchu : elle combat et
écarte les erreurs et les maux qui proviennent de la séduction
permanente du péché. Elle ne cesse de purifier et d’élever la moralité
des peuples. Par les richesses d’en haut, elle féconde comme de l’intérieur
les qualités spirituelles et les dons propres à chaque peuple et à
chaque âge. Elle les fortifie, les parfait et les restaure dans le Christ "
(GS 58, § 4).
En bref
2528 " Quiconque regarde une femme avec
convoitise a déjà commis dans son cœur l’adultère avec elle "
(Mt 5, 28).
2529 Le neuvième commandement met en garde contre la
convoitise ou concupiscence charnelle.
2530 La lutte contre la convoitise charnelle passe
par la purification du cœur et la pratique de la tempérance.
2531 La pureté du cœur nous donnera de voir Dieu :
elle nous donne dès maintenant de voir toute chose selon Dieu.
2532 La purification du cœur exige la prière, la
pratique de la chasteté, la pureté de l’intention et du regard.
2533 La pureté du cœur demande la pudeur qui est
patience, modestie et discrétion. La pudeur préserve l’intimité de
la personne.
ARTICLE 10
LE DIXIÈME COMMANDEMENT
Tu ne convoiteras ... rien de ce qui est à ton
prochain (Ex 20, 17). Tu ne désireras ni sa maison, ni son champ, ni
son serviteur ou sa servante, ni son bœuf ou son âne : rien de
ce qui est à lui (Dt 5, 21).
Là où est ton trésor, là sera ton cœur (Mt 6,
21).
2534 Le dixième commandement dédouble et complète
le neuvième, qui porte sur la concupiscence de la chair. Il interdit la
convoitise du bien d’autrui, racine du vol, de la rapine et de la
fraude, que proscrit le septième commandement. La " convoitise
des yeux " (cf. 1 Jn 2, 16) conduit à la violence et à
l’injustice défendues par le cinquième précepte (cf. Mi 2, 2). La
cupidité trouve son origine, comme la fornication, dans l’idolâtrie
prohibée dans les trois premières prescriptions de la loi (cf. Sg 14,
12). Le dixième commandement porte sur l’intention du cœur ; il résume,
avec le neuvième, tous les préceptes de la Loi.
I. Le désordre des convoitises
2535 L’appétit sensible nous porte à désirer
les choses agréables que nous n’avons pas. Ainsi désirer manger quand
on a faim, ou se chauffer quand on a froid. Ces désirs sont bons en eux-mêmes ;
mais souvent ils ne gardent pas la mesure de la raison et nous poussent à
convoiter injustement ce qui ne nous revient pas et appartient, ou est dû,
à autrui.
2536 Le dixième commandement proscrit l’avidité
et le désir d’une appropriation sans mesure des biens terrestres ;
il défend la cupidité déréglée née de la passion immodérée
des richesses et de leur puissance. Il interdit encore le désir de
commettre une injustice par laquelle on nuirait au prochain dans ses biens
temporels :
Quand la Loi nous dit : " Vous ne
convoiterez point ", elle nous dit, en d’autres termes,
d’éloigner nos désirs de tout ce qui ne nous appartient pas. Car
la soif du bien du prochain est immense, infinie et jamais rassasiée,
ainsi qu’il est écrit : " L’avare ne sera jamais
rassasié d’argent " (Si 5, 9) (Catech. R. 3, 37).
2537 Ce n’est pas violer ce commandement que de désirer
obtenir des choses qui appartiennent au prochain, pourvu que ce soit par
de justes moyens. La catéchèse traditionnelle indique avec réalisme
" ceux qui ont le plus à lutter contre leurs convoitises
criminelles " et qu’il faut donc " le plus exhorter
à observer ce précepte " :
Ce sont ... les marchands qui désirent la disette
ou la cherté des marchandises, qui voient avec chagrin qu’ils ne
sont pas les seuls pour acheter et pour vendre, ce qui leur
permettrait de vendre plus cher et d’acheter à plus bas prix ;
ceux qui souhaitent que leurs semblables soient dans la misère, afin
de réaliser du profit, soit en leur vendant, soit en leur achetant
... Les médecins qui désirent des malades ; les hommes de loi
qui réclament des causes et des procès importants et nombreux ...
(Catech. R. 3, 37).
2538 Le dixième commandement exige de bannir l’envie
du cœur humain. Lorsque le prophète Nathan voulut stimuler le repentir
du roi David, il lui conta l’histoire du pauvre qui ne possédait
qu’une brebis, traitée comme sa propre fille, et du riche qui, malgré
la multitude de ses troupeaux, enviait le premier et finit par lui voler
sa brebis (cf. 2 S 12, 1.4). L’envie peut conduire aux pires méfaits
(cf. Gn 4, 3-7 ; 1 R 21, 1-29). C’est par l’envie du diable que
la mort est entrée dans le monde (cf. Sg 2, 24-25) :
Nous nous combattons mutuellement, et c’est
l’envie qui nous arme les uns contre les autres ... Si tous
s’acharnent ainsi à ébranler le corps du Christ, où en
arriverons-nous ? Nous sommes en train d’énerver le corps du
Christ ... Nous nous déclarons les membres d’un même organisme et
nous nous dévorons comme le feraient des fauves (S. Jean Chrysostome,
hom. in 2 Cor. 28, 3-4 : PL 61, 594-595).
2539 L’envie est un vice capital. Elle désigne
la tristesse éprouvée devant le bien d’autrui et le désir immodéré
de se l’approprier, fût-ce indûment. Quand elle souhaite un mal grave
au prochain, elle est un péché mortel :
Saint Augustin voyait dans l’envie " le
péché diabolique par excellence " (catech. 4, 8). " De
l’envie naissent la haine, la médisance, la calomnie, la joie causée
par le malheur du prochain et le déplaisir causé par sa prospérité "
(S. Grégoire le Grand, mor. 31, 45 : PL 76, 621).
2540 L’envie représente une des formes de la
tristesse et donc un refus de la charité ; le baptisé luttera
contre elle par la bienveillance. L’envie vient souvent de l’orgueil ;
le baptisé s’entraînera à vivre dans l’humilité :
C’est par vous que vous voudriez voir Dieu
glorifié ? Eh bien, réjouissez-vous des progrès de votre frère,
et, du coup, c’est par vous que Dieu sera glorifié. Dieu sera loué,
dira-t-on, de ce que son serviteur a su vaincre l’envie en mettant
sa joie dans les mérites des autres (S. Jean Chrysostome, hom. in
Rom. 7, 3 : PG 60, 445).
II. Les désirs de l’Esprit
2541 L’économie de la Loi et de la Grâce détourne
le cœur des hommes de la cupidité et de l’envie : elle l’initie
au désir du Souverain Bien ; elle l’instruit des désirs de
l’Esprit Saint qui rassasie le cœur de l’homme.
Le Dieu des promesses a depuis toujours mis l’homme
en garde contre la séduction de ce qui, depuis les origines, apparaît
" bon à manger, agréable aux yeux, plaisant à contempler "
(Gn 3, 6).
2542 La Loi confiée à Israël n’a jamais suffi
à justifier ceux qui lui étaient soumis ; elle est même devenue
l’instrument de la " convoitise " (cf. Rm 7, 7).
L’inadéquation entre le vouloir et le faire (cf. Rm 7, 10) indique le
conflit entre la loi de Dieu qui est la " loi de la raison "
et une autre loi " qui m’enchaîne à la loi du péché qui
est dans mes membres " (Rm 7, 23).
2543 " Maintenant, sans la Loi, la
justice de Dieu s’est manifestée, attestée par la Loi et les prophètes,
justice de Dieu par la foi en Jésus Christ à l’adresse de tous ceux
qui croient " (Rm 3, 21-22). Dès lors les fidèles du Christ
" ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises "
(Ga 5, 24) ; ils sont conduits par l’Esprit (cf. Rm 8, 14) et
suivent les désirs de l’Esprit (cf. Rm 8, 27).
III. La pauvreté de cœur
2544 Jésus enjoint à ses disciples de le préférer
à tout et à tous et leur propose de donner " congé à tous
leurs biens " (Lc 14, 33) à cause de Lui et de l’Evangile
(cf. Mc 8, 35). Peu avant sa passion il leur a donné en exemple la pauvre
veuve de Jérusalem qui, de son indigence, a donné tout ce qu’elle
avait pour vivre (cf. Lc 21, 4). Le précepte du détachement des
richesses est obligatoire pour entrer dans le Royaume des cieux.
2545 Tous les fidèles du Christ ont " à
régler comme il faut leurs affections pour que l’usage des choses du
monde et un attachement aux richesses contraire à l’esprit de pauvreté
évangélique ne les détourne pas de poursuivre la perfection de la
charité " (LG 42).
2546 " Bienheureux les pauvres en esprit "
(Mt 5, 3). Les béatitudes révèlent un ordre de félicité et de grâce,
de beauté et de paix. Jésus célèbre la joie des pauvres, à qui est déjà
le Royaume (cf. Lc 6, 20) :
Le Verbe appelle ‘pauvreté dans l’esprit’
l’humilité volontaire d’un esprit humain et son renoncement ;
et l’Apôtre nous donne en exemple la pauvreté de Dieu quand il dit :
‘Il s’est fait pauvre pour nous’ (2 Co 8, 9) (S. Grégoire de
Nysse, beat. 1 : PG 44, 1200D).
2547 Le Seigneur se lamente sur les riches, parce
qu’ils trouvent dans la profusion des biens leur consolation (Lc 6, 24).
" L’orgueilleux cherche la puissance terrestre, tandis que le
pauvre en esprit recherche le Royaume des Cieux " (S. Augustin,
serm. Dom. 1, 1, 3 : PL 34, 1232). L’abandon
à la Providence du Père du Ciel libère de l’inquiétude du lendemain
(cf. Mt 6, 25-34). La confiance en Dieu dispose à la béatitude des
pauvres. Ils verront Dieu.
IV. " Je veux voir Dieu "
2548 Le désir du bonheur véritable dégage
l’homme de l’attachement immodéré aux biens de ce monde, pour
s’accomplir dans la vision et la béatitude de Dieu. " La
promesse de voir Dieu dépasse toute béatitude. Dans l’Écriture, voir
c’est posséder. Celui qui voit Dieu a obtenu tous les biens que l’on
peut concevoir " (S. Grégoire de Nysse, beat. 6 : PG 44,
1265A).
2549 Il reste au peuple saint à lutter, avec la grâce
d’en haut, pour obtenir les biens que Dieu promet. Pour posséder et
contempler Dieu, les fidèles du Christ mortifient leur convoitises et ils
l’emportent, avec la grâce de Dieu, sur les séductions de la
jouissance et de la puissance.
2550 Sur ce chemin de la perfection, l’Esprit et
l’Epouse appellent qui les entend (cf. Ap 22, 17) à la communion
parfaite avec Dieu :
Là sera la véritable gloire ; personne n’y
sera loué par erreur ou par flatterie ; les vrais honneurs ne
seront ni refusés à ceux qui les méritent, ni accordés aux
indignes ; d’ailleurs nul indigne n’y prétendra, là où ne
seront admis que ceux qui sont dignes. Là régnera la véritable paix
où nul n’éprouvera d’opposition ni de soi-même ni des autres.
De la vertu, Dieu lui-même sera la récompense, lui qui a donné la
vertu et s’est promis lui-même à elle comme la récompense la
meilleure et la plus grande qui puisse exister : " Je
serai leur Dieu et ils seront mon peuple " (Lv 26, 12) ...
C’est aussi le sens des mots de l’apôtre : " Pour
que Dieu soit tout en tous " (1 Co 15, 12). Il
sera lui-même la fin de nos désirs, lui que nous contemplerons sans
fin, aimerons sans satiété, louerons sans lassitude. Et ce don,
cette affection, cette occupation seront assurément, comme la vie éternelle,
communs à tous ". (S. Augustin, civ. 22, 30).
En bref
2551 " Là où est ton trésor, là sera
ton cœur " (Mt 6, 21).
2552 Le dixième commandement défend la cupidité
déréglée, née de la passion immodérée des richesses et de leur
puissance.
2553 L’envie est la tristesse éprouvée devant
le bien d’autrui et le désir immodéré de se l’approprier. Elle
est un vice capital.
2554 Le baptisé combat l’envie par la
bienveillance, l’humilité et l’abandon à la providence de Dieu.
2555 Les fidèles du Christ " ont crucifié
la chair avec ses passions et ses convoitises " (Ga 5, 24) ;
ils sont conduits par l’Esprit et suivent ses désirs.
2556 Le détachement des richesses est nécessaire
pour entrer dans le Royaume des Cieux. " Bienheureux les
pauvres de cœur ".
2557 L’homme de désir dit : " Je
veux voir Dieu ". La soif de Dieu est étanchée par l’eau
de la vie éternelle (cf. Jn 4, 14).
|